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Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement
Discussion générale (suite)

Protéger le groupe Électricité de France

Adoption définitive en troisième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en troisième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en troisième lecture, visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (proposition n° 370, texte de la commission n° 473, rapport n° 472).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement
Article 2 (texte non modifié par la commission) (début)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Monsieur le président, madame la rapporteure, chère Christine Lavarde, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voilà donc réunis pour la troisième lecture de ce texte.

Je m’étais engagé, lors du dernier examen de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, à ce que le Gouvernement l’inscrive à l’ordre du jour du Sénat dès aujourd’hui : c’est chose faite.

Cette troisième lecture permettra d’achever un travail engagé depuis plus d’un an, à l’issue duquel nous sommes parvenus à un texte auquel le Gouvernement est favorable.

Je veux remercier tous ceux qui se sont impliqués à l’Assemblée nationale et au Sénat, notamment le député rapporteur M. Philippe Brun, dont je suis sûr qu’il nous écoute, ainsi que la sénatrice rapporteure Mme Christine Lavarde, qui a succédé à Gérard Longuet – ce sont les joies du calendrier parlementaire – et que je remercie tout particulièrement pour le travail accompli.

Le texte auquel nous avons abouti devrait pouvoir donner lieu à un vote conforme, même si je ne veux pas, bien évidemment, préjuger de la volonté de la Haute Assemblée. Depuis son examen en première lecture, il a été – il faut le reconnaître – très largement enrichi, réécrit et amendé, de sorte que ces évolutions lui permettent désormais de prospérer, grâce à des mesures qui ont deux objets principaux.

Il s’agit tout d’abord d’inscrire dans la durée la relation entre l’État – actionnaire à 100 % – et EDF, par la conclusion d’un accord de dix ans, actualisé tous les trois ans. Cela est cohérent, bien évidemment, avec le contexte d’investissement massif que connaîtra l’entreprise dans les deux prochaines décennies.

Madame la rapporteure, comme je sais que vous y êtes sensible, je tiens à préciser que ce contrat vaudra pour dix années courantes ; nous pourrons clarifier de nouveau ce point dans le cadre de l’examen d’un amendement que vous avez déposé. De plus, tous les trois ans, un nouveau contrat de dix ans sera signé entre l’État et Électricité de France.

Il s’agit ensuite d’étendre, à partir du 1er février 2025, le tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE) aux très petites entreprises (TPE) et aux petites communes.

Grâce à l’élargissement des critères d’éligibilité, ledit tarif s’appliquera à 25 000 communes, contre 15 000 auparavant, soit à une très large majorité des communes de France. En outre, 3,7 millions de TPE seront éligibles contre 2,7 millions auparavant, soit 30 % de TPE supplémentaires.

Surtout, même si je dois reconnaître que le Gouvernement était un peu réservé sur cette mesure, …

M. Fabien Gay. C’est un euphémisme.

M. Roland Lescure, ministre délégué. … le dispositif sera plus simple, comme chacun en conviendra, dans la mesure où il évitera des distinctions parfois complexes en fonction de la puissance des compteurs.

C’est un signal protecteur que nous enverrons ainsi aux artisans, aux commerçants, aux agriculteurs et aux collectivités locales, et nous le ferons – de mon point de vue – au bon moment, puisque le contexte s’est apaisé et que les prix de l’énergie sont bas. Par conséquent, je considère que c’est une bonne mesure que de proposer aujourd’hui un dispositif de protection pour anticiper toute nouvelle augmentation des prix du marché – ce qui peut malheureusement encore arriver…

Cette troisième lecture, que j’espère définitive, intervient également neuf mois après l’offre publique d’achat (OPA) de l’État sur EDF, qui s’est bien passée.

Je ne serai pas plus long et vous inviterai simplement à adopter conforme le texte issu de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je n’épuiserai pas le temps de parole qui m’est imparti, car il est urgent d’accélérer sur ce texte.

Cette proposition de loi aura mobilisé beaucoup d’énergie. Malheureusement pour ses auteurs, ses rendements ont été décroissants au fil des lectures, le texte que nous nous apprêtons à adopter cet après-midi étant en effet assez éloigné de sa version initiale.

