COM (2008) 614 final  du 08/10/2008
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 25/10/2011

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 17/10/2008
Examens : 31/03/2009 (commission des affaires européennes), 19/01/2011 (commission des affaires européennes)

Ce texte a fait l'objet des propositions de résolution : voir le dossier legislatif, 250 (2010-2011) : voir le dossier legislatif


Économie, finances et fiscalité

Communication de M. Hubert Haenel sur la proposition
de directive relative aux droits des consommateurs

Texte E 4026 - COM (2008) 614 final

(Réunion du 31 mars 2009)

La commission des affaires européennes avait formulé le 10 décembre 2008 plusieurs observations sur la proposition de directive relative aux droits des consommateurs (texte E 4026), dans le cadre du dialogue avec la Commission européenne sur le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Nous avions ainsi considéré que l'option retenue par la Commission européenne de privilégier une harmonisation totale des règles de protection des consommateurs n'était pas compatible avec le principe de subsidiarité.

En fait, nous avions estimé que cette directive profitait essentiellement aux entreprises effectuant du commerce transfrontalier et non aux consommateurs. Nous avions en outre craint que le niveau de protection du consommateur retenu pour l'ensemble des États membres se traduise par un recul de cette protection pour certains pays, dont le nôtre.

La réponse que la Commission nous a adressée depuis ne me semble pas apporter de réels apaisements. Elle explique que l'harmonisation totale qu'elle propose ne concerne que certains aspects du droit des contrats de consommation. Elle estime que ces mesures répondent à l'objectif de faciliter les achats transfrontaliers par Internet. Et elle fait valoir que l'élargissement du champ d'application de la proposition aux contrats nationaux est justifié par le fait qu'il s'agit d'une demande des parties consultées sur le livre vert relatif à la politique des consommateurs.

Est-il besoin de redire que ce n'est pas parce que les entreprises, ou les États membres, demandent une mesure qu'elle est conforme au principe de subsidiarité ou au principe de proportionnalité !

Même si la réponse de la Commission ne nous satisfait pas, je ne crois pas que nous puissions trouver intérêt à poursuivre le dialogue avec elle, car elle semble décidée à rester sur ses positions.

En revanche, compte tenu de l'importance de ce texte, il me semble que nous devrions alerter la commission des Affaires économiques afin qu'elle l'examine dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution.

A cette fin, je suggère de déposer une proposition de résolution au nom de la commission des Affaires européennes. Cette proposition, qui mentionnerait seulement notre crainte que le texte actuel de la Commission n'aboutisse à un recul de la protection du consommateur français, permettrait à la commission des Affaires économiques de désigner sans tarder un rapporteur. Êtes-vous d'accord avec cette proposition ?

Compte rendu sommaire du débat

M. Christian Cointat :

Je suis d'accord, mais avec une petite nuance. Il y a en effet un certain nombre de pays qui sont très en retard par rapport à la France. L'action de la Commission me semble donc bénéfique pour les consommateurs de ces pays. Mais il importe que les pays qui vont déjà au-delà des mesures préconisées puissent continuer à le faire, afin qu'il n'y ait pas de régression dans ce domaine.

M. Hubert Haenel :

C'est tout l'objet de notre démarche : il ne faut pas que, par ce texte, on baisse d'un cran dans la protection des consommateurs au niveau français.

Il est en conséquence décidé de déposer la proposition de résolution suivante :


Proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu la proposition de directive relative aux droits des consommateurs (texte E 4026) ;

Constate que la Commission européenne privilégie, dans cette proposition, une approche d'harmonisation complète du droit des contrats de la consommation qui interdirait aux États membres de s'écarter des dispositions communautaires ;

Estime que l'ensemble des dispositions législatives françaises assure aux consommateurs français une protection efficace qui ne doit pas être diminuée au motif d'améliorer le marché intérieur de détail et d'accroître les facilités offertes aux entreprises effectuant du commerce transfrontalier ;

Demande au Gouvernement de s'opposer à toute mesure qui se traduirait par un recul de la protection du consommateur français.

Économie, finances et fiscalité

Texte E 4026

Proposition de résolution de M. Jean Bizet
sur les droits des consommateurs

(Réunion du 19 janvier 2011)

M. Jacques Blanc, vice-président de la commission des affaires européennes :

Le président Bizet accompagnant aujourd'hui le ministre des affaires européennes en Finlande, je vais vous donner lecture de sa communication, qui vous a été distribuée il y a quelques jours :

« La Commission européenne a présenté le 8 octobre 2008 une proposition de directive relative aux droits des consommateurs.

Cette proposition, dans sa version initiale, tendait à se substituer à quatre directives relatives aux droits des consommateurs. Elle harmonisait plusieurs définitions juridiques, l'information précontractuelle de tous les contrats de vente, le droit de rétractation des contrats à distance et hors établissements, les garanties de conformité des biens et la liste des clauses abusives.

D'emblée, ce texte a soulevé des oppositions très fortes, la principale raison étant l'abandon du principe d'harmonisation minimale au profit de celui d'harmonisation maximale.

