M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l’examen par le Sénat de la proposition de résolution invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale, j’avais rappelé combien notre jeunesse était fragile.

La dégradation de l’état de santé psychique des jeunes est une réalité incontestable. Pour détecter les troubles susceptibles de les affecter, le rôle de l’école est fondamental. J’ajoute que, pour certains de nos élèves, la médecine scolaire constitue parfois la seule voie d’accès à un suivi de santé. Ce suivi sanitaire est essentiel, car il s’accompagne de missions de prévention et d’éducation à la santé.

Or ce service public est en très grande difficulté. Le nombre de médecins scolaires a diminué de 20 % en dix ans, avec pour conséquence de réelles inégalités d’accès selon les territoires.

Comment assurer correctement le suivi de 12 millions d’élèves avec seulement 900 professionnels de santé, chargés par l’État d’actions de prévention individuelle et collective et de promotion de la santé auprès de l’ensemble des enfants scolarisés dans les établissements d’enseignement des premier et second degrés de leur secteur d’intervention ?

Dans certaines communes, ces médecins sont empêchés de mener à bien leurs missions, faute de temps et d’équipements disponibles. Ailleurs, ce sont des retraités qui assurent des vacations pour pallier l’absence de professionnels de santé.

Un rapport publié en mai 2023 par l’Assemblée nationale précisait que la moyenne d’âge des praticiens était de 55 ans. Cela doit nous alerter sur l’avenir de la profession.

Dans les conditions que je viens de décrire, les obligations légales de visite ne sont tout simplement pas respectées et les enfants en sont les premières victimes. Mes chers collègues, songez que seulement 20 % des élèves ont eu accès à la visite médicale obligatoire de la sixième année, selon un récent rapport d’information de l’Assemblée nationale.

Les conséquences de cette défaillance de la médecine scolaire peuvent être dramatiques. La détection tardive de maladies graves en est un exemple.

Malgré les nombreuses alertes, la situation ne cesse d’empirer. Tout autant qu’un enjeu majeur de santé publique, l’accès à un suivi médical est l’un des déterminants de la réussite scolaire. Nous ne pouvons pas laisser nos élèves sans solutions. Les moyens budgétaires ne manquent pas et les postes existent, mais ils ne sont pas pourvus.

En toute honnêteté, il faut reconnaître que le manque de médecins concerne la majeure partie du territoire, et pas seulement la santé scolaire.

Cependant, derrière un problème d’attractivité se cachent toujours les questions des évolutions de carrière, de revalorisation des fonctions et de consolidation des rémunérations. Sur ce dernier point, un effort particulier devrait, me semble-t-il, porter sur le traitement indiciaire et le régime indemnitaire des membres du corps des médecins de l’éducation nationale.

Le texte que nous étudions aujourd’hui ouvre une nouvelle voie. Il vise à permettre aux seuls départements volontaires d’expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire ».

Cette proposition de loi de notre collègue Françoise Gatel, dont je salue l’initiative, s’inscrit ainsi dans la droite ligne du principe de différenciation territoriale, dont le Sénat souhaite la mise en œuvre depuis plusieurs années.

Je tiens toutefois à souligner deux points de vigilance. Le transfert de compétence sera-t-il assorti des moyens financiers nécessaires pour que les départements concernés puissent exercer pleinement leurs nouvelles obligations ? L’État proposera en effet une compensation tenant compte de l’existant, alors qu’il faudrait doubler, voire tripler les moyens.

Par ailleurs, les départements peuvent-ils réellement faire mieux que l’État dans l’exercice de cette compétence, alors que la médecine scolaire fait partie des métiers en tension, pour lesquels l’éducation nationale ne parvient pas à recruter ?

Les départements ne peinent-ils pas à recruter des médecins pour les PMI, par exemple ? Dans l’Essonne, nous ne sommes pas complètement convaincus du bien-fondé de ce transfert.

Néanmoins, le groupe Les Indépendants considère qu’il faut laisser à ce texte la possibilité de prospérer et d’être expérimenté. Il lui apportera par conséquent tout son soutien. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de Françoise Gatel est de bon augure.

