MISSION COMMUNE D'INFORMATION CHARGEE D'EXAMINER L'ENSEMBLE DES QUESTIONS LIEES A LA MAREE NOIRE PROVOQUEE PAR LE NAUFRAGE DU NAVIRE ERIKA

Table des matières


Mardi 30 mai 2000

- Présidence de Mme Anne Heinis, présidente -

Audition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur

La mission d'information a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement
a rappelé l'ensemble des faits découlant du naufrage de l'Erika. Il a exposé en détail le fonctionnement des différents plans Polmar et a souligné que les deux tempêtes de la fin du mois de décembre auraient, à l'évidence, des conséquences humaines, financières et environnementales beaucoup plus importantes que celles du naufrage de l'Erika. Il a insisté sur le besoin de retour d'expérience, afin d'améliorer encore l'efficacité de la réglementation en vigueur. Il a conclu en opérant trois constats : nécessité d'améliorer l'interface entre la mer et la terre, augmentation des capacités d'expertise en cas de catastrophe et, enfin, association plus étroite des collectivités locales.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a interrogé le ministre sur la création d'une agence européenne de sécurité maritime, voire sur la création d'un corps de garde-côtes européen. Il l'a également questionné sur les pouvoirs des préfets de zone de défense et sur leur capacité à coordonner les différents plans Polmar. Il lui a enfin demandé de faire le point sur les préjudices subis par les collectivités locales.

M. Louis Le Pensec, après avoir rappelé que la venue du ministre, sur le terrain, avait été très appréciée, a indiqué que s'il ne plaidait pas pour la création d'un ministère de la mer, il n'en demeurait pas moins important de réfléchir au rôle et aux capacités du secrétariat général de la mer.

M. Charles-Henri de Cossé-Brissac a évoqué la lassitude d'un certain nombre de sapeurs-pompiers volontaires.

En réponse aux orateurs, le ministre a précisé que, s'agissant de l'Europe, il était nécessaire que les normes soient les plus concertées possible, qu'un système européen était donc nécessaire, mais que chaque Etat, en vertu du principe de subsidiarité, devait être libre de choisir les moyens de dominer, par lui-même, les événements. Il a fait le point des procédures permettant aux collectivités locales de pouvoir se faire rembourser les frais engagés par le naufrage de l'Erika. Il a également indiqué quels étaient les liens entre les services de l'Etat et le Fonds d'indemnisation des pollutions en hydrocarbures (FIPOL). Il a enfin précisé les effectifs engagés pour les plans Polmar terre, en soulignant l'apport prépondérant des militaires.

Mercredi 31 mai 2000

- Présidence de Mme Anne Heinis, présidente -

Audition de M. Jean-Pierre Page, directeur pour la France du Lloyd's Register of Shipping

Au cours d'une première réunion, tenue dans la matinée, la mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Page, qui a indiqué que le Lloyd's Register of Shipping, dont il était le directeur, était la plus ancienne société de classification (1760).

Actuellement, il y aurait quelque 60 sociétés dans le monde, mais ce nombre doit être regardé avec beaucoup de prudence, en particulier quant à la dénomination même de société de classification.

M. Jean-Pierre Page a rappelé que les premières sociétés furent créées sous l'impulsion des assureurs maritimes qui souhaitaient connaître la qualité, la fiabilité des navires qu'ils assuraient, et à bord desquels étaient chargées les marchandises qu'ils assuraient également.

M. Jean-Pierre Page a souligné que les profonds bouleversements techniques, survenus au début du XXe siècle, ainsi que le développement du commerce mondial et des routes maritimes, amenèrent à une prise de conscience plus internationale du risque maritime, qui déboucha sur l'élaboration de conventions internationales et sur la reconnaissance de l'Organisation maritime internationale (OMI) en tant qu'organisme à part entière des Nations unies.

M. Jean-Pierre Page a rappelé la double fonction des sociétés de classification. Tout d'abord celle de classification, c'est-à-dire la délivrance de documents attestant, à un moment donné, la conformité de la structure du navire ainsi que celle de ses organes principaux de propulsion et de manoeuvrabilité. Puis celle de certification, pour le compte des Etats dont elles ont reçu délégation, de la conformité des navires, battant pavillon de ces Etats, aux exigences des conventions internationales.

