SEC (2010) 473  du 01/05/2010

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 04/06/2010
Examen : 09/07/2010 (commission des affaires européennes)


Budget communautaire

Texte E 5392

Projet de budget 2011

SEC (2010) 473

(Procédure écrite du 9 juillet 2010)

Ce texte constitue le projet de budget de l'Union européenne pour 2011 - le cinquième exercice budgétaire du cadre financier 2007-2013 -, que la Commission européenne a adopté le 27 avril dernier. Rappelons qu'en matière budgétaire, les négociations sont traditionnellement menées par la présidence du second semestre, soit par la présidence belge.

Le projet de budget pour 2011 s'établit à 142,565 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit 1,14 % du revenu national brut (RNB) de l'Union européenne, en augmentation limitée de 0,8 % par rapport au budget 2010 - mais de 2,2 % si l'on exclut du budget 2010 l'incidence des projets énergétiques relevant du plan de relance, soit 2 milliards d'euros, - et à 130,136 milliards d'euros en crédits de paiement, ce qui représente 1,04 % du RNB de l'Union, soit une hausse très sensible de 5,8 %.

Les crédits d'engagements sont répartis entre les cinq rubriques définies par le cadre financier 2007-2013 :

- La rubrique 1 « Croissance durable » représente 45,18 % du projet de budget, avec 64,407 milliards d'euros, soit une quasi stabilité par rapport à 2010 (+ 0,2 %).

La sous-rubrique 1a « Compétitivité pour la croissance et l'emploi », qui comporte les programmes permettant de mettre en oeuvre la stratégie Europe 2020, arrêtée lors des Conseils européens de mars et juin derniers pour remplacer la stratégie de Lisbonne (7e programme-cadre de recherche et de développement technologique, Éducation et formation tout au long de la vie, programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité, Réseaux transeuropéens, Galileo,...), est dotée de 13,437 milliards d'euros, soit un montant bien moindre que celui de la sous-rubrique 1b « Cohésion pour la croissance et l'emploi », consacrée aux fonds structurels et au Fonds de cohésion, soit 50,970 milliards d'euros.

La réduction apparente de 9,6 % des dotations de la sous-rubrique 1a est trompeuse, car elle tient compte de la deuxième tranche de crédits supplémentaires destinée au financement des projets énergétiques dans le cadre du plan de relance. À périmètre constant, en effet, la sous-rubrique 1a connaît une hausse de ses crédits de 4,4 %, tandis que la sous-rubrique 1b voit ses dotations augmenter de 3,2 %, cette progression étant imputable essentiellement au Fonds de cohésion, dont les crédits, soit 11,08 milliards d'euros, sont en hausse de 8,7 %, alors que les fonds structurels progressent de façon plus limitée, soit + 1,8 %, à 39,89 milliards.

Les crédits de paiement des deux sous-rubriques augmentent de façon substantielle, de 6,8 % pour la sous-rubrique 1a et de 16,9 % pour la sous-rubrique 1b. Ce dernier chiffre s'explique par la mise en oeuvre effective des programmes opérationnels qui devraient atteindre leur vitesse de croisière l'année prochaine. Du reste, « de nouvelles augmentations significatives des besoins de paiement annuels sont attendus vers la fin de la période de programmation actuelle ».

- La rubrique 2 « Conservation et gestion des ressources naturelles » est dotée de 59,486 milliards d'euros, au même niveau que l'année précédente. Elle représente 41,72 % du projet de budget 2011. Cette rubrique couvre essentiellement les dépenses agricoles, pour un montant de 43,402 milliards d'euros et les crédits au développement rural, à hauteur de 14,436 milliards d'euros. Il convient également de mentionner les crédits en faveur des affaires maritimes et de la pêche, pour 959 millions d'euros, pour l'action pour le climat, soit 373 millions, et en faveur de la santé et de la protection des consommateurs, à hauteur de 343 millions. La réduction substantielle des dépenses de marché est compensée par l'augmentation des aides directes au profit des nouveaux États membres.

- La rubrique 3 « Citoyenneté, liberté, sécurité et justice », qui représente 1,26 % du projet de budget 2011, voit ses crédits augmenter de 7,7 %, à 1,802 milliard d'euros.

Les deux sous-rubriques connaissent une évolution très différente, puisque la dotation de la sous-rubrique 3a, qui concerne la gestion des flux migratoires, les droits fondamentaux et la justice, et la sécurité et la protection des libertés, augmente de 12,8 %, à 1,135 milliard d'euros, tandis que celle de la sous-rubrique 3b, qui couvre les questions de santé publique, de protection des consommateurs, de protection civile, mais aussi des actions en faveur de la culture, de la communication et de la jeunesse, est stable, à 668 millions d'euros. Quant à l'évolution des crédits de paiement, elle est franchement divergente, ceux de la sous-rubrique 3a progressant de 15,4 %, notamment au profit des agences décentralisées, tandis que ceux de la sous-rubrique 3b diminuent de 3,1 %.

