compte rendu intégral

Présidence de M. Dominique Théophile

vice-président

Secrétaires :

Mme Véronique Guillotin,

M. Philippe Tabarot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

réforme des redevances des agences de l’eau

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, auteure de la question n° 998, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Marion Canalès. Dans un contexte de réchauffement climatique ayant pour conséquence directe une multiplication des périodes de stress hydrique à l’échelon national et une raréfaction de cette ressource essentielle, une réflexion globale doit être menée avec tous les acteurs concernés autour des enjeux de gestion, de préservation, mais aussi de financement des politiques dédiées à l’eau. Il s’agit de penser global et d’agir local.

C’est ainsi qu’en conclusion des Assises de l’eau organisées en 2019 a été annoncée une réforme des redevances des agences de l’eau. Cette réforme s’est fait attendre jusqu’à l’adoption de la loi de finances pour 2024, qui renforce les principes préleveur-payeur et pollueur-payeur au travers de deux mesures.

Tout d’abord, il s’est agi d’augmenter de 10 millions d’euros le montant de la redevance pour le prélèvement de l’eau due par les agriculteurs irrigants, afin de tendre vers un système plus sobre, plus résilient et plus concerté.

Ensuite a été prévue une augmentation de 20 % de la redevance pour pollutions diffuses (RPD). Cette taxe, perçue sur les ventes de pesticides, finance directement les programmes de traitement des eaux des agences de l’eau, ainsi que les mesures du plan Écophyto, qui prévoit de réduire de moitié l’usage des pesticides d’ici à 2030. Cette mesure n’a pas été tout à fait à la hauteur. Pourtant, il serait moins coûteux de lutter contre la pollution avant qu’elle ne survienne, plutôt que de traiter l’eau a posteriori pour l’alimentation en eau potable.

Cela représente une diminution de 47 millions d’euros pour le financement d’un plan Eau qui prévoit de doter les agences de l’eau de 475 millions d’euros supplémentaires chaque année. Cette hausse annuelle du financement se révèle nécessaire au regard des enjeux, mais aussi des efforts très importants que doivent supporter les collectivités territoriales pour le traitement de cette ressource rare.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour tenir les engagements financiers annoncés ? Selon vous, qui assumera les deltas et compensera les millions d’euros qui manqueront, afin de garantir la mise en œuvre pleine et entière du plan Eau ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Marion Canalès, vous l’avez précisé, la loi de finances pour 2024 comporte des évolutions significatives en matière fiscale, qui concourent au financement du plan Eau et renforcent les incitations concernant le comptage de l’eau prélevée, la sobriété de son usage – un enjeu majeur, comme nous le voyons de plus en plus chaque jour – et la performance des services d’eau potable et d’assainissement.

Ainsi, les redevances qui s’appliquent aux usagers raccordés aux réseaux d’eau potable et d’assainissement sont réformées en profondeur afin de donner aux instances des agences de l’eau davantage de latitude pour inciter financièrement ces services publics à accroître leur performance, en particulier pour réduire les fuites des réseaux et améliorer la qualité des rejets.

Tous les usagers, domestiques ou industriels, à l’exception des éleveurs pour l’abreuvement des animaux, seront également assujettis sur des bases identiques.

La redevance de prélèvement est également modifiée en profondeur, avec un relèvement des taux plafonds pour les différentes catégories d’usage afin de tenir compte de l’inflation intervenue depuis sa création. Un taux plancher est également introduit en métropole pour chaque usage, à l’instar de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau qui s’applique dans les outre-mer, ce qui a une conséquence pour les énergéticiens.

Ces taux planchers ont pour conséquence une augmentation des rendements de 120 millions d’euros – 100 millions d’euros pour l’énergie nucléaire et 20 millions d’euros pour l’industrie. Ces taux sont nuls à ce stade pour l’irrigation gravitaire et non gravitaire, avec la perspective de déterminer une trajectoire pluriannuelle d’évolution de ces planchers à compter de l’an prochain.

Par ailleurs, des dispositions sont introduites pour inciter au comptage de l’eau, avec la majoration de la redevance en cas d’absence ou de défaillance du système de comptage et l’augmentation progressive du forfait retenu pour l’irrigation gravitaire à défaut de dispositif de comptage.