M. Jean-Pierre Page a indiqué qu'en complément de l'Etat du pavillon, le droit international reconnaît le droit du port. Les navires touchant un port sont soumis à la juridiction de l'Etat qu'ils visitent.

M. Jean-Pierre Page a souligné que l'hétérogénéité des contrôles, par l'Etat du port, recouvrait des tendances protectionnistes et nécessitait une plus forte coopération internationale.

M. Jean-Pierre Page a indiqué que les 10 grandes sociétés de classification étaient regroupées en association, l'IACS (International association of classification societies).

L'appartenance à l'IACS est soumise à plusieurs critères : plus de 30 ans d'ancienneté, plus de 1 500 navires classés, plus de 200 inspecteurs. L'IACS classe actuellement 46 000 navires.

M. Jean-Pierre Page a souligné que les sociétés de classification étaient uniquement des sociétés de service ayant des surfaces financières faibles et dont le personnel constituait les seuls actifs. Leurs obligations sont des obligations de moyens, elles sont dans les mains de leurs clients, les armateurs.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a demandé à M. Jean-Pierre Page s'il lui semblait souhaitable que les opérations de certification et celles de classification soient effectuées par des sociétés différentes. Il l'a également interrogé sur l'efficacité du code ISM.

M. Jean-Pierre Page a répondu que le système actuel fonctionnait bien et que vouloir différencier les sociétés, pour la certification et pour la classification, relevait d'un faux problème.

Il a indiqué que le code ISM était l'application, au domaine maritime, des normes ISO 9000 applicables dans le monde des sociétés de l'industrie. Ce code concerne le management des sociétés des armateurs.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a interrogé M. Jean-Pierre Page sur le contrôle des ballasts et l'importance de l'âge des navires. M. Jean-Pierre Page a indiqué que les conditions des opérations commerciales ne facilitaient pas l'organisation des contrôles. Il a souligné qu'un vieux navire pouvait être en excellent état s'il était bien entretenu.

M. Jean-Pierre Page, interrogé par le rapporteur sur le transport, par de vieux bâtiments, de produits noirs chauffés, a souligné l'étendue des risques inhérents à ces opérations.

Audition de M. Philippe Marchand, directeur de la banque de données " Equasis "

La mission d'information a ensuite entendu M. Philippe Marchand, directeur de la banque de données " Equasis ".

M. Philippe Marchand
a présenté cette base de données, relatives aux navires de commerce Equasis (European quality shipping information system). Afin de rassembler une information considérée comme trop parcellaire et peu transparente, la France et la Commission européenne en ont pris l'initiative, en réunissant le maximum d'informations sur un même site Internet, afin de leur donner la plus large audience. Cette base résulte d'un accord, signé le 28 janvier 2000 et étendu le 17 mai 2000, entre les administrations du Royaume-Uni, de l'Espagne, de Singapour, du Japon, des garde-côtes américains, de la France et de la Commission européenne.

M. Philippe Marchand a souligné que l'Organisation maritime internationale (OMI) adhère à ce système mais seulement en tant qu'observateur. Il a noté que le service public que représente Equasis est financé, à parité, par la France et par la Commission européenne.

M. Philippe Marchand a indiqué que cette base rassemble et diffuse les données les plus récentes sur l'état des navires, l'historique des inspections, les défectuosités et les noms des navires retenus au port.

M. Philippe Marchand a noté que les fournisseurs des informations sont divers : LRS (Lloyd's register of shipping), IACS (International association classification societies), P and I clubs, associations d'armateurs, ITF (Fédération des syndicats du transport).

M. Philippe Marchand a effectué une démonstration de l'interrogation de la base Equasis. Il a souligné que les données factuelles contenues dans la base doivent permettre à l'utilisateur de se forger son propre jugement sur la qualité d'un navire. Cette base, opérationnelle depuis le 23 mai 2000, est d'accès facile à tous, et d'une grande souplesse.

M. Philippe Marchand a souligné que l'objectif d'Equasis est d'harmoniser et de fiabiliser les données, d'incorporer le " vetting " de l'industrie et de permettre des liens vers d'autres sites Internet. Il a souhaité que l'effort de promotion et la généralisation de l'usage de la base de données permettent à Equasis de devenir la référence.

