Table des matières


Mercredi 24 mars 1999

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président.

Audition de M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget

La commission a d'abord procédé à l'audition de M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Après avoir prêté serment, M. Christian Sautter s'est réjoui des initiatives prises par le Parlement pour contrôler les dépenses publiques.

Il a ensuite présenté les principales caractéristiques du budget de l'éducation nationale. Il a rappelé, en se fondant sur le ratio de la dépense intérieure d'éducation ramenée au produit intérieur brut (PIB), que la France se situait en 1994 dans la moyenne des pays de l'OCDE, qui est de 5,9 %, notre pays consacrant 6,2 % de son PIB à l'éducation. Des différences apparaissent cependant selon les niveaux d'enseignement : si notre pays se situe dans la moyenne pour l'enseignement primaire, il consacre plutôt moins de moyens à l'enseignement supérieur et dépense 35 % de plus que les autres pays de l'Union européenne pour l'enseignement secondaire. En 1997, la dépense intérieure d'éducation s'élevait à 592 milliards de francs, soit 10.100 francs par habitant et 35.700 francs par élève ou étudiant. Depuis 1975, la dépense intérieure d'éducation progresse plus rapidement que le PIB.

Il a indiqué que les dépenses de personnel représentaient 94 % du budget de l'enseignement scolaire en 1998 contre 87 % en 1980. Il a expliqué cette évolution par les transferts de compétences réalisés en 1983 en direction des collectivités territoriales. En outre, les dépenses à caractère social ont considérablement augmenté : l'allocation de rentrée scolaire a été ainsi quadruplée, un fonds social pour les cantines créé, et la gestion des bourses de collèges confiée aux établissements. Il a fait observer que, dans la loi de finances initiale pour 1999, l'augmentation de 4,3 % du budget coïncidait pratiquement avec celle de la masse salariale. Il a précisé que les dépenses de personnel correspondaient, d'une part, aux salaires et charges sociales, pour un montant de 221 milliards de francs, et, d'autre part, aux pensions, pour un total de 58 milliards de francs.

Il a indiqué que ces dépenses suivaient les mêmes évolutions que celles de la fonction publique. En premier lieu, l'augmentation de 1 % du point de la fonction publique entraîne un coût supplémentaire de 2,2 milliards de francs hors pensions. Ensuite, le paramètre glissement-veillesse-technicité (GVT) des enseignants représentait un coût de 2,2 milliards de francs dans la dernière loi de finances. Enfin, la pression démographique se traduit par une montée en charge automatique des pensions, qui doubleront entre 1998 et 2010, passant de 53 milliards à 108 milliards de francs. Il a ensuite indiqué qu'à ces augmentations quasi-automatiques, s'ajoutaient des mesures catégorielles dont le coût s'élevait à 30,6 milliards de francs sur la période 1990-1999, ce qui représente en moyenne 33.600 francs par emploi d'enseignant, soit 11 % de la masse salariale. La dernière loi de finances comportait trois mesures catégorielles pour les personnels enseignants : l'accélération de l'intégration des instituteurs dans le corps de professeurs des écoles, qui sera achevée en 2007 au lieu de 2011, l'amélioration de la pyramide des grades dans le second degré ainsi que l'extension et la refonte de la carte des zones d'éducation prioritaire (ZEP).

M. Christian Sautter a estimé légitime de s'interroger sur l'adaptation des moyens aux objectifs visés, ce qui doit conduire à établir des indicateurs de résultats : à cet égard, les résultats du système éducatif français, qui sont notamment exposés dans la brochure " L'état de l'école ", montrent que la hausse du niveau d'éducation s'explique pour l'essentiel par l'extension de la scolarisation. Si le bilan apparaît globalement satisfaisant, il existe des marges de progression, étant rappelé qu'un élève sur dix qui entre au collège ne maîtrise pas convenablement la lecture et que 60.000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans qualification.

Rappelant que le budget de l'éducation nationale avait augmenté de 54 % en francs constants depuis 1980, et que les attentes exprimées vis-à-vis de l'éducation nationale au-delà de ses fonctions traditionnelles s'accroissent -aménagement du territoire, prévention de la délinquance, insertion et prévention des exclusions- il a estimé que le défi de la " quantité " avait été atteint mais que des objectifs qualitatifs restaient à atteindre.