En effet, elle s’inscrit dans la logique de la loi 3DS votée dans cet hémicycle, avec le souci de la différenciation et de la décentralisation. Je salue donc l’auteur de cette proposition de loi, Françoise Gatel, ainsi que le rapporteur de la commission des lois, François Bonhomme, pour la qualité du travail qu’ils ont réalisé.

Originellement confiée à l’échelon local, la gestion de la médecine scolaire s’est progressivement centralisée avec l’avènement de l’État providence au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

Chargée d’une mission d’hygiène publique, puis de santé publique, la médecine scolaire assure un suivi médical de nos élèves et la mise en place d’actions de prévention au sein de nos établissements scolaires. Elle est aujourd’hui pleinement du ressort du ministère de l’éducation nationale.

Or force est de constater que la situation est défaillante – c’est un doux euphémisme – dans de nombreux territoires. Dans une majorité d’académies, les postes de médecins scolaires non pourvus sont monnaie courante.

En France, seulement 900 médecins exercent au bénéfice de 12 millions d’élèves, soit un médecin pour 12 000 élèves environ. Je rappelle que l’OMS recommande un ratio d’un médecin pour 5 000 élèves : le compte n’y est pas, madame la ministre.

Bien que ces difficultés de recrutement excèdent le strict champ de la médecine scolaire, les missions de service public qui en dépendent ne peuvent être intégralement assumées. Ainsi, d’après la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), le taux d’élèves bénéficiant de la visite obligatoire en sixième année est inférieur à 20 %.

Face à une médecine scolaire de plus en plus inopérante, le Sénat s’est prononcé à plusieurs reprises, notamment à l’occasion de l’examen de la loi 3DS, en faveur d’une départementalisation de la compétence en question.

Le texte que nous examinons prévoit donc un transfert à titre expérimental de la médecine scolaire aux seuls départements volontaires ; dix-neuf ont déjà manifesté leur intention de participer à cette expérimentation.

Cette disposition défendue de longue par la Haute Assemblée présente plusieurs atouts. L’aspect expérimental de la mesure, tout d’abord, permet aux collectivités concernées de tester l’exercice de cette compétence pour une durée de cinq ans, avec une évaluation à mi-parcours, ainsi que six mois avant son terme.

L’objectif est d’apprécier, au regard des retours d’expérience, la pertinence d’un transfert définitif. Il s’agit d’une logique de long terme, que j’approuve.

Ensuite, aucune obligation d’expérimentation n’est prévue : l’article unique du texte prévoit de laisser aux conseils départementaux le choix de se saisir, ou non, de cette faculté. C’est donc une loi de liberté, et cette valeur, ici, au Sénat, nous y tenons. Seules les collectivités volontaires, via une délibération motivée, pourront donc en bénéficier.

Notons également que, en amont de ladite expérimentation, une convention conclue entre l’État et le département volontaire devra préciser « les modalités de transfert des crédits correspondant au transfert de charges ».

J’appelle l’attention du Gouvernement sur un point : cette expérimentation dans les départements volontaires doit être non pas, en aucun cas, un levier de réduction des concours financiers à destination des départements, mais plutôt l’occasion de consolider les moyens mis en œuvre et de les optimiser dans le cadre d’une gestion de proximité.

Enfin, si ce transfert réversible peut, à terme, favoriser des économies d’échelle, il peut surtout concourir à une meilleure cohérence des politiques publiques en direction de nos concitoyens les plus jeunes.

Comme cela a été rappelé, le département a bénéficié voilà de nombreuses années du transfert de la compétence PMI. Je crois pouvoir dire ici que ce transfert s’est traduit non pas par une réduction des moyens mis à la disposition des politiques de prévention à destination de nos concitoyens les plus jeunes, mais plutôt par leur amélioration.

Nous ne constatons pas non plus – je le dis à l’attention des travées socialistes – une différenciation territoriale qui serait à l’origine d’inégalités croissantes entre les départements. Nous constatons plutôt une homogénéité et un engagement constant des départements en faveur de nos plus jeunes concitoyens.

En somme, il est proposé au travers de ce texte d’assurer un suivi sanitaire départemental des enfants, de la naissance jusqu’au lycée. Ce suivi permettrait d’asseoir le savoir-faire des collaborateurs des collectivités territoriales départementales en matière d’accompagnement de la santé de nos plus jeunes concitoyens.

