COM (2000) 142 final  du 21/03/2000

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 03/05/2000
Examen : 04/10/2000 (délégation pour l'Union européenne)
Proposition relative au contrôle par l'Etat du port adoptée le 19 décembre 2001. Proposition concernant les organismes d'inspection des navires adoptée le 19 décembre 2001. Proposition relative aux navires à double coque adoptée le 18 février 2002.


Transports

Communication de M. Jacques Oudin
sur les trois propositions de directives relatives à la sécurité maritime du transport pétrolier (E 1440)

Réunion du mercredi 4 octobre 2000

M. Henri de Richemont vient de nous commenter excellemment les textes communautaires relatifs à la sécurité maritime du transport pétrolier. Je souligne que les conclusions de la Mission commune d'information sur le naufrage de l'Erika, à laquelle j'ai participé, ont été adoptées à l'unanimité.

La proposition de conclusions que je vous soumets les récapitule. Permettez-moi simplement de vous indiquer quel est l'état d'avancement de la négociation à Bruxelles sur ces propositions de directives. Ces négociations ne sont pas faciles, car la sécurité du transport maritime est loin d'être un sujet consensuel parmi les Quinze.

En raison de l'étendue de sa façade sur la Manche et l'Atlantique, la France est l'Etat membre le plus fortement concerné. Mais les pays dépourvus de façade maritime, ou simplement à l'écart des grandes lignes océaniques, n'éprouvent pas la même urgence à agir. Enfin, d'autres Etats membres, comme la Grèce - mais elle n'est pas la seule - privilégient explicitement la rentabilité à court terme du transport maritime sur la sécurité.

La question de la sécurité du transport maritime est caractéristique de la problématique plus générale de la politique européenne des transports. Dans ce domaine, les égoïsmes nationaux restent puissants, et l'harmonisation européenne progresse moins rapidement que les trafics.

En fait, la coordination entre les Etats membres en matière de transports n'avance que par à-coups, sous la pression de crises successives. Pour le transport ferroviaire, cela a été la situation de quasi faillite simultanée de toutes les grandes entreprises ferroviaires européennes, au début des années 1990 ; pour le transport aérien, c'est l'encombrement actuel du ciel européen ; pour le transport routier, cela a été la fermeture du tunnel sous le Mont-Blanc en 1999, et c'est aujourd'hui la flambée du prix des carburants en Europe.

Pour le transport maritime, le révélateur a été la marée noire provoquée l'hiver dernier par le naufrage de l'Erika. Cette catastrophe a placé la sécurité maritime en haut de l'agenda communautaire, et a permis à la Commission de présenter au printemps dernier les propositions sur lesquelles elle travaillait depuis plusieurs années.

La France, en tant qu'Etat membre le plus directement concerné, a conscience qu'il faut « battre le fer tant qu'il est chaud ». Le Gouvernement français a adressé un Mémorandum à ses partenaires européens dès le début de cette année, et a ensuite vigoureusement soutenu l'adoption des propositions de directives par la Commission. Le renforcement de la sécurité maritime figure, bien sûr, parmi les priorités de la présidence française au cours du second semestre de l'année 2000.

Quel est aujourd'hui l'état d'avancement de la discussion à Bruxelles ?

Un accord politique a été trouvé, lors du Conseil Transports du 26 juin dernier, au sujet de la deuxième des trois propositions de directives, relative à l'habilitation des sociétés de classification. A propos du seul point vraiment controversé, il a été décidé que chacun des Etats membres restera libre de limiter, ou non, la responsabilité des sociétés de classification.

Un autre accord politique a été dégagé, lors du Conseil Transports du 2 octobre dernier, au sujet de la première proposition de directive, relative au contrôle des navires par l'Etat du port. Les discussions ont surtout porté sur le niveau du « coefficient de ciblage » retenu pour les inspections obligatoires.

En effet, de nombreux Etats membres se sont inquiétés du fait que des contrôles plus fréquents et plus approfondis nécessiteront des moyens financiers et humains accrus pour leurs administrations maritimes.

Le coût administratif du renforcement de la sécurité maritime a donc été limité par une révision en baisse des propositions de la Commission.

Ainsi, il y a d'ores et déjà accord sur deux des trois propositions de directives. La procédure d'examen devant le Parlement européen suit son cours et ne débouchera pas en séance publique avant le 11décembre prochain. On peut donc espérer, dans le meilleur des cas, une adoption définitive d'ici la fin de l'année.

En revanche, une majorité des Etats membres est opposée à la proposition de directive relative au calendrier d'abandon des pétroliers à simple coque. En effet, ils estiment préférable de s'en tenir à un calendrier valable pour l'ensemble du monde, quitte à obtenir une accélération de celui déjà fixé dans le cadre de l'OMI. Une initiative strictement communautaire apparaît donc prématurée, dans l'attente du résultat des négociations en cours au sein de l'OMI.

Je crois que notre délégation doit soutenir les efforts de la Présidence française pour faire aboutir rapidement au moins les deux premières de ces trois propositions de directives relatives à la sécurité maritime.

Ces propositions n'interdisent pas de réfléchir à des propositions plus ambitieuses, comme la relance du projet de pavillon communautaire, l'instauration obligatoire de « boites noires » sur les navires, ou même la création d'un corps de gardes-côtes européen.

