COM (1999) 717 final  du 22/12/1999
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 20/11/2000

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 20/01/2000
Examen : 15/03/2000 (délégation pour l'Union européenne)


Politique agricole et de la pêche

Communication de M. Marcel Deneux sur les propositions
de la Commission relatives au plafonnement des restitutions à l'exportation de produits agricoles (E 1388)

Dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, nous sommes seulement saisis, en principe, des textes comportant des dispositions de nature législative. Ce partage entre ce qui est législatif et ce qui ne l'est pas peut créer des situations compliquées. C'est le cas pour le sujet que je vais aborder aujourd'hui. De quoi s'agit-il ? Les accords de Marrakech ont prévu un plafonnement des restitutions à l'exportation de certains produits agroalimentaires. Pour mettre en oeuvre ce plafonnement, la Commission européenne a prévu deux types de mesures. Le premier type de mesures a été jugé législatif et a été soumis aux deux assemblées : c'est le texte européen E 1388. Le deuxième type de mesures, au contraire, ne leur a pas été soumis dans le cadre de l'article 88-4. Pourtant, ces différentes mesures forment un ensemble. C'est pourquoi, dans un but de simplicité et de cohérence, je vais aborder les propositions de la Commission européenne dans leur ensemble.

Tout d'abord, quels sont les produits concernés ? Il s'agit de marchandises dites, dans le jargon communautaire « hors annexe I du traité », c'est-à-dire qu'elles ne sont pas couvertes par une organisation commune de marché. En pratique, ce sont surtout des produits de « deuxième transformation ». (La « première transformation », c'est par exemple la transformation du blé en farine ; la « deuxième transformation », c'est, pour suivre le même exemple, la production de biscuits à partir de cette farine). Ces produits de deuxième transformation (qui sont donc des confiseries, des biscuits, des boissons...) peuvent bénéficier de restitutions à l'exportation au prorata des matières premières agricoles qui sont utilisées pour leur fabrication. Ces restitutions sont destinées à compenser le surcoût, pour les industries agroalimentaires, qu'entraîne l'approvisionnement sur le marché communautaire, où les prix sont plus élevés que sur le marché mondial. Pour l'essentiel, trois secteurs de productions agricoles sont concernés : les céréales, le sucre et le lait.

Cependant, les engagements pris à l'OMC imposent un plafond au montant de ces restitutions. Ce plafond est dégressif. Durant les années 1995-1999, il n'a pas été atteint ; pour la campagne 1999-2000, la contrainte de l'OMC devient plus forte, mais comme il est possible de reporter sur cette année les restitutions non utilisées les années précédentes, cette contrainte n'est pas une véritable entrave. En revanche, pour la campagne 2000-2001, le plafond va diminuer encore et sera strict. Les restitutions pour les marchandises « hors annexe I » ne devront pas dépasser 415 millions d'euros, alors qu'elles sont de 570 millions d'euros en moyenne. Il est donc nécessaire de prendre des mesures permettant d'économiser environ 160 millions d'euros sur ces restitutions. Pour cela, la Commission européenne propose deux mesures :

- la première consisterait à favoriser ce que l'on appelle le « perfectionnement actif », je vais y revenir à l'instant ;

- la seconde consisterait à supprimer ou à diminuer les restitutions sur un certain nombre de produits.

Chacune de ces mesures aboutirait à une économie de 80 millions d'euros environ.

La première mesure concerne donc le régime du « perfectionnement actif ». Le perfectionnement actif consiste à importer sans droits de douane des matières premières, à les transformer dans la Communauté, et à les exporter sans restitutions. A l'heure actuelle, le recours au perfectionnement actif est autorisé au cas par cas, en examinant au préalable si les « conditions économiques » sont réunies, c'est-à-dire si l'industrie de transformation ne peut se fournir sur le marché intérieur. La réforme consisterait, sur la base d'un bilan prévisionnel, à supprimer cet examen préalable dans la limite des quantités importées nécessaires pour économiser environ 80 millions d'euros de restitutions. Au-delà de cette limite, le système actuel serait maintenu. En un mot, tant que les 80 millions d'euros d'économies sur les restitutions ne seraient pas atteints, on présumerait que les « conditions économiques » soient réunies.

Cette proposition n'est pas sans inconvénients. Il y a tout d'abord un problème de contrôle : les quantités importées sans droits de douane doivent être effectivement exportées après transformation, et non revendues avec profit sur le marché communautaire. De plus, cette mesure ouvre une brèche de plus dans la préférence communautaire. Mais, dans la mesure où il faut bien respecter les engagements pris à l'OMC, cette solution paraît une formule acceptable, car elle a du moins l'avantage d'être dans l'intérêt de l'industrie de transformation communautaire.

La seconde mesure, quant à elle, tend à supprimer ou réduire les restitutions à l'exportation pour certains produits. Il s'agit tout d'abord de certains produits pour lesquels les restitutions ne paraissent pas indispensables : un effort de compétitivité doit permettre de les exporter sans restitutions. Divers produits sont concernés : yaourts aromatisés, bière, ketchup, whisky... Cette mesure ne paraît pas devoir poser de problème majeur.

Mais une mesure plus préoccupante concerne certains produits élaborés à partir de céréales et de sucre. Il s'agit principalement des amidons modifiés et des produits de l'industrie de fermentation que l'on trouve dans un grand nombre de préparations alimentaires. Ces produits ont un statut particulier : ils reçoivent des restitutions à la production pour atténuer le surcoût résultant, pour l'industrie, de l'approvisionnement sur le marché communautaire ; puis, s'ils sont destinés à l'exportation, ils reçoivent un complément de restitutions destiné à supprimer toute différence avec les coûts sur le marché mondial. La Commission européenne propose de supprimer ce complément de restitutions. Il y a là un motif d'inquiétude, spécialement pour la France, où les entreprises concernées sont de grandes unités de production qui emploient au total plusieurs centaines de salariés, et qui détiennent une maîtrise technologique qu'il est important de préserver. Or le régime actuel des restitutions participe à l'équilibre financier de ces entreprises, qui pourraient être tentées de se délocaliser si ce régime disparaissait.

