COM (2011) 652 final  du 20/10/2011

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 31/10/2011
Examen : 19/01/2012 (commission des affaires européennes)

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : n° 278 (2011-2012) : voir le dossier legislatif


Economie, finances et fiscalité

Textes E 6748 et E 6759

Proposition de résolution européenne de M. Richard Yung
sur la régulation des marchés financiers

(Réunion du 19 janvier 2012)

M. Simon Sutour, président. - En introduction de ce point sur la régulation financière, je souhaiterais rappeler que nous avons participé hier à une table ronde qui, outre le fait de nous donner l'occasion de nous associer pour la première fois avec la commission des finances, nous a valu d'entendre des choses très intéressantes, dont notamment les propos de la représentante de l'agence de notation Standard & Poor's.

M. Richard Yung. - Les crises récentes ont révélé la faiblesse de la réglementation et de la régulation des marchés financiers. Certes, les différentes réunions du G20 qui se sont succédé après la crise de 2008 ont conduit à adopter certaines mesures, mais finalement, pensant que nous étions sortis de la crise, nous sommes progressivement devenus moins actifs sur ces sujets.

C'est dans ce contexte qu'un poids gigantesque a été pris par les marchés des produits dérivés, produits financiers basés sur un produit réel dit sous-jacent qui peut être par exemple une action, le cours d'une matière première ou encore un indice des prix. Ces produits qui présentent l'avantage de nécessiter des mises de fonds beaucoup moins importantes que l'achat du produit sous-jacent ont été conçus pour que les différents acteurs économiques puissent transférer le risque et se prémunir ainsi contre l'évolution défavorable du cours d'un actif. Or c'est à partir d'eux que se sont développées des bulles spéculatives qui atteignent aujourd'hui un montant total évalué à 600 000 milliards de dollars, soit douze fois le PIB mondial. Ces montants invraisemblables s'expliquent par le fait qu'il s'agit de contrats basés sur des contrats, eux mêmes basés sur des contrats, une telle construction constituant bien entendu un facteur de risque considérable.

Face à cette situation, l'Union européenne a pris de nombreuses initiatives en matière de régulation des marchés, la proposition de résolution que je vous présente portant sur deux d'entre elles : le règlement dit EMIR visant à réguler le marché des produits dérivés négociés de gré à gré, et la révision de la directive relative aux marchés d'instruments financiers dite « MIF II ».

La réglementation en vigueur, dite « MIF I », qui régit aujourd'hui les produits des sociétés d'investissement et les bourses traditionnelles, a favorisé la libéralisation des marchés européens. Elle a ainsi conduit à une modification importante de l'organisation des marchés financiers. Ils sont en constante évolution, comme l'a montré l'échec de la fusion de la bourse de New York (NYSE) avec la bourse de Francfort après l'avis négatif de la Commission européenne.

La directive MIF I a supprimé la règle de concentration des ordres d'achat et de vente sur les marchés aux termes de laquelle la confrontation entre l'offre et la demande doit être réalisée en un lieu unique. Le monopole des bourses traditionnelles a ainsi disparu au bénéfice de multiples plateformes d'échange sur lesquelles il est devenu possible de vendre et d'acheter des actions. Ces plateformes doivent offrir la transparence des prix et des quantités échangées, mais il existe de nombreuses plateformes, disons dissidentes, qui sont beaucoup plus opaques.

Le projet de directive que nous examinons reconnait quant à lui deux catégories de marchés qui sont, d'une part, les marchés réglementés, dont les bourses traditionnelles, dans lesquels la confrontation de l'offre et de la demande est soumise à une exigence de transparence, et d'autre part, les systèmes multilatéraux de négociation (SMN), plateformes spécialisées dans la négociation de certains titres, comme le cours d'une matière première par exemple, également soumises à certaines obligations de transparence. L'ensemble de ces marchés offrent donc des garanties d'accès non discriminatoires et des règles de libre concurrence.

J'ajoute que la directive MIF I avait aussi créé un statut hors marché organisé pour les intermédiaires financiers, dénommés « internalisateurs systématiques » destiné à des sociétés d'investissement exécutant les ordres de leurs clients tout en étant eux-mêmes partie prenante à ce marché.

Or, force est de constater que, malgré ces exigences de transparence, le fonctionnement de ces marchés ne s'est pas révélé efficace : le bilan de cette première directive apparaît donc décevant.