Enfin, si les taux de la redevance pour pollutions diffuses sont inchangés pour l’année 2024, le principe d’une trajectoire pluriannuelle de hausse a été acté à partir de 2025 ; son ampleur et son rythme feront l’objet de discussions qui vont s’engager dès maintenant. Ce sont bien 475 millions d’euros supplémentaires par an que nous devons globalement apporter aux acteurs de l’eau.

projet de prolongement du téléphérique de la grave – la meije

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 1009, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre, un vieux téléski permet actuellement aux skieurs de se rendre au sommet du glacier de la Girose, situé sur la commune de La Grave, dans les Hautes-Alpes, au pied du massif de La Meije. Ce dernier fonctionne depuis des années au fioul ; un petit tracteur sert également à transporter les skieurs jusqu’à la remontée mécanique, laquelle doit être démontée.

Le futur aménagement, plus respectueux de l’environnement que le système actuel, a trois objectifs majeurs : préserver le glacier, grâce au démontage de l’installation existante et à l’installation d’un unique pylône ; sauvegarder une trentaine d’emplois dans un petit territoire de haute montagne ; maintenir une activité économique dans ce bassin de vie et d’emploi.

Comme tout projet d’aménagement, celui-ci a suivi le parcours classique : dépôt de permis de construire, lequel a été obtenu, réalisation d’études d’impact, respect des procédures de recours. Le maire de La Grave, Jean-Pierre Pic, que je salue amicalement, a bien sûr lancé les habituelles procédures de consultation des entreprises et attribué les marchés.

Il se trouve qu’une zone à défendre (ZAD) a été créée par quelques mouvements radicaux, opposés à tout aménagement en montagne – on les voit d’ailleurs agir dans d’autres contextes. Le ministre, qui a été interpellé sur ce sujet, dans cet hémicycle, par le président du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires au Sénat, a fait part de la volonté gouvernementale de lancer une mission d’appui, à l’échelon local, en vue « d’interroger le modèle touristique proposé au regard de la protection forte qu’il convient d’instaurer et, le cas échéant, de faire évoluer le projet afin d’en réduire l’impact, voire de lui substituer un projet alternatif durable ». Quels sont les objectifs de cette mission d’appui ?

Je souhaite que « l’écologie à la française » qu’appelle de ses vœux le Président de la République s’applique à ce projet et que celui-ci soit réalisé, car il aura un impact globalement positif pour le territoire concerné.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Jean-Michel Arnaud, le projet auquel vous faites référence consiste en la prolongation d’un téléphérique dans la station de La Grave. Il a été autorisé par la commune, qui a instruit et délivré un permis de construire le 3 avril 2023.

Les glaciers représentent environ 10 % de la surface des terres émergées. Ils remplissent des rôles majeurs dans le fonctionnement des différents cycles structurants, tels que la séquestration du carbone, le cycle de l’eau ou les habitats du vivant, essentiels à la vie sur terre. L’accélération du réchauffement et du dérèglement climatique menace en premier lieu ces territoires.

Le Président de la République a insisté, à l’occasion du One Planet  Polar Summit, qui a réuni une quarantaine de représentants d’États à Paris au mois de novembre dernier, sur la nécessité de renforcer la protection des glaciers et de la cryosphère à l’échelle mondiale et à celle de la France.

À ce jour, près de 60 % des glaciers de l’Hexagone sont sous régime de protection forte, de même que tous les glaciers ultramarins. L’enjeu est que tous nos glaciers relèvent, à terme, de ce régime.

Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement prépare une initiative copilotée par les préfets de région et les présidents de région concernés, et ancrée dans les territoires, pour que chacun s’approprie ces nouveaux espaces à haute valeur ajoutée de biodiversité. Il s’agit d’accompagner les élus pour coconstruire leur protection avec l’ensemble des citoyens et des acteurs locaux.

Dans ce contexte, le Gouvernement a indiqué le 7 décembre dernier que, s’agissant particulièrement du glacier de la Girose, une mission d’appui serait lancée, en lien avec le préfet : il s’agit de poser clairement les enjeux, les perspectives, les atouts et les limites relatifs à la fréquentation touristique et sportive du glacier, ainsi que d’envisager les leviers pour améliorer sa protection et conforter un projet de territoire durable au service de la qualité de vie des habitants.

