COM (2003) 690 final

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 18/11/2003
Examen : 28/01/2004 (délégation pour l'Union européenne)
Texte rendu caduc par communication du Gouvernement en date du 29 août 2005


Économie, finances et fiscalité

Communication de M. Bernard Angels
sur l'initiative européenne pour la croissance

Texte E 2440

(Réunion du 28 janvier 2004)

En juin 2003, le Conseil européen de Thessalonique a demandé à la Commission de travailler avec la Banque européenne d'investissement (BEI) à une initiative européenne pour la croissance ayant pour objectif d'accroître la capacité productive de base de l'économie européenne. La Commission a présenté un rapport intérimaire au Conseil européen qui s'est tenu à Bruxelles en octobre 2003, et a adopté le 11 novembre un rapport final qui nous a été transmis sous la référence E 2440.

La communication de la Commission présente une feuille de route en vue de stimuler l'investissement public et privé, d'une part, dans les réseaux et, d'autre part, dans la recherche-développement. Elle étudie également les moyens de renforcer le financement de tels investissements. Pour la Commission, cette initiative européenne pour la croissance doit s'orienter dans plusieurs directions complémentaires : améliorer le cadre réglementaire et administratif, stimuler l'investissement privé, mobiliser les financements communautaires et inviter les États membres à recentrer leurs dépenses dans des domaines favorables à la croissance.

La Commission et le Conseil européen ont fixé quatre grands domaines d'action : les projets de réseaux de transport européens, les communications à large bande à haut débit, les technologies de pointe (par exemple l'utilisation de l'hydrogène comme combustible ou les technologies spatiales) et les réseaux énergétiques transeuropéens interconnectés.

La Commission s'est également efforcée d'identifier des projets susceptibles d'avancer rapidement (travaux et investissements à lancer dans un délai maximum de trois ans) et répondant à quatre critères : la maturité, la dimension transfrontière, l'impact sur la croissance et l'innovation, les avantages pour l'environnement. La Commission propose ainsi une liste indicative de projets qui constituent le programme « démarrage rapide » et précise que tout projet répondant aux quatre critères peut intégrer cette liste.

Le coût global des investissements dans les trois années à venir s'élève à environ 38 milliards d'euros pour les tronçons transfrontaliers de transport. Pour les projets clés dans le secteur de l'énergie l'investissement nécessaire est quantifié à 10 milliards d'euros. Enfin, dans les projets liés aux réseaux de communication à haut débit, à la Recherche et développement et à l'innovation, les projets retenus impliquent un investissement de 14 milliards d'euros.

Parmi les projets de réseaux transeuropéens (RTE) concernant la France, figurent le TGV Sud Europe tranche Sud-Est (tronçon Perpignan-Figueras), le Lyon-Turin (Tunnel du Mont-Cenis), le TGV Rhin-Rhône branche Est (tronçon Dijon-Mulhouse), le TGV Est (port de Kehl) et les autoroutes de la mer.

La liste proposée par la Commission contient également des projets en matière de réseaux d'énergie, de réseaux à large bande, de recherche-développement et innovation (dont la future base de lancement de fusées Soyouz à Kourou, en Guyane).

En ce qui concerne le financement des projets, la Commission souhaite lever les obstacles qui freinent les investissements et utiliser l'investissement public comme catalyseur de l'investissement privé. La communication contient sur ce plan un certain nombre de dispositions générales sans caractère opérationnel à court terme. La Commission mentionne cependant la possibilité de créer un fonds de titrisation permettant de réorienter une partie de l'importante épargne européenne vers les projets jugés prioritaires. Elle prépare également un nouveau mécanisme de garantie destiné à couvrir les risques commerciaux (déficit de trafic...), en particulier durant les premières années de l'exploitation d'un investissement ; cet instrument aurait un effet de levier sur le financement des projets par le secteur privé.

La France est depuis l'origine favorable à cette initiative en faveur d'une action européenne pour plus de croissance. Le débat semble cependant être encore largement incantatoire et la communication de la Commission ne contient guère de mesures tangibles. Depuis le Livre blanc de Jacques Delors, on se heurte au problème de la concrétisation des mesures proposées. D'ailleurs, une note interne aux services de la Commission critique le manque de moyens disponibles pour les réseaux transeuropéens de transport. Alors que le budget communautaire consacré aux RTE est de 600 millions d'euros par an, il faudrait, selon ce document, au moins 4,5 milliards d'euros par an pour sortir de l'impasse. Constatant que l'application du Pacte de stabilité a eu pour effet de diminuer les possibilités des États membres d'utiliser leur capacité d'endettement pour investir, ce document de travail propose, pour le calcul du déficit public ou de la dette publique des États membres, de déduire les investissements publics dans les projets d'infrastructures déclarés prioritaires pour l'Union. Mais il ne s'agit pas là d'une position officielle de la Commission.

