COMMISSION SPÉCIALE CHARGEE D'EXAMINER

LE PROJET DE LOI D'ORIENTATION POUR L'AMÉNAGEMENT

ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

Table des matières


Mercredi 10 mars 1999

- Présidence de M. Jean François-Poncet, président.

Audition de M. Didier Lallement, directeur général des collectivités locales

La commission spéciale a tout d'abord procédé à l'audition de M. Didier Lallement, directeur général des collectivités locales.

Soulignant la complémentarité entre les deux projets de loi, respectivement relatifs à l'aménagement du territoire et à la coopération intercommunale, M. Didier Lallement a fait valoir que ces textes poursuivaient le même objectif qui était de donner aux territoires les moyens de leur développement. Il a relevé que le premier d'entre eux fixait un cadre général, tandis que le second précisait la nature des outils du développement.

Après avoir fait observer que les deux textes avaient le même souci de privilégier l'initiative locale, M. Didier Lallement a exposé que le projet de loi relatif à la coopération intercommunale était fondé sur une logique de volontariat. Il a souligné qu'il prévoyait de doter les collectivités d'outils juridiques souples et qu'il permettait de simplifier le cadre juridique en vigueur, en supprimant notamment 71 articles du code général des collectivités territoriales.

Il a également relevé que ce projet de loi veillait à ce que les incitations financières à la création de communautés d'agglomérations ne pèse pas sur la masse de la dotation globale de fonctionnement, en prévoyant que celle-ci serait abondée à hauteur de 500 millions de francs par un prélèvement sur les recettes de l'Etat. Il a estimé que ce texte traduisait ainsi un souci d'équilibre, équilibre qui n'avait pas été atteint lors de la création des communautés de communes et des communautés de villes par la loi d'orientation du 6 février 1992.

Soulignant à nouveau la cohérence entre les deux projets de loi, M. Didier Lallement a fait valoir qu'ils cherchaient à promouvoir des espaces de développement identifiés. Il a précisé que les pays et les agglomérations ne constituaient pas de nouvelles formes institutionnelles, mais des espaces de développement.

Considérant que le contrat devait rester la loi des parties et ne leur imposer que des obligations qu'elles pouvaient maîtriser, le directeur général des collectivités locales a estimé qu'il fallait éviter de fixer dans la loi des obligations contractuelles trop lourdes.

Il a par ailleurs exposé que l'exigence de sécurité juridique, à laquelle les collectivités locales étaient légitimement attachées, imposait de ne pas les mettre dans la situation de stipuler pour autrui. Il a relevé que les collectivités locales devaient, avant de s'engager au plan contractuel, avoir été effectivement dotées de la compétence faisant l'objet du contrat. Il a en particulier souligné que cette condition préalable était indispensable pour éviter d'exposer les élus locaux au risque pénal.

En réponse à M. Jean François-Poncet, président, qui se demandait comment les pays pourraient contracter sans disposer de moyens matériels, M. Didier Lallement a indiqué que le projet de loi relatif à l'aménagement du territoire précisait qu'avant de passer un contrat, les pays devraient choisir entre plusieurs formes juridiques à savoir le syndicat mixte, le groupement d'intérêt public ou les formes classiques d'intercommunalité.

Après avoir estimé que les formules intercommunales étaient à la fois plus sécurisantes et plus fiables, M. Didier Lallement a fait observer que les groupements d'intérêt public pouvaient revêtir des formes très variables et qu'ils étaient dotés en outre d'un commissaire du Gouvernement exerçant un contrôle a priori. Il a noté que si le recours au syndicat mixte pouvait être utile, cette structure était néanmoins plus légère.

Après avoir souligné l'enjeu que constituait la réduction des disparités à l'intérieur des Etats de l'Union européenne, M. Jean-Paul Delevoye s'est demandé s'il ne serait pas possible de mieux distinguer la phase d'élaboration d'un projet de développement dans le cadre du pays, laquelle exigeait des formules souples, de la phase de mise en oeuvre de ce projet par la voie du contrat, qui impliquait le recours à des structures du type des syndicats mixtes ou des établissements publics de coopération intercommunale.