Audition de M. Hugues du Rouret, président-directeur général de la société des pétroles Shell

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la mission d'information a entendu M. Hugues du Rouret, président-directeur général de la société des pétroles Shell, accompagné de M. Jean Kopernicki, vice-président " Shipping " de la société Stasco, et du Commandant Alain Chenu, responsable de la coordination des activités d'affrètement de Shell-France.

M. Hugues du Rouret
a présenté l'organisation de sa société en matière de transport maritime, et les mouvements des navires pétroliers dans le monde. Il a exposé les modes de collaboration entre les affréteurs et les " traders ".

M. Jean Kopernicki a exposé en détail la manière dont était effectué le " vetting " de sa compagnie, et a souligné l'existence d'un nombre élevé d'inspecteurs. Il a estimé que si la majorité des sociétés de classification travaillait correctement, certaines d'entre elles devaient améliorer leurs performances. Il a estimé qu'en tout état de cause la qualité des armateurs était plus importante que le pavillon des bâtiments. Il a conclu en marquant la claire séparation entre la branche commerciale et le " vetting " au sein de sa compagnie.

A la demande de M. Henri de Richemont, rapporteur, M. Jean Kopernicki a précisé la manière dont se déroulaient les inspections de " vetting " et les différences entre les affrètements à temps et les affrètements au voyage.

A la demande de M. Henri de Richemont, rapporteur, le Commandant Alain Chenu a exposé la différence existant entre les inspecteurs du " vetting ", qui sont plutôt des spécialistes, et les inspecteurs de l'Etat du pavillon ou de l'Etat du port, qui sont souvent des généralistes.

En réponse à Mme Anne Heinis, présidente, et à M. Henri de Richemont, rapporteur, M. Jean Kopernicki a exposé les raisons pour lesquelles la société Shell avait refusé l'Erika en février 1999.

En réponse à Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Jean Kopernicki a évoqué la construction de navires à double coque ; il s'est ensuite attaché à montrer qu'il était essentiel qu'il n'y ait pas de différence de calendrier entre les systèmes régionaux et le système mondial de l'OMI.

En réponse à M. Henri de Richemont, qui l'interrogeait sur le Fipol, M. Jean Kopernicki s'est déclaré satisfait du fonctionnement des fonds internationaux, même s'il était possible et souhaitable d'en relever le plafond.

Audition de M. Michel Quimbert, président du port autonome de Nantes Saint-Nazaire, et de M. Gérard Patey, directeur du port autonome de Nantes Saint-Nazaire

La mission d'information a ensuite entendu M. Michel Quimbert, président du port autonome de Nantes Saint-Nazaire, et M. Gérard Patey, directeur du port autonome de Nantes Saint-Nazaire.

M. Michel Quimbert
a tout d'abord souligné que, ni les autorités françaises, ni le port de Nantes Saint-Nazaire, n'avaient de responsabilité dans le naufrage du pétrolier Erika.

Il a relaté la chronologie des faits et des contacts que le port de Nantes Saint-Nazaire avait noués avant le naufrage du navire.

M. Gérard Patey a souligné que le port de Nantes Saint-Nazaire n'avait jamais eu d'informations précises sur l'état de l'Erika.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a demandé à M. Michel Quimbert si un port avait la faculté de refuser l'entrée d'un navire présentant un danger.

M. Michel Quimbert a répondu qu'un port a cette faculté, mais qu'il faut aussi porter assistance aux personnes en danger sur le bâtiment, et faire preuve d'efficacité dans la gestion d'une crise.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a interrogé M. Gérard Patey sur le sort d'un navire que l'on ne peut accueillir dans un port.

M. Gérard Patey a indiqué qu'il fallait choisir la solution la moins dommageable pour l'environnement proche du navire. Pour cela, il est nécessaire de disposer d'informations précises et suffisantes, car tout dépend des risques présentés.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a demandé si la législation portuaire existante était satisfaisante concernant le contrôle de l'Etat du port dans le cadre du Mémorandum de Paris.