Il a évoqué trois voies qui devraient permettre des avancées en ce domaine. D'abord, il serait nécessaire d'adapter le système éducatif aux évolutions démographiques, la réduction des effectifs des élèves étant désormais continue. Ainsi, en 2002, une génération comptera 740.000 élèves, soit 100.000 de moins que dans les années 1980. Dans le premier degré, les effectifs ont diminué de 300.000 élèves sur la période 1985-1997 en métropole et devraient encore décroître de 200.000 au cours des années 1997-2001. Les effectifs du second degré devraient, quant à eux, se réduire de 330.000 d'ici 2006.

M. Christian Sautter a observé qu'aucune conséquence en termes budgétaires n'avait été tirée de cette décroissance des effectifs, l'allongement de la scolarité, la scolarisation dès l'âge de deux ans ainsi que les contraintes d'aménagement du territoire ayant au contraire nécessité des moyens nouveaux.

Il a évoqué la forte disparité des taux d'encadrement entre départements et, s'agissant des fermetures de classes, a rappelé que le sénateur Jacques Delong, rapporteur spécial de la commission des finances pour le projet de loi de finances pour 1999, s'était réjoui du maintien de 400 écoles à classe unique au titre du moratoire d'avril 1993.

Il a indiqué qu'il fallait prioritairement s'attacher à une approche pluriannuelle et à la cohérence des décisions sur le budget et les concours.

Il serait possible, dans un second temps, d'améliorer la gestion du système éducatif, objectif qui s'inscrit dans la politique du ministre de l'éducation nationale, qu'il s'agisse de la déconcentration du mouvement national des enseignants du second degré, de la réforme des structures de l'administration centrale ou de celle du système des remplacements.

Enfin, la mise en oeuvre de la réforme pédagogique devrait permettre de rationaliser le système éducatif : la multiplication des filières et des options, ainsi que la faible polyvalence des enseignants dans l'enseignement secondaire ont en effet un coût.

Il a conclu en estimant qu'une logique du dépenser " plus " risquait d'engendrer une redondance de moyens, et a plaidé pour une logique du dépenser " mieux " par un redéploiement des moyens afin d'améliorer les performances du système éducatif et tirer parti de la qualité reconnue des personnels de l'éducation nationale.

Un large débat s'est ensuite instauré.

M. Adrien Gouteyron, président, s'est interrogé sur la possibilité de réformer l'éducation nationale à moyens budgétaires constants. Il a souhaité connaître le coût des ZEP qui permettent d'assurer un meilleur encadrement des élèves, puis a voulu savoir si le Gouvernement avait été consulté avant l'annonce par le ministre de l'éducation nationale de la compensation du pouvoir d'achat des enseignants suite à la réduction du taux de rémunération des heures supplémentaires année (HSA). Il s'est enquis de la possibilité d'établir dans les documents budgétaires le coût moyen d'un enseignant, pour l'ensemble de sa carrière et en prenant en considération les évolutions démographiques. Il a demandé si les 3.300 postes créés dans le second degré par la dernière loi de finances étaient des créations nettes et s'il était possible de connaître le nombre exact d'enseignants qui ne se trouvent pas devant les élèves.

M. Francis Grignon, rapporteur, a voulu savoir si la dépense d'éducation, qui représente 6,2 % du PIB, comprenait également les dépenses effectuées par les collectivités territoriales.

Revenant sur la notion de résultats évoquée par le secrétaire d'Etat, il s'est demandé s'il s'agissait d'introduire une logique d'entreprise à l'école. Il a demandé des précisions sur l'inertie des dépenses de personnel, sur les surnombres et sur le rôle du secrétariat d'Etat au budget dans le calibrage des concours de recrutement. Enfin, il s'est interrogé sur l'introduction de la bivalence dans les petites classes de collège et sur la manière de faire progresser la mise en place du contrôle financier décentralisé.