Il a considéré qu'une meilleure distinction entre ces deux phases permettrait de prévoir des formules diversifiées dans la phase de réalisation à l'intérieur des différents pays.

M. Jean-Paul Delevoye a par ailleurs regretté que la réflexion sur les territoires s'engage alors même que des aspects essentiels de certaines politiques les concernant étaient en cours de modification à travers notamment la réforme de la politique agricole commune, des fonds structurels européens et des zonages ou encore la réorganisation de l'Etat.

M. Claude Belot, rapporteur, a fait valoir que certains mécanismes financiers comportant des seuils rigides et inadaptés soulevaient des difficultés pratiques et conduisaient les acteurs locaux à retenir des formules institutionnelles artificielles.

S'interrogeant sur les formes juridiques que devaient adopter les pays pour contractualiser, M. Charles Revet, rapporteur, s'est inquiété des transferts de compétences préalables qui devraient être opérés au profit de la structure commune et de la faculté pour celle-ci d'être maître d'ouvrage.

M. Paul Masson a fait valoir que la réponse à cette question dépendait de la forme que revêtait le pays. Il a estimé que si celui-ci était organisé sous la forme d'une communauté de communes, celle-ci devait bénéficier d'un transfert de compétences préalable, ce qui n'était pas le cas dans des cadres plus souples, tels que les formules associatives.

Faisant par ailleurs observer que le pays devait disposer de moyens adéquats pour pouvoir contracter, M. Paul Masson a estimé que le souhait légitime de ne pas en faire un échelon administratif supplémentaire devait conduire à ce qu'il utilise les moyens des collectivités existantes. Il a donc considéré qu'une collectivité devait être désignée comme maître d'ouvrage ayant en charge la responsabilité de réaliser les actions décidées dans le cadre du projet commun de développement.

M. Claude Belot, rapporteur, a alors fait valoir qu'il devait exister une structure susceptible de s'exprimer et de contracter pour le compte du pays.

En réponse, M. Didier Lallement a estimé que le passage de la phase de programmation à la phase de réalisation d'un projet de développement constituait un sujet majeur. Il a souligné que dans ces deux phases une certaine souplesse devait être préservée.

Après avoir relevé que le pays devait être chargé de la programmation, M. Didier Lallement a fait observer que la structure qui disposait de la compétence devait être en charge de la mise en oeuvre du projet commun de développement. Compte tenu des risques contentieux, il a souligné qu'il n'était pas possible de réaliser cette phase d'exécution avec une structure trop légère.

Le directeur général des collectivités locales a néanmoins fait observer qu'il était possible de contracter dans le cadre des structures existantes, en particulier des groupements de communes, qu'il s'agisse des formules syndicales, sous réserve qu'elles aient été dotées de la compétence adéquate, ou de formules plus intégrées. Il a en revanche estimé que le recours à un groupement d'intérêt public introduirait une plus grande incertitude.

Répondant à M. Jacques Bellanger qui se demandait si les dispositions du projet de loi permettant le recours à un groupement d'intérêt public ne pouvaient pas être améliorées, M. Didier Lallement a considéré que si cette structure pouvait convenir dans la phase de programmation, en revanche, elle ne paraissait pas adaptée au stade de l'exécution. Il a de nouveau souligné que, dans le cadre d'un groupement d'intérêt public, un commissaire du Gouvernement exerçait un contrôle a priori, ce qui constituerait une novation par rapport aux lois de décentralisation.

En réponse à M. Jean François-Poncet, président, qui s'interrogeait sur les conditions dans lesquelles des communes ou des communautés de communes pourraient déléguer des compétences à la structure syndicale constituée au niveau du pays, M. Didier Lallement a précisé que les règles de droit commun de la coopération intercommunale seraient applicables.

Il a notamment indiqué que des communautés de communes pouvaient appartenir à des syndicats mixtes auxquels elles déléguaient une partie de leurs compétences. Il a néanmoins souligné que dans le cadre des pays les délégations de compétences devraient correspondre aux termes même du contrat qui serait passé par la structure commune. Il a en outre fait valoir que des délégations trop nombreuses de compétences soulèveraient inévitablement un problème de financement et imposeraient un niveau d'exigences trop élevé à la structure commune.

