"ENTRÉE DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION"

AUDITION DU MERCREDI 27 NOVEMBRE 1996

MISSION COMMUNE D'INFORMATION SUR L'ENTRÉE DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION

Mercredi 27 novembre 1996 - Présidence de M. Pierre Laffitte, président.

La mission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Machart, directeur d'Eurotéléport.

M. Jean-Pierre Machart a tout d'abord observé que le débat politique, en France, avait concerné les infrastructures de télécommunications avant d'intégrer le concept d'autoroutes de l'information, apparu beaucoup plus tôt aux Etats-Unis. Il a rappelé que lors de l'élaboration du plan câble, les préoccupations s'étaient portées essentiellement sur la question des infrastructures et non sur le problème des contenus. Présentant la genèse de la création du téléport de Roubaix, M. Jean-Pierre Machart a indiqué qu'il s'agissait d'une initiative du sénateur André Diligent, soucieux de réhabiliter une usine située en centre ville et de promouvoir une activité de substitution à l'industrie textile en déclin. Il a observé que le projet initial était centré sur le développement de la télévision de proximité puis qu'il avait évolué vers les télécommunications, France Telecom ayant proposé la création d'une zone de télécommunications avancées (ZTA). Il a indiqué que, ce projet n'ayant pas atteint les objectifs fixés, un projet concurrent avait été élaboré, avec la création d'une société d'économie mixte rassemblant les collectivités locales concernées et des acteurs privés. Il a souligné que, dans le cadre de ce nouveau projet, la communauté urbaine de Lille avait été équipée en fourreaux de câblage et que les bâtiments municipaux de la ville de Roubaix avaient été câblés ce qui lui avait permis de réaliser une économie de 500.000 F par an sur les coûts de télécommunications. M. Jean-Pierre Machart a indiqué qu'à la suite de l'appel à proposition lancé par le Gouvernement, la société avait obtenu une licence expérimentale d'opérateur local lui permettant d'intervenir dans le domaine de la téléphonie publique. Il a rappelé que le projet, d'un coût de 150 millions de francs, devait être financé pour moitié par une subvention européenne du FEDER et, pour l'autre moitié, à parts égales, par Eurotéléport, le conseil général, le conseil régional et la communauté urbaine de Lille. France Telecom ayant fait valoir que la candidature de Lille aux Jeux olympiques nécessitait la mise en place d'un véritable téléport et non d'un simple site expérimental, M. Jean-Pierre Machart a indiqué que les responsables politiques locaux avaient décidé de renoncer au projet pour laisser jouer l'initiative privée, le fond de commerce d'Eurotéléport étant cédé à l'opérateur belge, Belgacom, pour la somme de 20 millions de francs. Il a précisé qu'une société anonyme au capital de 150 millions de francs avait ainsi été constituée proposant un accès à Internet par le câble complété par une offre satellitaire. M. Jean-Pierre Machart a souligné les avantages de ce choix en matière de coopération transfrontalière et de développement local. Il a apporté des précisions sur la tarification pratiquée et précisé que l'architecture du réseau mis en place était configurée pour une offre Asynchronus Transmission Mode (ATM) à venir. Ce service serait activé, notamment, en fonction des demandes de la communauté hospitalière. Il a estimé que le développement de l'offre multimédia sur fibre optique dépendait principalement de la politique tarifaire.

M. Jean-Pierre Machart, ayant évoqué les limites du réseau RENATER destiné aux universités, M. René Trégouët a fait observer que ce réseau devrait se transformer en un réseau Intranet, accessible à tous les opérateurs.

En réponse à une question de M. Pierre Laffitte, président, M. Jean-Pierre Machart a précisé que le chiffre d'affaires d'Eurotéléport était d'un million deux cent mille francs par mois, l'objectif visé à un horizon de cinq ans étant d'atteindre 300 millions de francs par an. Il a également donné des précisions sur la répartition du capital, et annoncé que des investisseurs étrangers envisageaient de développer dans une autre région française un projet similaire à celui dont il avait la charge.

Répondant à des questions de MM. Pierre Laffitte, président, et René Trégouët sur les services offerts aux collectivités locales, M. Jean-Pierre Machart a cité notamment la mise en place d'un cyberespace, financé par la ville de Roubaix. Il a suggéré que la communication de fiches d'état civil ou de plans de cadastre empruntent cette voie. Il a insisté sur la nécessité d'ouvrir au public, notamment scolaire, des services ayant une vitesse et un débit suffisants pour mettre en valeur les potentialités techniques. M. Jean-Pierre Machart ayant précisé que si le fonds de commerce d'Eurotéléport avait été transféré entièrement à Belgacom, la société d'économie mixte qui le détenait au préalable avait été maintenue, M. Pierre Laffitte, président, a souhaité qu'une telle structure permette de développer des expérimentations sur les mises en réseau, d'une part, ainsi qu'une réflexion sur les contenus, d'autre part. Il a rappelé le souhait que les municipalités et les collectivités locales s'engagent, autant que les milieux économiques, dans l'utilisation de ces réseaux dans le cadre d'une démocratie participative.

Faisant un bilan de l'expérience menée par Eurotéléport, M. Jean-Pierre Machart a souligné le décalage existant entre le rythme d'évolution des nouvelles technologies de l'information et celui de la décision politique ou administrative. Il a également évoqué les réticences observées actuellement dans les administrations, habituées à une logique de système centralisé, à l'égard de la mutualisation de l'information que suppose un réseau Intranet.

En réponse aux questions posées par Mme Danièle Pourtaud, M. Alex Türk et M. Pierre Laffitte, président, M. Jean-Pierre Machart a apporté des précisions :

- concernant la licence expérimentale attribuée à Eurotéléport, en application de la loi du 10 avril 1996 sur les expérimentations en matière de technologies et services de l'information ;

- sur les conventions d'usage et les conventions d'échange conclues avec les autorités concédantes, offrant notamment des mises à disposition de capacité contre un accès au domaine public pour réaliser des travaux ;

- sur les méthodes de tarification diversifiées pratiquées par Eurotéléport, permettant, par exemple, de fournir deux lignes téléphoniques pour tout service de téléphone installé et d'offrir la gratuité de la téléphonie locale après 20 heures ;

- sur les accords entre Eurotéléport et les autres grands opérateurs de réseau, notamment en matière d'interconnexion. Il a conclu en insistant sur le fait que le contrôle de la « boucle locale » étant la clé de l'investissement en matière de nouvelles technologies de l'information, cet objectif commandait certains aspects de la politique commerciale et tarifaire de l'entreprise.