Pour ma part, je n’ai aucun état d’âme à proposer au Sénat d’adopter ce texte conforme, puisque, à l’issue de sa troisième lecture à l’Assemblée nationale, il est exactement conforme à l’esprit de celui que nous avons voté à deux reprises dans cet hémicycle, en première et en deuxième lecture.

Aussi, je m’étonne quelque peu que certains députés aient pu dire que le Gouvernement avait plié devant la représentation nationale. Les avancées du texte ne constituent en aucun cas un renoncement, elles sont simplement l’aboutissement d’une discussion.

Le ministre a reconnu que, à l’origine, le Gouvernement n’était pas très favorable à l’article 3 bis. Les députés de la majorité avaient même quitté l’hémicycle au moment de voter l’extension des tarifs réglementés lors de la première lecture du texte.

Je reconnais que la rédaction initiale de cet article pouvait être problématique à plusieurs égards. Au reste, l’Assemblée nationale a fini par se rallier à la sagesse du Sénat en adoptant un dispositif conforme au droit européen.

De son côté, le Gouvernement a accepté de soutenir un texte plus ambitieux que celui qui a été déposé au Conseil d’État à la fin de l’année 2023, lequel prévoyait un plafond de 250 kilovoltampères.

S’il convient de se réjouir que nos très petites entreprises et nos collectivités puissent désormais compter sur un système protecteur si une crise advenait, il faut également avoir le courage de dire que le dispositif n’est ni opérant ni intéressant à l’heure actuelle.

J’ai fait un test aujourd’hui même et consulté le comparateur du médiateur de l’énergie pour voir ce que je paierais si je renonçais aux tarifs réglementés et optais pour une offre de marché. En restant chez le même opérateur, je gagnerais 15 %, de même qu’en optant pour une offre d’électricité verte. Autrement dit, les tarifs réglementés ne sont pas plus attractifs que les offres de marché.

Par ailleurs, nous manquons de visibilité sur ce qui adviendra de la formule de calcul des tarifs réglementés de vente de l’électricité lorsque l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) prendra fin le 31 décembre 2025. Voilà la question à laquelle nous devons collectivement répondre.

À mon sens, la régulation d’EDF, notamment au travers du contrat décennal que vous avez mentionné, monsieur le ministre, permettra à l’État actionnaire et à l’entreprise de définir la politique qu’ils souhaitent mener pour assurer une énergie à un prix compétitif, à la fois aux citoyens et aux entreprises, sur une longue durée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je veux réaffirmer à cette tribune le caractère hautement stratégique d’EDF pour notre pays, en tant qu’opérateur historique.

Au travers de l’examen de ce texte en troisième lecture, nous devons préserver l’indépendance énergétique de la France, ainsi que la maîtrise et la sécurité des infrastructures de production, de transport et de distribution d’électricité, en particulier des centrales nucléaires.

La nationalisation d’EDF qui était proposée dans le texte initial a été abandonnée. Qualifiée d’entreprise d’intérêt national, EDF est désormais une société anonyme au capital détenu à 100 % par l’État. Ce choix protège l’opérateur de toute tentative de privatisation et sanctuarise son rattachement à l’État : il ne sera pas possible pour un gouvernement d’ouvrir le capital de l’entreprise sans passer par un vote au Parlement.

Le débat parlementaire, auquel le groupe du RDSE est très attaché, a permis d’aboutir à une proposition de loi qui, si elle est loin d’être parfaite, constitue néanmoins une première garantie. De plus, le spectre du démembrement d’EDF qu’incarnait le projet Hercule s’éloigne encore.

Ainsi, nous préservons notre indépendance énergétique et notre production très largement décarbonée d’électricité, en maintenant des coûts de production raisonnables par rapport à ceux de nos voisins européens. La signature d’un contrat décennal – que vous avez confirmée, monsieur le ministre – et l’extension des tarifs réglementés aux petites entreprises constituent des améliorations, même si la réglementation est insuffisante, comme l’a souligné la rapporteure.

L’actionnariat salarié, qui est souvent vanté dans notre pays, serait un atout pour l’opérateur, car il renforcerait l’implication des salariés dans la réussite de l’entreprise.

