Table des matières


Mercredi 17 février 1999

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président.

Audition de M. Jean-Marc Monteil, recteur de l'académie de Bordeaux

La commission a d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Marc Monteil, recteur de l'académie de Bordeaux.

Après avoir prêté serment, M. Jean-Marc Monteil a rappelé qu'il avait été chargé par le ministre de l'éducation nationale d'une mission de réflexion sur l'inspection et le système de notation des personnels enseignants. Il a souligné que la notation devait concilier deux logiques différentes, l'une pédagogique, qui relève des corps d'inspections, et l'autre, administrative, effectuée par les chefs d'établissements.

Il a indiqué que sa mission consistait notamment à proposer un système qui permettrait d'appréhender de la manière la plus satisfaisante les qualités pédagogiques d'un enseignant. Remarquant que la première notation d'un enseignant était souvent stigmatisante et déterminait largement le déroulement de sa carrière, il a estimé qu'il serait peut-être judicieux de retarder le moment de la première inspection.

Il s'est par ailleurs prononcé en faveur de la mise en place d'une évaluation positive à finalité " formative ".

Il a ensuite abordé quelques thèmes portant sur la gestion des moyens de l'éducation nationale.

Il a d'abord remarqué que la gestion des personnels était complexe du fait de l'organisation territoriale de l'éducation nationale. Celle-ci est, selon lui, le dernier " aménageur " du territoire, l'école restant souvent le dernier service public présent dans certaines zones géographiques. Il a considéré que la gestion des ressources humaines du système éducatif devrait être adaptée en fonction de la localisation des établissements et a estimé qu'une vision " macroscopique " de ce système ne permettait pas d'optimiser la gestion des personnels.

M. Jean-Marc Monteil a ensuite indiqué qu'il était indispensable d'organiser un dispositif de formation continue en milieu rural, afin de prendre en compte la situation des entreprises artisanales et de petites dimensions, une telle gestion de l'éducation nationale répondant à un objectif de service public : dans le cas contraire, l'appareil de formation de l'éducation nationale risque d'être sous-utilisé, et concurrencé par un appareil de formation parallèle. Il a ajouté que la formation initiale dispensée par l'éducation nationale devrait intégrer les objectifs de la formation continue.

Dans cette perspective, il a souligné qu'il était essentiel de définir un partenariat fort entre le système éducatif, son environnement économique et les collectivités territoriales, et de tendre à la mutualisation des établissement scolaires. Il a, à cet égard, dénoncé la concurrence entre établissements, par le biais des enseignements optionnels notamment. Il a plaidé pour la mise en place d'une politique de site permettant d'optimiser la capacité d'enseignement des établissements dans une logique de service public.

M. Jean-Marc Monteil a indiqué que la perspective d'une mutualisation des moyens de formation supposait que les établissements définissent des projets éducatifs pluriannuels élaborés en fonction de leur environnement. Il a suggéré de créer un système de filières allant de l'école jusqu'à l'université et qui permettrait de mettre en place un dispositif d'orientation efficace.

Abordant la question de la formation des personnels enseignants, il a souhaité une meilleure utilisation des savoir-faire des enseignants dans leur formation initiale et continue en s'inspirant, par exemple, du compagnonnage.

Il a estimé que la formation des enseignants devrait comporter un volet disciplinaire, destiné à actualiser leurs connaissances, et un volet didactique visant à améliorer les modes de transmission des savoirs. Il a noté qu'une réflexion était engagée afin de permettre à tout enseignant de maîtriser le contenu de sa discipline, la pratique pédagogique et les modalités de transmission des savoirs.

Il a enfin rappelé que la formation des enseignants devrait privilégier la formation continue et permettre l'actualisation de leurs connaissances en fonction de l'évolution des programmes.

Un débat s'est ensuite instauré.

M. Francis Grignon, rapporteur, s'est déclaré favorable à la mise en place d'une évaluation positive des enseignants mais a rappelé que l'évaluation de leurs résultats n'était pas moins importante. Il s'est enquis des conséquences d'une évaluation négative des enseignants, et d'une association éventuelle des parents et des élèves à cette nouvelle procédure d'évaluation. Il a ensuite souhaité savoir si les prérogatives des chefs d'établissements du second degré devaient être renforcées, notamment en matière de remplacement et d'évaluation des enseignants.

M. Xavier Darcos a souligné l'abondance des dispositifs d'évaluation dans l'éducation nationale. Il a déploré cependant que les résultats de ces évaluations n'entraînent pas, lorsque cela se révèle nécessaire, une obligation de formation continue des enseignants. Il a ensuite indiqué qu'il était opposé à une mutualisation des établissements qui risquerait de déboucher sur une sorte de lycée unique.

