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Mercredi 13 janvier 1999

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président, puis de M. Jacques Legendre, vice-président. -

Audition de M. Michel Deschamps, Mme Monique Vuaillat, MM. Bernard Pabot et Daniel Lebret, représentants des syndicats

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Michel Deschamps, secrétaire général de la FSU (Fédération syndicale unitaire de l'enseignement), Mme Monique Vuaillat, secrétaire général du SNES (Syndicat national des enseignants du second degré), M. Bernard Pabot, secrétaire général du SNETAA (Syndicat national de l'enseignement technique apprentissage autonome), M. Daniel Lebret, secrétaire général du SNUIPP (Syndicat national unitaire des instituteurs professeurs d'école et PEGC).

Après avoir prêté serment, M. Michel Deschamps a déclaré que son organisation souhaitait que le service public de l'éducation nationale fonctionne de façon totalement transparente vis-à-vis notamment de l'opinion publique, afin d'éviter toute suspicion et ne pas mettre en cause les personnels.

Evoquant les comptes rendus d'auditions menées par la commission d'enquête, il a noté que certains interlocuteurs et certains parlementaires dénonçaient le caractère pléthorique des effectifs de l'éducation nationale et a déploré ces prises de position a priori.

Rappelant l'effort consenti par la Nation pour son école, et la progression non négligeable du budget de l'éducation nationale exprimée en francs courants, il a cependant constaté que la dépense intérieure d'éducation était restée longtemps stagnante, alors même que les effectifs scolarisés progressaient fortement. Il a indiqué que sur les dix dernières années, le rythme de progression des emplois était resté inférieur à 5 %, alors que le niveau de pré-scolarisation avait beaucoup augmenté et que la part d'une génération accédant aux formations de niveau IV avait plus que doublé.

Il a considéré que le processus de démocratisation et de recul des inégalités sociales semblait marquer le pas et qu'il fallait réagir par un effort quantitatif et qualitatif dans l'offre d'enseignement.

Il a indiqué que les comparaisons internationales montraient que le système éducatif français était plutôt économe en moyens et performant, tout en offrant une espérance de scolarisation parmi les plus élevées.

Il s'est déclaré favorable à une véritable politique de l'emploi public en rappelant les insuffisances des dotations budgétaires, qui conduisent à augmenter le volume des heures supplémentaires dans le second degré et des heures complémentaires dans l'enseignement supérieur.

Il a jugé incompréhensible que les revendications portant sur la transformation des heures supplémentaires en emplois se heurte au refus du Gouvernement, et dénoncé la décision prise par le ministre d'abaisser la rémunération de ces heures pour financer les emplois-jeunes. S'agissant de la précarisation des emplois, il a également relevé la multiplication des personnels non-titulaires, qu'il s'agisse des maîtres auxiliaires, des 60.000 contrats emplois-solidarité qui occupent des emplois permanents, ou des emplois-jeunes qui répondent plus à une logique de substitution qu'à la définition de nouveaux métiers. Il a également évoqué le maintien de classes surchargées, l'absence de moyens supplémentaires permettant de travailler en petits groupes et la détérioration constante du ratio personnels ATOS-nombre d'élèves.

M. Michel Deschamps a fait observer qu'en dépit des dispositions de la loi d'orientation de 1989 sur l'éducation, le ministère de l'éducation nationale n'avait toujours pas mis en place une gestion pluriannuelle des recrutements d'enseignants, escomptant en fait un ralentissement de la demande en matière de formation et de scolarisation pour ne pas augmenter les moyens.

Il a par ailleurs indiqué que le ministère de l'éducation nationale était le seul à n'avoir pas respecté l'accord triennal de la fonction publique sur la formation continue des fonctionnaires et que les sommes consacrées tant à la formation continue qu'à la recherche pédagogique étaient dérisoires. De plus, la non-reconnaissance des qualifications réelles bloque les niveaux théoriques de recrutement et le repyramidage des emplois, notamment pour les personnels ATOS.

M. Michel Deschamps a conclu en soulignant que l'éducation nationale se devait d'être ambitieuse pour s'attaquer avec succès aux causes de l'échec scolaire, aux inégalités sociales devant le savoir, ainsi qu'aux risques de rupture sociale et de violence résultant de l'évolution de notre société.

Mme Monique Vuaillat a ensuite apporté plusieurs précisions concernant l'enseignement du second degré et a notamment souligné que le reflux démographique y était plus que compensé par l'accroissement de la scolarisation. Si la crise des recrutements n'est plus générale comme dans les années 70, certaines disciplines manquent d'enseignants et les besoins en remplacement sont mal couverts, les enseignants n'étant pas remplacés pour des absences de moins de trois ou quatre semaines. Elle a ajouté que sur 700.000 heures supplémentaires, un tiers pourrait être rapidement transformé en 13.000 emplois. Elle a rappelé que la crise du recrutement concernait notamment les sciences de la vie et de la terre, les sciences physiques, la quasi-totalité des langues vivantes et que le recours aux maîtres auxiliaires était très excessif.