Comme il est question d’EDF, j’aborderai la hausse vertigineuse des tarifs de l’électricité. Selon l’UFC-Que Choisir, ces tarifs ont augmenté de 49 % entre janvier 2022 et février 2024, cependant que les prix alimentaires augmentaient de 23 %. Quand s’arrêtera cette spirale infernale pour le consommateur ?

Quant à la hausse des taxes sur l’électricité, ne s’agit-il pas, monsieur le ministre, d’une entorse au sacro-saint principe, répété en boucle par le Gouvernement, du « pas de hausse de la fiscalité » ?

Pour ma part, je trouve problématique le mode de calcul des prix pour le consommateur français, qui se fonde sur les prix des marchés internationaux indexés sur le prix du gaz, alors que l’électricité consommée en France est produite à 94 % sur le territoire national.

Enfin, à quelques semaines des élections européennes, il convient de s’interroger sur l’harmonisation des politiques nationales en matière de production énergétique. Elle doit se faire vers le haut, plutôt qu’en tirant vers le bas les bons élèves, ceux qui ont décarboné leur production énergétique. Ceux qui ont choisi des énergies fossiles, en particulier l’Allemagne, n’ont pas à faire payer l’addition aux Français.

Ces réflexions mises à part, le groupe du RDSE, sans enthousiasme, mais avec raison, votera majoritairement en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Saïd Omar Oili. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons pour la troisième fois la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement. Comme l’illustre l’évolution même de son intitulé – initialement « proposition de loi visant à la nationalisation du groupe Électricité de France » –, cette proposition de loi a été grandement transformée au cours de nos discussions.

Elle l’a tout d’abord été grâce à l’action du Gouvernement, qui a agi promptement pour protéger le groupe Électricité de France. L’offre publique d’achat simplifiée qu’il a lancée en 2022 a été un succès : le capital d’EDF est désormais détenu à 100 % par l’État. Dès lors, les articles 1er et 3 de la proposition de loi sont devenus inopérants et ont donc été supprimés.

Nos discussions sur un temps long et la navette parlementaire ont également été cruciales pour établir progressivement un texte responsable et proportionné aux enjeux de la politique énergétique.

Je salue les modifications par le Gouvernement de l’article 3 sur l’actionnariat salarié. Le groupe RDPI soutient évidemment les mesures favorisant ce dernier, mais comme l’a rappelé Mme la rapporteure en commission des finances, l’ouverture du capital dès à présent aux salariés et aux anciens salariés du groupe n’aurait pas grand intérêt pour eux.

En effet, au vu de la situation financière du groupe EDF, il est très peu probable qu’ils reçoivent des dividendes dans les années à venir. Aussi nous semble-t-il préférable d’encourager l’intéressement au sein du groupe, comme s’est engagé à le faire son président-directeur général Luc Rémont, tout en nous laissant la possibilité d’ouvrir le capital aux salariés et aux anciens salariés lorsque le groupe se trouvera dans une meilleure situation.

Par ailleurs, nous nous réjouissons que l’Assemblée nationale ait entériné la version sénatoriale de l’article 3 bis en supprimant la condition limitative d’accès des très petites entreprises et des petites communes aux tarifs réglementés de vente de l’électricité aux seuls compteurs électriques ayant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères.

L’accès aux TRVE des nombreux boulangers, restaurateurs ou fleuristes qui en étaient exclus jusqu’alors renforcera les tissus économiques et sociaux locaux et les protégera en cas de nouvelle crise énergétique.

En outre, en adoptant la rédaction sénatoriale de l’article 3 bis et en acceptant l’ouverture ciblée du périmètre d’éligibilité des TRVE, l’Assemblée nationale a rendu le dispositif conforme aux normes européennes en la matière. Cela nous permet d’envoyer un message de responsabilité budgétaire particulièrement nécessaire dans la perspective de redresser la trajectoire de nos finances publiques.

Chers collègues, cet effort a été transpartisan et devrait, je l’espère, aboutir à l’adoption du texte dans une version conforme à celle qui nous a été transmise par l’Assemblée nationale. L’accord de nombreux groupes politiques entre eux, celui du Gouvernement avec le Parlement et celui, probable, des deux chambres est rare et doit être salué.