M. André Vallet, rapporteur adjoint, a souligné l'intérêt des remarques formulées relatives à la dimension pluri-annuelle qui devrait être donnée au budget de l'éducation nationale, mais a exprimé sa perplexité sur les réactions syndicales que cette démarche serait susceptible de provoquer. Il a voulu connaître le surcoût engendré par les ZEP, ainsi que le chiffrage de la décision annoncée par le ministre de l'éducation nationale de compenser la diminution du taux de rémunération des HSA. Enfin, il s'est enquis du coût de la réforme des lycées, et des emplois-jeunes dans l'éducation nationale.

M. Xavier Darcos a rappelé que le nouveau contrat pour l'école avait prévu une programmation pluriannuelle et s'est interrogé sur les crédits destinés à payer les surnombres et les enseignants contractuels, lesquels continuent à être recrutés en dépit d'un réemploi massif des maîtres auxiliaires.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint, a fait part de sa perplexité sur la possibilité de réformer le système éducatif à moyens constants. Il s'est demandé si la mise en place du nouveau contrôle local des emplois n'allait pas rigidifier davantage le système.

Mme Hélène Luc a voulu connaître la solution envisagée pour compenser la perte de pouvoir d'achat consécutive à la baisse de rémunération des HSA, et a estimé que l'éducation nationale disposait de moyens insuffisants pour faire face à ses nouvelles missions.

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président, s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles il n'y avait pas adéquation entre les emplois votés chaque année par le Parlement et les emplois réellement implantés dans les académies et a estimé nécessaire d'adapter les effectifs d'enseignants à la décroissance démographique qui affecte les élèves.

En réponse aux différents intervenants, M. Christian Sautter a apporté les éléments d'information suivants :

- il est possible de réformer le système éducatif à moyens constants, 30 milliards de francs ayant été redéployés dans l'ensemble de la dernière loi de finances ; les redéploiements sont possibles entre budgets et au sein de chaque budget ; ainsi des départements défavorisés, comme celui de la Seine-Saint-Denis, peuvent bénéficier de moyens supplémentaires ;

- malgré la réduction des effectifs des élèves, le Gouvernement a décidé de maintenir à un niveau constant le nombre des enseignants, afin d'améliorer la qualité de l'enseignement, notamment dans les zones rurales et les ZEP ; le budget alternatif adopté par le Sénat aurait, en revanche, entraîné des conséquences néfastes sur la gestion du système éducatif, comme ce fut le cas au cours des années 1993-1997 lorsque des postes d'enseignants ont été supprimés ;

- la démarche consistant à confronter les résultats obtenus aux objectifs poursuivis tend à assurer une bonne gestion du système éducatif et ne s'inscrit pas dans une logique d'entreprise qui serait étrangère au service public de l'éducation ;

- la gestion de l'éducation nationale doit se faire, dans certains domaines, selon une approche pluriannuelle afin, notamment, de mettre un terme à certains dysfonctionnements, mais il n'est pas envisagé d'élaborer une loi de programmation dans le domaine de l'éducation comme il en existe dans le domaine militaire ;

- les surnombres peuvent être évalués, à la rentrée 1999, à 1.050 dans le premier degré et à 5.450 dans le second degré, ce qui ne représente qu'un faible pourcentage des 830.000 enseignants ;

- la mise en place du contrôle financier déconcentré dans l'éducation nationale a été engagée en 1997, ce contrôle devant progressivement s'étendre aux emplois et être opérationnel à la fin de cette année ;

- le contrôle national des emplois s'inscrit dans un souci de bonne gestion et ne devrait pas rigidifier le système éducatif, les trésoriers-payeurs généraux étant alors en mesure de suivre l'évolution des effectifs sur le terrain ; l'amélioration de la tenue de comptabilités contradictoires, ainsi que le recentrage du visa préalable au plan central, devraient prévenir le développement de surnombres excessifs ;

- la réforme de la rémunération des HSA était motivée par le fait que celles-ci étaient calculées sur 42 semaines, alors que l'année scolaire n'en compte que 36, le taux de rémunération des heures supplémentaires effectives ayant par ailleurs été majoré de 6 % ; cette mesure a permis de réaliser une économie nette de 740 millions de francs destinés à financer une partie des aides-éducateurs, dont le coût est assuré à 80 % par le budget du ministère de l'emploi, et à 20 % par celui de l'éducation nationale, soit 1,1milliard de francs pour ce dernier ;

- s'agissant de la volonté de M. Claude Allègre de rétablir le pouvoir d'achat des enseignants du second degré, la méthode de travail du Gouvernement est collégiale ;

