M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour la réplique.

M. Fabien Genet. En ce qui concerne les expérimentations, plutôt que de tout confier à l’agence régionale de santé, nous pourrions aussi faire confiance aux départements. Ils sont un certain nombre à demander d’expérimenter la gestion totale des Ehpad. Il faudra en reparler.

M. le président. La parole est à M. Clément Pernot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Clément Pernot. C’est également encore en tant que président du conseil départemental du Jura (Sourires.) que je m’exprime, pour vous rappeler, la peine au cœur, ce qu’ont subi les départements au cours des dernières années.

Il y a d’abord eu l’amputation, par les lois NOTRe et Maptam, de compétences stratégiques – notamment le transport, l’économie et l’agriculture, excusez du peu… –, au nom d’une prétendue plus grande efficacité de gestion des grandes régions. Nous voyons le résultat de cette catastrophique technocratie.

Il y a ensuite eu la suppression de tout lien fiscal avec nos administrés, à la suite de la perte du foncier bâti, remplacé par une dépendance à des dotations d’État plafonnées, non indexées sur l’inflation. Nous n’avons plus aucune marge de manœuvre et nous prenons de plein fouet l’effondrement du marché de l’immobilier. Vous ne pourrez plus, monsieur le ministre, parler d’autonomie financière ; j’ose du moins l’espérer.

En outre, l’augmentation de la rémunération du personnel – sans concertation préalable –, la hausse du RSA et les revalorisations dans le médico-social – sans vision de long terme – détruisent nos capacités financières. Bientôt, la solidarité à la source et la fin de l’allocation de solidarité spécifique nous achèveront.

Dans le même temps, nous subissons l’explosion de nos dépenses sociales liées à la montée des précarités. Les Ehpad sont en difficulté, la protection de l’enfance sature et nous devons faire face à la hausse des flux migratoires, avec l’accueil des mineurs non accompagnés.

Ici même, devant la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, le président de l’Assemblée des départements de France, M. François Sauvadet, a parlé d’une véritable asphyxie, avec des conséquences désastreuses sur l’aide au monde rural et sur les communes. Ce constat, que vous connaissez et que donc vous assumez, est analysé par beaucoup comme une condamnation à mort des départements.

Ma question, monsieur le ministre, est donc simple : souhaitez-vous contredire ces affirmations ? Quelles réponses, à la hauteur de la situation, apporterez-vous pour soutenir enfin l’action des départements ?

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Clément Pernot. Jusqu’à présent, vous avez été brillamment habile dans vos réponses, mais je crains que vous n’ayez pas su apporter les réponses structurelles adaptées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur – ou monsieur le président (Sourires.) –, permettez-moi de commencer en exprimant un désaccord : notre organisation territoriale ne donne pas satisfaction ; c’est le sens du lancement de la mission confiée par le Président de la République à M. Éric Woerth. Ce partage des compétences, cette illisibilité de l’action publique, nous les payons, car parfois tout le monde fait un peu la même chose. Derrière le ruban, nous sommes six ou sept élus. Tout prend du temps et tout cela est, parfois, coûteux pour les finances publiques. Vous le savez, monsieur le sénateur, nous pourrions faire parfois plus vite et moins cher.

Je crois à la nécessité de la réforme de l’organisation de notre action publique locale. Derrière la mission confiée à M. Éric Woerth se dessine la perspective de trouver une organisation plus simple, plus responsabilisante, notamment pour les élus locaux.

M. Fabien Genet. Si c’est Bercy qui décide…

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Ainsi, nous retrouverons de l’air, de la lisibilité et de la confiance dans l’action publique. Nos citoyens ne s’y retrouvent pas ! Ils jugent sévèrement l’action publique, quand ils constatent que chaque démarche demande beaucoup plus de temps que par le passé.