M. Jacques Oudin a estimé que le pays devait être le cadre de la conception et de la programmation d'un projet de développement, ainsi que de la contractualisation. Jugeant nécessaire d'éviter d'ajouter à la complexité, il a exclu tout recours à une fiscalité additionnelle et considéré que les maîtres d'ouvrage habituels devraient prendre en charge la mise en oeuvre du projet commun de développement.

S'agissant des risques contentieux, M. Jacques Oudin a souligné qu'il revenait au législateur de fixer un cadre juridique clair délimitant précisément le champ d'intervention du juge pénal.

Enfin, il a considéré qu'il n'était pas envisageable qu'un contrat de pays puisse exclure le département.

Après avoir estimé qu'il était nécessaire de prendre en compte ce risque pénal dans le choix de la structure chargée de mettre en oeuvre le projet commun de développement, M. Jean-Paul Delevoye a par ailleurs jugé nécessaire d'adapter le statut de la fonction publique territoriale, afin de prendre en compte le besoin de souplesse qu'impliquait la conception d'un tel projet.

Après avoir souscrit à cette observation M. Pierre Hérisson a fait valoir que plus les formules étaient diverses, plus il était difficile de rassembler les acteurs locaux autour d'un projet commun.

En réponse à ces différents intervenants, tout en considérant que la souplesse était nécessaire, M. Didier Lallement a néanmoins fait observer qu'elle était plus difficile à préserver lors de la réalisation de projets complexes. Il a jugé nécessaire d'éviter tout système confus de délégation de compétences qui conduirait à admettre l'intervention de multiples acteurs, soulignant que l'exigence de sécurité juridique était essentielle.

S'agissant du statut de la fonction publique territoriale, le directeur général des collectivités locales s'est déclaré sensible à la nécessité de prendre en compte les nouveaux métiers, préoccupation qui lui est apparue plus fondée dans le cadre de la fonction publique territoriale que dans celui de la fonction publique de l'Etat.

Jugeant néanmoins nécessaire d'éviter des impasses statutaires, M. Didier Lallement a estimé qu'il était préférable d'élargir les possibilités d'entrée dans les cadres d'emplois existants, plutôt que de créer de nouveaux cadres d'emplois qui n'offriraient aucune perspective de carrière aux fonctionnaires concernés.

Relevant le souci de supprimer les chevauchements de compétences, M. Jean-Paul Delevoye a fait observer que, pour sa part, l'Etat trouvait normal de faire financer ses propres compétences par les collectivités locales, par exemple les régions pour les universités.

Il s'est par ailleurs inquiété des instructions données par la direction générale des collectivités locales aux préfets, afin qu'ils suspendent les négociations en cours en vue de la création d'établissements publics de coopération intercommunale jusqu'à la publication de la nouvelle loi en cours d'examen par le Parlement.

Rappelant que le projet de loi relatif à la coopération intercommunale prévoyait des incitations financières fortes au profit des communautés d'agglomérations à travers la dotation globale de fonctionnement, M. Jean-Paul Delevoye s'est inquiété de la discrimination qui en résulterait à l'encontre des communautés de communes, et du risque d'encourager les dépenses de fonctionnement, alors que l'effort financier de l'Etat devrait au contraire favoriser les dépenses d'investissement des structures intercommunales.

Faisant observer que la recherche d'une clarification pouvait passer soit par une réforme de la répartition des compétences, soit par le recours à des formules contractuelles, M. Jean-Pierre Raffarin a estimé que les différentes mesures envisagées, notamment dans le cadre de l'avant-projet de loi sur les interventions économiques des collectivités locales, concouraient à rendre impossible toute clarification des compétences. Il a donc estimé que, dans ces conditions, c'est une logique contractuelle qui devrait prévaloir.

