COM (2002) 222 final  du 17/05/2002
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 27/11/2003

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 04/06/2002
Examen : 19/09/2002 (délégation pour l'Union européenne)


Justice et affaires intérieures

Reconnaissance mutuelle des décisions rendues en matière matrimoniale et de responsabilité parentale

Texte E 2025 - COM (2002) 222 final

(Procédure écrite du 19 septembre 2002)

Cette proposition de règlement relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale de la Commission européenne s'inscrit dans le cadre des travaux menés actuellement au sein de l'Union européenne sur le droit de la famille, qui durent déjà depuis plus de deux ans. Elle résulte de la fusion de deux initiatives présentées précédemment, l'une par la France, en juillet 2000 (texte E 1515), l'autre par la Commission, en septembre 2001 (texte E 1820), portant respectivement sur le droit de visite des enfants et la responsabilité parentale, examinées par la délégation lors des procédures écrites du 1er décembre 2000, pour le premier texte, et du 12 avril 2002, en ce qui concerne le second. Par ailleurs, le texte de la Commission reprend intégralement les dispositions du règlement du Conseil du 29 mai 2000 sur le divorce. Les modifications proposées portent donc uniquement sur la responsabilité parentale, mais il a été jugé préférable de ne prévoir qu'un seul instrument afin de simplifier le travail des juges et des praticiens et d'assurer la cohérence de la législation communautaire.

En ce qui concerne les décisions en matière matrimoniale, la Commission propose d'étendre le principe de la reconnaissance mutuelle à l'ensemble des décisions relatives à la responsabilité parentale, ce qui correspond à sa précédente proposition sur la responsabilité parentale, et de supprimer l'exequatur pour le droit de visite, conformément à l'initiative française sur ce sujet.

Le point essentiel de la proposition de la Commission réside dans les solutions préconisées pour le retour de l'enfant en cas d'enlèvement par un parent dans un autre État membre. Il s'agit, en effet, de la principale pierre d'achoppement dans les négociations entre les représentants des États membres sur les textes précédents, qui ont fait apparaître un clivage entre deux groupes d'États. Certains États, à l'image de l'Allemagne, considèrent qu'il convient de s'en tenir aux solutions retenues au niveau international, en particulier par la Convention de La Haye de 1996 et la Convention sur les enlèvement d'enfants du 25 octobre 1980, alors que d'autres États, comme la France, estiment que la création d'un « espace judiciaire européen » justifie l'adoption de règles spécifiques inspirées du principe de reconnaissance mutuelle entre les États membres et l'Union. L'affrontement entre ces deux logiques s'est focalisé sur la question douloureuse des enlèvements d'enfants puisque, d'après la première, le juge de l'État où séjourne l'enfant doit pouvoir s'opposer au retour dans l'État où il réside habituellement dans les conditions prévues par la Convention de La Haye de 1980 (c'est-à-dire en cas de risque grave pour l'enfant ou de situation intolérable pour lui), alors que, d'après la seconde, l'exécution de la décision sur le droit de visite, prise par le juge de résidence habituelle de l'enfant, implique que le juge de l'État du lieu où séjourne l'enfant pendant l'exercice du droit de visite ordonne systématiquement son retour, conformément au principe de confiance mutuelle.

La réunion informelle des ministres de la justice des Quinze, à Saint-Jacques de Compostelle, les 14 et 15 février 2002, a semblé apporter un début de solution au problème du retour de l'enfant en cas d'enlèvement. Les ministres seraient, en effet, parvenus à un compromis d'après lequel les juridictions de l'État membre de résidence habituelle de l'enfant avant son enlèvement resteraient compétentes pour prendre la décision finale en matière de droit de garde, mais les juridictions de l'État membre où se trouve l'enfant enlevé pourraient décider, à titre de mesure conservatoire provisoire, que le retour de l'enfant n'aura pas lieu au cas où il mettrait l'enfant en danger. Ce compromis, qui n'a pas fait l'objet d'un texte écrit, compte tenu du caractère informel de la réunion des ministres a, cependant, donné lieu à des interprétations différentes entre les États membres et il n'a pas réglé la question des modalités concrètes d'application.