Permettez-moi de vous dire également que la réforme de la fiscalité ne vient pas asphyxier les départements ; il n’y a aucune intention en ce sens ! (M. Laurent Somon proteste.) Je souhaite vous rassurer à ce sujet, monsieur le sénateur. Grâce à la réforme, nous avons remplacé la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) par une fraction de TVA. Or la TVA est, oserai-je dire une nouvelle fois ? un impôt plus dynamique que la taxe foncière et, dans le cadre de cette réforme, vous avez d’ailleurs bénéficié de 250 millions d’euros supplémentaires, grâce au dynamisme de cette taxe. La TFPB n’a pas été remplacée par des dotations.

Bref, il n’existe aucune volonté, monsieur le sénateur, d’empêcher les départements. En revanche, nous souhaitons pouvoir avancer avec les élus et la représentation nationale vers une organisation plus efficace et plus lisible. Je suis convaincu que nous pouvons nous retrouver autour de cet objectif.

M. Fabien Genet. Il y a de quoi s’inquiéter…

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Rémy Pointereau. Ma question porte sur le soutien de l’État aux départements en matière de gestion de l’eau, domaine dans lequel nous faisons face à une situation d’insécurité juridique croissante et à des défis techniques considérables.

Dans le cadre de notre récente mission d’information portant sur la gestion qualitative et quantitative de l’eau, M. Hervé Gillé et moi-même avons relevé que, à la suite de la suppression de la clause générale de compétence, sur le fondement de la fameuse loi NOTRe, seuls quelques départements ont pu maintenir leur engagement financier et en ingénierie dans le grand cycle de l’eau, créant ainsi une disparité dans la gestion de cette ressource vitale.

Cette technicité et la perte de compétences engendrent un écart entre les ambitions d’une gestion démocratique de l’eau et la réalité. Elles exacerbent les besoins, urgents, face au mur d’investissement que représente la maintenance du petit cycle de l’eau ; et je ne parle pas des bassins d’écrêtement de crue, qui relèvent de la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) et sont parfois dans le domaine départemental.

Face à une telle situation, les départements comme le Cher ont pris des initiatives louables, à l’image de l’organisme Concert’eau 18, qui œuvre en matière d’animation du territoire pour une gestion durable de l’eau. Cependant, la réussite et la généralisation de ces initiatives dépendent d’un appui financier et législatif de l’État.

Monsieur le ministre, outre les aides des agences de l’eau, qui, compte tenu des obligations qui incombent à ces dernières, fondent comme neige au soleil, quelles aides financières précises le Gouvernement envisage-t-il de proposer pour soutenir les départements dans leurs projets de politique de l’eau, afin qu’ils assurent une gestion durable et équilibrée de cette ressource essentielle, tout en surmontant les obstacles juridiques actuels ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Lors de nos échanges sur le projet de loi de finances pour 2024, une réponse a été apportée à cette question, qui était posée de manière plus générale, sur ce que l’État était prêt à faire pour accompagner les politiques de l’eau, essentielles pour nos territoires, je vous rejoins sur ce point.

Tel était l’objet du plan Eau et de la réforme des redevances de l’eau. Le débat avait été un peu difficile au sein de cet hémicycle, puisque vous aviez rejeté les articles qui visaient à réformer la politique et les redevances de l’eau pour accompagner un certain nombre d’investissements.

La compétence de l’eau ressortit essentiellement au bloc communal. Les communes peuvent néanmoins contractualiser avec les départements ; les exemples existent et témoignent de collaborations fructueuses entre des départements, qui peuvent financer des travaux d’alimentation en eau, des communes et l’État. En effet, ce dernier, au-delà même du financement des agences de l’eau, est extrêmement présent aux côtés des collectivités territoriales, notamment pour des dépenses d’équipement, grâce à la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), au fonds vert et au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

Grâce au plan Eau, porté par M. Christophe Béchu, nous souhaitons assurer un financement croissant de cette politique, qui reste prioritaire dans de nombreux territoires tels que le vôtre, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Hervé Reynaud. Les différentes interventions en témoignent, le constat est sans appel. De nombreux indicateurs des finances départementales sont dans le rouge. Cette situation conduit les collectivités à jouer sur la variable des investissements. Cependant, il n’y a pas d’autonomie de gestion sans autonomie financière, cela est très clair.

