COM (2003) 664 final  du 06/11/2003
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 13/12/2004

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 10/12/2003
Examen : 22/04/2004 (délégation pour l'Union européenne)


Justice et affaires intérieures

Compostage des passeports

Texte E 2463 - COM (2003) 664 final

(Procédure écrite du 22 avril 2004)

Afin de lutter plus efficacement contre l'immigration clandestine, la France a souhaité que l'Union européenne prenne des initiatives pour renforcer les contrôles aux frontières extérieures, notamment par la mise en place d'un compostage obligatoire des passeports lors du franchissement des frontières. Comme l'indiquait Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, devant la délégation en mars 2003, « il est indispensable d'apposer un cachet lors du franchissement d'une frontière extérieure de l'espace Schengen, à l'entrée et, si possible, à la sortie. Je ne vois pas d'autre moyen de contrôler le respect du délai de trois mois de séjour auquel sont soumis les ressortissants étrangers non soumis à visa. [...] Le compostage permet cette vérification, la procédure d'éloignement sanctionne les infractions. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de discuter de cette question avec le ministre de l'intérieur allemand, Otto Schily, lors du dernier sommet franco-allemand et celui-ci a paru sensible à cette initiative. Cet objectif de rendre le compostage systématique doit trouver une application concrète et rapide dans les faits. Cela suppose que soient clarifiées les règles de l'acquis Schengen en la matière, ce à quoi s'est engagée tout récemment la Commission européenne lors du dernier Conseil JAI du 27 février 2003. On donnera ainsi à ces dispositions toute la force et toute la transparence nécessaires ».

Les pratiques des États membres sont en effet divergentes en raison notamment, comme l'a souligné le ministre, de l'ambiguïté des dispositions de l'acquis Schengen sur ce point. Ainsi, on assiste à des pratiques différentes selon les États membres qui ne permettent pas d'opérer un contrôle efficace : compostage non systématique, absence de compostage pour certaines nationalités « sûres » dans les aéroports, incapacité de contrôler tous les passagers lors du passage des frontières en train...

Le Conseil « Justice et affaires intérieures » du 19 décembre 2002 avait déjà adopté des conclusions sur la nécessité de mettre en oeuvre le compostage obligatoire qui invitaient la Commission à prendre des initiatives en ce domaine. La Commission a donc proposé au Conseil des 27 et 28 février 2003 de fixer par un règlement communautaire les obligations des États membres en matière de compostage. Ceci s'est traduit par une proposition présentée en novembre dernier.

I. LE CONTENU DU TEXTE

 La proposition initiale obligeait les États à procéder au compostage systématique des documents de voyage des ressortissants des pays tiers à l'entrée des frontières extérieures des États membres. Lors des négociations, cette obligation a été étendue à la sortie du territoire.

L'absence de cachet d'entrée dans les documents de voyage constituera une présomption d'irrégularité du séjour sur le territoire des États membres : la charge de la preuve appartiendra dorénavant au titulaire du passeport. Celui-ci pourra renverser cette présomption en donnant des preuves et des indications sur la durée réelle de son séjour (fourniture des billets de transports, justificatifs de sa présence à l'étranger...).

 L'assouplissement des contrôles ne serait autorisé que lorsque se présenteraient « des circonstances exceptionnelles et imprévues exigeant des mesures immédiates » qui doivent donner lieu, pour l'État membre concerné, à une information la plus rapide possible à la Commission.

 La Convention d'application de l'accord de Schengen serait modifiée pour intégrer les dispositions de ce règlement ainsi que le Manuel commun Schengen (guide à l'intention des garde-frontières). Ce règlement ne s'appliquerait ni à l'Irlande ni au Royaume-Uni, qui ne sont pas membres de l'espace Schengen. Le Danemark aurait la possibilité de participer à ce dispositif s'il adoptait une décision spécifique dans un délai de six mois à compter de l'adoption du texte. La Norvège et l'Islande seraient liées par ce règlement puisque ces deux pays sont membres de l'espace Schengen.

 Cette proposition est complétée par deux autres initiatives (propositions de règlement créant un régime propre au petit trafic frontalier aux frontières terrestres extérieures des États membres) qui ont pour but de faciliter le passage aux frontières des ressortissants de pays tiers résidant dans les zones frontalières et se rendant de manière régulière et pour des raisons légitimes dans un pays de l'Union. Toutefois, le texte E 2463 prévoit déjà que, pour ces personnes, le compostage ne serait pas pratiqué.

II. LES DIFFICULTÉS SOULEVÉES PAR LE TEXTE

La proposition répond aux préoccupations exprimées par le Gouvernement français d'améliorer le contrôle aux frontières. Toutefois, si les objectifs de ce texte sont louables et doivent être approuvés, sa mise en oeuvre risque de se heurter à des difficultés, ce qui nécessite une clarification de certaines dispositions :

 Sur l'extension de l'obligation de compostage systématique à la sortie : cette possibilité n'avait été qu'envisagée dans la proposition initiale de la Commission, en raison de la charge de travail que représente ce compostage. On peut effectivement se demander s'il ne serait pas préférable, dans un premier temps, de s'en tenir à un compostage à l'entrée, avant d'évaluer la faisabilité du compostage à la sortie.

 Sur la portée de l'obligation de compostage : lors des négociations, les États membres se sont divisés sur la signification exacte de l'obligation de compostage :

- s'agit-il d'une simple matérialisation sur le document de voyage de la date et du lieu d'entrée sur le territoire de l'Union, qui permettrait de vérifier par la suite, lors d'un contrôle, la durée de séjour de la personne concernée ? Cette option a les faveurs de la France, de l'Espagne, des Pays-Bas, du Luxembourg, de l'Allemagne et de la Finlande.

- ou le compostage signifie-t-il que la totalité des contrôles doit avoir été effectuée (vérification de l'authenticité du passeport, interrogation du SIS, documents justifiant de l'objet du voyage et de l'existence de moyens de subsistance...) ? C'est l'opinion de la Belgique, du Portugal, de la Suède, de l'Islande, de la Grèce et de la Norvège.

La Commission a précisé lors des discussions que le compostage ne doit pas devenir une nouvelle condition d'entrée, de séjour ou de circulation des ressortissants étrangers. Par ailleurs, des assouplissements sont prévus à la règle du compostage systématique. Ces deux arguments combinés iraient, comme le souligne le Gouvernement français, plutôt dans le sens de la première option.

 Sur le renversement de la charge de la preuve : il appartiendra à l'étranger de renverser la présomption de séjour irrégulier. Toutefois, en pratique, il sera nécessaire d'apporter des précisions sur ce point : de quel délai disposera la personne concernée pour apporter la preuve que son séjour est régulier ? Quelles seront les possibilités matérielles dont elle disposera pour ce faire ?

 Sur la notion de « circonstances exceptionnelles et imprévues » : il est prévu que les États informent la Commission le plus rapidement possible du fait que les contrôles n'ont pas eu lieu. Mais comment s'assurer, en l'absence de compostage du document de voyage d'un étranger, que celui-ci a bien franchi la frontière pendant ce laps de temps ?

Au bénéfice de ces observations, la délégation a soutenu l'adoption de cette proposition, en demandant cependant au Gouvernement de veiller à ce que le texte adopté puisse rendre réellement efficace la pratique du compostage.