AUDITION DU
MERCREDI 18 DECEMBRE 1996

Mission d'information sur l'entrée dans la société de l'information


Mercredi 18 décembre 1996 - Présidence de M. Pierre Laffitte, président - La mission a procédé à l'audition de M. Roland Faure, membre du conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et président du club Digital Audio Broadcasting (DAB) et de M. Claude Wargnier, directeur technique à Europe 1 et vice-président du club DAB.

Après avoir brossé un bref historique de la radiodiffusion, M. Roland Faure a indiqué qu'une réflexion était actuellement menée pour adapter la radio aux nouvelles technologies et que des expérimentations étaient en cours en matière de Radio Data System (RDS) et d'isofréquence. Il a rappelé que pour promouvoir le développement de la radio numérique, DAB France avait été créé en 1991, réunissant les opérateurs de radiodiffusion, les industriels tels que Thomson et Philips, TDF et des représentants du CSA. Il a souligné que le club DAB fonctionnait sans subvention publique, grâce aux seules cotisations.

M. Roland Faure a indiqué que pour le développement de la radio numérique, une bande de fréquence de 1,5 gigahertz, dite bande L, avait été attribuée à la France. Il a observé que le DAB offrait deux avantages : un son d'une qualité optimale grâce aux techniques de compression et de codage d'une part, la possibilité d'assortir les récepteurs numériques d'écrans affichant des images, d'autre part. Il a illustré ses propos par l'exemple de Matra en matière de service inforoute. Il a estimé nécessaire la mise en oeuvre d'une expérimentation grand public avant la commercialisation des récepteurs numériques dont le prix varie aujourd'hui de 18.000 F à 24.000 F. Il a observé que cinq Länder allemands avaient d'ores et déjà contribué au financement de telles expérimentations et que 6.000 récepteurs numériques y étaient en service, l'objectif s'élevant à 25.000. Il a, en outre, souligné l'importance de l'enjeu commercial avec, en particulier, l'ouverture du marché chinois.

En réponse à M. Alex Türk, rapporteur, M. Roland Faure a indiqué qu'à la différence de la France, les pouvoirs publics allemands avaient fait le choix de contribuer à la promotion de la radio numérique et que Deutschtelecom avait été associé aux expérimentations réalisées. Il a en outre observé que les Japonais projetaient de commercialiser en 1997 un récepteur DAB sans écran au prix unitaire de 3.000 F.

M. Pierre Laffitte, président, a précisé que l'implication des pouvoirs publics en Allemagne pouvait s'expliquer par la répartition des compétences entre les Länder et l'Etat fédéral, la culture constituant une attribution régionale.

En réponse à M. Pierre Laffitte, président, et M. Alex Türk, rapporteur, M. Claude Wargnier a indiqué que l'Internet se caractérisait par l'interactivité et que le DAB permettait d'accéder à des services sans coût de liaison. Il a observé que, comme sur l'Internet, les utilisateurs pourraient accéder à des banques de données de sons et d'images, avec l'avantage de pouvoir instaurer des systèmes d'alerte. Il a précisé que le DAB concernait en priorité les récepteurs mobiles et que les quelque dix millions d'auditeurs potentiels de l'Ile­de­France en bénéficieraient pour un coût global annuel de 250.000 F, à la charge de l'émetteur.

Répondant à M. Pierre Laffitte, président,M. Claude Wargnier a indiqué que, d'une part, le système GSM offrait aux utilisateurs une voie de retour et que, d'autre part, d'ici l'an 2000, les récepteurs numériques auraient la capacité de recevoir aussi bien la diffusion terrestre que la diffusion satellitaire, pour une couverture de l'ensemble du territoire. M. Roland Faure a confirmé qu'actuellement seule l'Ile­de­France bénéficiait de la diffusion terrestre DAB et qu'aucun autre secteur géographique susceptible d'être desservi n'avait été déterminé.

M. Claude Wargnier a observé que cette nouvelle technologie ouvrirait aux PME un marché publicitaire important. Concernant la publicité, M. Roland Faure a précisé que le CSA, lors de la délibération sur la convention entre les opérateurs radio et l'Etat, avait décidé d'appliquer la réglementation en vigueur en matière de programmes radiophoniques.

En réponse à M. Jean-Paul Hugot, M. Roland Faure a indiqué que dans le cadre de l'expérimentation en cours, quinze autorisations avaient été accordées par le CSA et que cinq canaux restaient encore disponibles.

**Puis, la mission a entendu M. Alain Staron, directeur des nouveaux services de TPS (Télévision par satellite).

M. Alain Staron a évoqué les trois aspects complémentaires de l'économie du secteur audiovisuel.

Il y a d'abord les moyens de diffusion de l'information : le satellite, le câble, le réseau hertzien terrestre. Le coût du transport de l'information les différencie fortement dans la mesure où l'utilisation du câble a un prix dix fois plus élevé que celle du hertzien terrestre qui revient elle­même dix fois plus cher que le satellite. Le câble ne peut en fait être économiquement attractif que dans les zones urbaines. Quant à la diffusion hertzienne terrestre, ses capacités de transport d'informations sont limitées. On ne peut guère envisager la diffusion, par ce vecteur, de plus d'une demi douzaine de programmes de télévision sauf à faire le choix de la diffusion par micro­ondes, qui pose d'autres problèmes.

