COMMISSION SPECIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI D'ORIENTATION POUR L'AMENAGEMENT ET LE DEVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

Table des matières


Mercredi 17 février 1999

- Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, vice-président.

Audition de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation

La commission spéciale a procédé à l'audition de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. Emile Zuccarelli a, tout d'abord, souligné la complémentarité des projets de lois relatifs à l'aménagement et au développement durable, à l'intercommunalité et à l'action économique des collectivités locales ainsi que la nécessité de conduire un nombre croissant de politiques au niveau supra communal dans le cadre de projets collectifs. Il a estimé que le remplacement du " pacte de stabilité " par un " contrat de croissance et de solidarité " favorisant la péréquation des ressources constituait une réelle avancée.

Evoquant la décentralisation " parvenue à l'âge de la majorité ", il a insisté sur le caractère dynamique du processus lancé en 1982, toujours à la recherche d'un meilleur compromis entre les libertés locales, l'unité nationale et l'efficacité administrative, ainsi que sur l'urgence d'une modernisation de la vie publique destinée à corriger certains de ses dysfonctionnements.

Se définissant comme un " jacobin décentralisateur ", M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a fait part de sa volonté de réformer l'Etat pour recréer le pacte républicain ; l'Etat n'est pas à opposer aux collectivités territoriales : ce principe -a-t-il ajouté- sous-tend l'avant-projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités locales, actuellement en préparation. Le ministre a indiqué, en outre, que ce texte, qui ne revêtira un caractère définitif qu'après son examen par la Commission européenne, continuera à faire l'objet d'une large concertation en France même.

Abordant la question des services publics, il a rappelé que l'évolution spontanée jouait au détriment des territoires les plus fragiles et qu'un traitement interministériel des grands problèmes de société par les services de l'Etat était indispensable. Il a souhaité que les préfets assurent une mise en cohérence de proximité, dans le cadre de la déconcentration administrative et de la contractualisation des politiques publiques. Il a relevé que les maisons de services publics permettent l'adaptation de services publics plus polyvalents aux besoins des usagers ;  c'est pourquoi leur régime juridique sera précisé dans le cadre du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations qui sera examiné au début du mois de mars par le Sénat.

Le ministre a rappelé qu'au cours de l'examen du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, un amendement du Gouvernement avait été adopté par l'Assemblée nationale, afin d'étendre les compétences des maisons de services publics et de favoriser la signature de conventions entre les collectivités locales et des services publics tels que La Poste, ces accords étant pris en compte dans les schémas départementaux d'organisation et de modernisation des services publics.

En ce qui concerne la modification du régime juridique des interventions économiques des collectivités locales, M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a exprimé la volonté de mettre en oeuvre une démarche pragmatique. Il a rappelé la difficulté rencontrée, en pratique, pour constituer un " bloc de compétences " régional sur ce sujet, et a indiqué que pour la période 1995-1996, les statistiques évaluaient à 14 milliards de francs le montant total des interventions des communes, des départements et des régions, à comparer au budget total de ces collectivités qui s'élevait à 800 milliards de francs. Il a précisé que sur les 14 milliards d'aides, les communes versaient 5,7 milliards, les régions 4,7 milliards et les départements 3,3 milliards de francs.

Le ministre a estimé que toute réflexion sur la répartition des compétences devait être empreinte de souplesse, et a jugé préférable de réglementer la pratique existante plutôt que de " contraindre la réalité à entrer dans un cadre non applicable ". C'est pourquoi, a-t-il déclaré, le projet de loi fixe une série de ratios prudentiels prévoyant :

- la limitation du montant total des subventions accordées aux entreprises à 5 % des recettes réelles de fonctionnement pour les communes et les départements et à 20 % pour les régions ;

- la limitation de ce même montant à 50 % du budget des groupements compétents en matière d'intervention économique ;

- la limitation des prises de participation au capital des sociétés de capital investissement à 20 % du capital pour les départements et 50 % pour les régions.

Evoquant la décision du Gouvernement de revenir sur le moratoire concernant la fermeture des services publics, M. Gérard Larcher, rapporteur, a souhaité savoir si les conséquences de cette décision avaient été évaluées, que ce soit en termes d'emplois ou de structures menacées et en termes d'égal accès au service public.

Il s'est interrogé sur l'introduction des maisons de services publics à l'article 22 du projet de loi sur l'aménagement du territoire compte tenu de l'institution parallèle de ces structures dans le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrés.

Après avoir observé que les maisons de services publics étaient présentées comme un moyen d'améliorer l'accès aux services publics dans le projet de loi précité, il a remarqué qu'elles apparaissaient comme une compensation à la suppression du moratoire sur la fermeture des services publics et s'est inquiété de cette évolution.