Mais elles ont le mérite d'être immédiatement efficaces, dans le cadre actuel du transport maritime en Europe. Il faut les faire aboutir avant que l'émotion suscitée par la dernière marée noire soit complètement retombée.

*

La délégation a alors adopté les conclusions suivantes :

Conclusions

La délégation du Sénat pour l'Union européenne,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la sécurité maritime du transport pétrolier ;

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 95/21/CE du Conseil concernant l'application aux navires faisant escale dans les ports de la Communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des Etats membres des normes internationales relatives à la sécurité maritime, à la prévention des pollutions et aux conditions de vie à bord des navires (contrôle par l'Etat du port) ;

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 94/57/CE du Conseil établissant les règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes ;

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque ;

Approuve globalement l'ensemble formé par la communication de la Commission et les trois propositions de directives relatives à la sécurité maritime du transport pétrolier, et notamment :

- le bannissement des ports de l'Union européenne des navires de plus de 15 ans d'âge ayant été immobilisés plus de deux fois au cours des deux années précédentes, le « ciblage » des contrôles par l'Etat du port, l'inspection systématique des citernes à ballast et le renforcement des inspections pour les navires à risque ;

- l'attribution à la Commission de la responsabilité d'habiliter les sociétés de classification, la prise en compte de leurs performances effectives et l'encadrement des transferts des navires d'une société de classification à l'autre ;

- le calendrier d'abandon progressif des pétroliers à simple coque, qui constitue un effort d'harmonisation opportun face au risque de détournement vers l'Europe des pétroliers interdits aux Etats-Unis ;

- la réunion des banques de données sur l'état des navires, jusque là éparses, au sein du système commun d'information EQUASIS ;

Demande au Gouvernement :

- d'obtenir, dans le cadre de l'obligation d'inspection prévue par la proposition de directive relative au contrôle par l'Etat du port, une visite en cale sèche tous les deux ans et demi pour l'ensemble des navires de plus de 15 ans d'âge, et tous les ans pour les pétroliers de plus de 15 ans d'âge transportant du fuel lourd n° 2 ou des hydrocarbures chauffés ;

- de soutenir la création d'une agence européenne de sécurité maritime, chargée de coordonner les moyens nationaux et dotée à terme de ses propres inspecteurs, car la disparité du contrôle des navires selon les Etats membres constitue une distorsion de concurrence entre les ports européens qui justifie un effort d'harmonisation sous l'impulsion d'une autorité unique ;

- de s'opposer à la limitation de responsabilité prévue par la proposition de directive relative à l'habilitation des sociétés de classification et de soutenir, au contraire, l'obligation pour celles-ci de souscrire une assurance garantissant un montant minimal déterminé, ainsi que la possibilité d'une action directe contre les compagnies d'assurance ;

- de n'accepter le calendrier d'abandon progressif des pétroliers à simple coque prévu par la proposition de directive relative aux pétroliers à double coque ou de normes de conception équivalentes que si l'accélération du calendrier prévu par la convention MARPOL ne peut être obtenue au sein de l'OMI, car un accord mondial reste préférable à une initiative limitée à l'Europe ;

- d'inciter l'Union européenne à négocier avec les Etats-Unis l'admission dans les eaux territoriales américaines des modèles de pétroliers à pont intermédiaire ou à double coque « sèche », car la double coque « classique » semble d'une efficacité limitée et présente ses propres dangers ;

- d'obtenir que l'Union européenne n'autorise l'accès à ses ports qu'aux navires dont les armateurs acceptent de communiquer les recommandations des sociétés de classification au système commun d'information EQUASIS, car l'efficacité de ce système est actuellement réduite par le fait que l'armateur n'est pas tenu de communiquer à l'affréteur du navire le dossier de la société de classification ;

- de ne pas soutenir l'instauration d'une responsabilité solidaire de l'armateur et de l'affréteur proposée par la Commission, car cette modification du régime de responsabilité maritime ne ferait que compliquer les procédures d'indemnisation, sans garantir aux victimes d'être mieux ou plus rapidement indemnisées ;

- d'inciter les Etats membres à défendre en commun, au cours de la renégociation actuellement menée dans le cadre de l'OMI des deux protocoles de 1992 relatifs à la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures et au FIPOL, l'instauration de procédures d'indemnisation plus rapides et plus complètes, notamment : une modulation de la responsabilité de l'armateur en fonction du danger objectif constitué par le navire selon la nature de sa cargaison ; la réévaluation automatique et périodique des seuils d'indemnisation ; la hiérarchisation des créances, avec une priorité aux créances « de subsistance » ; la réduction du délai de prescription des demandes d'indemnisation ; une médiation obligatoire avant la contestation juridictionnelle des décisions du FIPOL ; l'attribution d'intérêts de retard lorsque l'indemnisation intervient au-delà d'un délai de six mois ;

- de n'envisager la création d'un fonds européen d'indemnisation des catastrophes maritimes proposée par la Commission que si les négociations menées dans le cadre de l'OMI pour rehausser le montant du FIPOL n'aboutissent pas, car ce fonds supplémentaire aurait des délais de règlement excessivement longs et, étant alimenté par une taxe sur l'industrie de raffinage européenne, risquerait d'inciter celle-ci à se délocaliser dans les pays producteurs de pétrole.