Cette vérité est structurelle. Les recettes des DMTO furent favorables aux départements au cours des dernières années, elles sont maintenant en baisse ; toutefois, c’est bien de manière structurelle que les départements recherchent un certain nombre de produits fiscaux.

Dans la Loire, département dont je suis élu, lors d’une enquête menée auprès des communes, 84 % des maires ont répondu que leurs projets d’aménagement ou de développement de services n’auraient pas pu voir le jour sans le soutien financier du département, qui constitue un échelon de proximité extrêmement efficace.

Le fonds de sauvegarde créé en 2020 n’est plus à la hauteur de la situation des finances des départements et les restes à charge, au gré des transferts de compétences, sont toujours plus importants.

Monsieur le ministre, les départements veulent, en plus d’assumer les dépenses sociales contraintes qui leur incombent, pouvoir continuer à agir et à participer au développement, notamment économique, de leur territoire. Les solidarités humaines en dépendent également.

Nous espérons que, dans le cadre de la mission confiée à M. Éric Woerth, que nous avons pu entendre en audition et lire cette semaine dans Le Journal du dimanche, la recherche d’une véritable autonomie financière permettra aux départements de retrouver une pleine capacité d’action. Cette clarification des compétences ne doit pas faire du département une agence sociale de l’État. Nous espérons que le processus de déconcentration ne finira pas par concentrer l’ensemble des financements dans les mains des préfets et sous-préfets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, je suis heureux que, au travers de cette question nous puissions esquisser un point de consensus, puisque vous parlez de la « recherche d’une véritable autonomie financière ». Et vous avez raison, c’est précisément ce que nous recherchons. Vous avez sciemment parlé d’autonomie financière, et non d’autonomie fiscale, car nous partageons l’idée que l’enjeu est bien de garantir la libre administration des collectivités territoriales dans leurs missions essentielles, notamment pour ce qui concerne les départements.

L’enjeu est de disposer de ressources stables et prévisibles pour les élus. En effet, comment pouvez-vous investir si vous ne savez pas quelles seront vos ressources au cours des deux ou trois prochaines années ? Il s’agit donc de bâtir ce panier de ressources.

Aujourd’hui, les ressources des départements sont, aux trois quarts, nourries par des ressources fiscales. Il s’agit d’un mélange de DMTO, de taxe de solidarité additionnelle (TSA) et de TVA. Vous jugez le fonds de sauvegarde insuffisant ; il est pourtant porté à 350 millions d’euros et la contribution de l’État a été doublée dans le projet de loi de finances pour 2024, ce qui représente un effort considérable, alors qu’il est nécessaire – votre groupe y est attaché – de redresser nos finances publiques. Ce doublement du fonds de sauvegarde des collectivités représente donc un effort considérable consenti par l’État.

Permettez-moi de fonder les mêmes espoirs que ceux que vous avez exprimés au sujet de la mission confiée à M. Éric Woerth, pour que nous bâtissions une action publique plus lisible, plus efficace et garantissant – je n’ai pas peur de le dire – l’autonomie financière des collectivités territoriales, corollaire de l’exercice de leurs missions.

M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, pour la réplique.

M. Hervé Reynaud. J’espère que nous pourrons nous rejoindre. Nous avons eu l’occasion d’échanger dans le passé et vous nous aviez alors dit : « On ne se comprend pas. » J’espère donc que nous nous comprendrons. L’effort partagé, pour paraphraser une certaine personne, ce n’est pas dire « Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est négociable », c’est permettre aux départements, demain, d’avoir une autonomie financière réelle et concrète.

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion du débat, la parole est à M. Stéphane Sautarel, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite de la tenue de ce débat qui, j’espère, permettra des avancées concrètes.