M. Jacques Mahéas a souligné les insuffisances de l'évaluation telle qu'elle est aujourd'hui pratiquée. Il a rappelé que le système actuel d'évaluation ne permettait pas de proposer des solutions à un enseignant en difficulté. Il s'est déclaré favorable à une participation accrue de l'éducation nationale à la formation continue dans les zones rurales. Enfin, il a estimé que dans les zones difficiles la fonction éducative devait primer sur la fonction d'instruction des enseignants.

En réponse à ces interventions, M. Jean-Marc Monteil a notamment apporté les précisions suivantes :

- il semble difficile de concilier évaluation des enseignants et évaluation de leurs résultats. Les performances des élèves sont en effet complexes à appréhender, leur évaluation devant prendre à la fois en compte leur progression personnelle et leur évolution au sein d'un groupe. S'il est possible de mesurer la " plus-value " de chaque établissement, c'est-à-dire ses résultats au regard des caractéristiques sociologiques de ses élèves, il est difficile d'appréhender la valeur ajoutée apportée par chaque enseignant ;

- un élève de collège n'est pas en mesure d'apprécier la qualité de l'enseignement dispensé, étant lui-même en situation d'apprentissage. D'une manière plus générale, la fonction d'instruction ne doit pas être partagée avec les parents d'élèves, contrairement à la fonction éducative. En conséquence, la participation des parents d'élèves à l'évaluation des enseignants apparaît inopportune ;

- le rôle des chefs d'établissement pourrait être renforcé notamment en matière d'évaluation, comme le suggèrent les conclusions de la commission Blanchet. Cependant, si cette compétence devait être partagée entre les chefs d'établissement et les corps d'inspection, il conviendrait de réformer et d'améliorer la formation de ces personnels. Le chef d'établissement est avant tout un " animateur de ressources humaines ", et il apparaît difficile de définir son rôle dans l'évaluation pédagogique des enseignants ;

- la gestion des remplacements dans l'enseignement secondaire peut revêtir des modalités diverses. Ainsi, dans l'académie de Bordeaux, 25 zones de remplacement, correspondant à des zones d'animation pédagogique, ont été définies autour d'un établissement centralisateur. Dans ce cadre, les absences courtes sont gérées par chaque établissement et les absences plus longues par l'établissement centralisateur ;

- les lacunes révélées lors d'une inspection devraient pouvoir déboucher sur des actions de formation continue au profit de l'enseignant concerné ;

- sans rechercher une uniformisation de tous les lycées, il conviendrait que l'offre de formation soit équitablement répartie afin d'enrayer le mouvement actuel de fuite des bons élèves des lycées périphériques vers les lycées de centre-ville qui proposent de nombreux enseignements optionnels ;

- il convient de mener une réflexion approfondie sur les solutions qui pourraient être offertes aux enseignants et aux personnels en difficulté. Dans cette perspective, il semble indispensable de favoriser les possibilités de réorientation et de mobilité des personnels au sein du service public de l'éducation ;

- les enseignants en difficulté sont de plus en plus isolés et il conviendrait de développer les échanges d'expériences des enseignants confrontés à cette situation ;

- la fonction éducative ne peut primer sur la fonction d'instruction des enseignants : l'éducation implique en effet une maîtrise des savoirs fondamentaux ; par ailleurs, si la dimension éducative est consubstantielle à l'instruction, la réciproque n'est pas vraie.

Audition de M. Hervé Baro, secrétaire général du syndicat des enseignants

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Hervé Baro, secrétaire général du syndicat des enseignants.

Après avoir prêté serment, M. Hervé Baro a indiqué que le syndicat des enseignants était affilié à la fédération de l'éducation nationale (FEN) et, à ce titre, à l'union nationale des syndicats autonomes (UNSA).

Il a affirmé que le syndicat des enseignants était soucieux de la bonne gestion des moyens dévolus à l'éducation nationale, mais a fait part de son souci permanent de voir ces moyens accrus. Ainsi le syndicat a-t-il approuvé la création des aides-éducateurs, dispositif nécessaire à la lutte contre le chômage mais aussi indispensable à l'amélioration du système éducatif, afin de répondre à certains besoins non satisfaits.

Il a ajouté qu'il était nécessaire de saisir l'opportunité de la réduction des effectifs des élèves pour améliorer la qualité de l'enseignement scolaire comme le préconise le projet de Charte pour l'école du XXIe siècle.