- les fermetures de classes suscitent souvent l'hostilité des parents d'élèves et de l'opinion publique, mais aussi des élus ; cependant, il serait possible d'ajuster les effectifs des élèves et ceux des enseignants du premier degré à l'occasion de mutations et de mouvements consécutifs aux départs à la retraite ;

- le Gouvernement est hostile à une logique purement comptable selon laquelle la décroissance des effectifs dans le premier degré conduirait à diminuer mécaniquement le nombre d'enseignants, d'autant plus que les évolutions démographiques ne sont pas homogènes sur l'ensemble du territoire ;

- 3.916 emplois ont été créés dans la loi de finances pour 1999 dont 3.300 emplois d'enseignants, 216 emplois de personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de service (ATOS), et 400 emplois médico-sociaux ; ces créations ont été gagées par la suppression des emplois destinés aux maîtres d'internats - surveillants d'externats (MI-SE) affectés au remplacement, rémunérés sur un autre chapitre budgétaire ;

- les maîtres-auxiliaires ont longtemps été indispensables au bon fonctionnement du système éducatif ; leur réemploi a été décidé à la rentrée 1997, et leur titularisation se poursuit, 6.323 ayant été titularisés en 1997, 5.524 l'année suivante et 5.159 devraient l'être cette année, ce rythme devant permettre la résorption rapide des 21.000 maîtres-auxiliaires ;

- dans le premier degré, il est possible de donner les chiffres précis du nombre d'enseignants mis à disposition ou détachés, affectés au remplacement ou ayant une décharge à titre de directeur d'école.

Audition de Mme Ségolène Royal, ministre chargé de l'enseignement scolaire

La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Ségolène Royal, ministre chargé de l'enseignement scolaire.

Après avoir prêté serment, Mme Ségolène Royal a indiqué attacher une grande importance à la réalisation de la meilleure adéquation entre les moyens humains mis en oeuvre et les objectifs pédagogiques de notre système scolaire.

En dépit d'une baisse du nombre d'élèves scolarisés dans les écoles, elle a rappelé que le Gouvernement avait décidé de maintenir les moyens affectés au premier degré afin de répondre à certains besoins pédagogiques, ce choix n'excluant pas une réorganisation de ces moyens.

Elle a ensuite rappelé que le système scolaire traversait actuellement une crise qui ne pourrait être surmontée qu'en précisant les missions de l'école. Elle a relevé la difficulté qu'avait l'école à accomplir sa mission de transmission des savoirs, difficulté qui nécessite une gestion diversifiée au sein des établissements et des classes. Elle a indiqué que cette présomption avait été prise en compte notamment dans l'élaboration de la carte scolaire, dans le débat engagé sur l'avenir du collège et dans la préparation des états généraux de la lecture.

Elle a ajouté qu'une réflexion devait être menée sur la gestion de la diversité des élèves, l'évolution du métier d'enseignant et le développement de l'interdisciplinarité.

Mme Ségolène Royal a précisé que l'évolution démographique s'était traduite par une diminution de 200.000 élèves depuis 1992 dans l'enseignement du premier degré et de 50.000 dans le second degré, les moyens correspondants ayant été maintenus pour l'école et ayant progressé pour le collège et le lycée.

Elle a estimé que cette baisse démographique devait être l'occasion de mettre en oeuvre une politique qualitative organisée en fonction de certaines priorités. Elle a ainsi souligné la nécessité de prendre en compte les situations scolaires difficiles en relançant les zones d'éducation prioritaire (ZEP) et en développant les emplois médico-sociaux. Elle s'est ensuite prononcée en faveur de l'accueil des jeunes enfants de moins de trois ans en maternelle, afin de réduire les inégalités dans la maîtrise du langage et de la lecture. Enfin, constatant une évolution démographique contrastée selon les régions, elle a souhaité une meilleure répartition géographique des moyens en rappelant le rôle de l'école dans l'aménagement du territoire.

Elle a estimé que pour mener à bien cette politique qualitative, il était essentiel de réformer les méthodes éducatives, notamment en milieu rural, en liaison avec les élus, et aussi par le biais des contrats éducatifs locaux.