S'agissant des enseignants titulaires sans poste, elle a indiqué que plusieurs milliers de professeurs enseignaient devant les élèves sans être affectés sur un poste, à savoir 41.000 titulaires académiques, dont 36.000 certifiés et agrégés et 22.000 maîtres auxiliaires. Elle a précisé que 76 % des titulaires académiques occupaient des postes à l'année dans des établissements d'enseignement général et que 1.500 d'entre eux étaient affectés sur des postes à l'année en lycée professionnel.

Elle a estimé que le maintien de ces enseignants en attente de remplacement était indispensable pour répondre aux besoins et pour ne pas multiplier le recrutement de maîtres auxiliaires ou de vacataires.

Elle a dénoncé la précarisation croissante des emplois de l'éducation nationale en indiquant notamment que les " contrats de 200 heures " n'étaient assortis d'aucun droit ni aucune garantie.

S'agissant de la déconcentration du mouvement des personnels du second degré, Mme Monique Vuaillat a considéré que cette réforme ne résoudrait pas le problème des enseignants sans poste et a souligné, au contraire, tout l'intérêt d'une gestion du mouvement au niveau national pour assurer une affectation satisfaisante des enseignants entre les académies.

Elle a ajouté que la déconcentration du mouvement, au lieu de mobiliser 100 représentants du SNES au sein des commissions paritaires nationales, allait concerner plus de 1.450 personnes sur l'ensemble des académies.

M. Bernard Pabot a ensuite précisé, s'agissant de l'enseignement professionnel, que la formation professionnelle initiale constituait un enjeu national, permettant de réduire l'échec scolaire et de diminuer le nombre des élèves qui sortent du système éducatif sans qualification.

Il a jugé essentiel de développer la formation continue des enseignants pour permettre à l'enseignement professionnel de s'adapter à l'évolution des métiers et a estimé qu'il fallait encourager et multiplier les passerelles entre l'entreprise et l'enseignement pour rééquilibrer les modes de recrutement des enseignants qui privilégient actuellement la voie universitaire.

S'agissant de la formation initiale des enseignants, il a déclaré que la formation dispensée dans les IUFM ne lui semblait pas toujours très adaptée.

Il a souhaité que l'enseignement professionnel conserve une large part d'enseignement général, tout en en soulignant les spécificités et la nécessité pour les formations professionnelles de rester ouvertes sur l'extérieur.

S'agissant des professeurs de l'enseignement professionnel, il a indiqué que celui-ci comportait 62.000 enseignants titulaires et environ 18 % d'enseignants non-titulaires.

M. Daniel Lebret a ensuite rappelé, concernant le premier degré, que les inspecteurs d'académie pouvaient fournir des statistiques exactes sur le nombre d'enseignants exerçant dans les écoles. Il a rappelé que le métier d'instituteur avait considérablement évolué et s'était diversifié. Il a déploré que la gestion des recrutements se fasse sans approche prospective et que la baisse démographique ne soit pas mieux utilisée pour redéployer les moyens en fonction des besoins.

Il a dénoncé également la réduction des postes de remplacement au titre des congés de mobilité et des congés de formation, en indiquant qu'il lui semblait impensable aujourd'hui qu'un instituteur ne soit pas tenu de suivre une formation continue.

Un large débat s'est ensuite instauré.

M. Adrien Gouteyron, président, a fait observer que la commission d'enquête entendait travailler sans a priori et qu'elle était consciente des enjeux et des difficultés de sa mission.

M. Francis Grignon, rapporteur, a ajouté qu'il souhaitait analyser les mécanismes de gestion de l'éducation nationale en examinant notamment comment se réalise l'adéquation des moyens aux besoins. Il a ensuite demandé des précisions sur le rôle joué par les organisations syndicales dans le fonctionnement de l'ancien mouvement et sur le rôle qui sera le leur dans le mouvement déconcentré. Il a souhaité connaître le nombre exact de " permanents " syndicaux à la FSU, à temps plein ou non, provenant de l'éducation nationale et le pourcentage de permanents qui continuaient à enseigner. Il a également demandé si le système de décharge syndicale dans l'enseignement présentait des particularités éventuelles et si la diminution du nombre de spécialités enseignées dans le second degré était une solution envisageable pour résoudre la pénurie d'enseignants dans certaines disciplines.