Il a conditionné son soutien à la politique du " zéro défaut " prônée par le ministre à l'amélioration de la formation continue et du système des remplacements. Il a en effet estimé que si les moyens de remplacement étaient satisfaisants dans le premier degré, en revanche, ils ne le sont pas dans le second degré, et a jugé qu'il était nécessaire d'unifier le corps des titulaires académiques et celui des titulaires remplaçants.

Il a enfin expliqué que le syndicat des enseignants avait approuvé la déconcentration du mouvement des enseignants du second degré qui devrait permettre de rapprocher la gestion des moyens en personnels des réalités du terrain et ainsi, de réduire les dysfonctionnements constatés.

Un large débat s'est ensuite instauré.

M. Francis Grignon, rapporteur, a souhaité savoir si la gestion des personnels pouvait être améliorée au niveau des méthodes, par la déconcentration, et au niveau des compétences, par le développement de la formation continue, de la bivalence, ou des moyens. Il s'est enfin interrogé sur la manière d'améliorer le système des remplacements dans le second degré.

M. Adrien Gouteyron, président, a souhaité obtenir des précisions sur les différences entre les titulaires académiques et les titulaires remplaçants. Il s'est ensuite enquis de la position du syndicat des enseignants à l'égard des maîtres d'internat et surveillants d'externat (MI-SE), dont le recrutement pourrait être modifié pour leur confier des tâches pédagogiques et notamment de remplacement. Il a ensuite voulu connaître le nombre de décharges dont bénéficie le syndicat des enseignants, et si les recteurs pouvaient recourir à des mises à disposition au-delà des autorisations données par le ministère. Enfin, il a demandé si le régime spécifique des directeurs d'école à Paris constituait un modèle pour le syndicat des enseignants.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint, s'est interrogé sur la possibilité d'améliorer la gestion des personnels à coût budgétaire constant. Il a ensuite souhaité connaître la position du syndicat des enseignants sur la possibilité de recourir à des vacataires ou à des étudiants avancés pour assurer les remplacements de courte durée. Il a observé que le système des options consommait des moyens humains importants et a demandé s'il serait possible d'en rationaliser l'offre. Enfin, il a évoqué la possibilité de renforcer le pouvoir hiérarchique des chefs d'établissement.

Mme Hélène Luc a estimé que de nombreux enseignants étaient mal informés des modalités pratiques de la déconcentration du mouvement, au niveau intra-académique en particulier. Elle a rappelé qu'un grand nombre d'établissements, notamment des collèges situés en zone d'éducation prioritaire (ZEP), n'étaient pas satisfaits de leur dotation en enseignants, considérant qu'elle ne leur permettait pas de mener à bien leurs projets pédagogiques. Enfin, elle s'est interrogée sur l'opportunité de demander aux enseignants, travaillant dans des établissements mis en réseau d'éducation prioritaire (REP), d'effectuer davantage d'heures d'enseignement, sans leur attribuer les indemnités spécifiques existant dans les ZEP.

M. Pierre Martin a regretté qu'un professeur titulaire ou un maître auxiliaire puisse refuser le poste qu'on lui propose.

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président, a exprimé sa perplexité devant une logique consistant à réclamer un accroissement des moyens alors que la diminution des effectifs des élèves devient structurelle.

Répondant à ces interventions, M. Hervé Baro a estimé que la déconcentration du mouvement devait permettre de mieux gérer et utiliser les personnels, eu égard aux nombreux dysfonctionnements engendrés par l'ancien système centralisé.

Il a appelé de ses voeux une meilleure coordination entre l'école primaire et le collège, ajoutant que la différenciation disciplinaire au collège devait être progressive, la bivalence présentant de nombreux avantages dans les petites classes du collège. Il a ajouté que ce système était susceptible d'avoir des incidences favorables sur les modalités de remplacement dans le second degré, la monovalence actuelle les rendant particulièrement complexes.

Il a rappelé que les titulaires remplaçants intervenaient dans des zones de remplacement larges selon deux modalités : les brigades départementales assurent des remplacements de longue période, alors que les remplacements de courte durée sont effectués dans le cadre des zones d'intervention localisées (ZIL). Il a ajouté qu'il existait également 40.000 à 45.000 titulaires académiques, qui sont des personnels non affectés sur une zone ou un poste précis. Ces derniers sont rattachés au recteur qui les affecte sur des postes à l'année mais qui peut également leur confier des remplacements d'une durée plus ou moins importante. Il a indiqué que le syndicat des enseignants était favorable à la transformation des titulaires académiques en titulaires remplaçants en raison de la mauvaise gestion de ce premier corps.