M. Gérard Larcher, rapporteur, a souhaité connaître les modalités d'articulation du projet de loi en préparation relatif aux interventions économiques des collectivités territoriales avec le projet de loi sur l'aménagement du territoire, notamment au regard de la législation européenne encadrant les aides publiques.

Il a, enfin, interrogé le ministre sur la mise en oeuvre de la notion de " collectivité chef de file " prévue par la loi du 4 février 1995.

En réponse aux questions du rapporteur, M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a déclaré que le moratoire était par nature une disposition d'ordre temporaire et qu'il n'avait pas eu connaissance de l'existence d'une évaluation des conséquences de sa suppression. Il a observé que le projet de loi comportait des mesures d'accompagnement de cette suppression.

Après avoir estimé que les maisons de services publics constituaient effectivement un dispositif de substitution au maintien du moratoire, il a insisté sur les autres dispositions de l'article 22 qui encadrent les réorganisations des organismes publics à travers les projets départementaux. Il a, aussi, évoqué le rôle du préfet qui peut demander un réexamen des suppressions envisagées et l'arbitrage du ministre de tutelle.

Le ministre a, ensuite, relevé que le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrés comportait également un certain nombre de mesures de nature à accompagner la suppression du moratoire.

Il a estimé que le projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités territoriales tiendrait compte des règles imposées par la réglementation européenne et des remarques de la Cour des comptes et a évoqué notamment l'institution de ratios prudentiels que devraient respecter les collectivités locales ainsi que la possibilité qui leur serait donnée de participer à des activités de capital-risque.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a, enfin, considéré que la compétence naturelle de la région en matière d'aménagement du territoire ne devait pas constituer un obstacle à des interventions de moindre envergure de la part des autres collectivités territoriales.

M. Jean-Marc Pastor s'est interrogé sur le financement des services publics non rentables en zone d'habitat dispersé.

Mme Marie-Claude Beaudeau et M. Alain Vasselle ont demandé comment seraient financées les maisons de services publics et quelles seraient les modalités de coexistence de personnels à statuts différents.

En réponse aux orateurs, M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a déclaré que les décisions relatives aux équilibres financiers feraient l'objet d'arbitrages politiques qui prendraient en compte la nécessité d'assurer un égal accès aux services publics. Il a observé que les maisons de services publics constituaient un regroupement physique de services publics, librement consenti, de la part de l'Etat, des collectivités territoriales, des entreprises publiques et des entreprises privées participant à des missions de service public. Le ministre a encore précisé que la responsabilité de la structure incomberait à un agent public avant de rappeler que La Poste répondait à des modalités d'organisation particulières et que l'étendue de son réseau avait déjà été déterminée.

MM. Charles Revet et Jean-Pierre Raffarin, président, se sont interrogés sur les modalités de sortie du moratoire et sur l'éventualité d'une réorganisation des services déconcentrés autour du préfet.

M. Roger Besse a fait part de sa préoccupation sur le devenir des services publics. Il a souhaité connaître l'étendue du pouvoir qui serait reconnu au préfet afin de s'opposer aux transformations qu'il jugerait inopportunes, et il a estimé qu'actuellement les représentants de l'Etat ne disposaient d'aucune marge de manoeuvre en la matière.

M. Jean Huchon s'est interrogé sur l'état d'avancement de la réforme des finances communales, de la taxe professionnelle et de la péréquation.

Mme Janine Bardou a enfin rappelé que la philosophie de la loi " Pasqua " reposait sur la volonté de " reconquête " du territoire, avant de déplorer son abandon.

En réponse aux orateurs, M. Emile Zuccarelli a estimé que le rôle des préfets devait évoluer, afin d'améliorer la cohérence de l'action des services déconcentrés de l'Etat, dans le cadre d'une organisation administrative adaptée à chaque département. Il a également rappelé qu'il était prévu d'accroître la part des lignes fongibles des crédits d'intervention des préfets afin de leur permettre de mieux adapter leurs moyens aux situations locales. S'agissant de l'organisation des services publics, il a souhaité renforcer la contractualisation dans le cadre des pays et éviter le cumul des décisions de fermeture de services publics dans les mêmes communes. Il a enfin souhaité que la réforme de la taxe professionnelle permette de limiter les injustices qui résultent de son régime actuel.

A l'issue de l'audition du ministre, M. Gérard Larcher, rapporteur, a rappelé, au cours d'une brève intervention, le programme de travail de la commission spéciale pour les semaines à venir.