Mme Ségolène Royal s'est ensuite prononcée en faveur d'une profonde réorganisation du système scolaire. Elle a indiqué que, depuis 1997, elle s'était attachée à refondre la carte des ZEP, à améliorer la gestion des remplacements et à rééquilibrer la carte scolaire dans un souci de transparence.

Elle a estimé qu'un renforcement de la gestion prévisionnelle supposait de développer une contractualisation entre l'Etat, les académies et les partenaires locaux.

En conclusion, Mme Ségolène Royal a considéré que les métiers de l'éducation devaient évoluer. Elle a en particulier estimé que les corps d'inspection, outre leur rôle traditionnel, devaient se consacrer à un rôle d'animation pédagogique, à l'instar des chefs d'établissement. Reconnaissant l'existence de pesanteurs, elle a rappelé la nécessité de redéfinir les missions de chaque catégorie de personnel du système éducatif.

Un large débat s'est ensuite instauré.

M. Francis Grignon, rapporteur, s'est demandé comment former les enseignants à leur rôle d'encadrement qui s'ajoute à leur mission traditionnelle de transmission des savoirs. Il a constaté que la spécialisation disciplinaire des enseignants du second degré constituait un obstacle à cette évolution. Il a ensuite voulu savoir s'il était possible d'améliorer le passage des élèves entre l'école et le collège et s'est interrogé sur les mesures à prendre pour soutenir les chefs d'établissement, qui sont actuellement quelque peu désemparés face aux élèves et aux enseignants en difficulté.

M. Adrien Gouteyron, président, a souligné l'importance pédagogique de l'articulation entre le collège et le lycée. Il s'est ensuite demandé si le champ disciplinaire des professeurs devait être identique selon qu'ils enseignent en collège ou en lycée.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint, a rappelé que le système éducatif se trouvait confronté à deux évolutions majeures, une baisse démographique qui devrait normalement permettre de réduire les moyens en personnels, et une aggravation de la violence en milieu scolaire qui nécessite un effort d'encadrement. Il a souhaité savoir quelles seraient les incidences budgétaires du traitement de ces phénomènes sur le budget. Il a demandé des précisions sur le coût que représentait la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Enfin, il a évoqué les incidences de la titularisation des maîtres auxiliaires et de l'extinction du corps des professeurs d'enseignement général de collège (PEGC) sur le fonctionnement du système scolaire.

Mme Hélène Luc a souligné la difficulté d'adapter l'école à l'hétérogénéité des élèves et s'est interrogée sur les moyens qui permettraient de mener tous les élèves à la réussite. Elle a estimé qu'au-delà des efforts consentis par les enseignants et l'Etat, il serait nécessaire d'augmenter les crédits consacrés à l'éducation nationale. Constatant que les enseignants travaillant dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP) ne bénéficiaient pas d'indemnités spécifiques, elle a souhaité, pour le moins, que les effectifs de leur classe soient limités à 25 élèves. Enfin, elle a estimé que les professeurs principaux devraient avoir un rôle plus important.

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président, a regretté que le ministre n'ait pas identifié les gaspillages constatés dans l'éducation nationale et fourni des indications pour une meilleure utilisation des moyens qui y sont affectés. Il s'est demandé quelle devait être l'importance de la baisse démographique pour que celle-ci se traduise par une réduction du nombre des personnels de l'éducation nationale.

M. Gérard Braun a évoqué les difficultés rencontrées par certains enseignants pour s'initier aux nouvelles technologies.

M. Adrien Gouteyron, président, a souhaité savoir si la déconcentration du mouvement des enseignants allait permettre une meilleure adéquation entre les personnels et les besoins et si les chefs d'établissement pourraient jouer un rôle plus important dans la constitution de leur équipe de direction.

