Environnement
Projet de règlement de la Commission relatif au calendrier, à la gestion et aux autres aspects de la mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté
du 09/08/2010
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 12/11/2010
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 12/08/2010Examen : 29/09/2010 (commission des affaires européennes)
Environnement
Texte E 5562
Communication de Mme Fabienne Keller sur les
modalités de la mise aux enchères de quotas d'émission de
gaz à effet de serre
(Réunion du mercredi 29 septembre 2010)
Cette communication vient dans le prolongement de la résolution européenne du Sénat du 7 décembre 2009 sur le marché des quotas de CO2 et le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières. Je vous rappelle que cette résolution avait été adoptée à l'initiative de notre commission. A la veille de la conférence de Copenhague, il s'agissait de définir et de promouvoir les conditions d'un fonctionnement optimal du système communautaire d'échange de quotas d'émission que j'appellerai plus simplement « le marché européen du carbone ». Pour mémoire, je vous rappelle brièvement que le marché européen du carbone, entré en vigueur en 2005 à la suite de l'adoption de la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003, est un des instruments mis en place par l'Union européenne pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce marché ne concerne que les plus gros émetteurs industriels de gaz à effet de serre (métallurgie, cimenterie, production d'électricité, chimie, industrie manufacturière...). En donnant aux émissions de gaz une valeur économique, il incite les pollueurs à les intégrer dans leurs décisions et à arbitrer entre deux stratégies : soit réduire les émissions et revendre les quotas non utilisés si le coût des investissements pour réduire les émissions est inférieur au coût des quotas équivalents, soit acheter des quotas couvrant la totalité des émissions si les investissements nécessaires à une réduction des émissions sont trop élevés. Jusqu'à présent, les quotas sont alloués gratuitement aux principaux émetteurs industriels de CO2 en fonction de leurs émissions passées, ceux-ci pouvant ensuite échanger ces quotas sur le marché secondaire selon leurs besoins. Toutefois, la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009, adoptée dans le cadre du paquet « énergie-climat » et qui modifie la directive de 2003, va profondément changer les règles de fonctionnement du marché de quotas de CO2 pour la période 2013-2020. L'objectif affiché est une baisse de 21 % des émissions en 2020 par rapport à 2005. En effet, à compter du 1er janvier 2013, les modalités d'attribution primaire des quotas d'émission seront différentes. Le principe sera désormais, avec des exceptions, celui de la mise aux enchères des quotas dès la première tonne de CO2 émise. L'article 10 de la directive renvoie à un texte ultérieur, devant être adopté le 30 juin 2010 au plus tard selon une procédure de comitologie, la définition du calendrier, de la gestion et des autres aspects de la mise aux enchères des quotas. Extraits de l'article 10(4) de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté Le 30 juin 2010 au plus tard, la Commission arrête un règlement concernant le calendrier, la gestion et les autres aspects de la mise aux enchères afin de faire en sorte que celle-ci soit réalisée de manière ouverte, transparente, harmonisée et non discriminatoire. À cette fin, le processus doit être prévisible, notamment en ce qui concerne le calendrier, le déroulement des enchères et les volumes de quotas qui, selon les estimations, devraient être disponibles. Les mises aux enchères sont conçues de manière à garantir : a) le plein accès, juste et équitable, des exploitants, et en particulier des petites et moyennes entreprises couvertes par le système communautaire; b) que tous les participants aient accès simultanément aux mêmes informations et que les participants ne compromettent pas le fonctionnement de la mise aux enchères; c) que l'organisation et la participation aux enchères soient rentables et que les coûts administratifs inutiles soient évités; d) que l'accès aux quotas soit accordé aux petits émetteurs. C'est ce texte qui est aujourd'hui l'objet de ma communication. Il a été transmis au Sénat le 12 août dernier après avoir été adopté à l'unanimité le 14 juillet 2010 par le comité « changement climatique » du Conseil, composé d'experts des États membres, sur proposition de la Commission. Ce projet de règlement relève d'une procédure dite de comitologie et peut donc être encore contesté par le Conseil et le Parlement européen. En pratique, il devrait être adopté définitivement dans le courant de l'automne, afin de permettre une entrée en vigueur du texte avant la fin de l'année. Comme vous l'avez sans doute noté, la date butoir du 30 juin 2010 fixée par la directive n'a pas été tenue. Ce retard est imputable à des négociations difficiles et, plus particulièrement, à l'opposition de quatre États membres - l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne et la Pologne - à une plateforme unique de mise aux enchères. Ce texte est donc appelé à régir la mise aux enchères des quotas de CO2 à partir du 1er janvier 2013, date à partir de laquelle une part croissante des quotas ne sera plus attribuée gratuitement. Pour le secteur de l'aviation, 15 % des quotas seront mis aux enchères dès 2012. Ce calendrier suppose que l'ensemble du dispositif de mise aux enchères des quotas soit opérationnel dans le courant de l'année 2011. La résolution du Sénat du 7 décembre 2009 posait plusieurs conditions au bon fonctionnement des enchères de quotas en l'absence de tout cadre réglementaire.