Il n’est pas nouveau par ailleurs – je tiens à le rappeler – que, dans le cadre de la loi 3DS, le département soit une collectivité d’expérimentation.

Voilà quelques jours, nous avons voté – à la demande du Gouvernement, d’ailleurs – le transfert d’une partie du réseau routier national vers trois régions, afin d’expérimenter, dans le Grand Est, l’écotaxe, ailleurs la modernisation du réseau en lien avec les métropoles. Le Gouvernement ne s’est pas opposé au principe d’une telle expérimentation et d’une territorialisation des politiques en matière routière.

De la même manière, à l’occasion de la loi 3DS, vous le savez, madame la ministre, nous avons mis en place une expérimentation relative aux gestionnaires d’établissement dans les collèges. Hélas, nous constatons un certain nombre de réticences – peut-être les avez-vous exprimées d’une manière moins directe ? – de la part des syndicats et d’une partie des fonctionnaires, qui refusent de travailler différemment, en lien plus étroit avec les départements.

Madame la ministre, ces résistances à la volonté du législateur et, finalement, à une meilleure efficacité de nos politiques publiques, ne sont pas une bonne chose.

M. Jean-Michel Arnaud. C’est pourquoi j’espère que ce texte ira au terme de son parcours législatif. Les derniers travaux de l’Assemblée nationale semblent diverger de la position du Sénat. Ils font d’ailleurs écho à vos propos, madame la ministre.

Pourtant, au vu du diagnostic partagé sur toutes les travées, à savoir celui d’une politique catastrophique en matière de médecine scolaire, je crois pouvoir dire que l’on ne peut pas faire pire.

Par conséquent, osons ! Laissons les dix-neuf départements qui le souhaitent expérimenter le dispositif. Nous l’évaluerons ensuite, mais ne partez pas avec des a priori, madame la ministre. Faites confiance aux territoires. Faites confiance aux collectivités locales et à leur savoir-faire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le parcours de nos enfants au sein de l’éducation nationale est parfois bien chaotique : bâtiments délabrés, recrutements en berne, promesses non tenues de placer un professeur en face de chaque élève ou encore déséquilibre grandissant entre le public et le privé.

L’un des sujets sur lesquels le système est de plus en plus défaillant est celui de la médecine scolaire. Les difficultés sont d’abord celles qui touchent la médecine : la raréfaction des médecins pèse aussi, cela a été dit et répété, sur l’organisation de la médecine scolaire. Notre rapporteur rappelait que 45 % des postes étaient vacants à la fin de l’année 2022, avec des disparités impressionnantes, puisque dans l’académie de Créteil, par exemple, ce taux a atteint 79 %.

Ce manque de soignants est aussi le reflet du défaut de reconnaissance dont souffre cette profession, à l’instar d’ailleurs de toutes les professions médicales préventives. C’est également le cas dans la médecine du travail, d’ailleurs.

C’est dans ce contexte qu’est débattue cette proposition de loi tendant à transférer la compétence « médecine scolaire » aux départements, qui sont déjà compétents en matière de protection maternelle et infantile. Les moyens entre la PMI et la médecine scolaire pourraient donc être mutualisés.

Une chose est sûre, les visites prévues en particulier à l’entrée de l’école et au collège sont nécessaires pour détecter des problèmes aussi sensibles que les troubles psychiatriques, les situations de violences intrafamiliales ou encore le harcèlement.

Ces trois visites obligatoires sont essentielles pour la prise en charge précoce et parfois simple de troubles de l’apprentissage. Or, selon la direction générale de l’enseignement scolaire, moins de 20 % des élèves bénéficient de la visite obligatoire de la sixième année.

Sur les 80 départements pour lesquels les données ont permis de calculer un taux de visite en 2013, quelque 51 voient leur performance se dégrader en 2018-2019. Pis, huit enfants sur dix n’ont jamais vu un médecin scolaire, selon le rapport présenté mi-mai par le député Robin Reda à l’Assemblée nationale.

La situation est d’autant plus préoccupante que la médecine scolaire constitue parfois l’unique voie d’entrée de certains enfants dans un parcours de prévention, de prise en charge ou de soins adaptés.