En réponse à ces interventions, Mme Ségolène Royal a notamment apporté les précisions suivantes :

- une plus grande autonomie des établissements permettrait aux enseignants de mieux remplir leur mission et d'apporter une aide individualisée aux élèves en difficulté ;

- les innovations pédagogiques engagées en ZEP en faveur des élèves en difficulté devraient être généralisées à l'ensemble du système scolaire, les aides-éducateurs étant appelés à jouer un rôle important en ce domaine ;

- des initiatives sont envisagées dans le cadre de la consultation des collèges pour améliorer l'articulation entre l'école et le collège : échanges d'enseignants dans le cadre de réseaux, mise en place d'un tutorat permettant à un élève d'être suivi par le même adulte tout au long de sa scolarité au collège ;

- il est désormais possible d'envisager de développer l'interdisciplinarité au collège où existent déjà des parcours diversifiés pour les élèves associant plusieurs professeurs ;

- afin de mieux gérer les comportements parfois violents des adolescents, il serait souhaitable d'aménager le module traditionnel " adulte-classe " en associant un aide-éducateur à l'enseignant ;

- les chefs d'établissement doivent disposer d'une plus grande autonomie afin de gérer l'hétérogénéité des classes sans recourir aux anciennes filières de relégation ;

- la baisse démographique qui touche les élèves ne doit pas entraîner mécaniquement une diminution du nombre des enseignants, dans la mesure où certains besoins pédagogiques ou d'encadrement ne sont pas satisfaits. Il convient d'évaluer l'adéquation entre les moyens humains et les objectifs pédagogiques selon les situations des établissements, étant rappelé que les personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service (ATOS) et les personnels médicaux et sociaux ne sont pas assez nombreux pour accomplir correctement leur mission et prendre en charge les difficultés sociales des élèves qui pèsent sur le travail des enseignants ;

- la scolarisation des enfants de moins de trois ans progresse rapidement et a été prise en compte pour l'établissement de la carte scolaire du premier degré ;

- la réforme des collèges doit s'inscrire dans la perspective de la réforme de l'école. La réduction du nombre des élèves devrait permettre de mettre en place une politique qualitative au collège, en développant l'aide individualisée, en renforçant les sections d'enseignement général et professionnel adapté et en améliorant les modalités d'orientation ;

- les moyens de l'éducation nationale ne peuvent être réduits dans la mesure où certains besoins ne trouvent pas encore de réponse. Ainsi la France est-elle très en retard en matière de scolarisation des enfants handicapés ;

- le ministère de l'éducation nationale envisage de doter les enseignants, à leur domicile, de matériel informatique afin de les familiariser avec l'utilisation des nouvelles technologies ;

- il convient de multiplier le nombre de formateurs issus du corps enseignant qui transmettraient leur expérience à leurs collègues en difficulté ;

- les chefs d'établissement devraient pouvoir émettre un avis sur le choix de leurs collaborateurs afin d'assurer l'homogénéité de l'équipe de direction.

Audition de M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie

La commission d'enquête a enfin procédé à l'audition de M. Claude Allègre.

Se fondant notamment sur le principe de la séparation des pouvoirs, M. Claude Allègre a indiqué, à titre liminaire, qu'il refusait de prêter serment devant la commission d'enquête mais qu'il était à la disposition des commissaires pour répondre à leurs questions.

M. Adrien Gouteyron, président, a tenu à préciser que les textes organisant le fonctionnement des commissions d'enquête parlementaires ne dispensaient pas les ministres du serment, ce principe étant cependant diversement appliqué selon les commissions d'enquête.

Un large débat s'est alors instauré.

Soulevant la complexité de la gestion des enseignants, M. Francis Grignon, rapporteur, a souligné la nécessité d'apporter plus de transparence dans la discussion budgétaire.

M. Adrien Gouteyron, président, a souhaité savoir s'il serait techniquement possible de faire apparaître dans un document annexé à la loi de finances les enseignants qui ne sont pas affectés à un service d'enseignement.

M. Claude Allègre s'est déclaré favorable à une plus grande transparence du débat budgétaire et a indiqué que la déconcentration du mouvement des enseignants allait permettre d'avoir une vision claire des besoins en enseignants, et des éventuels surnombres, au niveau de chaque académie.

S'agissant du recensement des professeurs non affectés à des postes d'enseignement, il a souligné la complexité de l'opération, puisqu'en dehors des décharges syndicales réglementairement accordées et des mises à disposition régulièrement autorisées, dont il a tenté de réduire le nombre, il fallait évaluer le nombre de mises à disposition clandestines accordées au niveau d'une académie, voire d'un établissement.