C'est ainsi que la diffusion satellitaire, qui permet de toucher d'emblée l'ensemble du territoire, apparaît comme une solution économiquement intéressante. Elle équivaut d'ailleurs dans une certaine mesure à un transfert du coût de diffusion sur le consommateur qui doit s'équiper d'une parabole d'environ 10.000 francs alors que le coût de l'antenne râteau utilisée en diffusion hertzienne terrestre est d'environ 100 francs.

Le second aspect de l'économie de l'audiovisuel est la normalisation. M. Alain Staron a souligné qu'elle permet la production en très grande série et la baisse des coûts des équipements, indispensable au lancement de nouveaux marchés.

Le troisième aspect abordé par M. Alain Staron est le problème des contenus. Il a souligné que les procédés numériques de diffusion de l'information ouvraient de nouveaux champs à l'économie de l'audiovisuel en permettant, dans un premier temps, la démultiplication des programmes diffusés et, dans un second temps, le passage d'une logique traditionnelle de diffusion télévisuelle " point à multipoints " à une logique de communication " point à point " utilisant des procédés d'interactivité.

Il a estimé que l'augmentation quantitative des programmes traditionnels (chaînes généralistes ou chaînes thématiques) présentait des perspectives limitées sur le plan économique, notant que l'équilibre financier des chaînes thématiques existantes était d'ores et déjà précaire compte tenu de l'étroitesse du marché francophone.

Le développement de services " point à point " utilisant les procédés du paiement à la demande présente des perspectives plus intéressantes. A l'origine, les câblo­opérateurs américains, menacés par l'irruption du bouquet satellitaire de Direct TV sur le marché américain, ont envisagé la commercialisation de services à la demande pour rendre au câble un avantage concurrentiel sur le satellite, dont le coût de diffusion est beaucoup moins élevé. Les expérimentations mises en place ont cependant démontré que l'adaptation des réseaux câblés à cette nouvelle offre serait trop coûteuse par rapport aux recettes probables de la télévision à la demande. Le satellite conserve son avantage concurrentiel sur le câble dans la mesure où les nouveaux services seront " presqu'à la demande ", secteur sur lequel la diffusion satellitaire est aussi efficace que le câble.

L'avenir semble donc appartenir aux services et programmes " presque à la demande " qui mettent à la disposition du public une offre limitée, périodiquement renouvelée, chaque consommation effective donnant lieu à paiement grâce à l'apparition de " porte­monnaies électroniques " dont on prévoit à terme l'implantation dans la totalité des foyers grâce à la diminution des coûts de production.

M. Alain Staron a ensuite estimé qu'il y avait largement place pour deux bouquets satellitaires sur le marché français compte tenu de l'arrêt du câblage et de l'intérêt constaté dans les zones câblées pour une offre de programmes accessible par abonnement.

Il a noté qu'avec un parc de 700.000 abonnés au moins à son bouquet, TPS pouvait espérer développer à terme des services de paiement à la demande rentables. L'expérience du Minitel montre en effet que sur mille personnes informées de l'existence d'un serveur, une se connectait effectivement. Ce ratio paraît applicable aux services de paiement à la demande dont les programmes accessibles par abonnement feraient la promotion.

M. Alain Staron a estimé à nouveau que ces services seraient le véritable vecteur du développement du secteur de l'information, contrairement à Internet, dont l'avenir économique et commercial est limité par le coût de l'ordinateur domestique ; le taux d'équipement des ménages paraît en effet atteindre un plafond aux Etats­Unis.

En réponse à une question de M. Alex Türk, rapporteur, il a indiqué que non seulement TPS allait offrir à ses abonnés un accès rapide à Internet par le satellite, mais aussi que la société allait peu à peu intégrer à son offre les services les plus attractifs d'Internet.

A une question de M. Jean­Paul Hugot, il a ensuite répondu que l'on cherchait actuellement à adapter Internet au grand public en simplifiant le fonctionnement et en diminuant le prix des terminaux et que la diversification de TPS vers les services de paiement à la demande interviendrait à une échéance encore imprécise compte tenu de la nécessité d'évaluer au préalable l'intérêt du consommateur pour ce type de service. Actuellement, l'offre de TPS se limite à un certain nombre de chaînes thématiques auxquelles sont associés quatre services interactifs : un guide des programmes, une information sur la météo, une page automobile et une aide à la prise à domicile de paris hippiques.

A terme, l'accès aux services à la demande sera possible sans passer par l'abonnement au bouquet satellitaire, grâce à la location d'un terminal pour un coût évalué à 33 francs par mois.