M. Gérard Patey a souligné les problèmes et les coûts occasionnés par la retenue d'un navire dans un port.

M. Michel Quimbert a souhaité, à l'instar du rapporteur, qu'une procédure d'urgence de vente des navires abandonnés, parfois avec leur équipage, puisse être mise en place. Cette vente permettrait de satisfaire les trois rangs de créance : les frais de conservation, les frais portuaires et les salaires des marins. Il pourrait également être mis en oeuvre un fonds d'intervention ou une ligne de crédit afin de pourvoir aux salaires et au rapatriement de l'équipage, en attendant la vente.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a évoqué le problème du déchargement des différents déchets et résidus des navires (Slop et Sludge).

M. Gérard Patey a indiqué que les ports sont sous-équipés en matière de dispositif de collecte de ces déchets.

Audition de M. Jean-Serge Rohart, président de l'Association française de droit maritime (AFDM), et de Me Luc Grellet

Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Serge Rohart, président de l'Association française de droit maritime (AFDM), et de Me Luc Grellet.

M. Jean-Serge Rohart
a présenté l'association française du droit maritime, qui regroupe, depuis 1897, l'ensemble des professions maritimes, y compris armatoriales. Il a estimé que, sur le plan juridique, le problème des sinistres tournait autour de la question de savoir s'il devait y avoir responsabilité ou indemnisation, ou bien responsabilité et indemnisation. Il a suggéré que, sans attendre de nouveaux progrès sur le plan international, la France prenne des initiatives en vue d'assurer une meilleure coordination pour " l'après-naufrage ", crée un fonds d'avoir de trésorerie afin d'attendre les versements par le Fipol et d'accroître les capacités d'investigation et d'expertise.

Me Luc Grellet a exposé la manière dont fonctionne le fonds de limitation, et il a retracé les débats au sein de son association qui peuvent se résumer à la reprise de deux antiennes : la résurgence du débat sur l'indemnisation et la responsabilité et l'opposition entre un système mondial avec l'OMI et la régionalisation, comme la pratiquent les Américains. Il a estimé que le retour à la question de la responsabilisation des affréteurs correspondait en fait à un recul car les conventions n'avaient pu progresser que parce que l'on avait réglé cette question. Il a insisté sur le fait que le système actuel des conventions internationales répond, à l'évidence, au principe pollueur-payeur et il s'est prononcé pour la création d'un troisième fonds provisoire dans l'attente de l'augmentation des plafonds des fonds actuels au sein de l'OMI.

En réponse à M. Henri de Richemont, rapporteur, M. Jean-Serge Rohart a rappelé que l'affaire de l'Erika montrait une nouvelle fois la contradiction entre la loi française du 3 janvier 1967 et le système international. Il a suggéré un toilettage des textes français et l'amélioration de la procédure.

M. Henri de Richemont, rapporteur, s'est interrogé sur la différence de traitement des affaires devant les juridictions nationales due, en particulier, aux différences culturelles entre les juridictions anglo-saxonnes et les juridictions latines, et en particulier françaises, ce qui, à son avis, est susceptible de créer des inégalités entre les victimes.

Le rapporteur a enfin interrogé les orateurs sur la prise en compte du préjudice subi par l'environnement.

M. Jean-Serge Rohart et Me Luc Grellet n'ont pu que répondre que ce sujet faisait encore l'objet de débats, et qu'il convenait d'agir avec prudence.

Mercredi 7 juin 2000

- Présidence de Mme Anne Heinis, présidente -

Audition de M. Charles Coppolani, contrôleur d'Etat

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission d'information a tout d'abord entendu M. Charles Coppolani, contrôleur d'Etat, ancien président du comité exécutif et de l'assemblée du Fonds d'indemnisation de la pollution par les hydrocarbures (FIPOL).

M. Charles Coppolani
a rappelé son expérience des affaires de l'Amoco-Cadiz et du Tanio. L'indemnisation de l'Amoco Cadiz n'a été obtenue qu'en 1993, soit 15 ans après les faits et après que des coûts de procédure très importants eurent été engagés, aussi bien par l'Etat que par les collectivités locales, alors que, dans le cas du Tanio, l'indemnisation a pu être assurée, dans le cadre du FIPOL, dans un délai plus raisonnable de trois à quatre ans. Observant que les victimes les plus affectées ne pouvaient pas attendre aussi longtemps une indemnisation, il a insisté sur la différenciation indispensable de la responsabilité et de l'indemnisation, seule à même d'accélérer les procédures.