Le Conseil européen du 12 décembre 2003 a pris position, sur le rapport présenté par la Commission, pour une initiative européenne de croissance. Il a tout d'abord avalisé la liste des projets retenus pour le « programme de démarrage rapide », tout en soulignant qu'il ne s'agit pas d'une liste fermée. Le Conseil a invité la BEI à mettre en place des fonds de titrisation, les États membres à compléter l'initiative pour la croissance par leurs programmes nationaux, et la Commission à étudier la mise en place d'un instrument de garantie communautaire. Le Conseil a enfin prévu une évaluation à mi-parcours de l'initiative pour la croissance, d'ici fin 2007.

Il s'agit donc d'une initiative prometteuse dans son principe, mais dont il faudra surveiller la mise en oeuvre. Je voudrais indiquer quelques pistes possibles pour cette surveillance :

- examiner la liste des projets proposés, notamment ceux concernant la recherche médicale ou l'environnement ;

- apprécier l'initiative de croissance à l'aune des emplois qu'elle génère ;

- apprécier sa contribution à une meilleure cohésion sociale et territoriale ;

- l'inscrire dans le cadre de la politique économique plus générale, selon la démarche pluriannuelle des perspectives financières.

PROJETS « DÉMARRAGE RAPIDE »
CONCERNANT LA FRANCE

 

Coût total
y compris les études


(en millions d'euros)

Financement communautaire envisagé

(en millions d'euros)

Financement de la BEI envisagé


(en millions d'euros)

Axe ferroviaire à grande vitesse : partie Figueras-Perpignan

950

63,5

300 millions déjà octroyés et 2,4 milliards sur le point de l'être (sur un projet global de 6,65 milliards)

TGV Est : Strasbourg-Appenweier (pont de Kehl)

150

-

600 millions pour l'ensemble du TGV Est

Axe ferroviaire Lyon-Trieste : tunnel du Mont-Cenis

6 100

78

Participation possible

Axe fluvial Rhin/Meuse-Main-Danube : Rhin-Meuse, dont l'écluse de Lanay

504

-

Pas encore de participation

Autoroute de la mer de l'Europe de l'ouest

?

?

?

Axe ferroviaire Dijon-Mulhouse-Mülheim

2 080

79

Pas encore de participation

« Eurocaprail » (axe ferroviaire Bruxelles-Luxembourg-Strasbourg)

?

?

?

Compte rendu sommaire du débat

M. Hubert Haenel :

Vous avez très justement mis l'accent sur la question essentielle qui consiste à trouver les financements nécessaires pour une initiative européenne de croissance digne de ce nom.

M. Denis Badré :

Je suis convaincu de la nécessité d'une politique forte de recherche pour l'ensemble des États de l'Union européenne, notamment vis-à-vis des États-Unis, et je crois qu'il y a, à cet égard, un problème de financement et un problème d'organisation. Par ailleurs, je suis en plein accord avec l'idée qu'il conviendrait de déduire les investissements du calcul des déficits publics.

Pour le financement, l'inscription dans le cadre des perspectives financières me paraît nécessaire. Sur la base de budgets concrets, produisant des résultats, nos concitoyens seront davantage disposés à la mobilisation des sommes nécessaires.

Le temps me semble venu que l'Union européenne fasse des gestes emblématiques. A cet égard, les réseaux ont l'avantage de rapprocher les Européens et de créer de l'emploi. L'initiative européenne individualise certains projets, mais il faut aller plus loin en finançant, sur une base communautaire, quelques grands projets qui intéressent tous les Européens, par exemple les percées alpines.

M. Xavier de Villepin :

Aux États-Unis, malgré les difficultés financières de l'heure, malgré les déficits, on sait mettre en avant des projets politiques mobilisateurs, par exemple l'exploration de la planète Mars. Je ne vois aucune vision comparable dans l'Union européenne.

Mme Danielle Bidard-Reydet :

Je crains que les gens n'aient une vision très négative de l'Union européenne en raison de la politique économique qu'ils lui prêtent. Ils lui attribuent la responsabilité des délocalisations et des restructurations. Il n'est pas simple d'élargir leur point de vue aux apports positifs de l'Europe, et je suis très inquiète de la façon dont nos concitoyens des régions sinistrées économiquement peuvent la percevoir. Je suis tout à fait d'accord avec l'idée qu'il nous faudrait des projets collectifs clairement identifiables.

M. Xavier de Villepin :

Le but de l'initiative européenne pour la croissance doit être de créer de l'emploi.

Mme Danielle Bidard-Reydet :

L'opinion changerait si, au lieu d'être perçue comme destructrice d'emplois, l'Europe était perçue comme créatrice d'emplois.

La délégation a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte.