Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Micheline Jacques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite du dernier comité interministériel des outre-mer, qui s’est tenu le 18 juillet dernier, nos collègues du groupe RDPI ont souhaité nous réunir pour débattre de la mise en œuvre des mesures arrêtées à cette occasion.

Je tiens tout d’abord à saluer cette initiative, qui permet d’allouer un temps aux parlementaires, après la séquence de suivi réservée aux exécutifs locaux. Certaines mesures devant en effet trouver une traduction législative, le débat de ce jour permettra d’éclairer le Sénat sur la méthode et le calendrier envisagés par le Gouvernement. On ne peut que s’en féliciter.

Dans le cadre de la mission de contrôle du Sénat, la délégation aux outre-mer, que j’ai l’honneur de présider, a désigné des binômes de référents chargés notamment du suivi des mesures du Ciom.

Ceux-ci seront, au sein de chacune des commissions, un relais pour leurs collègues des autres commissions et veilleront à s’assurer que les mesures du Ciom ont bien été traduites dans les projets de loi ou trouvent à s’y appliquer. Je sais gré aux présidents de commission d’avoir réservé un accueil favorable à cette organisation.

Le président du Sénat, Gérard Larcher, a également annoncé le dépôt et l’inscription à l’ordre du jour de nos travaux en séance publique, une fois par an, d’une proposition de loi d’adaptation du droit des outre-mer. Il s’agit, notamment, d’une recommandation du rapport d’information fondateur intitulée Différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure ?, rédigé par l’ancien président de notre délégation sénatoriale aux outre-mer, Michel Magras. Ce travail offrira, en tant que de besoin, un véhicule législatif supplémentaire, notamment pour la traduction des décisions arrêtées dans le cadre du rendez-vous annuel du Gouvernement autour des outre-mer. Ces rendez-vous consacrés aux outre-mer permettront, je le souhaite, de contribuer à limiter le recours aux ordonnances pour l’adaptation du droit aux outre-mer, qui doit encore progresser.

S’agissant des mesures du Ciom elles-mêmes, je note avec satisfaction la place faite aux dispositions d’acclimatation normative, dont certaines rejoignent des préconisations sénatoriales. C’est le cas de la substitution du marquage « régions ultrapériphériques » (RUP) au marquage « conformité européenne » (CE), qui vise à faciliter les importations régionales de matériaux de construction.

La délégation sénatoriale aux outre-mer a d’ailleurs préconisé l’établissement d’un référentiel d’équivalence régionale dans le rapport d’information sur la politique du logement social dans les outre-mer dont j’étais l’une des rapporteurs. Comment comprendre que la Guyane doive encore importer son bois de charpente de Scandinavie alors qu’elle est frontalière du Brésil ? (M. Philippe Folliot acquiesce.)

De plus, je vois dans ce marquage une mesure de nature à lutter structurellement contre la vie chère et à favoriser l’augmentation de la production de logements.

Plus généralement, je note avec intérêt les mesures relevant de la coopération régionale, qui feront, là encore, l’objet d’un suivi d’autant plus attentif que la délégation aux outre-mer a engagé une étude triennale sur ce sujet.

S’agissant de l’adaptation de l’habitat aux conséquences des changements climatiques, j’ai eu l’occasion de m’étonner du report en 2028, et même en 2030, de l’entrée en vigueur du diagnostic de performance énergétique (DPE), à Mayotte. Le délai de cinq ans prévu pour son adaptation aux outre-mer me semble long et exclut ces territoires du bénéfice du dispositif MaPrimeRénov’. La Guadeloupe et la Martinique ont pourtant, dans le cadre d’habilitations législatives, fixé leurs critères de performance énergétique. Pourrez-vous m’éclairer sur les raisons de ce délai, monsieur le ministre ?