A la demande de Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Charles Coppolani a précisé la manière dont étaient indemnisés les préjudices. Il a estimé qu'il ne fallait pas se tromper d'objectif et que, dans l'affaire de l'Erika, on se focalisait sans doute trop sur le chargeur, parce que celui-ci était solvable, alors que très souvent il était difficile de savoir quel était le chargeur. Il a vanté les mérites d'un système assurant une indemnisation effective quelle que soit la personne responsable.

Interrogé par M. Henri de Richemont, rapporteur, il a évoqué un certain nombre de points sur lesquels il était néanmoins possible de progresser.

A la demande de Mme Anne Heinis, présidente, M. Charles Coppolani a défini la notion de " dépense raisonnable " et à celle de M. Henri de Richemont, rapporteur, il a explicité la notion de " dommage à l'environnement ".

M. Henri de Richemont, rapporteur, a interrogé l'orateur sur le problème des juridictions compétentes dans un système mondial et, en particulier, lors de dommages transfrontaliers. M. Charles Coppolani a répondu en détail au rapporteur et s'est également expliqué sur la proposition européenne de troisième fonds, en insistant sur l'importance de ne pas oublier d'autres produits dangereux, tels que les produits chimiques, pouvant être à l'origine de pollutions potentiellement très graves.

Audition de M. Paul Roncière, Secrétaire général de la mer

Puis la mission d'information a entendu M. Paul Roncière, secrétaire général de la mer.

M. Paul Roncière a tout d'abord indiqué que le secrétariat général de la mer est une administration de mission, sous l'autorité directe du Premier ministre, chargée de préparer les travaux du Comité interministériel de la mer et de coordonner l'action de l'Etat en mer.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a interrogé M. Paul Roncière sur son sentiment concernant le fonctionnement des plans POLMAR mer et terre lors du naufrage de l'Erika.

M. Paul Roncière a souligné que le plan POLMAR mer avait bien fonctionné grâce aux personnels de la Marine nationale et à l'équipage de l'Abeille Flandres. Il a estimé que le préfet maritime avait mis en oeuvre rapidement les moyens nécessaires, notamment pour le sauvetage des marins du pétrolier et le remorquage pour maintenir l'épave à distance des côtes. Il a regretté l'inadaptation des outils mis en oeuvre pour les premières opérations de pompage.

M. Paul Roncière a déploré que les instructions contenues dans les plans POLMAR terre de certains départements concernés n'aient pas été actualisées. Il a noté que le comité interministériel du 28 février 2000 avait décidé, entre autre, d'étudier une réforme du dispositif des plans d'intervention afin d'obtenir une meilleure interface des plans POLMAR mer et POLMAR terre, ainsi qu'une coordination plus efficace des plans POLMAR terre par le préfet de la zone de défense.

Au niveau central, il a indiqué qu'une réflexion était en cours pour aboutir à une coordination plus efficace des moyens de l'action de l'Etat en mer, actuellement dispersés dans de multiples ministères.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a souhaité connaître les perspectives en matière de navires anti-pollution et de remorquage.

M. Paul Roncière a indiqué qu'un appel d'offre était en préparation pour l'affrètement d'un navire spécialisé dans la dépollution. Il a souhaité qu'un dispositif européen de coopération soit mis en oeuvre pour mutualiser les moyens et il a insisté sur l'importance de l'entraînement des hommes.

Mme Anne Heinis, présidente, a déploré l'influence néfaste du désintérêt pour la marine en France.

M. Paul Roncière a abondé dans ce sens en soulignant que le domaine maritime n'était pas une préoccupation première des Français. Il a regretté que la diminution du nombre de marins ne soit un handicap pour la sécurité maritime.

Audition de M. Michel Girin, directeur du Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE)

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la mission d'information a entendu M. Michel Girin, directeur du Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE).

M. Michel Girin a présenté le CEDRE, qualifié de structure " petite et réactive ", qui tient à jour une importante documentation sur les accidents maritimes, chargée d'une part d'une fonction de recherche et de développement et d'autre part d'une mission d'expertise en situation d'urgence. Il a précisé que le CEDRE jouait un rôle dans la mise en oeuvre des plans POLMAR et mettait ses travaux à la disposition de tous.