Ces principes génériques permettront d’ouvrir les espaces. Il va de soi que les parlementaires seront étroitement associés à cette réflexion.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre. J’en déduis que le projet pourra être mis en œuvre et qu’un travail sera engagé, dans une logique de développement plus durable, avec l’ensemble des acteurs concernés.

Cela me convient, puisque l’objectif même dudit projet est de réduire l’impact de l’installation existante sur le glacier.

inadéquation du projet de liaison routière entre la rd 30 au niveau d’achères et la rd 90 au niveau de triel-sur-seine avec divers engagements écologiques de la france

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, auteure de la question n° 974, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Ghislaine Senée. Lundi prochain, nous serons un certain nombre de parlementaires à assister au lancement de la COP Région Île-de-France, aux côtés du Gouvernement. L’objectif de cette conférence régionale des parties est de travailler collectivement pour permettre à la région d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de mise en œuvre de la trajectoire « zéro artificialisation nette », et de protection de la biodiversité et des écosystèmes.

Dans ce contexte, le projet routier de pont d’Achères, appelé A104 bis et défendu par le département des Yvelines, avance à grand bruit avec le démarrage des travaux préparatoires, notamment de nombreux défrichements, malgré l’opposition unanime des associations locales et des populations qui en subiront les nuisances.

Ce projet vieux de 40 ans, fruit d’une vision obsolète de l’aménagement, induira une hausse du trafic de 114 % dans une boucle enclavée de la Seine, entraînera nuisances et pollutions, affectera la santé des riverains et provoquera la destruction d’écosystèmes précieux dans mon département – sans parler des coûts d’entretien dans les années à venir, dont on sait aujourd’hui qu’ils seront difficilement supportables. Pour quels bénéfices ?

Monsieur le ministre, que compte faire concrètement le Gouvernement face à ce projet, source d’une profonde incompréhension chez une grande partie de nos concitoyens, tant il entre en contradiction avec les engagements et les objectifs que s’est fixés la France à l’heure du tournant écologique ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Ghislaine Senée, je ne pourrai pas – et je le regrette – participer lundi prochain à la COP Région Île-de-France, car je représenterai le Gouvernement – « resserré », comme vous le savez – au même moment à l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé des grandes opérations d’aménagement les copropriétés dégradées.

Je tiens néanmoins à vous confirmer qu’est bien inscrite dans l’orientation globale que nous défendons, conformément à nos ambitions en termes de planification écologique, une massification des transports en commun et du ferroviaire, plutôt que de la route. Les contrats de plan État-région (CPER) proposés prévoient en effet une diminution de 80 % des crédits consacrés à la route par rapport aux années 2000 et de 40 % par rapport aux années 2010.

Cela ne signifie pas que tous les projets sont arrêtés. Il s’agit, pour chacun d’entre eux, de faire l’analyse la plus pertinente possible, au regard tant de son impact immédiat que de ses conséquences.

Le projet que vous évoquez a fait l’objet voilà tout juste dix ans d’une déclaration d’utilité publique (DUP), laquelle a été prorogée en 2017. Comme vous l’avez rappelé, il est promu non par l’État, mais par le département des Yvelines.

L’élément nouveau de ce dossier est la décision de justice qui est intervenue le 4 décembre dernier, par laquelle le tribunal administratif de Versailles a rejeté toutes les demandes des associations, considérant que leurs inquiétudes ou leurs alarmes n’étaient pas fondées.

Le tribunal administratif a ainsi fait valoir, d’une part, que, les opérations de défrichement étant pour l’essentiel déjà réalisées, pointer le risque que celles-ci pourraient provoquer revenait à évoquer un sujet qui aujourd’hui n’existe pas ou n’existe plus, d’autre part, que l’arrêté préfectoral ne portait pas une atteinte grave et immédiate aux espèces protégées, en particulier l’œudicnème criard, espèce d’oiseau – toujours d’après le juge – qui ne niche pas sur le site du projet routier proprement dit.