Dans la présente proposition, la Commission s'inspire de ce compromis, et elle propose des solutions originales de mise en oeuvre. Ainsi, le principe majeur posé par la Commission est que la modification de la résidence habituelle de l'enfant du fait d'un enlèvement n'entraîne pas un transfert de compétence au profit des juridictions de l'État membre où se trouve l'enfant enlevé. Ce principe est, toutefois, tempéré par la possibilité d'un transfert de compétences à certaines conditions, proches de celles prévues par l'article 7 de la Convention de La Haye de 1996. En ce qui concerne le retour de l'enfant, le principe retenu par la Commission est qu'une mesure de non-retour peut être arrêtée s'il existe un risque grave, conformément aux dispositions de la Convention de La Haye de 1980, mais cette mesure a un caractère provisoire. Cependant, contrairement à sa proposition initiale, la Commission ne propose plus ici d'instaurer un délai au terme duquel cette mesure deviendrait caduque. S'agissant de l'action qui doit être engagée dans l'État membre de résidence habituelle de l'enfant à la suite d'une décision provisoire de non retour, la Commission avait marqué initialement une préférence pour imposer au parent qui avait enlevé l'enfant l'obligation d'engager cette action sous peine de rendre inopérante la décision de non retour. La délégation allemande avait demandé, à l'inverse, que cette action incombe au parent victime, comme dans la Convention de La Haye de 1980. Pour sortir de ce dilemme, la Commission propose, dans son document, de reconnaître un rôle en la matière aux autorités centrales. Enfin, la Commission prévoit de supprimer l'exequatur pour la décision rendue par le juge de l'État membre de résidence habituelle, saisi à la suite d'une décision de non retour prise dans l'État membre d'enlèvement ou de rétention illicite, car elle estime que cette décision doit, en tout état de cause, s'imposer et mettre un terme au conflit juridique né à la suite de l'enlèvement.

Bien que le texte proposé par la Commission soit en retrait par rapport à l'initiative française et qu'il soulève certaines difficultés, comme le rôle des autorités centrales, la délégation française s'est montrée ouverte à la discussion lors de la première réunion du groupe de travail du 7 mai 2002. À l'inverse, certaines délégations, comme la délégation allemande, ont contesté l'idée même que cette proposition puisse constituer une base de discussion acceptable et ont semblé refuser toute solution qui s'écarterait de celle retenue par les conventions internationales. Les discussions menées ultérieurement ont été plus positives, mais elles n'ont pas fait disparaître, pour autant, le clivage important qui subsiste entre les États membres.

Devant l'attitude de certains États membres qui refusent toute évolution par rapport aux conventions de La Haye de 1980 et de 1996, on ne peut que se montrer sceptique sur l'évolution future des négociations. En effet, il serait pour le moins incompréhensible aux yeux des citoyens que, sur la question des enlèvements d'enfants, l'Union européenne n'arrive pas à trouver une solution et que les négociations aboutissent à un compromis en retrait par rapport aux objectifs fixés par le Conseil européen de Tampere, d'octobre 1999. Il semblerait que, face au refus de certains États, le mécanisme des « coopérations renforcées » trouve ici un intérêt. En effet, les conditions posées par les articles des traités relatifs aux coopérations renforcées paraissent remplies et cela permettrait aux États membres qui souhaitent véritablement progresser en la matière de ne pas sacrifier leurs ambitions initiales. D'après l'article 11 du traité instituant la Communauté européenne, les États membres peuvent adresser une demande à la Commission européenne, afin que celle-ci formule une proposition en ce sens au Conseil.

La délégation a décidé, en conséquence, d'inviter le gouvernement à soumettre à la Commission une demande relative à l'instauration d'une coopération renforcée dans ce domaine.