M. Jean François-Poncet, président, a constaté que les préfets étaient très directifs en ce qui concerne la création de structures intercommunales. Il a souhaité savoir si des instructions ministérielles leur avaient été données en ce sens et s'est inquiété des effets qui en résulteraient sur la libre administration des collectivités locales.

En réponse, M. Didier Lallement a tout d'abord indiqué qu'en sa qualité de directeur général des collectivités locales, il était conscient que l'Etat devait lui-même se réformer.

Soulignant, par ailleurs, que la dotation globale de fonctionnement, qui était répartie par le comité des finances locales, appartenait aux collectivités locales, M. Didier Lallement a estimé qu'il convenait d'éviter d'encourager des regroupements intercommunaux de pure aubaine.

Le directeur général des collectivités locales a fait valoir que le rôle du représentant de l'Etat pour mettre en oeuvre une concertation avec les élus locaux lors de la création de structures intercommunales était reconnu par la jurisprudence et qu'il était légitime au regard des objectifs que l'Etat se fixait pour la répartition de la dotation globale de fonctionnement. Il a indiqué que certains préfets avaient pu émettre des réserves sur des projets qui n'étaient pas mûrs ou qui avaient été élaborés dans la précipitation et dans la seule perspective de la nouvelle loi. Il a néanmoins souligné qu'à sa connaissance, il n'existait pas de situations dans lesquelles les préfets auraient orienté la création d'établissements publics de coopération intercommunale dans un sens contraire aux souhaits des élus locaux.

M. Jean François-Poncet, président, a alors confirmé l'existence de certaines situations totalement inacceptables.

Audition de M. Jean-François Hervieu, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA)

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Jean-François Hervieu, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA).

M. Jean-François Hervieu
a tout d'abord souligné d'une part la forte interaction qui existe entre l'évolution de la politique agricole commune (PAC) et l'aménagement des territoires ruraux, et, d'autre part, les attentes nouvelles de la société vis-à-vis de l'agriculture en matière de valorisation de l'espace. Il a estimé que les organisations interconsulaires occupaient une place essentielle dans le cadre des " pays ", tant pour l'animation que pour le suivi de projets. Il a considéré qu'il ne pouvait y avoir de solution de continuité entre villes et espaces ruraux et qu'il convenait de conforter leurs relations et leurs échanges. Il a enfin souhaité qu'un réel équilibre soit atteint entre la valorisation du territoire et sa protection dans le schéma des espaces naturels et ruraux.

Evoquant le projet de loi initial, le président de l'APCA a considéré que ce texte s'inspirait d'une approche trop urbaine. Aussi s'est-il réjoui des avancées opérées par l'Assemblée nationale en matière :

- de coordination des politiques nationale et européenne ;

- de reconnaissance du rôle de la région ;

- de cohérence des outils de contractualisation et de planification ;

- de participation des représentants des organismes socio-professionnels.

Il a également jugé positif le fait que l'Assemblée nationale ait réaffirmé le rôle de l'Etat, rééquilibré la position des agglomérations, mieux pris en compte la diversité des territoires, et renforcé le rôle du Parlement et du Conseil national d'aménagement du territoire.

M. Jean-François Hervieu a enfin souhaité que l'économie du projet de loi soit cohérente avec le dispositif de la loi d'orientation agricole, avant d'évoquer les principaux articles dont il estimait la modification souhaitable.

Il a jugé utile, à l'article 2, de mentionner le schéma des espaces naturels et ruraux.

Il a souhaité que le texte prenne pleinement en compte la nécessité du développement économique (article 18).

Il a recommandé que les règles de fonctionnement du fonds de gestion des milieux naturels (FGMN) soient claires et partenariales.

Evoquant les articles 8 bis et 9 du texte, le président de l'APCA a souhaité que les délégations parlementaires émettent des avis sur les projets de décrets d'application et que l'Etat assure la cohérence des schémas de services collectifs.

Il a également affirmé la nécessité d'associer les représentants des activités socio-économiques et des chambres consulaires dans les instances compétentes en matière d'aménagement du territoire, ainsi que les comités de massif, dans les régions de montagne, lors de l'élaboration du schéma interrégional du massif.