Ce manque de mise en œuvre des missions de la médecine scolaire est dû aussi, nous le savons, à un dysfonctionnement majeur dont l’administration française a parfois le secret : le pilotage en cascade de la santé scolaire, avec une chaîne hiérarchique distincte de la chaîne fonctionnelle crée une grave hétérogénéité dans une répartition par département.

C’est dans ce contexte que nous étudions cette proposition d’expérimentation. Si le GEST et les écologistes ont toujours soutenu des gouvernances plus déconcentrées et une différenciation importante au sein de nos territoires, plusieurs points soulèvent des questions.

Le premier a trait aux moyens transférés par l’État pour exercer lesdites compétences. Nous avons souvent constaté que les transferts de moyens associés à une compétence ne sont pas toujours adaptés. Surtout, que se passe-t-il si les règles changent ?

Imaginons qu’elles imposent, après le transfert aux départements, de nouvelles consultations ou des missions supplémentaires. Ce ne serait pas la première fois que l’État transfère une compétence à coût compensé pour ensuite modifier son champ sans compensation.

Cette question financière peut aussi être source d’une possible rupture d’égalité majeure entre des territoires aux ressources différentes.

Certaines collectivités ont pu toutefois, au travers de cette action de médecine scolaire, mieux appréhender les déterminants de la santé et envisager de manière plus structurée la territorialisation des politiques de santé. C’est ce que m’a rapporté, par exemple, ma collègue Anne Souyris, après l’avoir constaté à Paris. Le sujet est donc complexe, et notre groupe sera particulièrement attentif aux explications de Mme la ministre.

Nous voterons vraisemblablement ce texte,…

Mme Françoise Gatel. Vraisemblablement ?

M. Guy Benarroche. … en veillant à ce que, pour une fois, l’évaluation de l’expérimentation soit menée intégralement avant une possible généralisation, qui ne pourra se faire sans l’accord des départements.

Enfin, si à la fin de l’expérimentation une généralisation est décidée pour les départements participants, il faudra laisser la main aux autres, pour qu’ils demandent ou non ce transfert. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, face à l’indigence de la médecine scolaire dans notre pays, il pourrait être tentant de confier à un autre acteur la tâche que l’État ne parvient pas à remplir d’une manière satisfaisante.

La Cour des comptes indiquait en avril 2020 que la France comptait, en 2018, un médecin scolaire pour plus de 12 000 élèves, quand l’OMS recommande un ratio d’un pour 5 000. Et ces chiffres ne sont qu’une moyenne : la Nouvelle-Calédonie ne comptait qu’un seul médecin scolaire pour 47 000 élèves, la Seine-Saint-Denis, 29 médecins scolaires pour près de 340 000 élèves, et mon département de la Seine-Maritime une trentaine de médecins scolaires pour plus de 200 000 élèves.

Cette lourde carence a des implications directes sur la santé des enfants – la santé prise au sens large, telle que l’OMS la définit, c’est-à-dire un état qui ne se résume pas à ne pas être malade.

La médecine scolaire – nous préférons parler de santé scolaire – doit à nos yeux être partie intégrante des objectifs de réussite scolaire des enfants, des jeunes, de la maternelle à l’université, ce qui n’empêche évidemment en rien de travailler avec les services de PMI, bien au contraire, pour donner à tous les élèves les clés pour vivre et étudier dans les meilleures conditions.

La santé scolaire a aussi vocation à accompagner tous les élèves, y compris ceux qui ont des besoins particuliers. Elle doit donc être reliée à l’ensemble de la communauté éducative. C’est évidemment trop peu le cas aujourd’hui, en raison du manque de personnels, notamment de médecins.

Cependant, j’ai plutôt le sentiment que le transfert de cette compétence au département relève du cadeau empoisonné. Devront-ils recruter durant l’expérimentation ? Et comment le pourront-ils, alors qu’une majorité d’entre eux connaît une situation financière très difficile ? En effet, M. le rapporteur l’a rappelé, le taux de réalisation des visites médicales obligatoires avant 6 ans par les médecins scolaires n’était que de 18 % en 2018, et je pourrais malheureusement donner d’autres exemples de carence.