En résumé, la méthode qui nous est présentée pour mieux prendre en compte les besoins d’adaptation des politiques publiques à la réalité des outre-mer me semble bienvenue. Cela dit, tant l’ordre du jour des Ciom que la régularité de leur convocation relèvent de la politique de chaque gouvernement. Outre que ces réunions sont complémentaires du travail parlementaire – cela va sans dire –, elles ne sauraient nous dispenser d’un débat de fond, notamment sur la rénovation du cadre constitutionnel qui régit les outre-mer.

S’agissant plus particulièrement de Saint-Barthélemy, le Gouvernement a répondu à la demande de création d’une agence territoriale de santé par l’annonce d’un comité territorial de l’aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires (Cotamups). Cela me semble un outil pertinent pour répondre aux besoins du territoire en matière d’organisation des soins et de gestion des évacuations sanitaires. Comme vous le savez, le Sénat a adopté à l’unanimité la proposition de loi organique visant à permettre à Saint-Barthélemy de participer à l’exercice de compétences de l’État, notamment en matière de financement des établissements hospitaliers, que j’ai déposée. L’adoption définitive de ce texte – la navette parlementaire se poursuit – permettrait de compléter le dispositif opérationnel.

Enfin, je ne saurais conclure sans insister pour connaître la date de présentation au Parlement du rapport sur l’organisation sanitaire et la sécurité sociale, qui est attendu depuis août 2022 et m’est annoncé chaque semaine comme imminent.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les outre-mer, ce sont 2,6 millions de Français, onze régions et collectivités territoriales réparties à travers trois océans, 95 % de notre espace maritime. C’est la présence de la France aux quatre coins du globe, un atout en matière de diplomatie et de défense, une dynamique évidente pour le tourisme, une diversité et une richesse culturelle indiscutables.

Les outre-mer sont confrontés aux mêmes défis que l’Hexagone, avec des intensités parfois encore plus fortes : le chômage et l’inflation, l’immigration clandestine et l’insécurité, le climat et les énergies, l’eau et le logement. Les sujets sont plus ou moins prégnants selon les territoires. Les traiter exige une bonne connaissance des réalités locales, requiert de s’appuyer sur les bons interlocuteurs et nécessite des actions bien ciblées, avec une meilleure coordination des politiques de l’État.

La mise en place du Ciom, qui fait suite aux Assises des outre-mer, était nécessaire. Elle traduit la volonté affichée par le Gouvernement de s’engager politiquement, donc budgétairement, dans ce dossier. Entre 2017 et 2022, plus de 120 milliards d’euros ont été investis dans la santé, les infrastructures, le logement ou la sécurité. Près de 1 300 fonctionnaires supplémentaires ont été déployés dans les forces de sécurité, 55 000 logements sociaux ont été construits ou réhabilités, 92 millions d’euros ont été consacrés à la lutte contre la pollution au chlordécone, 33 000 jeunes ont été accompagnés vers l’emploi grâce au service militaire adapté (SMA).

Il serait donc injuste de dire que rien n’a été fait en faveur des outre-mer lors du premier quinquennat. Nous constatons toutefois que les problèmes demeurent, en grande partie à cause de facteurs extérieurs et mondiaux, voire que les écarts se creusent.

Réuni au mois de juillet dernier, le Ciom affichait l’objectif ambitieux de proposer des solutions concrètes aux problématiques spécifiques dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) et collectivités d’outre-mer (COM). Les élus ultramarins, tout comme nos concitoyens d’outre-mer, sont devenus prudents en la matière. Une simple volonté de bien faire ne leur suffit plus : ils craignent les coquilles vides.

C’est tout l’objet de notre débat aujourd’hui. Monsieur le ministre, comment comptez-vous mettre en œuvre les mesures du Ciom ? Selon quel ordre de priorité ? Sous quels délais ? Ce comité a adopté soixante-douze mesures, dont certaines avaient déjà été proposées par la délégation sénatoriale aux outre-mer. Nous avons eu l’occasion d’en examiner certaines la semaine dernière, en débattant des crédits de la mission correspondante dans le projet de loi de finances pour 2024.