Interrogé par M. Gérard Larcher, rapporteur, et Mme Janine Bardou, sur l'abrogation de l'article 61 de la loi du 4 février 1995, et sur les conséquences de la fusion du fonds de gestion de l'espace rural (FGER) et du FGMN, M. Jean-François Hervieu a souligné l'importance du développement des activités économiques en monde rural et fait part de ses préoccupations au sujet de l'utilisation des crédits du FGMN à des fins principalement environnementales.

En réponse à M. Alain Vasselle, qui l'interrogeait sur les relations de la politique d'aménagement du territoire avec la création du contrat territorial d'exploitation (CTE), le président de l'APCA a estimé que les CTE devaient principalement résulter d'un projet agricole émanant des exploitants dont il est indispensable, a-t-il jugé, de tenir compte dans l'aménagement du territoire.

Interrogé par le rapporteur sur les dommages causés à l'agriculture par l'instabilité des documents d'urbanisme, M. Jean-François Hervieu s'est déclaré favorable à une stabilisation de ces documents et au recours aux " zones agricoles protégées " prévues par la loi d'orientation agricole, plutôt qu'aux " espaces régionaux de reconquête paysagère " visés à l'article 19 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

Audition de M. Jean Guillot, directeur adjoint des transports terrestres au ministère de l'équipement, des transports et du logement

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Jean Guillot, directeur adjoint des transports terrestres au ministère de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean Guillot
a introduit son propos en rappelant le champ de compétences de la direction des transports terrestres au ministère de l'équipement, des transports et du logement en matière d'infrastructures et de services. Il a indiqué que cette direction avait été associée à l'élaboration du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire pour ce qui concerne :

- les schémas de services collectifs relatifs aux transports, et plus généralement la rédaction des articles 1, 2, 9, 16 et 32 ;

- les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire de l'article 6 ;

- les schémas de services aux usagers de l'article 22 ;

- les modifications de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs (LOTI), modifiée, prévues par les articles 28, 29, 30, 31 et 33 ;

- les dispositions relatives au canal Rhin-Rhône.

Il s'est félicité de la nouvelle dénomination des schémas sectoriels, soulignant qu'elle présentait l'avantage d'insister sur l'importance de la notion de service. Après avoir rappelé qu'avant 1995, il existait trois schémas directeurs, relatifs aux voies navigables, aux routes et aux lignes ferroviaires à grande vitesse, il a indiqué que depuis, la loi " Pasqua " prévoyait cinq schémas directeurs relatifs aux voies navigables, aux routes, aux réseaux ferroviaires, aux ports maritimes et aux infrastructures aéroportuaires. Relevant que le projet de loi réduisait le nombre de schémas directeurs de transport à deux, l'un consacré au transport des voyageurs, l'autre au transport des marchandises, il a estimé que ce choix présentait l'avantage de prendre en considération l'intermodalité des moyens de transport ainsi que le rôle du service rendu à l'usager. S'appuyant sur les exemples d'une électrification d'une ligne ferroviaire, sur la question de l'accès à l'aéroport de Roissy et de la traversée ferroviaire des Alpes, il a souligné que les considérations techniques ne pouvaient être séparées de l'objectif poursuivi en matière de service rendu à l'usager.

Il a fait observer que le projet de loi était d'une lecture difficile, dans la mesure où il modifiait la loi du 4 février 1995 et la LOTI. Il a relevé que la direction des transports terrestres avait veillé à ce que, seules, les dispositions d'ordre général soient insérées dans la loi du 4 février 1995, les dispositions qui concernaient spécifiquement les transports étant insérées dans la LOTI.

M. Jean François-Poncet, président, a estimé que la prise en compte de la notion de services ne semblait avoir été effectuée que sous le seul angle de la fréquentation, sans prendre en compte les impératifs de l'aménagement du territoire. Il a fait observer que le maintien d'une ligne ferroviaire pouvait ne pas être justifié en raison de sa fréquentation, mais s'imposer pour des raisons liées à un désenclavement des territoires.