S’il y a un enseignement qui se dégage de débat, et qui sans doute était déjà établi, c’est bien celui d’un consensus quant à la situation financière des départements. Ils sont le niveau de collectivité dont la situation est la plus dégradée, car le plus exposé à la conjoncture, mais pas seulement, comme nous allons le voir. Lors de l’examen du budget de 2024, vous aviez d’ailleurs admis cette situation et vous vous étiez engagé à traiter cette question sans délai. Nous y voilà donc.

En effet, les réponses apportées lors de l’examen du budget étaient très largement insuffisantes, pour ne pas dire indigentes. Elles consistaient pour l’essentiel à maintenir à flot ceux qui risquaient de se noyer, et encore…

Rappelons tout d’abord que les départements ont été vertueux et solidaires. C’est le seul niveau de collectivité qui a organisé une péréquation horizontale, dont vous avez d’ailleurs permis l’amplification, qui a eu une approche collective et qui a instauré des mises en réserve.

La volatilité des DMTO et leur baisse de l’ordre de 25 % dans le budget de 2023 les inscrivent désormais à un étiage inférieur à celui de 2019.

À la baisse substantielle en 2023, de près de 4 milliards d’euros, du volume des DMTO encaissés par les départements s’ajoutent, alors qu’ils sont déjà dans une situation de fragilité et d’inquiétude, des éléments afférents à la structure de leurs dépenses, qui subissent très souvent des hausses imposées par l’État, lequel ne les compense que très partiellement.

Ainsi, sur les deux dernières années, l’augmentation des dépenses des départements non compensée par l’État s’élève à 2,5 milliards d’euros, en raison notamment de décisions du Gouvernement qui se sont imposées aux départements, telles que la revalorisation du point d’indice ou de certaines prestations sociales.

Plus spécifiquement, sur les dépenses sociales, les départements subiront une nouvelle hausse du RSA, qui représentera 460 millions d’euros en 2024 – au passage, je conteste le chiffre de 97,5 % de couverture que vous avez avancé précédemment, monsieur le ministre –, un reste à charge des AIS qui s’élève à plus de 9 milliards d’euros et représente désormais plus de 50 % de la dépense, une explosion des dépenses de l’aide sociale à l’enfance, qui atteindront 10 milliards d’euros soit une hausse de près d’un tiers en dix ans, et des dépenses de prise en charge des MNA qui dépasseront les 2 milliards d’euros, compensés à hauteur de seulement 6 % par l’État, alors qu’il s’agit d’abord d’une politique régalienne.

Comme toutes les collectivités, les départements ont également été – et le sont encore, bien sûr – confrontés à l’inflation. Ils ne sont pas que les collectivités du social, même si ce secteur représente, avec le médico-social, 68 % de leurs dépenses de fonctionnement ; ils ont un véritable rôle d’aménageur de leur territoire, tout en veillant à son équilibre. Ils accompagnent les communes et sont la collectivité des réseaux tels que les routes ou la fibre. Ils portent les collèges et les Sdis et soutiennent l’investissement public.

Cet effet de ciseaux n’est plus soutenable et met en cause les missions essentielles de cette collectivité de proximité et de bonne dimension. C’est un amortisseur social, mais aussi territorial, même si cet aspect a été amoindri par la loi NOTRe, qui devra en outre faire face à un choc démographique que nous savons inéluctable et qui engendrera une hausse des dépenses liées à la prise en charge des personnes âgées, comme on le voit déjà dans les Ehpad.

Plus encore, l’asphyxie des départements fait courir un véritable risque à notre modèle de décentralisation, auquel je suis, comme vous tous, très attaché et que je voudrais voir amplifié plutôt que rogné sans cesse. Le Sénat a fait des propositions en ce sens, sans attendre la mission Woerth, à laquelle il contribue également.

À cet égard, la recentralisation pérenne du RSA dans trois départements ou à titre d’expérimentation – en Seine-Saint-Denis, dans les Pyrénées-Orientales et dans l’Ariège – ne me paraît pas de bon augure. Il en va de même pour ce qui concerne l’aide médico-sociale et son éventuelle recentralisation.