Globalement comme dans le détail, les mesures issues du Ciom semblent adaptées aux défis : aides à la mobilité entre Hexagone et outre-mer, réforme de l’octroi de mer, renforcement du contrôle de la concurrence ou encore développement des centres de formation d’apprentis (CFA), pour ne citer que quelques exemples.

Ne pouvant parler de tous les sujets, je concentrerai mon propos sur l’évolution démographique aux Antilles. En Guadeloupe et en Martinique notamment, la population vieillit et diminue. Ce n’est pas seulement que sa croissance ralentit : c’est une baisse nette. En Guadeloupe, le nombre d’habitants diminue en moyenne de près de 1 % par an.

Cette baisse est en partie liée au recul du taux de natalité, qui touche l’ensemble des pays occidentaux. Elle est aussi et surtout due au départ des jeunes, qui partent étudier dans l’Hexagone et qui, par manque d’opportunités professionnelles ou par choix de vie, ne reviennent pas. Nous avons évoqué le sujet ce matin lors d’une réunion de la délégation aux outre-mer : il semblerait que le Québec attire nombre de jeunes.

Cela nous interroge sur l’attractivité et le développement économique des Antilles, comme sur la prise en charge de la dépendance à l’avenir. Actuellement, le système tient en partie grâce à la solidarité familiale, mais, si les enfants sont à plusieurs milliers de kilomètres, le problème sera d’une autre ampleur.

Monsieur le ministre, ma question est assez simple à formuler. Y répondre, j’en conviens, est beaucoup plus complexe. Comment comptez-vous créer les conditions qui feront que les jeunes resteront ou reviendront aux Antilles, voire que des Hexagonaux viendront s’y installer ?

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe RDPI d’avoir proposé ce débat : parler des outre-mer au Sénat – ou au sein de toute autre assemblée – est toujours une très bonne chose. Le Ciom ne couvre pas tous les territoires ultramarins, puisqu’il exclut notamment le secteur pacifique. Il est essentiel d’avoir des discussions qui concernent tous les outre-mer dans leur globalité.

Monsieur le ministre délégué, je vous remercie d’être là. On peut regretter l’absence du ministre de l’intérieur et des outre-mer. Je vais vous dire les choses de manière directe : j’espère que vous deviendrez très prochainement ministre de plein exercice !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Le ministre rougit… (Sourires sur les travées du groupe RDPI.)

M. Philippe Folliot. Je souhaite que les outre-mer ne soient plus pas rattachés au ministère de l’intérieur, où l’on constate qu’ils ne sont pas prioritaires dans l’agenda du ministre, ce qui est regrettable.

Les soixante-douze mesures du Ciom sont intéressantes, même si certaines sont anecdotiques. Le point central en est la réforme de l’octroi de mer, qu’il faut entreprendre en étroite collaboration avec les collectivités, car elles seront les premières concernées par ses conséquences.

On peut toutefois regretter l’absence d’une stratégie globale dans la politique de l’État vis-à-vis de nos outre-mer : pas de grand souffle, pas de perspective.

Je citerai un exemple concret : l’OCDE a annoncé que, dans les dix ans à venir, la taille de l’économie bleue doublera à l’échelle mondiale. Pour la France, cela représente 90 milliards d’euros, 360 000 emplois directs et 500 000 emplois indirects. Si notre pays, déjà tourné vers la mer et les outre-mer, suivait la moyenne mondiale en termes de progression de l’économie bleue, cela permettrait de créer 300 000 emplois dans les dix prochaines années. Si l’État faisait montre de volontarisme, nous pourrions faire en sorte que 10 % à 20 % de ces emplois soient créés outre-mer : ce seraient 50 000 emplois nouveaux.

