COM (2007) 350 final  du 21/06/2007
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 29/03/2010

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 12/07/2007
Examen : 04/10/2007 (délégation pour l'Union européenne)


Politique de coopération

Accord de stabilisation et d'association avec le Monténégro

Textes E 3578 et E 3585
COM (2007) 351 final et COM (2007) 350 final

(Procédure écrite du 4 octobre 2007)

Les accords de stabilisation et d'association ont été créés en 2001 dans le cadre de l'établissement d'un partenariat entre l'Union européenne et les Balkans occidentaux. Ils constituent l'étape préalable à la reconnaissance du statut de candidat à l'adhésion. L'ancienne République yougoslave de Macédoine, la Croatie puis l'Albanie ont déjà signé ce type de convention.

Le 3 octobre 2005, la Commission a entamé les négociations en vue de la signature d'un accord de stabilisation et d'association (ASA) avec la communauté d'États de Serbie-et-Monténégro, structure bicéphale dont la création en mars 2002 avait été appuyée par l'Union européenne. L'accession à l'indépendance de la République du Monténégro en juin 2006 et son retrait concomitant de la communauté d'États ont conduit la Commission à ouvrir de nouvelles négociations avec la Serbie, d'une part, et le Monténégro, d'autre part, en vue de la signature de deux accords distincts. Cette réorientation n'est par pour autant totalement radicale, la Commission ayant déjà fait le choix d'une approche différenciée (twin track) lors de son étude sur la faisabilité d'un ASA avec la communauté d'États en juillet 2004. Les discussions avec le Monténégro ont abouti à un accord paraphé le 15 mars dernier à Pogdorica (texte E 3585). La ratification par l'ensemble des États membres est dès lors une condition préalable à l'entrée en vigueur de l'accord. La mise en application de l'accord sera alors étalée sur une durée maximale de 5 ans (article 8).

Principales dispositions de l'Accord de Stabilisation et d'Association avec le Monténégro (texte E 3585)

Le Titre I, qui détaille les principes généraux de l'accord, est fortement empreint de considérations régionales portant à la fois sur les relations de bon voisinage et la mise en oeuvre d'une véritable coopération économique et policière (articles 5 et 6), sur le respect et la protection des minorités (article 5), ainsi que sur la collaboration sans limites avec le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) (article 4)

Consacré au dialogue politique, le titre II vise à permettre l'intégration du Monténégro dans la communauté des nations démocratiques et doit faciliter une convergence sur les questions internationales, la sécurité et la stabilité en Europe ou la PESC (article 10). Il insiste également sur la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive. Une commission parlementaire de stabilisation et d'association, composée de membres du Parlement monténégrin et du Parlement européen, est chargée d'établir un dialogue politique parlementaire.

La coopération régionale est développée au sein du titre III, le Monténégro étant désormais tenu d'ouvrir des négociations avec les États ayant signé un accord de stabilisation et d'association et les pays candidats à l'adhésion, notamment la Turquie, en vue de la création d'une zone de libre-échange avec ces États (articles 15,16 et 17).

L'établissement sur cinq ans d'une zone de libre circulation des marchandises avec la Communauté européenne, prévue au titre V, implique parallèlement une suppression progressive des droits de douane applicables aux produits industriels (chapitre I) et à ceux de l'agriculture et de la pêche (chapitre II).

Les modalités d'application des libertés de circulation des travailleurs et des capitaux, d'établissement, et de prestation de services sont détaillées dans le titre V de l'accord.

· Sous certaines réserves (situation du marché de l'emploi dans les États membres, législation en vigueur sur la mobilité des travailleurs), aucune discrimination à l'égard des travailleurs ressortissants monténégrins dans les États membres n'est autorisée (article 49). Une coordination des régimes de sécurité sociale est également prévue.

· Un traitement favorable est parallèlement accordé aux entreprises monténégrines souhaitant s'installer sur le territoire d'un État membre. Seuls les services de transport aérien, de navigation intérieure et de cabotage maritime sont en principe exclus du champ d'application de l'article (article 55). Quatre ans après la date d'entrée en vigueur de l'accord, une évaluation menée par le conseil de stabilisation et d'association déterminera s'il convient d'étendre ces dispositions aux travailleurs indépendants (article 53). Des mesures prudentielles, destinées à garantir la protection des investisseurs, des déposants, des preneurs d'assurances ou des fiduciants, peuvent également être prises dans le secteur des services financiers.

· Les dispositions en faveur de la libre prestation de services seront mises en oeuvre progressivement à l'issue d'une période de quatre ans après l'entrée en vigueur de l'accord d'association et de stabilisation. Des mesures spécifiques sont également prises pour l'adaptation de la législation monténégrine en matière de transports routiers et maritimes.

· Les paiements courants et les mouvements de capitaux, et notamment l'acquisition de biens immobiliers, doivent également être facilités dès la première année suivant la date d'entrée en vigueur de l'accord.