La responsabilité d’assumer ces visites que la loi exige reviendrait donc au département si nous votions ce texte. Mais, vous le savez, les départements peinent eux-mêmes déjà à recruter des médecins de PMI, certains parce qu’ils sont asphyxiés financièrement, d’autres, qui le sont peut-être moins, en raison du manque d’attractivité, notamment salariale, de la fonction, ou encore de la pénurie de soignants que nous connaissons dans l’ensemble du pays.

Enfin, si des départements se montrent favorables à ce transfert ou du moins à son expérimentation, ils ne sont pas tous d’accord sur la manière d’assumer cette compétence ni sur son périmètre. Certains envisagent de la prendre en charge jusqu’au collège, d’autres jusqu’au lycée. Cela montre à nos yeux que ce transfert ne recueille qu’un avis mitigé, ce qui en soi rend cette expérimentation quelque peu superflue. Je crains aussi un morcellement de la compétence qui la rendrait illisible et encore moins efficace, alors même que les besoins sont énormes.

Cette expérimentation risque même de conduire l’État à se défausser d’une mission essentielle, sans garantir aux départements un financement adéquat pour assumer cette compétence ; on en a malheureusement trop souvent l’expérience. Et lorsque j’entends parler de mutualisation et de rationalisation, je crains que l’on n’ait pas l’ambition d’assurer cette mission de manière pleine et entière.

En cohérence avec ce que nous disons depuis le début de ce débat, nous voterons donc contre ce texte, chère Françoise Gatel.

Notre vision des collectivités est la suivante. (Marques dimpatience sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) Nous souhaitons non pas qu’elles assument les compétences que l’État leur transfère avec les moyens qu’il consent, mais qu’elles répondent aux besoins des populations de leur territoire,…

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Céline Brulin. … en application d’une forme de contrat qui les lie à elles. Or, en matière de santé, elles ont déjà fort à faire !

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Philippe Grosvalet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, j’avais prévu une intervention écrite, comme cela semble être l’usage ici, pour dire tout le bien que je pense de cette proposition de loi, même si évidemment les réserves émises, notamment par le groupe socialiste, sont parfaitement audibles.

Madame la ministre, je garde en mémoire une rencontre à l’Élysée en 2017 – j’accompagnais alors Dominique Bussereau, président de l’Association des départements de France. Le Président de la République nous avait parlé de continuum en matière d’insertion et d’emploi. Je me souviens également que ce même Président de la République avait évoqué la question de la protection de l’enfance lorsque la France était chamboulée par le mouvement des « gilets jaunes ».

De quoi parlons-nous ce soir ? De statistiques ? Ou alors – j’y reviendrai si le temps me le permet – du statut des personnels ? Non, de quelque chose de bien plus essentiel, à savoir la santé de nos enfants ! Quand 80 % des enfants en âge d’apprendre à lire ne bénéficient pas d’une simple visite médicale, l’État est défaillant, madame la ministre.

M. Philippe Grosvalet. Et quand l’État est défaillant, il faut le dire. Madame la ministre, vous n’y êtes pour rien, puisque cela fait vingt ans que le déclin de la médecine scolaire partout dans notre pays est une réalité.

M. François Bonhomme, rapporteur. Il s’aggrave !

M. Philippe Grosvalet. Dans certains territoires, comme à Saint-Flour, dans le Cantal, il n’y a aucun médecin scolaire.

Bien sûr, lorsque j’étais président de département, nous avions nous aussi des difficultés à recruter des médecins pour la PMI. Mais quand dans les facultés de médecine disent aux jeunes médecins que, s’ils ne travaillent pas, ils finiront médecins de PMI, cela ne va pas ! Il me semble que l’État doit prendre ses responsabilités.

Madame la ministre, si l’État et les collectivités territoriales, en l’occurrence les départements, ne sont pas capables de faire ce pas de côté nécessaire pour la santé de nos enfants, nous n’avancerons pas. Et, dans vingt ans, je ne serai plus là, mais, sur les travées de cette assemblée, on dressera toujours les mêmes constats.

Il me semble qu’il y a eu la décentralisation en France. Madame la ministre, venez dans nos collèges et dans nos lycées et demandez aux personnels qui ont été transférés en 2004 s’ils feraient marche arrière.