Le ministre a souligné qu'au-delà de la déconcentration du mouvement, la généralisation de l'organisation des rectorats en bassins d'éducation, expérimentée dans quatre académies, allait permettre aux inspecteurs d'académie adjoints de coordonner l'ensemble des écoles et des établissements scolaires au niveau de chaque bassin et d'avoir ainsi une connaissance précise de leurs besoins en enseignants.

Répondant à M. Francis Grignon, rapporteur, qui l'interrogeait sur les difficultés de concilier la gestion déconcentrée du mouvement avec le principe du concours national, il a indiqué qu'il avait notamment supprimé la règle de la première affectation à l'issue du concours dans l'académie de formation et a précisé que les jeunes enseignants bénéficieront d'un suivi pendant la durée de cette première affectation. Il a rappelé en outre que les concours dits " nationaux " ne pouvaient être organisés devant le même jury pour des raisons tenant au nombre de candidats.

Soulignant la complexité de la gestion des enseignants dans le second degré, M. André Vallet, rapporteur adjoint, a constaté que les obligations de service des enseignants n'étaient pas identiques selon leur qualification.

M. Claude Allègre est convenu de cette situation, mais a estimé qu'elle n'avait pas beaucoup de conséquences, compte tenu de la faible proportion d'agrégés exerçant aujourd'hui dans l'enseignement secondaire. Il a par ailleurs fait observer qu'en proposant que les professeurs certifiés dispensent quinze heures de cours magistraux et trois heures de cours personnalisés pour les élèves, il opérait un rapprochement entre les différents statuts d'enseignants.

Soulignant que l'éducation et la formation constituent un investissement prioritaire, M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint, a demandé au ministre s'il estimait possible d'améliorer le fonctionnement de l'éducation nationale à budget constant.

Mme Hélène Luc a rappelé qu'il était fondamental d'affirmer le droit à la transmission des savoirs fondamentaux pour tous, afin de lutter efficacement contre les inégalités en matière scolaire, et s'est demandée comment le service public de l'éducation nationale pourrait y parvenir en fermant, par exemple, des classes en zones d'éducation prioritaire lorsque leurs effectifs se réduit seulement de quelques unités.

M. Adrien Gouteyron, président, a souhaité savoir si les réformes engagées par le ministre de l'éducation nationale pourraient être réalisées à moyens constants.

M. Claude Allègre a reconnu que la gestion centralisée de l'éducation nationale n'était pas optimale et que, dans le cadre d'une gestion déconcentrée, il serait possible de subordonner l'attribution de moyens à la production de projets éducatifs.

Il a estimé que le budget de l'éducation nationale était susceptible d'évoluer car certains moyens n'étaient pas aujourd'hui suffisants, s'agissant par exemple des personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de service (ATOS), des personnels médico-sociaux ou des maîtres d'internat et surveillants d'externat. Il a considéré qu'il fallait mettre en place des médiateurs dans les établissements situés en zone difficile pour prévenir le développement de phénomènes d'exclusion.

Il a reconnu que les chefs d'établissement se trouvaient aujourd'hui dans une position très difficile, parce qu'isolés, dépourvus de prérogatives, notamment en matière d'animation pédagogique, et sans moyens véritables pour exercer leurs responsabilités.

Répondant à M. Francis Grignon, rapporteur, qui lui demandait ce qu'il proposait pour résorber l'emploi précaire dans l'éducation nationale, le ministre a indiqué qu'il n'était pas possible de garantir l'emploi à long terme des aides-éducateurs et que leur recrutement était actuellement stoppé. Pour les 65.000 emplois-jeunes en poste, il a indiqué que les actions de formation devaient être développées, et que l'UIMM (Union des industries métallurgiques et minières) était disposée à en accepter 30.000 en formation.

S'agissant des contrats emploi-solidarité, il a rappelé que leur nombre avait déjà diminué de 70.000 à 45.000 et que des solutions étaient recherchées en partenariat avec le ministère du travail.

Enfin, s'agissant des maîtres auxiliaires qui échouent aux concours de l'éducation nationale, et qui doivent être intégrés, il a évoqué la possibilité d'une formation complémentaire spécifique au sein des IUFM.

M. Serge Lagauche s'est enquis des modalités envisagées par le ministre pour rétablir le pouvoir d'achat des heures supplémentaires des enseignants.