Tels sont les éléments en ma possession au sujet de ce projet engagé, je le répète, par une collectivité territoriale et non par le Gouvernement.

graves difficultés des communes pour s’assurer

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, auteur de la question n° 1012, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le ministre, aujourd’hui, l’essentiel de nos équipements et de nos services publics reposent sur les communes. C’est ainsi que fonctionne notre société, laquelle dépend donc de la vitalité desdites communes. Malgré cela, plus personne ne veut les assurer !

Ainsi, de nombreuses collectivités territoriales touchées par des sinistres naturels ou par des émeutes, notamment celles qui sont survenues au mois de juin 2023, se voient opposer par leur assureur les dispositions du code des assurances relatives aux « circonstances nouvelles » intervenues au cours de l’exécution du contrat. Il en résulte des hausses très importantes des primes d’assurance et du montant des franchises, mais surtout de nombreux refus d’assurer.

En effet, lors du renouvellement de leur marché, de nombreuses communes n’ont reçu aucune candidature à leur appel d’offres.

L’augmentation des épisodes climatiques violents fait peser des risques accrus sur les communes, notamment rurales. La question de leur couverture, même partielle, est donc devenue urgente. Même la commune ardéchoise dont je suis l’élu, Guilherand-Granges, connaît ce problème, alors qu’elle n’a pas connu les événements que j’ai cités.

Nous souhaitons tirer la sonnette d’alarme, car, pour les élus de nos territoires, l’inquiétude est croissante. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre à cet égard ? Je sais qu’une mission est en cours sur ce sujet…

Il est urgent d’agir. J’aimerais donc connaître la position du Gouvernement et savoir quelles dispositions pourraient être mises en œuvre le plus rapidement possible.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Darnaud, votre question est légitime à beaucoup d’égards. Si le sujet n’est pas nouveau, ces difficultés et ces préoccupations augmentent au fur et à mesure que les risques s’accroissent. Par exemple, le risque cyber, qui n’existait pas voilà quelques années, occupe actuellement une place importante dans la sphère publique. Par ailleurs, les images qui nous parviennent de certains territoires français ou encore les problèmes qu’il nous revient de régler permettent de mesurer à quel point le dérèglement climatique est une question d’actualité.

En quoi consiste la difficulté que vous évoquez ?

Tout d’abord, l’écosystème du marché de l’assurance des collectivités est essentiellement appuyé sur deux acteurs, qui ont eux-mêmes du mal à se réassurer. Une analyse est d’ailleurs actuellement réalisée sur la fréquence de la survenance de ces risques qui bousculent une partie des modèles.

Nous sommes absolument déterminés à accompagner les élus locaux, non pas seulement parce qu’ils participent à l’action publique, mais parce qu’ils constituent le levier essentiel, au quotidien, des politiques destinées à nos concitoyens.

Nous agissons à court terme. Avec l’appui de la direction générale du Trésor, nous avons étendu la compétence du médiateur de l’assurance au champ des assurances des collectivités locales. En effet, nous avons constaté à l’issue des émeutes du mois de juin dernier que ces difficultés s’étaient accrues. Or, jusqu’à présent, ce médiateur pouvait intervenir pour aider une personne privée à trouver un assureur, mais non pas une personne publique.

Nous avons lancé avec les assureurs un groupe de travail visant à suivre le rythme des dédommagements et à éviter les résiliations sèches. Premier effet de cette mission : en 2023, le taux de résiliation a diminué d’environ 20 % par rapport à 2022.

Alain Chrétien, maire de Vesoul, et Jean-Yves Dagès, ancien président de la Fédération nationale Groupama, conduisent une mission sur l’assurabilité des collectivités territoriales, laquelle est attendue par tous et vise à proposer des pistes sur ce sujet très sensible. Nous attendons le résultat de leur travail – état des lieux détaillés des difficultés, propositions concrètes, etc. – pour le printemps prochain. Nous pourrons alors, notamment avec le Sénat, examiner quelles propositions pourraient être mises en œuvre dans le courant de l’année 2024. En effet, on ne pourra pas attendre !

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.