- La rubrique 4 « L'Union européenne acteur mondial », avec 8,614 milliards d'euros, en augmentation de 5,6 %, représente 6,04 % du projet de budget 2011. Ces dépenses concernent essentiellement la coopération au développement, la politique de préadhésion, la politique de voisinage et l'aide humanitaire. La hausse sensible de ces crédits résulte de dotations supplémentaires allouées à plusieurs priorités (suites du sommet de Copenhague sur le climat, assistance aux Chypriotes turcs et à la Palestine, soutien au secteur de la banane,...).

- La rubrique 5 « Administration », qui couvre les dépenses d'administration de l'ensemble des institutions communautaires, connaît une hausse sensible de 4,4 % par rapport à 2010, pour atteindre 8,255 milliards d'euros, soit 5,80 % du projet de budget 2011. Les crédits du service européen d'action extérieure (SEAE) ne figurent pas dans ce projet de budget, une lettre rectificative sur ce sujet étant attendue.

Conformément à son engagement, la Commission, pour la deuxième année consécutive, ne demande aucun nouveau poste en 2011. L'ensemble de ses besoins, y compris ceux liés aux nouvelles priorités, définies par exemple dans la stratégie Europe 2020, et à l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, sera assuré par un redéploiement interne qui devrait concerner environ 2 200 postes. Du reste, la Commission rappelle son engagement de « couvrir l'ensemble des besoins en personnel jusqu'en 2013 sans demander de nouveaux postes ». On notera, en revanche, l'augmentation de 5,5 % des crédits du Parlement européen.

Le projet de budget pour 2011 suscite deux principales observations.

D'une part, cet exercice budgétaire est le premier à être soumis à la nouvelle procédure résultant du traité de Lisbonne1(*), qui prévoit une lecture unique de chaque branche de l'autorité budgétaire puis la réunion d'un comité de conciliation à l'automne, chargé de dégager une position commune dans les 21 jours. La coopération interinstitutionnelle est donc nécessaire afin de se rapprocher du compromis final dès que possible.

D'autre part, les institutions communautaires ont des approches très différentes de ce projet de budget.

La Commission estime que, « dans ce contexte de reprise fragile, le budget de l'Union européenne pourrait servir de stimulant, dans l'immédiat et à plus long terme, en appuyant des initiatives appropriées. L'objectif essentiel, en 2011, est de soutenir sans réserve la reprise de l'économie européenne [...]. À cet égard, le budget 2011 répond également aux objectifs d'une croissance intelligente, durable et inclusive telle que définie par la stratégie Europe 2020 ».

Le Parlement européen, qui est désormais placé sur un pied d'égalité avec le Conseil et a le dernier mot sur l'ensemble du budget, est sur la même ligne. Il insiste notamment sur la promotion des actions en faveur de la jeunesse, de l'innovation et de la recherche et estime que la mise en oeuvre du traité de Lisbonne entraîne de nouvelles dépenses.

Le Conseil ne partage pas ce point de vue. Une large majorité d'États membres, à commencer par les contributeurs nets, considèrent que le contexte difficile des finances publiques nationales, mis en évidence par l'existence de procédures de déficit excessif à l'encontre de la quasi-totalité des États membres et par l'adoption de différents plans de redressement consécutifs à la crise grecque et à l'institution d'un mécanisme temporaire de gestion des crises, appelle une modération de l'évolution des dotations budgétaires et un calibrage au plus juste de celles-ci. Pour le Conseil, il est primordial que le projet de budget reste rigoureusement dans les limites fixées par le cadre financier 2007-2013, des marges suffisantes devant être maintenues sous tous les plafonds des différentes rubriques de dépenses.

Les dépenses nouvelles doivent donc, selon lui, être financées au moyen de réaffectations de crédits. C'est pourquoi il n'a pas jugé acceptable la progression des dotations proposée. Le budget communautaire ne saurait croître de près de 6 %, alors que les budgets nationaux sont soumis à de très fortes contraintes, y compris de la part de la Commission qui a récemment proposé de sanctionner de façon plus rigoureuse les États dont la politique budgétaire n'était pas soutenable.

C'est pourquoi, le 29 juin dernier, le Conseil, au niveau du comité budgétaire, s'est mis d'accord pour réduire les crédits d'engagement de 787,8 millions d'euros, dont plus de la moitié sur la rubrique 2, et les crédits de paiement de 3,6 milliards d'euros, dont environ un tiers sur la rubrique 1. Dès lors, le projet de budget 2011 progresserait plus modérément - mais continuerait de progresser - que le projet de la Commission, soit + 0,22 % en engagements et + 2,91 % en paiements.

En outre, il serait préférable de simplifier l'accès aux fonds communautaires plutôt que de chercher à les augmenter, compte tenu de l'importante sous-exécution affectant certaines lignes de dépenses, sur la sous-rubrique 1a par exemple. À ce titre, on rappellera que les restes à liquider, qui correspondent aux engagements n'ayant pas encore fait l'objet de paiement, s'élevaient à 176,9 milliards d'euros fin 2009, en hausse de 14,4 % par rapport au début de cette année-là (+ 22 milliards d'euros).

Sous le bénéfice de ces observations, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur le projet de budget pour 2011.


* (1) 1 Les textes mettant en oeuvre les dispositions du traité de Lisbonne relatives à la procédure budgétaire ont été examinés par la commission, le 16 juin 2010, par procédure écrite.