M. Claude Allègre a indiqué qu'il ne travaillait pas sous la pression de la rue et qu'une solution était en cours d'élaboration. Il a souligné qu'il ne lui avait pas semblé injuste de ne tenir compte que des 36 semaines de l'année scolaire pour le calcul annuel des heures supplémentaires et de dégager ainsi des moyens budgétaires pour le financement des aides-éducateurs. Constatant l'impopularité de cette mesure parmi les enseignants, il s'est dit prêt à rechercher un compromis sans revenir au dispositif antérieur, mais en proposant un mécanisme spécifique dans le cadre de la réforme des lycées.

Il a ajouté qu'il était illusoire de penser que les huit milliards de francs consacrés à la rémunération des heures supplémentaires permettraient de créer 45.000 emplois.

Dénonçant ensuite un cloisonnement excessif entre les différentes filières de formation, M. Claude Allègre a souligné les performances des lycées professionnels, notamment en ce qui concerne l'insertion des jeunes diplômés sur le marché du travail. Il a souhaité que la politique d'orientation au collège et au lycée soit revue afin que l'enseignement professionnel ne soit plus choisi par défaut.

M. Adrien Gouteyron, président, s'est demandé comment les recteurs pourraient mieux affecter les enseignants dans le cadre d'un mouvement déconcentré, dans la mesure où le barème ne leur laisse aucune marge de manoeuvre.

M. Claude Allègre a précisé que le barème sera, dans l'avenir, négocié au niveau de chaque académie.

Répondant à M. André Vallet, rapporteur adjoint, il a souligné la nécessité d'envoyer les enseignants en stage dans les entreprises. Citant l'exemple du stage de première année des élèves de l'ENA (Ecole nationale d'administration), il a fait observer que la généralisation de ce dispositif aux grandes écoles posait le problème de l'utilisation des professeurs pendant cette période.

Il a souhaité que les enseignants puissent prendre une ou plusieurs années sabbatiques afin de se former en entreprise et a noté que le projet de loi sur l'innovation permettrait de développer cette possibilité pour les enseignants-chercheurs.

Rappelant que l'école avait profondément évolué et qu'elle n'était pas épargnée par les difficultés qui affectent notre société, il a estimé que les enseignants devaient à nouveau inspirer les indispensables réformes à venir, plutôt que de s'y opposer par corporatisme ou dogmatisme. Il s'est en revanche félicité que les enseignants des lycées professionnels aient conservé un état d'esprit inspiré de celui des " hussards de la République ".

Répondant à M. Jean-Léonce Dupont, vice-président, qui s'inquiétait d'une ingérence syndicale dans la gestion de l'éducation nationale, il a rappelé que les syndicats avaient un rôle important à jouer et permettaient un dialogue fructueux, notamment dans le premier degré, mais il a estimé que ce rôle ne devait pas aller jusqu'à la cogestion.

S'agissant des recrutements, le ministre a indiqué qu'il privilégiait une programmation pluriannuelle des concours, en évitant notamment des variations trop importantes dans le nombre de postes proposés d'une année sur l'autre, afin de ne pas léser les étudiants qui préparaient les concours.

Il est convenu que le nombre d'options enseignées au lycée était trop important, notamment s'agissant des langues étrangères ; soulignant qu'il était très difficile d'en réduire le nombre, il s'est déclaré favorable à une mutualisation de l'offre d'enseignements au sein des bassins d'éducation.

Il a rappelé que la spécialisation disciplinaire des professeurs de collège était une spécificité française et qu'il faudrait un jour engager une réflexion en ce domaine.

Répondant à M. Adrien Gouteyron, président, il a précisé qu'il n'était pas encore en mesure de chiffrer le coût de ses propositions concernant la rémunération des heures supplémentaires.

M. Claude Domeizel a souligné le rôle essentiel des établissements scolaires dans les zones difficiles et le travail remarquable des enseignants qui y sont affectés ; compte tenu de l'évolution de ce métier, il s'est demandé s'il était raisonnable de rester enseignant pendant toute une carrière.

M. Claude Allègre a rappelé que les enseignants étaient très attachés à leur métier, mais qu'il fallait introduire des discriminations positives pour conforter les personnels qui exercent dans des zones difficiles ou défavorisées.