M. André Vallet, rapporteur adjoint, a fait remarquer que si le montant des dépenses publiques pour l'enseignement supérieur en France était inférieur à celui des autres pays développés, il ne lui semblait pas qu'il en était de même pour l'enseignement scolaire.

Il a souhaité connaître les solutions préconisées par la FSU pour introduire des éléments de souplesse dans le fonctionnement trop rigide du système éducatif. Il a souligné que des classes de niveaux se reconstituaient de manière clandestine dans le second degré, notamment par le choix des disciplines et des options. Il s'est interrogé sur la présence de personnels enseignants dans des organismes périphériques de l'éducation nationale, tels que les mutuelles.

Il a souhaité connaître le point de vue de la FSU sur l'avenir des emplois-jeunes, au terme du contrat de cinq ans, ainsi que sur l'enseignement privé et l'enseignement agricole qui semblent moins concernés que l'éducation nationale par les dysfonctionnements constatés lors de chaque rentrée scolaire.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint, s'est demandé si le développement d'une " bivalence " dans les premières années de collège pourrait contribuer à résoudre la situation de pénurie d'enseignants constatée dans certaines disciplines.

Mme Hélène Luc a souligné que l'évolution des effectifs enseignants était sans commune mesure avec l'accroissement du nombre des élèves et des besoins. Elle s'est inquiétée des effets du gel des emplois publics et a fait remarquer que l'encadrement des élèves était primordial pour lutter contre l'échec scolaire. Elle s'est interrogée sur les solutions permettant de résorber l'emploi précaire et a estimé que la mise en place d'une véritable politique de la formation continue entraînait nécessairement une augmentation du nombre de postes d'enseignants afin d'assurer les remplacements.

M. Jacques Legendre, vice-président, a évoqué la possibilité pour les professeurs de l'enseignement professionnel d'effectuer des stages en entreprise dans le cadre de la formation continue.

En réponse à ces interventions, les représentants de la FSU ont notamment apporté les précisions suivantes :

- les permanents conservent tous une fonction d'enseignement et sont remplacés pendant l'exercice de leur activité syndicale, à l'exception regrettable des documentalistes et des conseillers d'orientation ;

- les décharges syndicales sont régies par les textes de la fonction publique en fonction des critères de représentativité syndicale ;

- l'information sur les perspectives des départs à la retraite devrait être plus transparente afin de programmer les recrutements de manière pluriannuelle ;

- les professeurs de lycée professionnel ne seraient pas hostiles au recrutement d'enseignants venant de l'entreprise ; les professionnels jouent par ailleurs un rôle essentiel comme tuteurs de stages en entreprise dans la préparation des diplômes professionnels ;

- les remplacements longs nécessitent une augmentation du nombre des titulaires remplaçants tandis que des solutions alternatives doivent être recherchées pour les remplacements de courte durée : échanges d'heures entre enseignants, accès aux centres de documentation et d'information, recours aux étudiants ;

- la formation continue des enseignants ne représente que quatre journées et demie par an et par enseignant mais les départs en stages ne sont désormais autorisés que s'il existe des possibilités de remplacement ;

- la résorption de l'emploi précaire passe par une augmentation des postes aux concours de recrutement, par l'organisation de concours spécifiques, ainsi que par une équivalence du CAPES pour les maîtres auxiliaires qui ont enseigné pendant plus de dix ans ;

- le développement de la bivalence est une mauvaise solution pour répondre à une mauvaise gestion des effectifs ;

- rien n'a été véritablement engagé pour lutter contre l'échec scolaire ; les options et les sections européennes ont été détournées de leur vocation pour permettre de regrouper les élèves de bon niveau provenant de milieux favorisés ; il importe de prévenir le développement de classes " ghettos " qui n'offrent aucune perspective à leurs élèves.

Audition de M. Daniel Bloch, recteur de l'académie de Montpellier

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Daniel Bloch, recteur de l'académie de Montpellier.

Après avoir prêté serment, M. Daniel Bloch a rappelé qu'il avait été chargé, à la demande du ministre, de l'animation d'une table ronde intitulée " Pas de classe sans enseignant ". Celle-ci devait examiner les raisons des absences des enseignants et proposer des solutions pour améliorer les modalités de remplacement. Ses travaux se sont déroulés du mois de septembre 1997 au mois de janvier 1998 et un comité de suivi a ensuite été mis en place.

Il a expliqué que cette table ronde avait permis, dans un premier temps, de dresser l'état des lieux s'agissant des absences des enseignants, la situation apparaissant différente selon les niveaux d'enseignement.