M. Hervé Baro a estimé qu'il était possible d'améliorer le fonctionnement du système éducatif avec des moyens constants, la déconcentration du mouvement en constituant une bonne illustration. Il a, par ailleurs, observé qu'une augmentation des moyens n'entraînait pas nécessairement une amélioration de la qualité de l'enseignement. Il a ajouté que les redéploiements de moyens étaient souhaitables lorsqu'ils tendaient à favoriser une discrimination positive entre les élèves. En revanche, il s'est déclaré hostile au recours à des vacataires, estimant que ceux-ci ne pouvaient que perpétuer l'emploi précaire dans le système éducatif. Il a cité l'exemple des maîtres auxiliaires mais également celui des suppléants éventuels dans le premier degré. Il a précisé que ces derniers avaient pratiquement disparu en métropole mais étaient encore nombreux dans les départements d'outre-mer, en Guyane et à la Réunion notamment, pour lesquels a été prévu un concours spécifique visant à intégrer les suppléants éventuels dans le corps des instituteurs, ce dernier corps étant lui-même en voie d'extinction depuis la création du corps des professeurs des écoles. Il a ajouté que les vacataires avaient une formation souvent insuffisante pour enseigner dans le second degré, où l'auxiliariat est, en outre, en voie de résorption. Il a considéré que le système des options devait être corrigé dans le sens d'une plus grande mutualisation de l'offre, précisant que de trop nombreux lycées diversifiaient leurs options afin de sélectionner les élèves.

M. Hervé Baro s'est déclaré favorable au maintien, et même à l'augmentation du nombre des MI-SE, rappelant que ces étudiants salariés pouvaient assurer des remplacements de courte durée s'ils disposaient des diplômes requis. En revanche, il a préconisé la réduction de leurs horaires afin qu'ils puissent davantage se consacrer à leurs études. Il a estimé que ce dossier devrait être revu dans le cadre de la mise en place du plan social étudiant.

Il a rappelé qu'une information complète avait été dispensée par le syndicat des enseignants sur les modalités de la déconcentration du mouvement, même s'il a reconnu que des interrogations persistaient sur ce sujet. Il a rappelé que son syndicat n'avait pas été très favorable, à l'origine, à l'instauration d'une indemnité dans les ZEP. Il a, dès lors, proposé que l'indemnité soit intégrée au traitement des enseignants concernés et que le cas des ZEP ou des REP puisse faire l'objet de solutions alternatives comme des dotations supplémentaires en personnels, des rythmes scolaires aménagés, ou un déroulement plus rapide de la carrière des enseignants.

M. Hervé Baro a précisé que les organisations syndicales, en vertu du décret du 28 mai 1982, bénéficiaient de décharges d'activité. Il a ajouté que le syndicat des enseignants bénéficiait de décharges représentant 212 postes équivalent temps plein. De même, les jours d'autorisation d'absence pour raison syndicale sont réglementés de manière très précise, le syndicat des enseignants disposant d'une autorisation correspondant à une absence de 5.292 jours.

Il a indiqué que l'existence de professeurs en surnombre était un fait unanimement reconnu. De tels enseignants ne sauraient, selon lui, refuser une affectation, sauf s'il s'agit d'enseigner dans une discipline éloignée de la leur. Quant aux enseignants reconnus inaptes à exercer devant les élèves, ils doivent être affectés à des tâches administratives ou d'animation pédagogique.

M. Hervé Baro a estimé que la désaffection constatée à l'égard de la formation de directeur d'école résultait d'un accroissement considérable de ces tâches et d'un manque de moyens mis à leur disposition. Afin d'y remédier, il conviendrait de revoir le système des décharges de service des directeurs d'école. Il a cependant estimé souhaitable que les chefs d'établissement continuent, dans la mesure du possible, à enseigner.

Il a estimé que l'efficacité du système éducatif se mesurait par rapport aux résultats des élèves. A cet égard, il a regretté que beaucoup d'élèves présentent encore des difficultés scolaires, voire sortent du système éducatif sans aucune qualification, même si ce phénomène a considérablement régressé. La correction des inégalités encore constatées à l'école légitime l'augmentation des moyens qui lui sont dévolus, le système éducatif devant désormais être appréhendé de manière qualitative, après une période de massification qui est parvenue à son terme.

Audition de M. Georges Septours, inspecteur général de l'éducation nationale

La commission a enfin procédé, à huis-clos, à l'audition de M. Georges Septours, inspecteur général de l'éducation nationale.