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Mercredi 30 mai 2001

- Présidence de M. Denis Badré, président -

Audition de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche

La mission a procédé à l'audition de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche.

Après que M. Denis Badré, président, eut rappelé brièvement les objectifs de la mission et les travaux qu'elle avait accomplis depuis l'automne dernier, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, a tout d'abord procédé à un état des lieux de la recherche française face à la mobilité internationale.

Il a souligné, en préambule, que l'on constatait un double phénomène contradictoire : d'un côté, on assiste à un vieillissement de la recherche française, avec un âge moyen de l'ordre de 46 ans, et des recrutements qui se font désormais au-delà de 30 ans ; de l'autre, on constate une file d'attente qui se traduit par la difficulté des jeunes docteurs à s'insérer rapidement dans notre système de recherche.

Opposant la mobilité provisoire des chercheurs à l'étranger pour une courte période, qui est utile, et la fuite des cerveaux, le ministre a clairement affirmé que la France n'a pas vocation à servir d'institut de formation en faveur des Etats étrangers.

Il a voulu, ensuite, relativiser l'ampleur du phénomène d'expatriation, qui reste limité : en 2000, sur 10.000 nouveaux docteurs, 2.100 effectuent un post-doctorat après leur thèse, et, parmi ceux-ci, 673 le font à l'étranger : 45 % vont en Amérique du Nord, 50 % dans les pays européens, le reste au Japon et dans divers autres pays.

Il a noté, par ailleurs, que beaucoup de ces « post-doc » reviennent en France : le retour est quasiment systématique pour ceux séjournant dans les pays européens, et, s'agissant des Etats-Unis, une étude du CEREQ de 1999 montre que seulement 6 % de cette population de docteurs ne sont pas rentrés en France après 3 ans de vie active à l'étranger.

Il faudrait donc parler « de cerveaux en voyage » plutôt que de « fuite des cerveaux. »

Abordant ensuite le domaine des remèdes à apporter à la situation, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, a d'abord traité de la politique de l'emploi scientifique qui lui est apparue le moyen de réaliser une opération de jouvence de la recherche française dans la perspective de départs massifs à la retraite entre 2002 et 2010 et, plus particulièrement, autour de 2005-2008.

Il faut, selon lui, anticiper sur ces départs pour éviter de procéder à des recrutements massifs au dernier moment, alors que des candidats très compétents auraient été écartés quelques années auparavant.

Il a précisé que, dans le cadre de cette gestion prévisionnelle des effectifs, l'on procèderait progressivement à des rééquilibrages disciplinaires vers les secteurs prioritaires, comme les technologies de l'information et les sciences du vivant.

Puis le ministre a évoqué une série d'aspects de sa politique de la recherche : d'une part, huit contrats quadriennaux ont été conclu avec des organismes de recherche pour leur fixer des objectifs et leur donner les moyens de les atteindre, en leur offrant une véritable visibilité pluriannuelle en termes de moyens humains et de crédits ; d'autre part, le budget 2001 accentue les créations d'emplois dans le secteur de la recherche, qui se montent à 305, contre 150 en 1999 et 18 seulement en 2000, ce qui permet de donner une ampleur accrue aux campagnes de recrutement du Centre national de la recherche (CNRS), de l'INSERM et de l'INRIA.

Un des objectifs de cette campagne, a-t-il indiqué, est de favoriser le retour des jeunes Français qui se trouvent à l'étranger. C'est ainsi que le nombre des Français vivant à l'étranger ayant posé leur candidature au CNRS est passé de 400 en 2000, à 711 en 2001, soit une augmentation de près de 80 %.

Cet effort pour faire revenir ces chercheurs est à relier à une politique plus générale de développement de l'information et de la communication sur les carrières qui leur sont proposées : l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, de même que le nouveau département des sciences et techniques de l'information et de communication du CNRS, ont ainsi prospecté dans les universités américaines pour renforcer leurs équipes.

Enfin, après avoir évoqué le rôle des grands équipements comme pôle d'attraction en citant le cas du Synchrotron de 3e génération, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, a estimé qu'un mouvement de « back-drain » lui semblait enclenché et que les jeunes chercheurs expatriés sont sur le chemin du retour.

A l'issue de cet exposé, le ministre a d'abord répondu à M. André Ferrand, rapporteur, qui évoquait le risque que les Etats-Unis viennent faire en Europe, et, en particulier, en France, « leur marché », en soulignant que dans une communauté scientifique qui a toujours été très mobile, il convenait d'agir au niveau européen pour que la recherche atteigne, sur notre continent, une masse critique de nature à donner aux chercheurs l'environnement stimulant auquel ils aspirent.

A une autre question de M. André Ferrand qui l'interrogeait sur l'opportunité d'une politique volontariste d'immigration, ainsi que sur la qualité des chercheurs étrangers présents en France, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, a rappelé qu'il y a chaque année en France environ 2000 docteurs de nationalité étrangère, en signalant qu'aujourd'hui les jeunes docteurs étrangers représentent près de 10 % des recrutements dans notre recherche publique. Il a indiqué, à cet égard, qu'il n'était pas question d'avoir une politique « prédatrice » et qu'il fallait s'acheminer vers un code de bonne conduite en la matière.

Après avoir rappelé que se mettaient en place de fructueuses coopérations internationales, signalant, à cet égard, qu'elles étaient beaucoup plus équilibrées que par le passé, avec les grands organismes de recherche américains, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, a fait le point des différentes mesures prises pour rapprocher la recherche, enfin, des entreprises :

- tous les décrets de la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche sont, à l'exception d'un seul, publiés, ce qui va permettre aux chercheurs de valoriser eux-mêmes les résultats de leurs travaux : 100 entreprises ont été ainsi créées en 2000 par des chercheurs, contre 20 seulement en moyenne pour les années précédentes ;

- la politique d'encouragement aux incubateurs continue. Ceux-ci, au nombre de 31, accueilleront, d'ici 2 ans, 300 à 400 projets d'entreprises ;

- dans le même esprit, l'Etat se fait « business angel » avec la multiplication des fonds d'amorçage, associant grandes entreprises, grands organismes de recherche et institutions financières, tandis que se développent également des fonds d'amorçage régionaux, pour un montant total de capitaux de 900 millions de francs ;

- par ailleurs, a été créé le concours national d'aide à la création d'entreprises technologiques innovantes, doté de 200 millions de francs de prix, en 2000 et en 2001 ;

- enfin, il faut citer les 15 réseaux de recherche et d'innovation technologiques destinés à favoriser le partenariat public/privé dans divers domaines comme les transports, les sciences du vivant, mais aussi les matériaux et procédés.

En dernier lieu, répondant aux interventions de M. Léon Fatous, ainsi que de M. Denis Badré, président, et André Ferrand, rapporteur, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, a constaté qu'il existe un facteur local dans le système de recrutement actuel de l'enseignement supérieur et que, par ailleurs, les jeunes maîtres de conférences ne peuvent se consacrer totalement à la recherche du fait de leurs obligations d'enseignement, à la différence des chercheurs.