La combinaison de l’action du Gouvernement en amont de l’adoption de cette proposition de loi et des dispositions introduites dans cette dernière nous assurera de conserver la mainmise sur notre politique énergétique. Nous pouvons nous en féliciter.

Aussi, à la faveur des multiples changements effectués au cours des trois lectures, qui sont autant de compromis issus de nos temps d’échange, le groupe RDPI votera le texte conforme à celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale. Nous pensons qu’il constitue désormais un texte raisonnable, réaliste et utile, pour protéger tant le groupe EDF que les TPE et les petites communes.

Puisque mon temps de parole n’est pas épuisé, je conclurai en formulant une remarque, en tant que sénateur de Mayotte, sur l’article 3 ter. Cet article ayant été voté conforme par les deux assemblées, je suis conscient que nous ne pourrons pas revenir dessus, mais je ne vois pas l’intérêt de nationaliser Électricité de Mayotte (EDM) et donc de réaliser un rapport à cet effet.

Les situations des groupes EDF et EDM sont différentes et je ne pense pas qu’il faille transposer ce que nous avons fait à l’échelle métropolitaine au territoire mahorais, qui, comme vous le savez, est confronté à des enjeux spécifiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous espérons que cette troisième lecture permettra l’adoption d’un texte conforme à celui de l’Assemblée nationale.

Si, à l’évidence, ce texte a considérablement évolué et si d’aucuns peuvent regretter le redimensionnement de son contenu, je pense néanmoins que nous pouvons être collectivement fiers du travail mené par l’ensemble des parlementaires.

Les socialistes peuvent en effet s’enorgueillir d’avoir largement convaincu sur toutes les travées – certes laborieusement – de la nécessité de sanctuariser le fleuron national qu’est EDF, de retrouver le contrôle de notre souveraineté énergétique et de protéger les Français contre la précarité énergétique qui les accable.

Tous ces enjeux d’intérêt supérieur rendaient impératifs un dialogue et donc un compromis : c’est la méthode que nous avons tous scrupuleusement appliquée.

Naturellement, nous aurions préféré que figure dans cette proposition de loi l’incessibilité d’Enedis et l’ouverture du capital d’EDF à ses salariés et anciens salariés. Toutefois, nous avons choisi de nous concentrer sur l’essentiel pour parvenir à l’adoption conforme et définitive de cette proposition de loi et entériner les avancées qu’elle comporte.

Première de ces avancées : la détention à 100 % publique du capital d’EDF est consacrée et la notion de société d’intérêt national, que nous avons inscrite en première lecture, est maintenue. Sans avoir pour objectif de figer définitivement la structure capitalistique d’EDF, cette rédaction impose au Gouvernement de saisir le Parlement pour toute nouvelle évolution de la participation publique au capital de la société.

Comme le démontrent d’ores et déjà les auditions menées par la commission d’enquête sénatoriale portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 conduite par Franck Montaugé et Vincent Delahaye, le réarmement du service public de l’électricité est devenu une urgence du temps présent et un impératif pour notre avenir.

C’est la raison pour laquelle, au-delà de cette proposition de loi, nous demandons de nouveau au Gouvernement de définir une stratégie claire pour l’avenir énergétique du pays en présentant dans les meilleurs délais le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat maintes fois annoncé et maintes fois reporté.

Seconde avancée majeure de ce texte : les tarifs réglementés de vente de l’électricité sont étendus sans condition de puissance souscrite à l’ensemble des très petites entreprises et des collectivités dont le budget s’élève à moins de 2 millions d’euros et comptant moins de dix équivalents temps plein. Face à la volatilité des prix de l’énergie, il s’agit d’un bouclier vital pour nos millions d’artisans, de commerçants, de restaurateurs et d’agriculteurs.

Pour conclure, je rends hommage à toutes celles et à tous ceux qui, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, nous auront permis de nous rassembler autour de choix stratégiques pour assurer la souveraineté et l’indépendance de notre pays et pour protéger nos concitoyens de la flambée inflationniste des prix de l’électricité.