Les départements ne sont pas des guichets de l’État. Pourtant, la question peut aujourd’hui se poser de savoir si l’intention de l’État, par l’étranglement qu’il opère sur ces derniers, n’est pas de les cantonner à ce rôle. J’aime à croire qu’il n’en est rien, mais vous devriez vous attacher à le démontrer très vite ! Or vos réponses au cours de ce débat me laissent perplexe, monsieur le ministre.

Quoi qu’il en soit, je forme le vœu que ce débat permette d’accélérer la mise en œuvre de réponses effectives, ancrées dans un mouvement de décentralisation indispensable à notre pays, et, surtout, de répondre avec efficacité et en proximité aux attentes de nos concitoyens.

Je veux insister sur la nécessité de revoir en profondeur le système de financement des départements, dont les ressources principales, les DMTO, évoluent de manière contradictoire avec leurs dépenses. En effet, les départements sont essentiellement financés par les DMTO dépendant largement de leur richesse, de leur attractivité, ainsi que de leur capacité à attirer de nouveaux ménages et entreprises sur le territoire. Or les dépenses principales des départements sont d’ordre social et donc inversement proportionnelles à cette ressource. Il en résulte des situations financières très tendues, voire insoutenables, dans certains territoires.

Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rappelle que l’autonomie financière, dont il a été longuement question, consiste d’abord à respecter le principe selon lequel « qui paie décide ». Par ailleurs, du point de vue de l’efficacité de la dépense publique, c’est la proximité de l’action qui permet le consentement à l’impôt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur les finances des départements.

3

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, en raison du nombre d’amendements déposés sur la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, nous pourrions siéger jeudi 7 mars après-midi et, éventuellement, le soir.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

4

JO 2024 : la France est-elle prête ?

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le thème : « JO 2024 : la France est-elle prête ? »

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que le groupe auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Michel Savin, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Savin, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat porte sur le sujet suivant : la France est-elle prête pour accueillir les jeux Olympiques et Paralympiques, les JOP, événement populaire qui sera la plus grande fête du sport jamais organisée en France ? C’est une occasion unique de mettre en avant notre pays, qui sera sous le feu des projecteurs mondiaux. On estime à 4 milliards le nombre de téléspectateurs qui visionneront les JOP, soit la moitié de l’humanité !

Si ces chiffres sont certes enthousiasmants, ils nous obligent à veiller à ce que cette grande fête du sport se réalise dans les meilleures conditions possible.

La France a une longue histoire d’accueil des plus grands événements sportifs internationaux. L’organisation des JOP de Paris 2024 marquera le point d’orgue de ce savoir-faire français, qui rayonnera à l’étranger et sera utile dans le cadre des jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de 2030, qui se dérouleront en Auvergne-Rhône-Alpes et en région Sud.

C’est à l’aune de la bonne livraison opérationnelle des Jeux, mais aussi de la place de notre pays au classement des médailles, que nous jugerons la réussite de cet événement.

L’héritage des JOP constitue aussi une « condition majeure de l’acceptabilité » de cet événement, comme l’indique la Cour des comptes dans son rapport de janvier 2023. Les JOP ne pourront pas être seulement une grande fête populaire du sport ; ils ont aussi vocation à constituer un levier de transformation économique et sociale pour la pratique du sport en France à long terme.

Aujourd’hui, mardi 5 mars 2024, nous sommes à 143 jours de la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Autant dire qu’ils se tiendront demain !

Le travail de la Solideo, la Société de livraison des ouvrages olympiques, et du Cojop, le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, réalisé depuis 2017, nous met en confiance et nous conforte dans l’espérance du succès de cette édition des jeux Olympiques et Paralympiques. L’Agence nationale du sport (ANS), le Cojop, l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep), ainsi que les fédérations, se sont fortement mobilisés pour préparer les athlètes de la meilleure des façons possibles.