En effet, les quatre directives en vigueur sont dites d'harmonisation minimale, ce qui signifie que les États membres peuvent maintenir ou adopter des règles plus protectrices pour les consommateurs. Les États membres, et notamment la France, ont largement fait usage de cette possibilité.

Toutefois, la Commission européenne a fait valoir que cette méthode a maintenu des législations nationales différentes. Ce cadre réglementaire fragmenté représenterait un coût important pour les entreprises désireuses de se livrer à des échanges commerciaux transfrontaliers. Il entraverait notamment le développement du commerce en ligne.

En conséquence, la Commission propose d'adopter une approche d'harmonisation complète ou maximale qui interdirait aux États membres de maintenir ou d'adopter des dispositions s'écartant de la directive, même au profit des consommateurs. La transposition laisserait seulement aux États membres le choix des mots.

Ce changement profond soulève plusieurs problèmes.

Tout d'abord, il tend à rigidifier, compte tenu de la lenteur de la procédure législative communautaire, le droit applicable dans un domaine très évolutif. Les États membres perdraient leur marge de manoeuvre, alors même que les pratiques commerciales ne sont pas identiques partout.

Surtout, il conduirait à une régression du niveau de protection des consommateurs français. Un seul exemple : la garantie légale des vices cachés. Dans la proposition de directive, il existerait une garantie légale de conformité valable deux ans à compter de la livraison. Dans notre code civil, ce délai se calcule à compter de la découverte du vice caché.

La proposition de la Commission a d'autres inconvénients encore.

Ainsi, sa portée est difficile à cerner, certaines dispositions étant susceptibles d'influencer le droit général des contrats. Il en résulterait une insécurité juridique.

Le champ du texte est lui-même très large, puisqu'il vise l'ensemble des contrats de vente. Si l'on peut aisément comprendre l'enjeu que représentent les contrats à distance (1(*)) - et dans une moindre mesure les contrats conclus en dehors des établissements commerciaux (2(*)) - pour l'approfondissement du marché intérieur, il n'en va pas de même pour les autres contrats de vente.

Pour toutes ces raisons, le Sénat a adopté le 29 juillet 2009, sur l'initiative de sa commission des affaires européennes et plus particulièrement d'Hubert Haenel, la résolution européenne n° 130. Cette résolution demandait au Gouvernement de s'opposer à toute mesure qui se traduirait par un recul de la protection du consommateur français. Comme le soulignait son exposé des motifs, il n'était pas acceptable que cette proposition de directive, présumée « relative aux droits des consommateurs », fusse dans les faits « relative aux facilités offertes aux entreprises effectuant du commerce transfrontalier ».

Plus de deux ans après l'adoption de cette proposition par la Commission européenne, quel est l'état d'avancement des débats ?

Longtemps bloquée en raison de l'opposition forte de plusieurs États membres, dont la France, la négociation entre les institutions européennes a redémarré à la suite de l'infléchissement de la position de la Commission européenne. Mme Viviane Reding, commissaire en charge du dossier, a accepté le 16 mars 2010 lors de son audition devant le Parlement européen de limiter l'harmonisation totale à certains chapitres, voire certaines dispositions, de la proposition.

Sur cette nouvelle base, les travaux au sein du Conseil ont repris et ont abouti, grâce aux efforts remarquables de la présidence belge, à un texte de compromis lors de la réunion du Coreper du 8 décembre 2010. Ce document, qui vous a été distribué, devrait recevoir le soutien du Conseil lors du Conseil « Agriculture et pêche » du 24 janvier 2011.

De son côté, le Parlement européen ne s'est pas encore prononcé en première lecture. La commission « Marché intérieur et protection des consommateurs » (IMCO) du Parlement européen, compétente au fond, devrait néanmoins adopter son rapport de première lecture le 26 janvier prochain. L'examen de la proposition de directive en séance plénière est prévu en mars.

Face à cette accélération du calendrier, il semble important que le Sénat se prononce une nouvelle fois au vue du texte profondément remodelé que le Coreper a élaboré.

Quels sont les termes de ce document ?

En premier lieu, le champ de la proposition de directive ne couvrirait plus que les seuls contrats à distance et hors établissements. Les autres contrats de vente ne seraient plus visés, sauf par deux articles relatifs à la livraison et au transfert de risques. En effet, les chapitres II (information précontractuelle sur les lieux de vente), IV (garantie) et V (clauses abusives) seraient retirés de la proposition. Seuls subsisteraient les chapitres I (définitions) et III (information précontractuelle et droit de rétractation pour les contrats à distance et hors établissements).

Ainsi amputé, ce texte est recentré sur les aspects présentant un réel intérêt pour le développement du marché intérieur.

Par ailleurs, sa portée est bien circonscrite, plusieurs clauses et précisions écartant le risque d'un débordement sur le droit général des contrats. Certains domaines spécifiques comme les services financiers, les services de transport de voyageurs, l'immobilier ou les services sociaux sont également exclus du champ de la directive.