Sans trancher le débat politique et philosophique qui peut nous opposer çà et là dans cet hémicycle sur cette question, l’examen de cette proposition de loi aura eu la vertu de transcender les antagonismes pour faire émerger des convergences. In fine, nous nous sommes accordés sur l’essentiel. Ce fut un exercice de parlementarisme abouti.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Belin. Madame la rapporteure, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir repris le travail de notre ancien collègue Gérard Longuet en vue d’aboutir, enfin, à un vote conforme entre les deux chambres sur cette proposition de loi – tout du moins, tel est le souhait du groupe que je représente.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte comporte certes des paragraphes techniques sur le capital, le démembrement ou la participation, comme cela a été souligné en commission, mais il y a urgence à l’adopter, car son volet sur les tarifs réglementés de vente de l’électricité constitue un véritable progrès.

Nous pouvons nous en féliciter, car nos communes, essentiellement les communes rurales – celles qui emploient moins de dix ETP ou dont le budget de fonctionnement est inférieur à 2 millions d’euros –, vont pouvoir en bénéficier. Alors que depuis deux ans, nos collectivités souffrent et sont forcées de réaliser des économies pour faire face à la hausse des prix de l’énergie et à la baisse de leurs recettes de fonctionnement, nous leur adressons un message de soutien.

Nous adressons également un message de soutien aux commerçants, qui sont particulièrement concernés par la hausse des prix de l’électricité depuis l’automne 2022. Nous avons beaucoup parlé des boulangers, qui sont dans une situation de concurrence sinon injuste, du moins déséquilibrée avec la grande distribution. Nous leur apportons une réponse.

À cet égard, j’adresse pour conclure mes pensées au boulanger de Buxeuil, dans la Vienne, qui a été confronté ce week-end aux inondations. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines j’avais exprimé, au nom des sénateurs du Rassemblement national, notre perplexité devant un texte qui manquait profondément d’ambition, tant pour garantir la pérennité du groupe EDF que pour faire de cette nationalisation une occasion déterminante pour améliorer les rapports, toujours complexes, entre le capital et le travail.

Certes, le principe d’une détention publique intégrale du groupe est maintenu, comme la mention d’une entreprise d’intérêt national, ce qui laisse imaginer une protection supérieure face à tout processus de démembrement futur du groupe EDF. Néanmoins, l’abandon de dispositions importantes pour garantir l’actionnariat salarié constitue un grand défaut du texte.

Nous nous étonnons que la majorité sénatoriale, que nous pensions attachée au grand principe gaulliste de la participation, ait été l’allié le plus zélé du Gouvernement pour limiter au minimum le déploiement d’un actionnariat salarié réel au sein du groupe EDF. Cet actionnariat aurait permis, il convient de le rappeler, de garantir un partage de la valeur bénéfique pour le pouvoir d’achat des salariés, mais également de protéger davantage le groupe EDF d’un futur démantèlement boursier.

Laisser ce domaine au pouvoir réglementaire relève d’une forme de mépris du Parlement que nous ne cesserons jamais de dénoncer. Le principe d’un actionnariat salarié aurait dû être fixé dans la loi, le Gouvernement, ainsi encadré par l’action du législateur, conservant le soin d’organiser effectivement le partage de la valeur à moyen terme au sein de l’entreprise.

Loin d’être anachronique, la participation constitue toujours une idée profondément moderne, alliant engagement réel des salariés dans l’entreprise, pouvoir d’achat, protection de notre souveraineté et une gouvernance plus coopérative des grands groupes.

Ce texte aurait pu constituer l’occasion d’inscrire ce principe dans la loi et d’en faire un modèle exemplaire, pouvant être étendu à d’autres entreprises publiques, voire privées. Une telle disposition aurait été novatrice, à l’heure où l’atonie économique se conjugue avec l’asphyxie inflationniste. Encore une fois, la droite sénatoriale et le Gouvernement ont choisi le conservatisme le plus obtus ; nous le regrettons.

Comme notre collègue député auteur de cette proposition de loi, je ne crois pas à la bonne foi du Gouvernement quant au maintien de la propriété publique d’EDF. Comment faire confiance à un gouvernement ayant sciemment organisé le démantèlement de notre système énergétique, endetté EDF et enrichi sans raison des traders de l’énergie et l’industrie du charbon allemand ?

Fidèles à notre pragmatisme et à notre soutien sans réserve à l’intérêt national, nous voterons malgré tout en faveur de ce texte, mais nous appelons le Parlement à faire preuve de la plus grande vigilance sur le futur d’EDF.

