Date d'adoption du texte par les instances européennes : 12/07/2004

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 01/06/2004
Examen : 11/06/2004 (délégation pour l'Union européenne)


Politique étrangère et de défense

Création d'une Agence européenne de défense (AED)

Texte E 2599

(Procédure écrite du 11 juin 2004)

Lors de sa réunion du 14 janvier, la délégation a entendu une communication de M. Serge Vinçon sur la création d'une « Agence européenne de l'armement », qui venait de faire l'objet d'un accord de principe.

Cette création, je le rappelle, prend sa source dans les travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe. La contribution franco-allemande présentée à la Convention au sujet de la politique européenne de sécurité et de défense prévoyait en effet « la création d'une Agence européenne de l'Armement, le cas échéant sur la base de la coopération renforcée ».Cette idée a été reprise par le groupe de travail « défense » créé au sein de la Convention, groupe que présidait M. Michel Barnier.

Le texte finalement adopté par la Convention est le suivant (article 40, paragraphe 3, 2ème alinéa) :

« Les États membres s'engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires. Une Agence européenne de l'armement, de la recherche et des capacités militaires est instituée pour identifier les besoins opérationnels, promouvoir des mesures pour les satisfaire, contribuer à identifier et, le cas échéant, mettre en oeuvre toute mesure utile pour renforcer la base industrielle et technologique du secteur de la défense, participer à la définition d'une politique européenne des capacités et de l'armement, ainsi que pour assister le Conseil des ministres dans l'évaluation de l'amélioration des capacités militaires ».

Le Conseil européen de Thessalonique (juin 2003), qui a pris acte des résultats de la Convention, a décidé de lancer sans attendre le processus de création de l'Agence de l'armement, déjà possible sur la base des traités actuels, dans le cadre des dispositions régissant la PESC et la PESD.

Les conclusions du Conseil européen définissaient le rôle de la future Agence dans des termes plus précis et opérationnels que le texte issu de la Convention :

« Cette Agence, qui sera placée sous l'autorité du Conseil et ouverte à la participation de tous les États membres, visera à développer les capacités de défense dans le domaine de la gestion des crises, à promouvoir et à renforcer la coopération européenne en matière d'armement, à renforcer la base technologique et industrielle européenne en matière de défense et à créer un marché européen concurrentiel des équipements de défense, ainsi qu'à favoriser, le cas échéant en liaison avec les activités de recherche communautaire, la recherche en vue d'être à la pointe des technologies stratégiques pour les futures capacités de défense et de sécurité, afin de renforcer le potentiel industriel européen dans ce domaine ».

Sur cette base, le Conseil est parvenu à un accord de principe à la fin 2003. Cet accord reprend le principe de l'ouverture à tous les États membres et, pour ce qui est du rôle de l'Agence, les quatre thèmes mis en avant par les conclusions du Conseil européen de Thessalonique : développement des capacités, coopération en matière d'armement, renforcement de la base industrielle dans le cadre d'un marché concurrentiel, effort de recherche. Il est précisé que l'Agence ne porte pas atteinte aux compétences des États membres en matière de défense.

En ce qui concerne l'organisation de l'Agence, l'accord s'appuie sur le cadre institutionnel de l'Union :

- l'Agence est placée sous la responsabilité des ministres de la défense. Les décisions du Conseil la concernant sont prises par le Conseil Affaires générales/Relations extérieures réuni en une formation composée des ministres de la défense ;

- le comité directeur de l'Agence est présidé par le Haut représentant pour la PESC. Il est composé de représentants des États membres habilités à engager leur gouvernement, et d'un représentant de la Commission ;

- l'équipe de l'Agence est composée de personnels contractuels recrutés directement au sein des États membres, de fonctionnaires des institutions de l'Union, et d'experts nationaux détachés par les États membres. Le directeur exécutif est nommé par le comité directeur.

Sur la base de cet accord a été lancée la « phase intérimaire » conduite par l'équipe dirigée par M. Nick Witney (Royaume-Uni) et chargée de préparer la mise en place définitive, en particulier l'adoption d'un texte complet pour l'action commune créant l'Agence, désormais dénommée « Agence européenne de défense ».

À ce jour (4 juin), les discussions n'ont toujours pas abouti sur les points non réglés par l'accord, même si les points de vue se rapprochent progressivement.

Les divergences portent en premier lieu sur les modalités de décision. Si un accord existe pour qu'en règle générale les décisions soient prises à la majorité qualifiée, sous réserve d'une clause d'appel possible à l'arbitrage du Conseil statuant à l'unanimité, plusieurs pays demandent que, en tout état de cause, le budget et le programme de travail soient arrêtés à l'unanimité (la France, quant à elle, se prononce en faveur du vote à la majorité qualifiée).

Les divergences portent également sur les relations avec les organisations et entités tierces. Un accord est apparu pour que ces relations soient encadrées par des directives du Conseil et que les comités spécialisés de l'Agence ne soient normalement pas ouverts aux représentants des organisations et entités tierces. Mais des divergences subsistent sur les modalités des décisions concernant les relations avec ces organisations et entités, la France - contre la plupart des pays - continuant à plaider pour que ces décisions soient prises à l'unanimité.

Ainsi, les points de vue doivent encore se rapprocher, tant en ce qui concerne les priorités de l'Agence et l'importance de ses moyens budgétaires qu'en ce qui concerne ses relations avec les tiers, et notamment l'OTAN. À cela s'ajoute une différence d'optique plus générale entre les pays qui souhaitent que l'Agence favorise, au moins indirectement, une certaine forme de « préférence européenne », et ceux qui - tant pour des raisons de coût que pour des raisons tenant à leur conception de l'Alliance atlantique - ne partagent pas ce souhait.

Malgré ces divergences persistantes, l'objectif demeure de parvenir à un accord complet avant la réunion du Conseil européen des 17 et 18 juin. Dans cette perspective, le Gouvernement a saisi en urgence la délégation pour qu'elle se prononce sur le projet « d'action commune du Conseil sur la création d'une Agence européenne de défense » dans une version non définitive. Il veut en effet éviter, en cas d'accord, d'avoir à retarder la décision finale en raison de la réserve d'examen parlementaire.

Compte tenu de la signification importante qu'aurait l'approbation d'un texte définitif lors du prochain Conseil européen, la délégation a donné son accord à la levée de la réserve d'examen parlementaire en décidant de ne pas intervenir plus avant sur ce texte.