REUNION DU 13 NOVEMBRE 1996

MISSION COMMUNE D'INFORMATION

SUR L'ENTREE DANS LA SOCIETE DE L'INFORMATION

Mercredi 13 novembre 1996 - Présidence de M. Pierre Laffitte, président. - M. Pierre Laffitte, président, a présenté, dans une communication, une première synthèse des travaux de la mission commune, la problématique générale de l'entrée dans la société de l'information.

Il a, en premier lieu, abordé les problèmes techniques posés par l'évolution des technologies de l'information, partant d'une synthèse des travaux menés sur ce sujet par l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques.

Il a tout d'abord rappelé le fonctionnement et les performances respectifs des modes de codage analogique et numérique, ainsi que le passage de l'un à l'autre. Il a mis l'accent sur l'extraordinaire progrès de l'ensemble de l'industrie informatique, qui a submergé l'ensemble des industries de communication par la numérisation. En ceci consiste, a-t-il estimé, la véritable nouveauté, car la numérisation permet de communiquer, à travers le globe, textes, images et sons à la vitesse de la lumière.

Abordant les systèmes de télécommunications, M. Pierre Laffitte, président, a rappelé la différence entre les deux types de commutation : celle par laquelle une série d'informations élémentaires est orientée sur un circuit déterminé, et la commutation par paquets d'informations prenant individuellement des circuits différents.

Ce dernier système présente l'avantage d'optimiser la communication en atténuant les problèmes que pose la saturation des circuits.

M. Pierre Laffitte, président, a ensuite souligné la chute des coûts unitaires des produits informatiques, liée aux progrès considérables de cette industrie et au développement des structures de télécommunications.

Il a aussi présenté les qualités techniques particulières de la fibre optique qui permet d'atteindre de très grands débits, notamment par des modes de transfert tels que l'Asynchronus transfer mode (ATM).

La démultiplication des capacités de transport d'informations qui en résulte est renforcée par le développement continu des logiciels, notamment ceux destinés à la compression des données.

A la suite de cet exposé, M. Pierre Laffitte, président, en réponse à des questions de ses collègues, a fourni des précisions sur le type de codage impliqué par la numérisation et sur la commutation par paquets.

Il a estimé que bien que les très hautes fréquences permettent des opérations analogues à celles des réseaux câblés, il convenait de réserver les fréquences hertziennes terrestres encore disponibles au téléphone mobile à l'exception des zones dans lesquelles le coût du câblage est excessif en raison de la faible densité de la population.

Il a en outre évoqué les solutions offertes par l'utilisation des systèmes hertziens satellitaires. Il a fait le point sur le système ATM, qui permet d'optimiser l'utilisation des réseaux mais dont l'implantation demeure encore rare. Il a également reconnu que de nombreux problèmes de compatibilité entre équipements se posaient encore, malgré les progrès de la normalisation, ce qui renforce le rôle de l'industrie des logiciels destinés à l'interconnexion de systèmes différents.

M. Pierre Laffitte, président, a conclu cet exposé en soulignant que les effets conjugués de la chute des coûts des nouveaux matériels de communication, des possibilités d'accès universel aux savoirs qu'elle offre, de la mondialisation de l'économie, de la dérégulation et du renforcement de la concurrence entraînaient une véritable révolution dont il a rappelé les répercussions.

M. Pierre Laffitte, président, a principalement évoqué à cet égard les perspectives offertes par le télétravail, ainsi que les nouveaux services, qui ouvrent la voie à de nouveaux emplois, et l'évolution de la structure interne des entreprises. Il a, sur ce dernier point, cité plusieurs exemples d'entreprises américaines et allemandes où la totalité de l'information disponible est mise en réseau interne (système " Intranet ").

Evoquant la décision prise récemment par deux puissantes firmes de logiciels de partager leur information, il a souligné que l'usage quotidien du même réseau d'information équivalait à une fusion des deux entreprises.

Puis, il a montré comment les nouvelles technologies permettaient à deux entreprises de petite taille de fonctionner en commun comme une entreprise unique, sur un appel d'offres déterminé, et a regretté le retard de la France à l'égard de ces pratiques nouvelles.

M. Pierre Laffitte, président, a estimé que cette évolution transformait non seulement les relations du travail et les systèmes hiérarchiques mais affectait également les relations entre les pouvoirs publics et les administrés. Il a noté, qu'à l'heure actuelle, les collectivités locales étaient plus aptes que les administrations centrales à répondre aux attentes des citoyens en matière de transparence et d'information.

M. Jacques Mahéas, ayant signalé les risques de déshumanisation et de surinformation, M. Pierre Laffitte, président, a évoqué le développement de nouveaux métiers liés à la sélection des informations en fonction des publics visés. Il a jugé nécessaire que s'organise une cohérence sociale qui tienne compte de cette nouvelle donne, sachant que, depuis son origine, Internet fonctionne à la plus grande satisfaction de ses utilisateurs. L'essentiel, a­t­il estimé, est de veiller à ce que les opérations illégales ne soient pas plus aisées sur Internet que sur d'autres moyens de communication.

Un débat s'est alors engagé sur les moyens de prévenir les dérives observées sur Internet.

M. Alex Türk, rapporteur, a estimé que la responsabilité du fournisseur d'accès à Internet était davantage susceptible d'être engagée que celle du fournisseur d'accès au réseau téléphonique.

Il a indiqué la nécessité de parvenir à des accords internationaux définissant un cadre juridique commun pour régir le fonctionnement d'Internet mais a exprimé sa crainte que les Etats-Unis ne freinent toute initiative de nature à gêner le développement de ce réseau.

En réponse à M. Jacques Mahéas l'interrogeant sur le problème des contenus illégaux, M. Pierre Laffitte, président, a indiqué que, techniquement, leur repérage sur le réseau était possible mais que, bien souvent, les messages au contenu illicite étaient codés par leurs auteurs.

Il a estimé que la prise de conscience de la nécessité de se doter de moyens de contrôle efficaces n'était pas suffisante en France et a considéré qu'il faudrait mettre en place un observatoire du réseau, une structure de veille, tout en développant les actions de concertation au niveau international. Il a indiqué que la structure actuelle de gestion d'Internet, l'Internet Society, était favorable à une liberté absolue et qu'il serait nécessaire de promouvoir une conception européenne tendant à imposer des limites à cette liberté.

M. Franck Sérusclat a estimé que l'exercice du droit de réponse suffisait parfois à juguler une dérive et que la censure n'était pas toujours le meilleur moyen d'y parvenir. Il a marqué sa préférence pour la formation de l'individu et du citoyen.

M. Alex Türk, rapporteur, a souligné que les caractéristiques du réseau Internet pouvaient favoriser les dérives et a considéré nécessaire de réfléchir aux moyens de transposer à Internet le cadre juridique applicable à la presse.

M. Pierre Laffitte, président, en conclusion, a indiqué que, de son point de vue, les services qui connaîtraient le plus fort développement sur Internet seraient ceux relatifs à l'éducation, à la santé et aux relations entre l'administration et les administrés. Il a précisé qu'aux Etats-Unis les services de " télévision à la demande " et de téléachat s'étaient révélés peu rentables.