Certes, cette progression ne sera pas uniforme dans tous les secteurs d’activité. Personne n’envisage une progression similaire dans le secteur de l’énergie offshore, que ce soit le pétrole, le gaz ou autre, ou dans celui de la pêche, mais dans d’autres secteurs, comme les énergies marines renouvelables ou l’aquaculture par exemple, les perspectives sont intéressantes, notamment pour nos outre-mer.

On peut donc déplorer l’absence d’un cadre, d’un souffle, d’une volonté et d’objectifs visant à faire des outre-mer une chance exceptionnelle pour notre pays.

La France dispose du premier domaine maritime au monde, 97,5 % se trouvent outre-mer. Comment le valoriser mieux pour offrir des perspectives à ces territoires ? Nous devons sortir des logiques d’accompagnement social de nos outre-mer pour aller vers de véritables stratégies de développement économique. Faire de nos outre-mer de petits Singapour francophones disposés aux quatre coins de la planète : voilà une perspective réellement positive ! Au-delà des enjeux quotidiens, nous devons fixer un cap et une vision pour les outre-mer.

Lors de l’examen de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, j’ai signalé que l’état de déshérence des forces de souveraineté, que l’on constatait parfois, était une problématique pour nos départements, collectivités et territoires d’outre-mer. La présence militaire a en effet des implications géostratégiques et économiques non négligeables.

La France fait partie des cinq pays de l’Union européenne qui ont des possessions outre-mer. Pour autant, pour les quatre autres – le Danemark, les Pays-Bas, l’Espagne et le Portugal –, celles-ci sont situées uniquement dans l’Atlantique. La France est la seule à être présente dans l’Indo-Pacifique. Partout où nos forces armées sont présentes outre-mer, cela crée des emplois directs ou induits. Pourtant, en trente ans, les effectifs des forces de souveraineté y sont passés de 15 000 à moins de 7 000, ce qui a des conséquences géostratégiques, mais aussi économiques.

On pourrait multiplier les exemples, mais la seule question qui vaille est la suivante. Quelle politique, quelle stratégie et quelle volonté réelle avons-nous vis-à-vis de nos outre-mer ? Voulons-nous en faire une chance pour notre pays, un élément positif et distinctif dans le concert des nations ?

Je partage la vision selon laquelle nos outre-mer sont non pas une charge, mais une formidable opportunité. Il faut mettre en place un cadre pour valoriser cette opportunité. En dehors des éléments discutés lors du Ciom, monsieur le ministre, nous attendons de vous et du Gouvernement que vous définissiez un cap, une stratégie, une volonté et une réelle ambition pour les outre-mer.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Je remercie à mon tour le groupe RDPI de cette belle initiative.

Monsieur le sénateur Verzelen, vous avez rappelé tout ce qui a été réalisé depuis 2017, et vous avez eu raison, car la mémoire peut être fugace…

Le budget des outre-mer s’élève à 3 milliards d’euros pour 2024, monsieur Folliot. Dans l’ensemble des ministères, il atteint 22 milliards d’euros – et cette dimension interministérielle démontre bien la forte volonté du Gouvernement de considérer les outre-mer comme partie intégrante de la politique de la France. Comme je le dis souvent au Sénat, la France sans ses outre-mer ne serait pas la France, et inversement.

Monsieur le sénateur Verzelen, vous avez raison d’appeler l’attention sur le besoin d’aider les jeunes formés ailleurs à retourner au pays. Le dispositif Cadres d’avenir permet de financer dans l’Hexagone une formation qui n’est pas dispensée dans les territoires ultramarins. En contrepartie, nous demandons aux jeunes ainsi formés de revenir dans ces territoires, inversant ainsi la logique qui encourageait autrefois leur départ. Cette mesure est très attendue. Vous pouvez en être de très bons ambassadeurs, mesdames, messieurs les sénateurs.