Sur le fond, les dispositions maintenues ont été réécrites. Le niveau de protection des consommateurs semble, en première analyse, équivalent à celui de la législation française. Sur certains points, il est même supérieur. Ainsi, le délai de rétractation serait de quatorze jours contre sept dans notre droit. Ce délai de quatorze jours est celui applicable en Allemagne. A certains égards, un tel délai peut d'ailleurs paraître excessif, en particulier pour des petites et moyennes entreprises.

Dans ces conditions, le principe d'harmonisation maximale qui continuerait de régir la proposition de directive, mais dans un champ plus limité, devient acceptable. Ce principe souffrirait néanmoins quelques exceptions.

En effet, trois clauses minimales méritent d'être relevées. Elles permettraient au législateur français de maintenir des dispositions plus favorables au consommateur.

La première est relative au démarchage à domicile. Les États membres qui le souhaitent pourraient instaurer ou conserver dans leur législation une interdiction des paiements pendant la période de rétractation (article 12.4 de la proposition) (3(*)).

La deuxième concerne le démarchage par téléphone. Les États membres seraient libres de prévoir que le professionnel qui a pris l'initiative du contact doit confirmer l'offre et que le consommateur n'est lié par elle qu'après l'avoir signée ou acceptée par écrit (article 11.3 bis) (4(*)). Le consentement oral ne serait pas autorisé.

La troisième renvoie aux règles nationales le soin de déterminer les conséquences d'un retard de livraison, lorsque le délai ou la date convenue est essentielle (article 22.2 bis).

Ainsi réécrite et élaguée, la proposition de directive ne soulève plus les mêmes difficultés. Elle concilie une protection élevée des droits des consommateurs et une réduction de la complexité réglementaire pour les entreprises intervenant dans plusieurs États membres.

Toutefois, l'abandon de plusieurs pans importants de la proposition initiale de la Commission européenne, en particulier en matière de clauses abusives, ne peut pas nous réjouir complètement. La résolution du Sénat du 29 juillet 2009 s'opposait à l'approche d'harmonisation maximale de la Commission européenne, non à la remise à plat des quatre directives en vigueur.

En matière de clauses abusives, il est certain qu'un nouveau texte serait utile, la directive actuelle remontant à 1993, mais à la condition de retenir une approche d'harmonisation minimale.

Le texte élaboré par le Coreper constitue un point d'équilibre difficilement dépassable, si l'on s'arc-boute sur le principe d'harmonisation maximale. En revanche, si les institutions européennes venaient à accepter une harmonisation ciblée, minimale ou maximale selon les chapitres, un autre compromis est certainement possible. Les premiers bénéficiaires en seraient les consommateurs européens.

Pour ces raisons, je vous propose d'adopter la proposition de résolution qui vous a été transmise il y a quelques jours. »

*

La commission des affaires européennes a ensuite adopté la proposition de résolution européenne dans le texte suivant :


Proposition de résolution européenne

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive relative aux droits des consommateurs (texte E 4026),

Vu la résolution n° 130 (2008-2009) du Sénat,

Vu la réunion du Coreper du 8 décembre 2010,

- accueille favorablement le compromis obtenu au sein du Coreper le 8 décembre 2010, qui recentre la proposition de directive sur des types de contrats présentant un véritable intérêt pour l'approfondissement du marché intérieur, en particulier les ventes à distance sur l'Internet ;

- estime par ailleurs que le champ du texte est désormais clairement délimité et que la protection du consommateur s'approche de celle garantie par la législation française ;

- juge, dans ces conditions, que l'approche d'harmonisation maximale retenue par la Commission européenne - les États membres ne pourraient pas s'écarter des dispositions de la directive - est acceptable ;

- se réjouit de l'introduction de clauses minimales qui permettraient à la France de maintenir des dispositions plus protectrices dans trois domaines éminemment sensibles pour la confiance du consommateur français : les modalités de paiement en cas de démarchage à domicile, l'expression du consentement en cas de démarchage par téléphone et les droits des consommateurs en cas de retard de livraison ;

- regrette qu'en privilégiant le principe d'harmonisation maximale, plusieurs points importants aient été retirés de la proposition, en particulier le chapitre V relatif aux clauses abusives, alors qu'une approche ciblée d'harmonisation minimale - les États membres pourraient maintenir ou adopter des règles de protection des consommateurs plus favorables que la directive -, rendrait certainement possible un accord bénéfique au consommateur européen ;

- demande au Gouvernement de soutenir l'équilibre général de cet accord.


* (1) Les contrats à distance sont les contrats de vente conclus sans la présence physique du professionnel, en utilisant exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance (téléphone, internet, correspondance...).

* (2) Les contrats hors établissement sont des contrats de service ou de vente distincts des contrats à distance. L'offre ou la conclusion du contrat doit avoir été faite en présence du professionnel, mais en dehors de l'établissement commercial du professionnel (au domicile ou sur le lieu de travail du consommateur, dans un lieu ouvert au public).

* (3) Cette disposition figure à l'article L. 121-6 du code de la consommation.

* (4) Cette disposition figure à l'article L. 121-7 du code de la consommation.