M. Mathieu Darnaud. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

Je tiens à insister sur la nécessité de prendre des dispositions, y compris transitoires, car il y a urgence à agir. Au moment où le Sénat vient de rendre public un rapport d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France, nous ne voudrions pas que cet écueil soit une source supplémentaire de démotivation pour les élus, notamment dans la perspective des prochaines élections municipales.

mode de financement des tiny houses en tant que nouvelles formes de logement

M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven, auteur de la question n° 1016, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Yves Bleunven. Monsieur le ministre, ma question est toute simple, mais très importante dans la période actuelle qui exige de trouver des solutions rapides pour loger nos concitoyens.

Le nombre de primo-accédants a largement chuté au cours des dernières années et, depuis l’automne 2021, les flux d’accession à la propriété reculent très fortement. L’une des solutions pour répondre à cette crise du logement consiste à élargir la segmentation du parcours résidentiel.

Les tiny houses font partie intégrante de cette nouvelle segmentation, comme l’ensemble des habitats légers. Néanmoins, leur acquisition ne peut être financée que par des prêts à la consommation dont la durée de remboursement et les taux sont moins intéressants que ceux des crédits immobiliers classiques.

Ces petites maisons disposent pourtant de nombreux avantages : coût faible, délai de construction rapide, très bonne performance énergétique. Elles représentent une véritable solution de logement de transition pour une large frange de la population, notamment les saisonniers, les étudiants et les jeunes couples d’actifs.

À l’heure actuelle, l’impossibilité d’avoir recours à un crédit immobilier pour les financer freine leur développement et empêche l’amélioration de cette segmentation du parcours résidentiel, qui devient de plus en plus nécessaire.

À ce titre, monsieur le ministre, je vous demande d’étudier des formes de financement pérenne pour ce type de logement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Bleunven, je vous remercie de braquer les projecteurs sur un objet qui n’est pas connu, alors qu’il est susceptible d’apporter des réponses en termes de rapidité et de modularité dans le cadre de l’offre de logement.

En bon français, car il convient de défendre la francophonie, les tiny houses sont « des résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs », aux termes de l’article R. 111-51 du code de l’urbanisme, puisque c’est ainsi qu’elles y sont définies. Il s’agit en outre d’« installations sans fondation disposant d’équipements intérieurs ou extérieurs et pouvant être autonomes vis-à-vis des réseaux publics ».

Or l’article L. 313-1 du code de la consommation prévoit explicitement qu’il n’est pas possible de solliciter des crédits immobiliers pour financer l’acquisition de biens qui sont mobiles et potentiellement détachables. Le financement de l’achat d’une tiny house est aujourd’hui possible via un crédit à la consommation, qui présente des avantages en termes de modularité même s’il est souvent désavantageux en termes de taux.

J’insisterai sur les avantages en termes de modularité : il est possible de contracter des emprunts de manière plus souple que dans le cadre d’un prêt immobilier, notamment parce qu’il s’agit d’engagements financiers nettement moins importants. Ce type de crédit, qui ne nécessite ni justificatif portant sur le projet ou l’usage des fonds ni pourcentage d’apport, peut être échelonné sur plusieurs années et prévoit des modulations éventuelles de mensualités. Ce type de crédit présente donc des souplesses.

Faut-il élargir cette flexibilité ? Il ne vous aura pas échappé que nous présenterons de nombreuses propositions sur le logement en 2024, dans un contexte où la hausse simultanée du prix des matériaux et des taux d’intérêt a entraîné une contraction du pouvoir d’achat immobilier. Face à l’accroissement des besoins, il est nécessaire d’innover.

Monsieur le sénateur, votre proposition pourrait faire partie des axes d’innovation. Je retiens en tout cas de votre question orale le principe et l’objet.

M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven, pour la réplique.

M. Yves Bleunven. Je crois que vous avez bien compris quels étaient les enjeux, monsieur le ministre.

Une fois réglé ce problème de financement, nous aurons l’occasion d’évoquer un autre sujet. Cette filière doit en effet faire face à deux difficultés : son financement et son agrément en matière d’urbanisme, puisqu’elle non plus n’entre dans aucune case… Je vous remercie de votre écoute.

situation des apprentis en essonne

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 854, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Laure Darcos. Monsieur le ministre, permettez-moi d’appeler votre attention sur une situation préoccupante dont j’ai été informée par plusieurs élus et responsables de centres de formation d’apprentis (CFA) de l’Essonne : certains jeunes en alternance renoncent à suivre leur formation théorique en CFA et se consacrent uniquement à l’acquisition des savoir-faire en entreprise.