Dans le premier degré, les absences pour maladie ou maternité représentent, comme dans le second degré, 5,5 % des heures d'enseignement ; 2,5 points sont en outre perdus au titre des stages de formation continue. Le recteur a précisé que le potentiel de remplacement s'élevait à 8,5 % des enseignants, soit un niveau supérieur à celui de l'absentéisme : la plus grande part de ces remplacements est assurée par des personnels spécifiques et le reste par des stagiaires qui sont en 2e année d'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM). Il a toutefois indiqué que lorsque les professeurs absents pour une brève durée n'étaient pas remplacés, leurs élèves étaient répartis dans les autres classes de l'école. Il a enfin souligné le fonctionnement satisfaisant du système de remplacement dans le premier degré.

S'agissant du second degré, M. Daniel Bloch a expliqué que la situation était plus complexe, les enseignants ne pouvant être remplacés de la même manière que ceux du premier degré qui sont polyvalents par nature. Il a précisé que le nombre d'heures d'enseignement non assurées s'élevait à 12 % dans les lycées et les lycées professionnels, et de 8 à 9 % dans les collèges, l'utilisation des moyens de remplacement permettant de réduire ces pourcentages respectivement à 9 et 6 %.

L'organisation des examens a par ailleurs pour conséquence de réduire le nombre de semaines de cours, certains établissements étant même parfois totalement fermés en raison d'examens ou de concours administratifs. Les pertes en termes d'horaires d'enseignement représentent ainsi 5 % dans les lycées, 4 % dans les lycées professionnels et 1 à 2 % dans les collèges.

A ces pertes, M. Daniel Bloch a indiqué qu'il fallait ajouter un point supplémentaire pour les professeurs qui sont chargés de la préparation des examens, un point pour les enseignants en formation continue et 2 à 2,5 points pour les absences d'ordre individuel. Il a rappelé que le potentiel de remplacement dans le second degré n'était que de 2,5 %, et qu'il faudrait, pour le porter au niveau du premier degré, créer 25 à 30.000 emplois d'enseignants supplémentaires.

M. Daniel Bloch a ensuite exposé les propositions de la table ronde qui ont pour objet de remédier aux dysfonctionnements constatés.

Il a estimé que la mesure de l'absentéisme devrait être affinée, le système actuel ne fournissant que des données annuelles et non mensuelles. De même, les personnels chargés des remplacements devraient voir leurs activités mieux définies lorsqu'ils ne sont pas appelés à effectuer un remplacement dans un établissement.

Il a indiqué que la table ronde avait retenu un critère consistant à rapporter le nombre d'heures d'enseignement effectivement assurées, soit par l'enseignant titulaire soit par un remplaçant, au nombre d'heures d'enseignement théoriquement dues aux élèves.

Il a également insisté sur le fait que des efforts devaient être consentis en faveur de la médecine scolaire afin de réduire les absences des enseignants. De même, la formation continue devrait être organisée en dehors des heures d'enseignement.

Un débat s'est alors instauré.

M. Francis Grignon, rapporteur, a demandé si la déconcentration du mouvement des enseignants du second degré pourrait avoir des effets sur le taux d'absentéisme et sur le fonctionnement du système de remplacement. Il a également évoqué les différences existant en ce domaine entre l'enseignement public, d'une part, et l'enseignement privé et agricole, d'autre part, et il s'est enquis de comparaisons internationales sur ce sujet.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint, s'est interrogé sur la connaissance, au niveau de chaque académie, du ratio retenu par la table ronde en matière d'heures d'enseignement assurées, puis a voulu savoir si la bivalence disciplinaire des enseignants pouvait constituer un moyen permettant d'améliorer la gestion du personnel.

M. Jean Bernadeaux s'est interrogé sur les différences éventuelles qui pouvaient être constatées en matière d'absentéisme selon les académies.

Répondant à ces interventions, M. Daniel Bloch a précisé qu'en 1997, lors de la constitution de la table ronde, une heure trente d'enseignement hebdomadaire par élève n'était pas assurée. Ce chiffre est actuellement d'une heure, l'objectif fixé par le ministre étant de faire disparaître totalement ce déficit d'enseignement.

Il a estimé que la déconcentration du mouvement aurait certainement des conséquences bénéfiques sur la présence des enseignants puisqu'elle permettra de globaliser ce mode de gestion et de faire disparaître la notion de titulaires remplaçants ; la déconcentration devrait ainsi permettre de mieux maîtriser le potentiel de remplacement.

Il a ajouté que des études étaient en cours afin d'organiser les examens de manière plus satisfaisante et de réduire progressivement la période de fermeture des établissements.

Le recteur a par ailleurs insisté sur le fait que le potentiel de remplacement devait être intégré dans la répartition des moyens.