Il faut saluer également le travail des différents ministères, des services de l’État et des collectivités territoriales, qui remplissent des missions primordiales comme la sécurité ou encore l’organisation des transports et les multiples missions de logistique.

Malgré tout cela, certaines interrogations subsistent ou prennent forme à la veille de cet événement mondial.

Revenons dans un premier temps sur le travail de la Solideo, qui, depuis l’annonce de ses ambitions en 2018, réussira à livrer dans les temps les ouvrages nécessaires aux JOP. En décembre dernier, la Solideo a annoncé que 84 % des travaux des ouvrages olympiques étaient achevés, dans les délais impartis et avec un budget maîtrisé.

Ont été livrés le village des athlètes à Saint-Denis, à Saint-Ouen et à l’Île-Saint-Denis, et la zone d’aménagement concerté (ZAC) du cluster des médias, en Seine-Saint-Denis.

Pour les ouvrages sportifs, l’Arena Porte-de-la-Chapelle a déjà reçu ses premiers événements, tandis que le centre aquatique de Saint-Denis devrait être livré dans les temps. Par ailleurs, les travaux à Roland-Garros seront terminés. En mai prochain, l’Open de France accueillera ses premiers spectateurs.

Pour les ouvrages prévus pour la phase « héritage », au moins quatre des huit piscines neuves ou rénovées ont été livrées ou sont en passe de l’être.

Le coût total des ouvrages nécessaires aux jeux avait été évalué à 3,8 milliards d’euros. Le budget, il faut le souligner, devrait être maîtrisé.

Nous pouvons saluer le travail de la Solideo, qui devrait réussir à répondre fidèlement à un cahier des charges ambitieux sur les plans environnemental et urbanistique.

Je note cependant deux points de vigilance, à savoir les chantiers du Grand Palais éphémère pour les épreuves de judo et de lutte, dont le calendrier est extrêmement serré, ainsi que la piscine de Colombes, qui accueillera les entraînements pour la natation synchronisée et devrait être livrée au début du mois de juin. Le directeur général de la Solideo nous a assurés, lors de son audition en janvier dernier, que ces chantiers devraient être livrés à temps.

En ce qui concerne les transports, plusieurs facteurs risquent de perturber le bon déroulement des Jeux.

Tout d’abord, nous constatons dès à présent que la situation dégradée du trafic dans les transports en commun reste problématique. Nous n’avons pas encore retrouvé le niveau de service d’avant-covid. Au mois d’août prochain, avec les Jeux, le trafic sera classique, avec 15 % d’activité en plus, alors que, normalement, à cette période, le trafic baisse de 30 % à 40 %. Cette hausse d’activité suscite de vraies inquiétudes, tout comme le recrutement des agents, qui n’est pas encore, à l’heure actuelle, à la hauteur des attentes.

Au-delà de la question du recrutement, cette problématique engendre un coût supplémentaire de 200 millions d’euros pour la région d’Île-de-France.

Par ailleurs, malgré l’optimisme affiché dans les médias par le ministre chargé des transports concernant un risque de grève, inexistant selon lui, dans la réalité, un syndicat a déposé voilà un mois un préavis de grève englobant l’ensemble de la période des Jeux.

Nous l’avons bien compris, le Gouvernement n’envisage pas, pour le moment, de réformer le droit de grève. Pourtant, l’image de notre pays serait largement écornée, voire ridiculisée, si nous devions voir nos services de transports publics ou de ramassage d’ordures gelés en plein milieu des Jeux.

Avec un délai de prévenance inexistant, la possibilité de préavis de grève à durée illimitée est réelle. Qu’avez-vous prévu, madame la ministre, pour garantir le bon fonctionnement des services publics et préserver l’image de la France ?