Il convient de souligner que, si toutes les autres mesures envisagées sont prises -l'assouplissement du régime du perfectionnement actif, et la réduction ou la suppression des restitutions pour certains produits moins sensibles aux restitutions- la mesure concernant l'industrie de l'amidon et de la fermentation ne sera pas indispensable au respect des engagements pris à l'OMC. En effet, les baisses de prix décidées dans le cadre de l'« Agenda 2000 » adopté lors du Conseil européen de Berlin permettront une baisse des restitutions de base, ce qui ne rendra pas nécessaire la suppression des restitutions complémentaires pour respecter le plafond fixé par l'OMC.

Je vous propose donc que la délégation adresse une lettre à la Commission européenne pour lui demander de réexaminer sa proposition sur ce point. C'est en effet à la Commission européenne qu'il convient de s'adresser directement, car cette mesure relève de son pouvoir de gestion et ne réclame donc pas une décision du Conseil. Je précise que deux commissaires européens sont compétents pour cette mesure, M. Fischler au titre de l'agriculture et M. Liikanen au titre des entreprises.

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Suivant la proposition de son rapporteur, la délégation a alors décidé l'envoi à la Commission européenne de la lettre dont on trouvera le texte ci-après.

   


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DÉLÉGATION
POUR
L'UNION EUROPÉENNE

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Paris, le 15 mars 2000

   

Monsieur le Commissaire européen,

La délégation pour l'Union européenne a examiné ce jour les textes COM (1999) 625 et COM (1999) 717 relatifs à la limitation des restitutions à l'exportation de certains produits.

Les mesures proposées par la Commission européenne pour parvenir à cette limitation, qui découle des engagements pris par la Communauté au sein de l'OMC, nous paraissent pour la plupart justifiées.

Nous souhaitons cependant attirer votre attention sur un aspect précis de ces propositions, qui est la suppression des restitutions complémentaires accordées pour certains produits bénéficiant par ailleurs de restitutions à la production. Cette mesure, qui concerne notamment les amidons modifiés et les produits de l'industrie de fermentation, pourrait porter atteinte à l'équilibre financier de plusieurs grandes unités de production qui ont une importance particulière pour l'emploi et pour les débouchés agricoles dans le nord de la France. Une délocalisation de ces entreprises serait gravement préjudiciable aux régions concernées. Comme, à l'examen, il nous est apparu que cette mesure n'était pas indispensable pour obtenir le résultat souhaité en matière de limitation du montant des restitutions, nous souhaiterions que la Commission réexamine cet aspect de ses propositions.

Espérant que vous voudrez bien prendre en considération cette demande, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Commissaire européen, l'expression de notre haute considération.

Monsieur Franz FISCHLER

Commissaire européen

COMMISSION EUROPÉENNE

200 Rue de la Loi

B-1049 BRUXELLES

Belgique

Lors de l'examen des propositions de la Commission relatives au plafonnement des restitutions à l'exportation des produits agricoles (E 1388), le 15 mars dernier, la délégation avait chargé son rapporteur, M. Marcel Deneux, d'adresser une lettre à la Commission européenne.

On trouvera ci-après le texte de la réponse adressée par M. Erkki Liikanen, membre de la Commission européenne.

 

COMMISSION EUROPÉENNE

Erkki LIIKANEN

Membre de la Commission

Bruxelles, le 12. IV. 2000

Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur,

J'ai lu avec la plus grande attention votre lettre du 15 mars sur les Communications de la Commission au Conseil (COM 1999-625 et COM 1999-717) concernant les produits alimentaires transformés (dits Hors Annexe 1) et je vous en remercie.

Dans sa Communication au Conseil, la Commission précise que son objectif est à la fois d'assurer nos engagements budgétaires dans le cadre de l'OMC et de sauvegarder la vocation exportatrice de l'Agro-industrie européenne tout en respectant la législation communautaire en vigueur.

Cette communication, qui a fait l'objet d'un consensus politique lors du Conseil Agriculture du 20 mars 2000, prévoit l'utilisation de critères pour identifier les produits sur lesquels il semble fondé de réaliser des économies. Effectivement, l'application de deux de ces critères est susceptible de motiver l'exclusion éventuelle des amidons modifiés et des produits de l'industrie de la fermentation des listes de marchandises éligibles aux restitutions.

Selon le premier critère, certaines marchandises sont considérées comme moins sensibles au prix des matières premières agricoles car elles ne sont pas soumises, lors de l'importation, à un droit comportant un élément agricole. Le deuxième critère vise les marchandises bénéficiant par ailleurs de la restitution à la production. Elles sont également considérées comme moins sensibles car le prix du sucre ou des céréales incorporés dans ces marchandises est ramené au niveau du prix mondial par l'octroi de cette restitution à la production.

Je suis conscient que certains types de marchandises pourraient être considérés plus sensibles que d'autres et c'est pour cela qu'une analyse approfondie est prévue produit par produit au sein des comités de gestion concernés ; de cette façon, tout commentaire sur des produits individuels sera pris en compte. Toutefois, il ne faudra pas perdre de vue qu'une économie finale devra être assurée.

Veuillez croire, Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, à l'expression de ma haute considération.

Monsieur H. Haenel, Président

Monsieur M. Deneux, Rapporteur

SENAT de la République française

Délégation pour l'Union européenne

15 rue de Vaugirard

F-75006 PARIS

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