S'agissant de l'enseignement privé, il a rappelé que la gestion des personnels était facilitée par le fait qu'il n'existait pas d'enveloppe prédéterminée en moyens de remplacement. Il a précisé que, dans l'académie de Nantes, le ratio retenu par la table ronde était de 97 %, ce qui signifie qu'une heure trente de cours n'est pas assurée chaque semaine. Il a cependant souligné que ce ratio constituait pour les recteurs un paramètre d'aide à la gestion, et qu'il n'était en aucun cas un moyen de contrôle administratif.

Il a estimé que l'absence de bivalence des enseignants dans les collèges présentait des inconvénients pour les disciplines peu enseignées, les professeurs étant dans l'obligation de dispenser leurs cours dans d'autres établissements.

Il a enfin indiqué que les différences en termes d'absentéisme des enseignants étaient perceptibles non pas au niveau des académies mais à celui des départements.

Audition de Mme Geneviève Becquelin, doyen de l'inspection générale de l'éducation nationale

La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Geneviève Becquelin, doyen de l'inspection générale de l'éducation nationale.

Après avoir prêté serment, Mme Geneviève Becquelin a présenté le champ de compétence de l'inspection générale de l'éducation nationale (IGEN). Elle a rappelé que sa première mission consistait à évaluer les personnels enseignants, les établissements et plus globalement notre système éducatif. Elle a également souligné la responsabilité particulière de l'inspection en matière de recrutement, de titularisation et de gestion qualitative des personnels. Elle a précisé que l'inspection générale participait à de nombreux conseils d'administration (instituts universitaires de formation des maîtres, centre national d'enseignement à distance...) et tables rondes ou groupes de travail sur la gestion des personnels.

Rappelant les moyens d'action de l'inspection générale, elle a indiqué que l'IGEN pouvait, en élaborant des rapports sur la situation, la gestion, la formation et le recrutement des personnels, jouer un rôle d'alerte et de conseil auprès du ministère. Elle a également précisé que l'inspection intervenait dans le recrutement des personnels en participant à de nombreux jurys, en menant une réflexion sur la nature et le contenu des concours et vérifiait l'adéquation des compétences des candidats aux besoins pédagogiques des établissements.

Mme Geneviève Becquelin a ensuite souligné que l'inspection était associée au sein du conseil d'administration des IUFM à la définition de la formation initiale des personnels enseignants. Elle a par ailleurs rappelé que l'IGEN n'intervenait directement dans le mouvement des enseignants que pour quelques milliers de postes à profil, notamment pour les classes préparatoires et supérieures et les sections internationales, son rôle étant plus important dans le déroulement de la carrière des personnels par le biais de la notation.

Mme Geneviève Becquelin a enfin apporté des éléments d'information sur les difficultés que rencontre l'IGEN dans l'accomplissement de ses missions. Elle a ainsi remarqué que le suivi des rapports de l'inspection n'était pas satisfaisant et que d'importants retards d'inspection nuisant à une gestion efficace des personnels pouvaient être constatés dans certaines disciplines. Elle a ensuite estimé qu'une réflexion devait être engagée pour pallier l'inadéquation des formations universitaires pour certains concours de recrutement. Elle a également relevé les principaux défauts de la formation continue qui reste fondée sur le volontariat des personnels, et qui devrait faire l'objet d'un véritable pilotage national.

Elle a ensuite souligné la mauvaise circulation de l'information au sein du système éducatif qui est fréquemment à l'origine de malentendus quant aux réformes proposées.

En conclusion, elle a souhaité une réflexion sur la monovalence des professeurs et le cloisonnement des enseignants, une réforme dans ce domaine permettant, selon elle, des aménagements pédagogiques et une meilleure gestion des corps enseignants.

Un débat s'est ensuite instauré.

M. Adrien Gouteyron, président, a souhaité obtenir des précisions sur le pilotage national des formations et sur les aménagements qui permettraient de corriger les dérives observées.

M. Francis Grignon, rapporteur, s'est enquis des incidences positives que pourrait avoir une réelle déconcentration de la gestion des personnels. Il s'est demandé s'il était souhaitable d'accroître les prérogatives des chefs d'établissement en matière d'évaluation des personnels et a souhaité savoir si les dysfonctionnements constatés dans le domaine de la formation continue s'expliquaient par un manque de moyens ou par un manque d'adhésion des enseignants. Il s'est ensuite interrogé sur la nécessité de maintenir un nombre aussi important de disciplines d'enseignement et de conserver un volant d'heures supplémentaires et de maîtres auxiliaires, qui constituent autant de variables d'ajustement. Il a également souhaité savoir si tous les établissements devaient être gérés de la même façon, a demandé des informations complémentaires sur les difficultés de communication observées au sein du système éducatif, et s'est enquis des critères qui permettaient d'évaluer de la manière la plus satisfaisante la qualité de l'enseignement.