Il est essentiel de restaurer un climat de confiance, comme je l’ai souligné dans ma première intervention. Un rendez-vous pour évaluer la mise en œuvre des soixante-douze mesures était prévu au mois de juillet 2024, mais j’ai souhaité en organiser un dès le mois de novembre 2023 ; j’en organiserai probablement d’autres aux mois de février et mai prochains. Nous aurons donc de multiples occasions de parler et d’agir, d’agir encore.

Mme la présidente. La parole est à M. Akli Mellouli. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Akli Mellouli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue également cette initiative du groupe RDPI, car ce temps de discussion est nécessaire, au milieu du tumulte de la vie et des différentes obligations. Nous ne nions pas le travail accompli, monsieur le ministre, mais nous sommes là pour essayer d’apporter des améliorations. C’est comme pour les trains : on ne parle pas des trains qui arrivent à l’heure, mais on insiste toujours sur ceux qui arrivent en retard, pour essayer de faire mieux…

Le Ciom a prévu qu’un comité de suivi serait convoqué à intervalles réguliers. Le Gouvernement a réuni ce comité les 23 et 24 novembre dernier. Cet exercice a le mérite d’exister, d’autant plus qu’il est réalisé territoire par territoire, afin de prendre en compte les singularités de chacun – c’est donc bien du sur-mesure. Le principe d’égalité n’empêche en rien la différenciation, lorsque celle-ci permet de gagner en efficience au service des Français.

Si nous saluons cette approche, qui permet de tenir compte des réalités spécifiques de chaque territoire, nous pouvons aller plus loin dans la concertation, monsieur le ministre, et ainsi mieux mobiliser toutes les énergies vives de la Nation dans l’intérêt de nos compatriotes des outre-mer.

Ainsi, nous ne comprenons pas pourquoi lors du premier comité de suivi des 23 et 24 novembre dernier, qui réunissait les élus, les membres ultramarins du Conseil économique, social et environnemental (Cese) n’ont pas été invités. Nous connaissons tous la qualité du travail du Cese, troisième Assemblée de la République, sur ces problématiques. Mon propre parcours syndical et associatif m’y a rendu particulièrement sensible. Pourquoi nous priver de cette énergie ? Monsieur le ministre, soyons rationnels et faisons appel à l’intelligence collective pour produire de la valeur ajoutée et coconstruire des politiques dignes pour nos concitoyens des outre-mer.

Au-delà des comités de suivi, que nous saluons, nous vous proposons, monsieur le ministre, que les trois délégations aux outre-mer, du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Cese évaluent ces mesures, en lien avec les acteurs des territoires et la déclinaison territoriale du Cese, les Ceser (conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux) : chacun pourra organiser en son sein des groupes de travail thématiques. Cette proposition nous permettra à nous, sénateurs non ultramarins, de suivre les travaux et d’être force de proposition en permanence, afin de soutenir nos outre-mer et nos compatriotes ultramarins. Nous devons en effet montrer qu’y compris en métropole nous avons le souci de la vie aux outre-mer, que nous sommes tous embarqués dans cette communauté de destin.

Comme nous l’avons dit lors de l’examen du projet de loi de finances, la réforme de l’octroi de mer, qui doit être coconstruite, est l’un des leviers de transformation essentiels. Comment accepter que ce soient les plus pauvres qui paient leur développement sur nos territoires ? Il faudra adapter notre fiscalité et nos ressources ; sinon, cette réforme sera vécue, à juste titre, comme une injustice. Or il est impératif de renforcer le lien avec nos compatriotes d’outre-mer.

Pour cela, monsieur le ministre, il est grand temps de passer d’une politique descendante, pour ne pas dire condescendante, à une politique ascendante, qui mobiliserait toutes les énergies vives des territoires, notamment les Ceser.

N’oublions pas l’évaluation, qui est nécessaire. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, sensible à la protection du climat et au plan national d’adaptation au changement climatique, a déposé un amendement, qui n’a pas été adopté, mais visant à abonder de 100 millions d’euros les crédits de la politique de l’eau, essentielle à la vie. Les Ultramarins souffrent des difficultés dans la gestion de l’eau sur leurs territoires : il faut mettre en place un véritable plan Eau, notamment pour lutter contre les fuites.