M. Gérard Larcher, rapporteur, a souligné le rôle essentiel des équipements de transports dans l'aménagement du territoire. S'interrogeant sur les risques de contournement par l'est du territoire français notamment par le corridor Brenner-Vérone et le couloir Rotterdam-Gioia Tauro, il a demandé quelles mesures étaient envisagées pour faire en sorte que la France soit au coeur des transports ferroviaire et fluvial européens. Il a souligné qu'une politique ambitieuse dans ce domaine ne pouvait se satisfaire d'une amélioration des lignes existantes. Il s'est interrogé sur les mesures prises pour limiter la saturation du trafic ferroviaire au niveau de Paris, de Chambéry, de Bordeaux, de Nîmes et de Montpellier.

M. Jean François-Poncet, président, a souligné la nécessité de créer un axe transpyrénéen.

M. Jacques Oudin a estimé qu'en introduisant en matière d'infrastructure de transport la notion de services collectifs, on ne faisait que redécouvrir des évidences. Il a souhaité savoir si la direction des transports terrestres avait bien pris en compte la généralisation au niveau communautaire des principes de l'utilisateur payeur et du coût marginal social. Il s'est enfin interrogé sur le coût réel des subventions publiques au système ferroviaire.

M. Pierre Hérisson a considéré que la réflexion en matière de transport public devrait prendre en compte le fait que la voiture est un phénomène de société difficilement contournable. Il s'est félicité que le ministère de l'équipement s'efforce, en attendant la percée du tunnel Lyon-Turin, de développer le trafic ferroviaire transalpin existant. Il a souhaité savoir quelles mesures avaient été prises pour préparer l'ouverture du réseau ferré de France aux opérateurs européens. Soulignant que les routes nationales étaient le parent pauvre de l'aménagement du territoire, il s'est interrogé sur l'état des réflexions du ministère de l'équipement sur le moyen de financer ces équipements et a indiqué que le Sénat avait créé sur ce sujet un groupe de travail qui devrait formuler des propositions dans les mois à venir.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean Guillot a apporté les réponses suivantes :

- la question du contournement des territoires français est une question essentiellement politique. Il s'agit de savoir si on accepte qu'une partie du transport européen passe par notre pays avec les avantages et les inconvénients que cela suppose ;

- en ce qui concerne les Pyrénées, il existe un fort potentiel de développement du transport terrestre vers l'Espagne. Il conviendrait, à cet égard, d'accroître la part du transport ferroviaire qui se situe actuellement, avec 8 % de part de marché, à un niveau anormalement bas et de développer le trafic sur les axes de transport terrestre et ferroviaire atlantique et méditerranéen, avant d'envisager la création d'un axe transpyrénéen.

M. Jean François-Poncet, président, a souligné que la seule amélioration des axes existants ne permettrait pas de désenclaver le centre des Pyrénées. Il a relevé que si on observait un mouvement de l'Europe vers l'est, il y avait également un développement sans précédent de l'Europe du sud, auquel la France semblait tourner le dos.

M. Jean-Marc Pastor, rejoignant les propos du président, a estimé que, seule, la création d'un nouvel axe transpyrénéen permettrait d'améliorer la desserte de ces régions.

M. François Gerbaud a rappelé que la loi portant création de Réseau Ferré de France avait prévu que le Gouvernement établirait, dans un délai de trois années, un bilan de la régionalisation des services régionaux de voyageurs. Il a relevé que devant le succès inégal de cette expérience, il était à craindre que ce bilan ne soit pas transmis au Parlement. Il s'est enfin interrogé sur les mesures prises pour préparer l'ouverture du réseau aux opérateurs européens.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean Guillot a apporté les précisions suivantes :

- le coût marginal social fait l'objet de réflexions théoriques, approfondies et parfois byzantines. Il conviendra dans la pratique de faire preuve de pragmatisme et de trouver des modalités de financement appropriées ;

- les subventions publiques au réseau ferroviaire inscrites au budget du ministère de l'équipement s'élèvent globalement à 58 milliards de francs, dont 13 milliards de francs affectés aux retraites des cheminots ;

- le bilan des trois années d'expérimentation devra impérativement être établi, le colloque organisé à l'initiative de M. Hubert Haenel ayant permis à cet égard de rassembler de précieux éléments de réflexion.