Ce renoncement peut être lié à un manque de motivation pour la formation dans laquelle ils se sont engagés. Il peut également être la conséquence de difficultés particulières en matière d’acquisition des connaissances : le jeune estime ne pas avoir le niveau scolaire suffisant et baisse rapidement les bras.

En entreprise, en revanche, ces jeunes sont souvent appréciés pour leur motivation et la qualité de leur travail et peuvent être incités à quitter l’alternance pour conclure un CDI. Chacun est a priori gagnant dans cette relation : l’entreprise, d’une part, qui attire une main-d’œuvre parfois excellente dans des secteurs d’activité faisant face à de sérieuses difficultés de recrutement ; le jeune, d’autre part, qui perçoit une rémunération et ne reste pas inactif.

Pourtant, cette situation se révèle finalement pénalisante pour les jeunes concernés, qui perdent le bénéfice de leur formation et se retrouvent sans diplôme au terme de leur parcours en CFA. En outre, l’absence de diplôme leur interdira d’évoluer ultérieurement dans le domaine professionnel.

J’ajoute que le CFA ne dispose d’aucun moyen d’action propre permettant d’influer sur la décision des alternants de céder à une proposition d’embauche avant d’avoir finalisé leur cursus.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaite connaître vos propositions en faveur du renforcement des dispositifs d’accompagnement des élèves et de la prévention du décrochage.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Darcos, je ne suis pas surpris que vous interveniez sur ce sujet. Je sais en effet l’attention que vous portez aux politiques consacrées à la jeunesse et je connais en particulier votre soutien à l’apprentissage.

Personne ne pourra nier ici que, depuis quelques années, la politique de l’apprentissage a connu un succès spectaculaire du fait, à la fois, des mesures qui ont été prises et de l’adhésion des jeunes et de leurs familles. Le nombre d’apprentis a ainsi atteint le million, un horizon qui paraissait inatteignable voilà quelques années, lorsque l’on en comptait environ 300 000.

Pour autant, vous avez raison, il convient d’être extrêmement attentif aux signaux qui pourraient entraver cette dynamique, laquelle est de nature à renforcer la confiance en eux des jeunes et permet d’avoir un modèle plébiscité par les entreprises ainsi que des taux d’employabilité absolument exceptionnels.

Nous constatons, en effet, que certains jeunes qui se forment dans les métiers en tension rompent leur contrat de formation et trouvent immédiatement un contrat de travail, tant les besoins en personnels sont importants dans certains domaines ; ils peuvent aussi rechercher des niveaux de rémunération supérieurs à ceux de l’apprentissage.

À notre connaissance – je parle au nom du Gouvernement puisque ce sujet ne concerne pas directement le champ de mon ministère –, ce phénomène reste marginal. Néanmoins, à la suite notamment de l’interpellation que vous avez adressée, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) a été officiellement missionnée pour objectiver le phénomène.

De quoi parlons-nous ? S’agit-il de la somme de bruits individuels ou d’un phénomène qui s’accentue dans le contexte d’accroissement des tensions dans un certain nombre de métiers ? Nous avons d’abord besoin de disposer de chiffres pour savoir quel type de « filet » prévoir.

Nous avons pris sans attendre nos responsabilités pour sécuriser les parcours en apprentissage des jeunes les plus fragiles avec le dispositif prépa-apprentissage, qui vise à souligner et à faire reconnaître l’importance du diplôme, lequel protège pour l’avenir. Il s’agit de permettre aux jeunes peu ou pas qualifiés de renforcer leurs savoirs fondamentaux et de mieux appréhender les codes de l’entreprise, afin de préparer efficacement l’entrée en apprentissage et de sécuriser un contrat. C’est aussi un moyen de leur faire savoir exactement à quoi ils doivent s’attendre et de leur éviter de bifurquer.