En 2027, il nous faudra reconstruire notre indépendance énergétique, qu’on a laissé tomber depuis des décennies. Le défi sera grand, mais, plus que jamais, les Français attendent qu’on allège leur fardeau. Si la majorité actuelle n’a pas souhaité le faire, une majorité nouvelle le fera.

M. Mickaël Vallet. Avec Gazprom !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, revenons à l’hiver 2022. Nous étions quelques mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui avait engendré de vives tensions sur le marché du gaz. Le prix de l’énergie explosait. Il était question de coupures d’électricité, ce qui nous a obligés à importer de l’énergie fossile des centrales à charbon des pays voisins.

Cette situation résultait-elle de mauvais choix stratégiques d’une entreprise nationale ?

M. Pierre-Jean Verzelen. Non ! Elle était à la fois le fruit d’un mécanisme de fixation du prix de l’électricité en Europe qui est complètement fou, d’un contexte géopolitique explosif et, surtout, de mauvaises décisions politiques et gouvernementales, à la suite de l’accord électoral conclu entre Martine Aubry et Europe Écologie Les Verts.

Cet accord avait pour objet de ramener à 50 % la part du nucléaire dans notre production d’énergie et donc à fermer plusieurs centrales nucléaires.

M. Thomas Dossus. Vingt-deux réacteurs à l’arrêt !

M. Pierre-Jean Verzelen. Il avait été validé par le futur Président de la République, encore candidat, qui, à l’époque, qualifiait le nucléaire d’énergie du passé… Belle vision ! Dix ans plus tard, nous voyons le résultat…

Évidemment que la question de l’énergie est éminemment stratégique pour un État, et chacun comprend que la force publique soit aux avant-postes sur ce sujet. De fait, cela a toujours été le cas.

La question qui est posée au travers de cette proposition de loi est celle des rapports, du lien entre l’État et les grandes entreprises nationales. Nous en revenons à un débat qui anime la vie politique depuis longtemps : celui sur les nationalisations. L’État est-il un bon capitaine d’industrie ? On a toujours constaté le contraire…

Au reste, l’intégralité des gouvernements qui se sont succédé l’avaient bien compris : ceux qui ont le plus privatisé sont certes le gouvernement Chirac de 1986, sous l’égide du ministre Édouard Balladur, mais aussi le gouvernement de Lionel Jospin. Ce dernier a même été celui qui a privatisé le plus d’entreprises publiques sous la Ve République.

Nous sommes de ceux qui pensent que l’État ne doit pas administrer les entreprises. En revanche, nous sommes de ceux qui défendent un État stratège, qui se substitue au privé pour bâtir et lancer des filières en mettant, en clair, de l’argent là où le marché ne le ferait pas.

De la même manière, l’État doit assumer la relance de filières auxquelles nous avons pu tourner le dos. C’est le cas du nucléaire et donc d’EDF. Il convient d’investir de nouveau dans la recherche et l’innovation, de former des ingénieurs et de retrouver de la main-d’œuvre. Voilà où nous en sommes, nous qui étions numéro un du secteur il y a encore quelques années…

Le Gouvernement a fait le choix, avec le soutien des deux assemblées, de relancer la construction de nouvelles centrales. Nous soutenons pleinement cette orientation, qui est pertinente à la fois en matière de souveraineté énergétique et en matière écologique.

En ce qui concerne le mécanisme de fixation du prix européen, dit mécanisme de la dernière énergie appelée, la situation est tout à fait incompréhensible pour les Français, les collectivités, les entreprises et nombre d’entre nous. Nous produisons une électricité à un coût raisonnable. Le prix auquel nous payons l’énergie que nous consommons doit être en rapport avec son coût de production à l’échelle nationale.

Enfin, les tarifs réglementés de vente de l’électricité ont protégé les foyers lors de la crise énergétique. Nous saluons donc leur extension aux TPE et aux communes, qui pourront ainsi bénéficier de prix raisonnables en cas d’explosion des tarifs de l’électricité.

Vous l’aurez compris, notre groupe votera en faveur de la version finale de ce texte, qui est largement inspirée des travaux du Sénat. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)