M. Jean-Paul Delevoye s'est étonné que la politique envisagée se borne à améliorer les équipements existants, alors même que la France est confrontée à des défis considérables. Il a souligné la nécessité de considérer les infrastructures de transport dans leur globalité, observant que l'agrandissement de l'aéroport de Roissy, comme le développement du port du Havre, devaient être envisagés en prenant en compte leur desserte par l'ensemble des moyens de transport. Il a ensuite rappelé la nécessité d'harmoniser au niveau européen les paramètres d'évaluation socio-économiques des infrastructures de transport. Il a enfin souhaité savoir si le ministère de l'équipement entendait développer les contrats d'objectifs avec les entreprises publiques de transport, afin notamment de fixer des objectifs en matière de service minimum.

En réponse, M. Jean Guillot a apporté les précisions suivantes :

- la programmation des infrastructures doit prendre en considération l'ensemble des moyens de transports, leur interaction, et tenir compte de facteurs techniques, économiques et spatiaux ;

- il convient d'harmoniser les paramètres d'évaluation socio-économiques des infrastructures de transport ;

- la mise en place des contrats d'objectifs se heurte à de nombreuses difficultés. Le dispositif mis en place pour le transport combiné, qui comprend un contrat d'objectifs et des sanctions financières en cas de non respect des engagements, fonctionne convenablement.

Audition de M. Jean-Pierre Duport, préfet de la région d'Ile-de-France

La commission spéciale a enfin procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Duport,préfet de la région d'Ile-de-France.

Dans son propos liminaire, M. Jean-Pierre Duport a déclaré que la problématique de l'aménagement du territoire en Ile-de-France avait évolué et que l'opposition entre Paris et le désert français ne correspondait plus à la réalité. Il a cité l'exemple de la politique culturelle, qui avait permis aux métropoles régionales de se doter d'orchestres et de théâtres de qualité. Il a estimé que le plan Université 2000 avait été un succès, même si les universités du bassin parisien n'en avaient pas bénéficié autant que d'autres. Il a souligné que la décentralisation de la recherche avait eu pour conséquence de ramener à 40 % du total national le nombre de chercheurs situés en Ile-de-France contre 50 % auparavant. Il s'est toutefois inquiété du vieillissement de la population des chercheurs en Ile-de-France.

M. Jean-Pierre Duport a rappelé que la région Ile-de-France n'était plus la première région d'Europe en termes de produit intérieur brut (PIB) par habitant mais seulement la quatrième ou la cinquième et que cette région souffrait d'un phénomène de dualisation sociale et territoriale. Il a déclaré que 30 % de la population était située en zones prioritaires de la politique de la ville et que des poches de pauvreté cohabitaient avec des poches de richesse. Il a observé que le taux de chômage était de 15 % en Seine-Saint-Denis, contre 7 % dans les Yvelines.

M. Jean-Pierre Duport a estimé qu'il convenait de mener, en Ile-de-France, une politique de lutte contre la dualité sociale et territoriale et qu'il était nécessaire de mettre en valeur les atouts de la région, afin d'aboutir à une " métropolisation maîtrisée ". Il a souligné que, s'il n'était pas envisageable de favoriser le développement quantitatif de l'Ile-de-France, il convenait de préserver l'attractivité de Paris pour l'accueil des grands sièges sociaux.

Il a considéré que le plan université du troisième millénaire (U3M) devait mieux intégrer l'Ile-de-France que ne l'avait fait le plan Université 2000, rappelant que les universités parisiennes avaient vieilli et que certaines présentaient des problèmes de sécurité. Il a rappelé que l'objectif de diminution du nombre d'étudiants parisiens n'était pas remis en cause.