M. Mathieu Darnaud. Il n’y en a pas beaucoup qui se plaignent…

Mme Françoise Gatel. Tout à fait !

M. Philippe Grosvalet. Les personnels de santé dans l’éducation nationale sont isolés : il faut prendre en compte ce constat et avancer. Aussi, avançons ensemble !

La méthode proposée me semble bonne. Elle permet le volontariat, l’expérimentation, l’évaluation. Ensuite, nous verrons bien. Bien sûr, il y a la question des finances départementales. Nous connaissons l’état des lieux, mais prenons des risques, ou plutôt prenez des risques, madame la ministre, et les départements qui voudront assumer ces risques les prendront également.

M. Philippe Grosvalet. L’expérience de notre pays en matière de décentralisation montre à l’évidence qu’il s’agit d’une démarche de progrès.

Madame la ministre, osez le pas de côté ; osez la décentralisation – nous ne vous faisons pas de procès en recentralisation ; osez l’expérimentation ; osez l’innovation ; osez l’évaluation. Bref, osez ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)

M. Henri Cabanel. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Christian Bruyen. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Bruyen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le constat d’une médecine scolaire en grande difficulté, ne répondant plus aux enjeux de notre politique de santé publique, j’ai pu le dresser moi-même, en tant que maire, président de département, enseignant et père de famille.

Malheureusement, je ne suis pas le seul, tant s’en faut. Partout en France, particulièrement dans la ruralité, c’est à une véritable dégradation du système que nous assistons depuis de nombreuses années. Les personnels chargés de cette mission n’en sont évidemment pas responsables : il y a lieu d’incriminer, d’une part, leur faible nombre et, d’autre part, une organisation inadaptée.

Il faut donc envisager une approche nouvelle, et je veux remercier Françoise Gatel du dépôt de cette proposition de loi, ainsi que le rapporteur, François Bonhomme, du travail qu’il a réalisé.

Face aux défaillances devenues trop fréquentes, mais auxquelles il est interdit de s’habituer, l’expérimentation proposée va véritablement dans le bon sens.

Mes chers collègues, permettez-moi de m’attarder sur un point tout à fait essentiel, celui de la compensation financière. Assurer de nouvelles responsabilités, les départements savent faire ; ils l’ont montré avec les solidarités, avec l’éducation, avec le transfert des collèges voilà quelques années, ces compétences impliquant le transfert d’un grand nombre d’agents d’État.

Personne ne peut aujourd’hui contester les bienfaits de l’exercice en proximité de ces politiques ainsi décentralisées, à condition que les collectivités disposent des moyens idoines. Aussi, il ne faudrait pas que cette expérimentation soit un marché de dupes, comme on a malheureusement trop l’habitude d’en voir.

La Nation se doit de faire un effort pour la santé de sa jeunesse. À cet égard, je tiens à souligner aussi le terrible manque de moyens de la pédopsychiatrie face à l’augmentation du nombre d’enfants en situation de handicap, avec de plus en plus souvent des troubles psy ou comportementaux associés.

Pour poursuivre sur ces sujets, je considère comme indispensable de renforcer le lien entre le dispositif de la PMI et la médecine scolaire, tout en garantissant à chacun la maîtrise de ses propres missions. On pourrait par exemple imaginer une étroite coordination entre les bilans de santé qui sont établis en maternelle par la PMI et ceux qui sont réalisés à l’entrée au CP par la médecine scolaire ; je puis vous assurer que c’est loin d’être fait partout. Et je pourrais prendre d’autres exemples.

Faisons confiance aux départements, dont le sens des responsabilités en matière sociale, éducative et de santé est incontestable.

Madame la ministre, vous souhaitez, nous dites-vous, être attentive à ne pas complexifier les équations budgétaires des départements. C’est louable, mais j’ai trouvé récemment le Gouvernement bien moins embarrassé lorsqu’il s’est agi de transférer aux départements, volontaires ou non, sans concertation, l’allocation de solidarité spécifique (ASS), pour plus de 2 milliards d’euros… (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Comme je l’ai déjà dit, nous avons besoin non pas d’une loi 3DS, mais d’une loi 3C : confiance, confiance, confiance ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)