Le directeur du CEDRE a ensuite évoqué la pollution occasionnée par le pétrolier Erika, et rappelé qu'aussitôt après l'accident, plusieurs conseillers techniques du CEDRE étaient intervenus dans les différents PC POLMAR et jouant un rôle d'interface entre la Marine et Météo-France. Il a indiqué, en outre, que le CEDRE avait procédé à des tests et à des analyses sur le produit échappé de l'Erika grâce aux données concernant des accidents comparables et a souligné la difficulté majeure qu'avait représentée la dérive de la nappe de pétrole brut.

Regrettant que les dispositifs des plans " POLMAR terre " de certains départements ne soient pas à jour depuis plusieurs années, M. Michel Girin a souligné le problème d'échelle posé par l'étendue de la pollution et la difficulté tenant à la nécessité d'assister tous les PC opérationnels. Puis il a mis en évidence le fait que lors de la catastrophe de décembre 1999, le CEDRE avait été sollicité tant par les pouvoirs publics que par les médias et par de nombreux inventeurs, lesquels proposaient, dans la majorité des cas, des solutions fantaisistes. Il a enfin constaté que les moyens du CEDRE n'étaient pas à l'échelle des conséquences d'une pollution telle que celle provoquée par l'Erika, tant en termes géographiques qu'en termes médiatiques.

Répondant à M. Henri de Richemont, rapporteur, qui lui demandait si la pollution aurait pu être mieux traitée, M. Michel Girin a indiqué qu'il aurait été toujours possible de faire mieux si le scénario avait été connu à l'avance, et ajouté que deux jours avaient été nécessaires pour connaître la nature exacte du produit contenu dans l'Erika.

Après une seconde question du rapporteur, qui lui demandait si le préjudice écologique était indemnisable, M. Michel Girin s'est déclaré favorable à une telle indemnisation mais a considéré que les critères de calcul des indemnités étaient moins importants que leur destination et a souligné que selon la thèse américaine l'indemnisation devait profiter globalement à la " nature ", tout en notant que la création d'un fonds pour l'environnement pourrait constituer une solution.

Audition de l'Amiral Lagane, Préfet maritime de la Manche et de la Mer du Nord

La mission d'information a enfin entendu l'Amiral Lagane, Préfet maritime de la Manche et de la Mer du Nord.

L'Amiral Lagane a fait un exposé d'ensemble sur les fonctions militaires, civiles et de préfet de la mer dévolues au préfet maritime. Il a rappelé que le Pas-de-Calais était la principale route maritime du monde avant le détroit de Malacca. Il a précisé que, sur cette véritable " autoroute maritime ", les risques étaient d'abord humains, de par la présence de très nombreux ferries, et que le risque de collision était toujours présent. Il a estimé que l'organisation française était excellente car bien adaptée et capable de réagir rapidement aux événements. Il a souligné que la coopération entre la Grande-Bretagne, la Belgique et la France dans la zone de la Manche et du Pas-de-Calais était bonne et a conclu son propos en formulant un certain nombre de propositions.

Répondant à Mme Anne Heinis, présidente, l'Amiral Lagane a déclaré que la zone de la Manche et du Pas-de-Calais pourrait constituer une zone test d'un effort européen en matière de coordination et de sauvetage.

A la demande de M. Henri de Richemont, rapporteur, l'Amiral Lagane a fait le point sur les problèmes rencontrés en cas de refus d'un port d'accepter un navire en difficulté. Il a souligné que la situation, très difficile à l'heure actuelle, était probablement en voie de résolution.

Au rapporteur qui s'interrogeait sur la possibilité pour les autorités maritimes de profiter de l'expérience d'anciens marins pour aider les navires en difficulté, l'Amiral Lagane a répondu que cela était certes souhaitable mais supposait une ressource suffisante et donc le maintien d'une flotte marchande française.

L'Amiral Lagane a enfin répondu en détail à M. Henri de Richemont, rapporteur, et à Mme Anne Heinis, présidente, sur le problème des remorqueurs et sur les rapports entre le préfet maritime et les préfets des départements côtiers.