Rappelant que la qualité de la formation des enseignants constituait une préoccupation essentielle compte tenu des nouvelles missions confiées aux enseignants, et du développement de la violence en milieu scolaire, Mme Hélène Luc a estimé que la motivation du corps enseignant était primordiale et devait être prise en compte lors des recrutements.

Elle a également souligné qu'il convenait de mieux définir les missions des IUFM et s'est demandée quels pourraient être les grands axes d'orientation de la formation des enseignants.

Enfin, elle a souhaité savoir s'il était encore envisagé de fusionner les missions académiques à la formation des personnels de l'éducation nationale (MAFPEN) et les IUFM.

M. André Vallet, rapporteur adjoint, a d'abord évoqué le sort des rapports de l'IGEN. Il s'est par ailleurs inquiété des effets néfastes que pouvaient avoir les retards d'inspection sur la motivation des enseignants et s'est demandé si les chefs d'établissement ne devraient pas avoir un rôle accru en la matière. Soulignant que certains enseignants n'avaient jamais suivi de formation continue, il s'est interrogé sur la possibilité de la rendre obligatoire. Il a ensuite remarqué que le développement de la bivalence pourrait permettre d'améliorer la gestion des personnels tout en présentant d'importants avantages pédagogiques. Abordant enfin le thème des zones d'éducation prioritaires, il s'est interrogé sur la pertinence du dispositif, sur la nécessité de le conserver en l'état et sur l'incidence de ce dispositif pour la gestion des enseignants concernés.

M. Serge Lagauche a dénoncé une certaine inadaptation et un fonctionnement peu satisfaisant des conseils d'établissements. Il s'est ensuite demandé si les moyens des corps d'inspection étaient suffisants pour assurer l'encadrement des établissements et s'il convenait d'envisager une réforme de l'inspection générale.

En réponse à ces interventions, Mme Geneviève Becquelin a notamment apporté les précisions suivantes :

- la formation des enseignants relève de différentes directions du ministère de l'éducation nationale, dont la direction de l'enseignement supérieur et la direction de l'enseignement scolaire. Il serait souhaitable que le ministère définisse chaque année les grands axes prioritaires de la formation sans remettre en cause les méthodes des IUFM, qui ont su faire la preuve de leur efficacité, en instaurant des dispositifs de préprofessionnalisation qui permettent d'apprécier la motivation des élèves-enseignants ;

- la responsabilité pédagogique des personnels de direction est théoriquement affirmée, mais rarement assumée, le projet d'établissement devant définir des priorités et obtenir l'adhésion d'enseignants qui ne sont pas nommés par le chef d'établissement. Il conviendrait d'accroître les moyens et l'autonomie des chefs d'établissement mais aussi d'améliorer leur formation dont les carences ont été révélées par l'inspection générale ;

- ce n'est pas tant le principe d'égalité qui doit orienter la répartition des moyens que le principe d'équité compte tenu des différences observées entre les établissements ;

- la diversification des disciplines d'enseignement a sans doute été trop développée et entraîne aujourd'hui des difficultés particulières de gestion du corps enseignant ;

- l'information circule difficilement au sein du système éducatif : afin que les réformes annoncées de l'école primaire, du collège et du lycée soient mieux appréhendées et puissent être mises efficacement en oeuvre, il apparaît nécessaire d'instaurer une véritable concertation entre les personnels enseignants, d'encadrement et les corps d'inspection ;

- si la qualité de l'enseignement peut se mesurer à l'aune de l'insertion professionnelle pour les formations dont la vocation est de préparer les élèves à la vie active, dispensée notamment par les lycées professionnels ou les sections de techniciens supérieurs, les lycées d'enseignement général doivent, pour leur part, être évalués sur leur faculté à transmettre un niveau satisfaisant de culture générale et à préparer leurs élèves aux formations supérieures ;

- la fusion des MAFPEN et des IUFM n'est actuellement qu'au stade de l'étude et il est important de maintenir une continuité entre la formation initiale et la formation continue ;

- le développement d'une certaine bivalence des enseignants permettrait de concilier les intérêts pédagogiques et de gestion et peut-être de redéfinir certains champs disciplinaires ;

- afin d'accélérer la prise en compte des rapports de l'IGEN, une réflexion est engagée pour mettre en place un comité de suivi ;

- sauf rares exceptions, la formation continue repose sur le principe du volontariat ; une réforme de ses modalités est étudiée dans le cadre d'une table ronde dont les conclusions devraient être connues au printemps prochain ;

- les zones d'éducation prioritaires répondent à un souci d'équité et correspondent à un véritable besoin. Il est légitime au regard des conditions d'enseignement que ces établissements bénéficient de moyens supplémentaires et que les obligations de service des enseignants puissent être allégées ;

- l'inspection générale remplit avec efficacité ses différentes missions de contrôle et de conseil ce qui n'exclut pas des aménagements destinés à la rendre encore plus performante.