Le rapprochement des dispositions législatives, l'application de la législation et les règles de concurrence sont visés au titre VI de l'accord de stabilisation et d'association. Le rapprochement des dispositions législatives devrait être opéré en deux temps, la priorité étant accordée aux éléments fondamentaux de l'acquis dans le domaine du marché intérieur. Le texte rappelle parallèlement l'incompatibilité de l'accord avec toute forme d'entente entre entreprises ayant pour objet de restreindre le jeu de la concurrence, tout abus de position dominante et toute aide publique faussant le fonctionnement du marché. Le régime d'aides publiques devra être encadré par un organisme indépendant, créé dans l'année qui suit l'entrée en vigueur de l'accord. Cet organisme sera notamment chargé, dans un délai de quatre ans, de l'inventaire complet des régimes d'aide. Le Monténégro doit également adopter sous trois ans les dispositions nécessaires en vue de garantir sous cinq ans la protection des droits de propriété intellectuelle, industrielle et commerciale. L'accès aux procédures de marchés publics pour les sociétés monténégrines est, quant à lui, à effet immédiat.

Développées au titre VII, les dispositions en matière de justice, de liberté et de sécurité rappellent le soin particulier à apporter au renforcement des institutions et de l'État de droit et à la protection des données personnelles (articles 80 et 81). Le Monténégro s'engage parallèlement à collaborer en matière de visas, de contrôle des frontières (article 82). Une coopération est également prévue en vue de prévenir et de contrôler l'immigration clandestine (article 83). La lutte contre le blanchiment des capitaux, la criminalité organisée et le financement du terrorisme est également privilégiée (article 84).

Les politiques de coopération développées entre l'Union européenne et le Monténégro sont énumérées au titre VIII (politique économique et commerciale, statistiques, services bancaires, audit, protection des investissements, coopération industrielle, petites et moyennes entreprises, tourisme, agriculture et secteur agro-industriel, pêche, coopération sociale, éducation et formation, coopération culturelle, communication et audiovisuel, énergie, environnement). La coopération financière est, quant à elle, spécifiquement visée au titre IX.

Le texte E 3578 est un accord intérimaire permettant la mise en oeuvre de manière anticipée du volet commercial de l'ASA, avant sa ratification par l'ensemble des parties contractantes.

Un accord incomplet ?

L'exhaustivité de l'accord de stabilisation et d'association proposé au Monténégro en matière économique et financière ne saurait masquer l'absence de référence explicite à la question de la monnaie. Le Monténégro utilise en effet l'euro comme monnaie nationale depuis 2002, alors qu'aucune étude de convergence n'a été effectuée par l'Union européenne. Les efforts du gouvernement monténégrin en vue de respecter un certain nombre des critères de Maastricht (réduction de la dette, maîtrise de l'inflation) ne sauraient occulter les effets pervers de cette « euroïsation » sur l'économie monténégrine, privée dès lors de marges de manoeuvres en matière de politique économique, ne disposant pas d'une Banque centrale et soumise à une augmentation des taux d'intérêts (incorporation d'une prime de risque de défaut importante).

Si elle se pose avec moins d'acuité qu'en Serbie, la question de la coopération avec le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie ne doit pas être laissée de côté par l'Union européenne. Au-delà de la formulation générale de l'article 4 de l'accord, une attention particulière devra ainsi être portée sur le rôle des autorités monténégrines dans la livraison de réfugiés bosniaques aux troupes bosno-serbes en 1992. Les déclarations de l'actuel ministre de la Justice monténégrin sur l'absence de responsabilité de l'État dans ces opérations laissent sceptiques quant au souhait du Gouvernement de mener à bien ce nécessaire travail de mémoire, préalable indispensable à une véritable réconciliation régionale.

Il convient par ailleurs de s'interroger sur le calendrier proposé pour la ratification de cet accord avec le Monténégro, qui devrait être débattu au Conseil européen du 15 octobre prochain, alors que la nouvelle constitution monténégrine, censée garantir les droits des minorités, n'est toujours pas adoptée.

À ces interrogations s'ajoute l'inquiétude liée à la signature le 1er mai dernier d'un accord entre le Monténégro et les États-Unis garantissant la non-extradition de citoyens américains suspectés de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité vers la Cour pénale internationale (CPI), en échange du renforcement de la coopération militaire entre les deux pays. Un accord semblable avait été signé entre la Roumanie et les États-Unis en 2002. L'opposition de l'Union européenne à cet affaiblissement de l'autorité de la Cour pénale internationale avait entraîné sa non-ratification. Le cas monténégrin doit appeler le même type de réaction. L'accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne s'effectue sur la base d'une communauté de valeurs qui n'apparaît pas, en l'espèce, respectée.

Compte tenu de ces observations mais également de la perspective européenne des Balkans, telle que confirmée à maintes reprises par l'Union européenne, la délégation a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte, tout en alertant le Gouvernement sur ces trois dernières remarques. Il serait regrettable que, cédant à la précipitation de la Commission, les gouvernements des États membres ne prennent pas les garanties nécessaires à la préservation de l'avenir.