[...] 1. À propos de la mise aux enchères des quotas de CO2 à compter de 2013 Considérant que le marché du carbone a été créé pour répondre à un intérêt public, à savoir réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre de la manière la plus efficiente économiquement et que les premières années de fonctionnement de ce marché ont montré ses faiblesses, notamment un risque de variation erratique des cours ; Considérant que, si depuis la création du marché du carbone en 2005 les quotas de CO2 sont alloués gratuitement aux principaux émetteurs industriels de gaz à effet de serre, puis échangés sur le marché secondaire, il n'en sera plus ainsi à compter du 1er janvier 2013, la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, précitée posant le principe de la mise aux enchères des quotas ; Considérant que la même directive 2009/29/CE ne définit pas les modalités de la mise aux enchères des quotas ; Considérant que cette directive dispose que la Commission européenne arrête, le 30 juin 2010 au plus tard, un règlement concernant le calendrier, la gestion et les autres aspects de la mise aux enchères des quotas ; - Juge que, pour éviter les distorsions de concurrence et tout risque de perturbation du marché secondaire des quotas, ce règlement devra prévoir l'organisation de la mise aux enchères au niveau d'une plateforme européenne, un prix unique d'adjudication étant ensuite arrêté ; - Précise que ces modalités d'enchère seraient sans incidence sur la règle prévoyant que le produit des enchères est entièrement reversé aux États membres, au prorata des quotas qui leur sont alloués ; - Invite le Gouvernement à agir pour que le règlement annoncé aille en ce sens ; [...] |
iii) gérer les garanties et les éventuels appels de marge versés par l'adjudicateur
ou les enchérisseurs ; f) la fourniture à l'instance de surveillance des enchères de toute information sur la conduite des enchères dont elle a besoin pour exercer ses fonctions ; g) la surveillance des enchères. Les fonctions des plateformes particulières sont identiques. Toutefois, la gestion du calendrier des enchères est un peu différente. Le calendrier et le volume des enchères de ces plateformes ne sont arrêtés qu'après que la plateforme commune a annoncé son propre calendrier. En outre, les plateformes particulières doivent proposer lors de chaque séance d'enchères un volume de quotas compris entre dix et vingt millions de quotas. |
> Régime applicable aux abus de marché relatifs à des produits d'enchère Lorsque le produit d'enchères est un instrument financier (« futures » à cinq jours), le projet de règlement dispose que la directive du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché s'applique. Lorsque ce produit n'est pas un instrument financier (produit au comptant à deux jours), les articles 37 à 43 du projet de règlement reprennent les termes de la directive de 2003 et prévoit que les autorités nationales chargées de faire respecter la directive de 2003 sur les marchés financiers sont aussi responsables de la surveillance des enchères de produits au comptant. |
Ces orientations répondent aux préoccupations exprimées par la résolution du Sénat. Je terminerai en évoquant le choix de la future plateforme. Elle devrait être sélectionnée dans le cadre d'une action commune des États membres et de la Commission, à l'issue d'une procédure conjointe de passation de marché. Cette plateforme ne pourrait être désignée pour une période de plus de cinq ans. Bluenext, basé à Paris, est actuellement la première place d'échange sur le marché européen du carbone au comptant. Elle candidatera pour devenir la plateforme commune. A cette fin, je signale qu'à l'initiative de notre collègue Philippe Marini, rapporteur du projet de loi de régulation bancaire et financière, plusieurs amendements ont été déposés pour compléter la définition des marchés réglementés d'instruments financiers et permettre ainsi à Bluenext d'être agréé en tant que marché réglementé. C'est une condition nécessaire pour pouvoir répondre à l'appel d'offre européen. En conclusion, le projet de règlement demeure satisfaisant compte tenu de la position très ferme de quatre grands États membres désireux de disposer de leur propre plateforme. Il pourra être dérogé au principe de la plateforme commune, mais dans des conditions strictes qui devraient garantir un prix quasi-uniforme du carbone, un accès large aux enchères et une sécurité des transactions. Ce texte illustre néanmoins l'incapacité de l'Union européenne à s'engager pleinement dans des politiques intégrées. |
Compte rendu sommaire du débat
M. Jean Bizet :
On peut regretter, en effet, que certains Etats membres n'aient pas abandonné leur réflexe national, alors même que le marché européen du carbone est une création de l'Union. On peut nourrir l'espoir que, avec le temps, ces plateformes alternatives dépérissent au profit de la plateforme commune.
M. Pierre-Bernard Reymond :
Ces plateformes alternatives sont-elles créées de manière permanente ? Par ailleurs, j'aimerais savoir si on a constaté des phénomènes spéculatifs sur le marché du carbone depuis 2005 ?
Mme Fabienne Keller :
Les plateformes alternatives ne pourront être désignées pour une période excédant cinq ans. Une nouvelle procédure de passation de marché public devra alors être lancée. En outre, la Commission européenne devra, le 31 décembre 2014 au plus tard, réexaminer le fonctionnement de tous les processus d'enchères. Si l'expérience démontre que les plateformes alternatives sont à l'origine de dysfonctionnements des enchères et du marché secondaire des quotas, la Commission pourra proposer toutes mesures utiles, y compris la suppression de ces plateformes.
Quant au risque de bulle ou de spéculation, il existe, surtout sur un marché aussi jeune que le marché du carbone. Les intervenants y sont relativement nombreux. C'est pourquoi ce marché doit être exemplaire et contrôlé. A la différence d'autres marchés, celui-ci est une pure création des Etats pour atteindre un objectif d'intérêt général, à savoir réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce marché n'existe que parce que les Etats membres l'ont voulu. Je plaide pour la création d'un comité de gestion chargé de surveiller ce marché et de proposer des mesures en cas de variations anormales du cours du carbone.
M. Richard Yung :
Est-ce un marché au comptant ou des produits dérivés y sont-ils également échangés ?
Mme Fabienne Keller :
Les deux produits sont échangés. Incidemment, il faut rappeler que chaque année, à la fin du mois de mars, les exploitants des installations soumises au système des quotas doivent restituer à l'autorité publique une quantité de quotas équivalente à la quantité de carbone rejetée. Avec la crise, certaines activités, notamment l'industrie lourde, se sont retrouvées avec un excédent de quotas non utilisés.