Audition de M. Daniel Bancel, recteur de l'académie de Lyon

La commission a enfin procédé à l'audition de M. Daniel Bancel, recteur de l'académie de Lyon.

Après avoir prêté serment, M. Daniel Bancel a insisté sur le fait que le système éducatif était confronté à une contradiction résultant, d'une part, d'une demande accrue de scolarisation de la part des familles et, d'autre part, d'une offre pédagogique nécessairement limitée.

Il a rappelé que les postes d'enseignants étaient inscrits sur le chapitre 31-93 et les crédits sur le chapitre 31-95. Au niveau académique, les recteurs doivent établir une correspondance entre les postes et les crédits en déterminant les heures d'enseignement, puis les heures-poste et les heures supplémentaires-année (HSA). Chaque établissement reçoit ensuite une dotation horaire globale à partir de laquelle il détermine son offre pédagogique, c'est-à-dire le nombre d'enseignants dans chaque discipline. Après cette première étape, qu'il a qualifiée d'essentielle pour l'autonomie des établissements, intervient le mouvement des personnels du second degré.

M. Daniel Bancel a ensuite exposé les difficultés consistant à concilier la demande d'enseignement et l'offre pédagogique. En effet, cette demande est variable selon les réformes en cours et selon les souhaits des familles qui prennent en considération la réputation supposée de tel ou tel enseignement. En revanche, l'offre pédagogique obéit à une logique de continuité déterminée par la gestion des personnels -les départs à la retraite, par exemple, qui seront considérables dans les prochaines années- et par une politique de recrutement qui ne peut être aléatoire sauf à remettre en cause sa crédibilité auprès des étudiants.

Il a indiqué que la gestion des personnels était confrontée à un problème d'adaptation. Il est en effet possible de calibrer plus finement les concours de recrutement mais il est indispensable de tenir compte du dispositif d'ajustement qui a trop longtemps consisté à recruter des maîtres auxiliaires. Il a cependant été décidé, avec raison, d'abandonner cette variable d'ajustement, la déconcentration du mouvement lui étant désormais substituée. M. Daniel Bancel a expliqué que l'introduction de deux étapes au sein du mouvement, l'une inter-académique, l'autre intra-académique, devait permettre d'améliorer l'adaptation des moyens aux besoins exprimés par les établissements.

M. Jacques Legendre, président, a souhaité obtenir des informations sur la table ronde présidée par M. Daniel Bancel, consacrée aux conditions de travail et de vie des personnels enseignants. Il s'est notamment interrogé sur l'objet de cette consultation et sur les thèmes qui seront abordés à cette occasion, ainsi que sur les propositions susceptibles d'être formulées afin d'améliorer la gestion des personnels. Il s'est enquis du rôle respectif des recteurs, des inspecteurs d'académie et des trésoriers-payeurs généraux dans l'affectation et le contrôle des emplois. Il a, enfin, voulu savoir si l'éducation nationale entendait développer la gestion prévisionnelle des emplois.

M. André Vallet, rapporteur adjoint, s'est interrogé sur l'intérêt d'une réintroduction éventuelle de la bivalence des enseignants dans les petites classes de collège et sur la connaissance par les recteurs du nombre d'emplois d'enseignants de leur académie. Il a souhaité connaître l'avis du recteur sur l'idée selon laquelle le recours à des maîtres auxiliaires serait indispensable au fonctionnement de certains établissements et sur la possibilité de transformer les heures supplémentaires en emplois effectifs. Il a voulu savoir si la déconcentration du mouvement était à même de remédier aux dysfonctionnements constatés dans la gestion des personnels, et si cette réforme ne devait pas s'accompagner d'une décentralisation des concours de recrutement. Enfin, il s'est interrogé sur le rôle des recteurs dans la détermination des postes mis aux concours.