M. Jean-Pierre Duport a souhaité qu'un effort de recomposition de la ville soit engagé, afin de maîtriser les phénomènes de désagrégation sur les pourtours périurbains. Il a considéré que le développement urbain devait être polarisé et a évoqué pour se faire une évolution de la politique d'attribution des logements sociaux. Il a déclaré attendre avec circonspection les résultats du recensement qui pourraient confirmer la poursuite du développement démographique en Ile-de-France.

Enfin, il a souhaité le développement d'une politique coordonnée sur l'ensemble du bassin parisien qui prenne en compte, notamment, les questions relatives à l'enseignement supérieur et aux migrations alternantes.

M. Gérard Larcher, rapporteur, a souhaité poser plusieurs questions à M. Jean-Pierre Duport relatives à la maîtrise de la périurbanisation, aux outils permettant la recomposition de la ville et aux moyens de préserver la compétitivité de l'économie régionale.

En réponse à M. Gérard Larcher, rapporteur, M. Jean-Pierre Duport a considéré que, si le schéma directeur comportait effectivement de nombreuses lacunes, il n'était pas possible d'engager sa révision en l'absence de majorité claire au conseil régional. Il a estimé que le développement périurbain accentuait les problèmes de circulation et de pollution en Ile-de-France. Il a déclaré qu'un accent supplémentaire pourrait être mis sur les moyens de la recomposition urbaine dans l'article 35 du projet de loi. Il a évoqué la création d'un établissement public et, pour les zones rurales et naturelles, le recours à la procédure des directives territoriales d'aménagement (DTA).

M. Paul Masson a souhaité savoir si la réflexion sur l'aménagement du territoire au niveau du bassin parisien serait poursuivie, comment serait conduite l'élaboration des schémas de services pour le transport des voyageurs et des marchandises et quelle était la place du troisième aéroport parisien dans ces schémas de transport.

En réponse à M. Paul Masson, M. Jean-Pierre Duport a considéré que la réflexion au niveau du bassin parisien avait été fructueuse et qu'elle méritait d'être inscrite dans le projet de loi. Il a estimé que l'élaboration des schémas de transport de voyageurs et de marchandises ferait l'objet d'une procédure commune en Ile-de-France et que la décision relative à la construction du troisième aéroport relevait du Gouvernement, et non des autorités régionales.

M. Charles Revet s'est interrogé sur les moyens de réduire la vacance de certains logements sociaux. Il a souhaité connaître les domaines qui pourraient faire l'objet d'une coopération au niveau du bassin parisien.

En réponse, M. Jean-Pierre Duport a considéré qu'il convenait de poursuivre l'effort de démolition et de reconstruction des logements les plus dégradés. Il a estimé que la coopération au niveau du bassin parisien pouvait concerner les transports, l'enseignement supérieur et la recherche et l'environnement.

M. Alain Vasselle a souhaité savoir dans quelle mesure l'article 35 pourrait prévoir l'harmonisation des différents schémas, et s'est interrogé sur le rôle d'aéroport de délestage qui pourrait être donné à l'aéroport de Beauvais.

Mme Marie-Claude Beaudeau s'est alarmée de la dégradation de certains territoires en Ile-de-France.

M. Jacques Bellanger a constaté que le schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF) était déjà dépassé à la fin de son élaboration ; il s'est inquiété du coût très élevé des infrastructures en Ile-de-France et s'est interrogé sur l'avenir du développement de l'intercommunalité dans la région.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Pierre Duport a considéré que l'articulation des schémas d'aménagement devait faire l'objet d'un article particulier, le SDRIF s'occupant également d'urbanisme. Il a déclaré partager l'analyse sur le caractère périmé du SDRIF qu'il attribue à un retard de la réflexion sur la réalité. Il a constaté que Beauvais jouait déjà un rôle d'aéroport de délestage et que la construction d'un troisième aéroport poserait de nombreux problèmes, évoquant par exemple le développement de Roissy, qui s'est traduit par un besoin de mille policiers supplémentaires.

Il a estimé souhaitable le développement de la contractualisation territoriale en Ile-de-France à travers notamment les pays, mais a considéré que les communautés d'agglomérations ne répondaient pas au contexte de la région d'Ile-de-France.