Monsieur le ministre, avec les soixante-douze mesures du Ciom, vous avez l’occasion de renouveler notre approche et les modalités du dialogue, avec l’ensemble de nos territoires, au-delà des outre-mer. Saisissons-la ! Les territoires d’outre-mer peuvent devenir de fabuleux laboratoires d’expérimentations et pourraient enrichir la prochaine étape, nécessaire, de la décentralisation.

Le rapport du Conseil d’État « L’usager, du premier au dernier kilomètre : un enjeu d’efficacité de l’action publique et une exigence démocratique » le montre bien. Monsieur le ministre, il faut penser le premier kilomètre pour ne pas panser le dernier !

C’est cet esprit que nous devons développer. Pouvons-nous nous priver de l’intelligence collective, au moment où l’on essaie de produire de la valeur ajoutée avec l’intelligence artificielle ? Monsieur le ministre, faisons appel à l’intelligence collective, soyons solidaires et coconstruisons ensemble des plans d’action pour nos compatriotes des outre-mer ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous faites appel à l’intelligence collective. C’est ce que j’essaie de faire en étant à l’écoute des territoires, en proposant de coconstruire avec eux. Quant au premier kilomètre, je crois en avoir parlé il y a longtemps à l’Assemblée nationale. En effet, tout doit partir de la base. C’est ce que je propose pour l’octroi de mer, afin d’aider à l’appropriation de la réforme et pour favoriser l’association du monde économique.

Vous dites que le Cese n’a pas été convié à nos travaux. Ce n’est pas exact. Une séquence a été exclusivement consacrée au monde économique, qui a contribué à cette réflexion. J’ai également intégré les consommateurs dans cette réflexion, comme l’a souligné Audrey Bélim.

Monsieur Folliot, vous avez plutôt de la chance. En effet, avec Gérald Darmanin et moi-même, vous savez deux ministres de l’outre-mer pour le prix d’un et leur engagement est total ! (Sourires.) Travailler au quotidien avec M. Darmanin est une chance, car cela nous permet de réagir rapidement lorsque des besoins de sécurité se présentent dans les territoires ultramarins – cela s’est produit, par exemple, lorsque j’étais à Mayotte la semaine dernière. Nous faisons régulièrement le point ensemble, nous définissons ensemble les priorités : il n’y a pas entre nous l’espace d’une feuille de papier à cigarette.

Vous avez insisté sur certains points, ce qui ne me surprend pas, car nous nous connaissons depuis de longues années, monsieur le sénateur Mellouli. Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres, à vous qui êtes sensible à l’armée. Nous avons alloué 5 milliards d’euros de plus pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie. Vous n’avez pas mentionné le régiment du service militaire adapté (RSMA), qui a permis à 7 200 jeunes de vivre une expérience extraordinaire : d’ailleurs, 85 % d’entre eux sortent avec un projet de vie. Cela se déroule uniquement dans les outre-mer, pas dans l’Hexagone.

Vous avez évoqué l’écologie bleue. Certes, mais n’attendez pas du Gouvernement qu’il conçoive tout et mette en place les outils économiques, vous qui êtes un décentralisateur – c’est à y perdre son latin. Les zones franches existent déjà, de même que la défiscalisation et la réduction des charges sociales jusqu’en 2028. Ne demandez pas au Gouvernement ni même aux parlementaires de concevoir les politiques à la place des élus locaux. Si des propositions doivent être accompagnées, vous savez que vous pouvez compter sur moi. Soyez donc des agitateurs des territoires, pour que nous puissions mieux accompagner les initiatives locales. Je serai au rendez-vous.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Wienie Xowie.