M. Daniel Bancel a précisé que la lettre de mission du ministre le chargeant de présider la table ronde sur les conditions de travail et de vie des enseignants suggérait d'axer la réflexion sur les professeurs du second degré, mais qu'elle serait probablement élargie à l'ensemble des enseignants, le groupe de travail ayant pour objectif d'apporter des réponses concrètes aux interrogations des enseignants et aux problèmes qu'ils rencontrent sur le terrain. Il a indiqué qu'il avait écarté le principe d'une consultation, M. Philippe Meirieu en ayant déjà organisé une dans le cadre de sa réflexion sur la réforme des lycées. La méthode retenue est celle d'un groupe de réflexion réunissant 16 personnes, soit 8 experts, dont les noms ont été suggérés par les organisations syndicales, et 8 membres " institutionnels ", dont un proviseur de lycée, un directeur d'IUFM, un sociologue, un inspecteur pédagogique régional, un inspecteur général de l'éducation nationale et un inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale.

M. Daniel Bancel a souligné que la volonté des participants de la table ronde était d'engager une large réflexion sur l'évolution du métier d'enseignant. Des premiers travaux, il ressort deux idées directrices. D'une part, le métier d'enseignant a profondément évolué, mais de manière paradoxale, les conditions d'exercice du métier se diversifient tandis que les revendications à l'uniformisation se font de plus en plus pressantes : cette contradiction ne trouve actuellement pas de réponse au niveau national et est renvoyée aux établissements. D'autre part, les membres de la table ronde sont persuadés de la nécessité de conforter l'enseignant en tant qu'expert de la transmission des savoirs et d'en tirer des conséquences en matière de formation.

M. Daniel Bancel a rappelé que les enseignants étaient attachés à une forte identité disciplinaire, qu'il fallait renforcer, mais a jugé qu'il était nécessaire de leur faire accepter une évolution de leur discipline, ceux-ci étant non pas des répétiteurs mais des concepteurs.

Il a par ailleurs estimé indispensable de développer le travail en équipe, indiquant que cette idée, totalement rejetée il y a une dizaine d'années, était aujourd'hui bien acceptée. Il a toutefois précisé que cette organisation pédagogique s'inscrivait dans une démarche contractuelle et ne revêtirait pas de caractère obligatoire. Il a affirmé que les chefs d'établissement devaient être associés à l'équipe pédagogique et que leur rôle devait être accru dans le domaine de l'information, de la nécessaire solidarité de l'équipe enseignante et de la cohérence pédagogique. Il a en effet rappelé que des tensions au sein des équipes enseignantes engendraient des tensions au niveau de l'établissement, ressenties par les élèves.

Abordant la question de la déconcentration du mouvement des personnels, M. Daniel Bancel a indiqué qu'il avait présidé le groupe de travail ayant proposé cette réforme. Il a expliqué que la première quinzaine du mois de juin était une période cruciale pour le mouvement des enseignants, les affectations au niveau académique devant être réalisées durant cette période afin de remédier aux dysfonctionnements inévitables engendrés précédemment par le mouvement centralisé : il est en effet impossible d'organiser correctement 150.000 mutations en quinze jours. L'abandon du mouvement national décidé par le ministre, outre qu'il permet de mieux adapter les moyens aux besoins exprimés, conforte par ailleurs le principe du paritarisme.

Il a en revanche jugé indispensable que les concours de recrutement restent organisés sur un plan national.

M. Daniel Bancel a affirmé que le recours aux maîtres auxiliaires constituait pour les gestionnaires du système éducatif une solution de facilité. Il a préconisé une solution mise en oeuvre dans son académie pour assurer les remplacements de faible durée : celle-ci consiste à recourir à un service de vacations faisant appel à des étudiants de maîtrise ou de troisième cycle. Il a noté que ce système comportait un grand nombre d'avantages tant pour les élèves et leur famille que pour les étudiants qui peuvent ainsi payer leurs études tout en s'initiant au métier d'enseignant. Il a en effet estimé que les maîtres auxiliaires avaient, quant à eux, renoncé à se présenter avec des chances de réussite aux concours de l'éducation nationale et n'espéraient plus qu'une titularisation intervenant au bout de plusieurs années.

Il a en revanche considéré que les heures supplémentaires constituaient une variable d'ajustement indispensable du fait d'un service des enseignants limité à 15 ou 18 heures par semaine. Sans nier le caractère parfois excessif du recours aux heures supplémentaires, il a affirmé la nécessité de les conserver.

Il a par ailleurs précisé que les recteurs et inspecteurs d'académie géraient certes les postes d'enseignants mais ne disposaient pas de pouvoirs budgétaires discrétionnaires. Il a affirmé qu'il lui était possible de connaître l'ensemble des mises à disposition au sein de son académie.

Enfin, M. Daniel Bancel a estimé que la bivalence disciplinaire, si elle était bénéfique, n'avait de sens qu'au niveau pédagogique et que l'aborder en termes uniquement gestionnaires constituait une approche réductrice.