Pour ce qui concerne l’offre de transport, hormis la mise en service du prolongement de la ligne 14 à Paris, il faudra faire en Île-de-France avec les infrastructures et le matériel vieillissant existants. Le Cojop prévoit des navettes, notamment pour le transport des personnes en situation de handicap. Bien évidemment, ces services seront temporaires et sont prévus pour la durée des Jeux, sans héritage pour la population francilienne ; c’est une occasion manquée.

Si nous comprenons la difficulté de rendre accessible l’ensemble du réseau, il serait intéressant de disposer d’un engagement sur la rénovation de chaque station de métro, afin que l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite soit systématiquement prise en compte. Cela contribuerait à l’héritage des Jeux et enclencherait une stratégie d’amélioration continue.

Pour ce qui concerne la sécurité, nous saluons les efforts consentis, notamment par la région Île-de-France, dont l’objectif est de former 15 000 personnes aux métiers de l’accueil et de la sécurité, pour garantir la bonne tenue des jeux Olympiques. Mais les efforts de la région doivent être accompagnés pour être suffisants, pour assurer une meilleure sécurité.

Le délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques nous a confirmé le défi de mobilisation que représente le recrutement des agents de sécurité privée qui compléteront les effectifs de police et gendarmerie. En effet, si 30 000 policiers et 15 000 militaires doivent être déployés, ce sont bien 15 000 à 20 000 agents de sécurité qu’il faudra employer. Madame la ministre, que pouvez-vous nous dire sur ce sujet ?

Pour ce qui a trait aux volontaires et aux salariés en CDD, il reste des incertitudes sur leur capacité à se transporter et à s’héberger pendant les jeux, sans compter les possibles défections liées à un recrutement dans un emploi plus durable ; je pense notamment aux agents de sécurité. Dans quelle mesure les estimations concernant les effectifs prennent-elles en compte ce risque de défection ? La Cour des comptes avait demandé que la participation des forces de sécurité intérieure soit précisée avant l’automne 2023. Or, à ce jour, il reste de nombreuses incertitudes.

Je le rappelle, nos athlètes et nos équipes de France se sont particulièrement bien préparés, en remportant récemment de nombreux succès prometteurs.

Le soutien à nos athlètes ne doit pas s’arrêter à la clôture des Jeux. La récente annonce de l’annulation de 50,5 millions d’euros de crédits destinés au ministère des sports a de quoi nous inquiéter. Pourtant, madame la ministre, vous aviez beaucoup communiqué, à l’automne dernier, sur l’augmentation de ses crédits. Or la réduction annoncée annule tout simplement la hausse précédemment annoncée. Elle intervient alors que la promotion de l’activité physique et sportive a été déclarée grande cause nationale de 2024 ! Cela douche nos espoirs de voir naître une loi Héritage ambitieuse. Pourriez-vous nous préciser quelles seront les lignes budgétaires qui seront amputées ?

Ces baisses s’inscrivent dans une tendance plus large de diminution des crédits pour le sport, qui pourrait représenter 130 millions d’euros sur 2025 et 2026. Permettez-moi de m’inquiéter de la stabilité à long terme des financements pour le sport.

Pour conclure, je souhaite féliciter une nouvelle fois l’ensemble des acteurs impliqués dans la réussite de la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques. Il nous reste 143 jours pour accompagner l’ensemble des acteurs et pour livrer des JOP historiques pour notre pays. Soyons tous à la hauteur de cet enjeu, qui ne doit pas s’arrêter le jour de la clôture des Jeux, mais perdurer, afin que notre pays bénéficie des retombées sociales et économiques de cet événement, dans lequel nous avons beaucoup investi.

Nous attendons tous un succès de l’organisation des Jeux et de nombreuses médailles, mais le plus grand succès sera avant tout celui de l’augmentation de la pratique sportive par nos compatriotes, afin que notre pays soit enfin une nation sportive. C’est à l’augmentation du nombre de pratiquants et de licenciés, toutes disciplines confondues, dans les mois qui suivront les Jeux, que nous mesurerons le véritable succès de cette édition des JOP. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)