M. Robert Wienie Xowie. Madame la présidente, Monsieur le ministre, mes chers collègues, la première mesure annoncée à la suite du Ciom est cruciale : elle touche à l’octroi de mer. Toutefois, une telle réforme doit être envisagée avec précaution. En plus d’être consultées, les parties prenantes doivent disposer des éléments nécessaires à l’évaluation des choix envisagés, car, en matière d’octroi de mer, il n’est jamais seulement question d’un taux. À titre d’exemple, à La Réunion, la région a appliqué un taux zéro sur les produits de première nécessité et, malgré cela, le prix de certains produits reste supérieur à ceux d’ici.

Vous saisissez dès lors l’enjeu de cette réforme. Nous demandons au Gouvernement de garantir le même niveau de recettes pour les collectivités et, surtout, que celles-ci restent un levier à leur disposition, car c’est une compétence fiscale essentielle. Quelles sont donc les pistes de réforme ? Nous serons extrêmement vigilants.

Je tiens à évoquer également un point sur lequel je suis intervenu devant notre délégation aux outre-mer et qui me tient à cœur : la continuité intérieure. S’il est souvent question dans nos échanges de la continuité avec l’Hexagone, la continuité intérieure des territoires ultramarins soulève des difficultés doubles, voire triples, comme on peut le lire dans le rapport d’information de la délégation, du fait de l’éloignement des îles, particulièrement en Nouvelle-Calédonie. Il est parfois moins cher de se rendre dans l’Hexagone que dans nos îles, ce qui n’est absolument pas tenable. L’éloignement ne doit pas être une fatalité qui condamne des habitants à l’isolement.

Pour y remédier, il nous faut avoir en tête la répartition des compétences en la matière : l’État gère les aéroports internationaux et apporte une contribution financière au titre de la continuité intérieure. Un tel partage existe aussi en Polynésie.

Voilà l’enjeu du coût de la vie dans les outre-mer. Il nous faut y répondre vite et efficacement.

Je réitère ainsi les propos que j’ai tenus ce lundi dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances : l’État et le Gouvernement refusent d’octroyer une juste retraite à nos fonctionnaires. Mes chers collègues, monsieur le ministre, soyons à la hauteur des enjeux !

Pour conclure, je tiens à évoquer la situation du Pays, en Nouvelle-Calédonie.

Le Gouvernement français doit tout d’abord mieux accompagner le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie dans la gestion de la compétence sport, qui a été transférée dans le cadre des accords politiques de rééquilibrage et d’émancipation.

Le plan stratégique de la pratique sportive, adopté par le Congrès en 2019, a dégagé quatre axes : améliorer la gouvernance du sport, développer l’activité physique et sportive comme vecteur de cohésion sociale et de santé, faire du sport un vecteur de développement du territoire et accompagner l’accès au sport de haut niveau.

À ce titre, l’action de l’Agence nationale du sport française doit faire siens ces fondamentaux et en accompagner la mise en œuvre.

La mission d’appui au sport placée auprès du Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie doit cesser d’appliquer des axes de développements contraires à l’esprit et à la lettre de l’accord de Nouméa.

Par ailleurs, la Nouvelle-Calédonie, vainqueur des XVIIes jeux du Pacifique aux îles Salomon le 2 décembre dernier, dispose d’atouts et d’opportunités qu’il faut soutenir. Les premiers jeux francophones d’Océanie, qui se dérouleront à Wé, Lifou, au mois d’avril prochain en sont une occasion.

Plus généralement, seul un consensus pourra stabiliser la situation politique du Pays. À l’inverse, l’absence d’accord serait un risque. Elle n’est pas une option.

Il est de la responsabilité du Gouvernement de rechercher ce consensus. Organiser des réunions avec tout le monde ne suffit pas pour qu’un accord émerge, ces rencontres se transformant rapidement en monologues.

Pour obtenir un consensus, il faut tout simplement en créer les conditions. Le Gouvernement y est-il prêt ?