COM (2008) 390 final  du 25/06/2008
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 21/10/2009

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 04/07/2008
Examen : 26/11/2008 (commission des affaires européennes)


Transports

Extension des compétences
de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA)

Texte E 3900 - COM (2008) 390

(Procédure écrite du 26 novembre 2008)

Cette proposition de règlement vise à modifier certaines règles communes de l'aviation civile concernant les aérodromes, la gestion du trafic aérien et les services de navigation aérienne. La compétence de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) serait étendue à ces trois domaines.

A/ PRÉSENTATION DE LA PROPOSITION

L'Agence européenne de la sécurité aérienne - AESA - instituée en 2002 (règlement CCE n° 1592/2002 du 15 juillet 2002) intervient dans la navigabilité et la certification des équipements aéronautiques. Elle constitue l'organisme d'expertise technique qui assiste la Commission. Un règlement récent (règlement CE n° 216/2008 du 20 février 2008) étend les compétences de l'AESA à l'exploitation, aux licences des pilotes et à la sécurité des aéronefs. L'agence procède à cet effet à des inspections de normalisation et des inspections au sol.

L'étape suivante - qui fait l'objet de la présente proposition - consiste à étendre les compétences de l'AESA aux aérodromes, à la gestion du trafic aérien (GTA) et aux services de navigation aérienne (SNA). L'introduction de règles communes dans l'ensemble de l'Union européenne vise à améliorer la sécurité du trafic et des aérodromes.

Concernant les aérodromes, la plupart des modifications techniques sont inspirées des nouvelles normes et recommandations de l'OACI (Organisation de l'aviation civile) : règles de certification des exploitants, exigences de formation des personnels, exigences d'équipement (balisage au sol, lutte contre l'incendie...).

Concernant la navigation aérienne, les règles communes visent la certification des organismes chargés de la conception et la fabrication des systèmes, ainsi que la certification des contrôleurs aériens et de leurs organismes de formation.

La présente proposition implique une modification du règlement CE 216/2008 et une abrogation de la directive 206/23/CE. Elle a été préparée par un avis de l'AESA, rendu après que l'agence a procédé à une large consultation des professionnels.

B/ APPRÉCIATIONS ET DISCUSSIONS CRITIQUES

Si la compétence de l'Union européenne dans ce domaine - international par excellence - ne fait aucun doute, il est permis d'avoir une appréciation critique, tant sur la procédure suivie que sur certaines mesures proposées.

1. Concernant la procédure

Sans contester le bien fondé de la proposition, on observera que cette dernière, adoptée le 30 juin 2008, modifie un règlement adopté moins de quatre mois avant (règlement 216/2008 du PE et du Conseil du 20 février 2008). Cet enchaînement, cet empilement donnent une bien piètre image du travail législatif communautaire et, d'une façon générale, du mode de gouvernance en usage dans l'Union européenne.

La Commission propose ainsi une extension des compétences de l'AESA avant même que l'extension précédente ait été mise en oeuvre et, encore moins, évaluée ex-post. Ainsi, en l'espèce, le principe d'évaluation auquel la Commission est - à juste titre - attaché, n'est pas appliqué.

2. Concernant le contenu de la proposition

On ne peut exclure des difficultés pratiques, au niveau communautaire comme au niveau national.

Au niveau communautaire, il existe d'abord une difficulté budgétaire, puisque l'extension des compétences de l'agence induit une augmentation des moyens, évaluée à 25,7 millions d'euros, sans que le financement ne soit clairement précisé (par subvention du budget général, par redevances ?). Ensuite, il ne faut pas exclure des difficultés de fonctionnement, liées aux frontières de compétences entre l'AESA et Eurocontrol, organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne. La compétence d'Eurocontrol est la gestion de l'espace aérien. Ce coeur de métier n'est évidemment pas touché par l'AESA. Mais Eurocontrol exerce aussi un appui technique aux instances de régulation, en fixant, par exemple, les règles d'interopérabilité des systèmes de contrôle, qui peuvent, le cas échéant, susciter des frictions avec l'AESA.

Au niveau national, le contenu même de la proposition suscite quelques interrogations. Le champ d'application du règlement est limité aux aérodromes ouverts au public qui peuvent prendre en charge du trafic IFR et des aéronefs au-dessus d'un certain poids (masse maximale du décollage supérieure à 2 730 kg). Ainsi, le critère discriminant est le poids de l'avion. Mais ne faut-il pas considérer également le trafic ? On peut parfaitement imaginer un aérodrome ouvert au public, apte, techniquement, à recevoir des avions lourds, notamment en cas de difficulté à son bord, mais en réalité, très peu ouvert à ce type de trafic. Attention donc à ne pas soumettre les aérodromes à des exigences disproportionnées compte tenu de leurs particularités (surface des aires de stationnement, déclivité, sources de rayonnement, préservation de « zones propices au développement de la vie sauvage »...).

Il serait probablement préférable de s'inspirer du modèle routier : des bassins de décantation des produits toxiques sont obligatoires aux abords des autoroutes et non aux abords des routes. Dans ce cas, c'est moins le risque qui est pris en compte (le risque de pollution est identique, en cas de renversement d'un camion chimique, sur une route ou sur une autoroute), que la fréquence. Même si la Commission considère que « la présente proposition ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif (de sécurité) », cette affirmation paraît discutable.

La commission a décidé d'attirer l'attention du Gouvernement sur le risque que ce texte conduise à des exigences disproportionnées par rapport au but recherché.