En effet, les obligations de transparence pré- et post-négociation appliquées aux marchés réglementés et aux systèmes multilatéraux de négociation ne concernaient pas les bénéficiaires des nombreuses dérogations que la directive laissait subsister. Ceci a conduit à un transfert d'une large partie des activités financières des marchés transparents vers des systèmes plus opaques, non réglementés tels que les « dark pools », c'est-à-dire des systèmes de négociation qui garantissent l'anonymat aux clients. Ils sont aujourd'hui en plein développement et on les justifie au motif, extrêmement curieux me semble-t-il, que cet anonymat contribuerait à ne pas troubler les marchés. Des « crossing networks », ou réseaux croisés, se sont développés, qui réalisent le même type d'opérations sans publication ni transparence. Parallèlement, la passation automatique des ordres de bourse s'est diffusée ainsi que le trading  à haute fréquence qui repose sur des modèles informatisés programmant des opérations à un rythme de l'ordre de la nanoseconde, ce qui aboutit à conférer le contrôle des marchés aux concepteurs de ces systèmes, écartant ainsi l'immense majorité des clients de la compréhension de leur fonctionnement réel.

Précisons enfin, qu'aujourd'hui, les produits dérivés sont, pour plus de 80 % d'entre eux, échangés « Over the counter » (OTC), c'est-à-dire sous forme de négociations de gré à gré en dehors des marchés réglementés ou des plateformes contrôlées.

Aussi est-il indispensable de faire évoluer la régulation des marchés en complétant la législation, ce qui est l'objet de la révision de la directive. Il s'agit notamment d'assurer un fonctionnement efficient des marchés, de renforcer la protection des investisseurs, de réduire les risques, ou encore d'étendre le champ de la régulation au-delà des seules actions. Or, sur ce dernier point, je relève qu'un communiqué de presse de M. Jean-Pierre Jouyet, président de l'autorité des marchés financiers (AMF), publié hier préconise que toutes les transactions sur les produits dérivés basés sur des actions - mais seulement les dérivés d'actions et non des autres sous-jacents - transitent désormais par des plateformes organisées. La révision de la directive doit également permettre d'éviter les risques systémiques, par un contrôle accru sur ces produits dérivés devenus de véritables bombes pour nos économies.

Le texte propose également une redéfinition des frontières entre le marché de gré à gré et le marché organisé afin de couvrir un plus grand nombre de transactions. Autrement dit, il s'agit d'essayer de ramener, au sein des marchés régulés, une partie des opérations qui échappent à tout contrôle, en créant une nouvelle catégorie de système de marché : les OTF ou « organised trading facilities ».

La proposition comporte l'obligation de négocier sur des marchés organisés soumis à des obligations de transparence les produits dérivés désignés par l'autorité européenne des marchés financiers (AEMF), chargée de coordonner les opérations et les pratiques de chaque superviseur national.

Deuxième ambition du texte : une obligation accrue de transparence, étendue aux produits dérivés. Les exemptions seront soumises à l'accord préalable de l'AEMF. Les trous ouverts dans la législation seront-ils assez importants pour que continuent à se développer des marchés non transparents ? Le texte préconise le regroupement en un seul lieu de l'ensemble des données de marché, afin de donner aux investisseurs et aux superviseurs une vue d'ensemble, c'est ce que l'on appelle consolidated tape. Les Américains le font. Ils ont monté un système coopératif entre participants à cet effet et disposent d'un organisme pour gérer cela. Il est souhaitable que l'Europe s'y mette.

Troisième ambition : un contrôle renforcé des nouvelles pratiques de marché. La proposition prévoit une obligation d'informer les régulateurs nationaux. Sera-ce un voeu pieux ? Les équipes qui font les programmes sont extrêmement pointues ; nombre de ces spécialistes viennent de l'école polytechnique... Aujourd'hui, les ingénieurs ne construisent plus de ponts, mais conçoivent des programmes informatiques.

Le texte confère aux autorités de surveillance nationales le pouvoir d'interdire certains produits, services et pratiques : espérons, là aussi, que ce sera autre chose qu'un voeu pieux !

Le problème des chambres de compensation a été évoqué plusieurs fois hier. C'est à travers elles que seront donc compensées les transactions sur produits dérivés. La chambre de compensation à l'ancienne, c'est cette pile de chèques que l'on regroupe, en fin de journée, selon les banques qui les ont émis, afin de consolider, pour chaque banque, un solde des transactions. L'idée est de faire de même avec les produits dérivés. Les chambres de compensation assurent le risque de contrepartie, puisqu'il faut, en fin de journée, dénouer les positions, pour ne pas rester avec un déséquilibre. Une partie des risques est donc transférée aux chambres de compensation. Il est imaginable qu'un jour, l'une d'elles se trouve dans une situation difficile, voire de défaut, si l'un des grands acteurs se déclare lui-même en défaut. La banque ne serait pas alors la seule à sauter, la chambre de compensation sauterait aussi. Il faudrait alors que les membres des chambres de compensation prennent leurs responsabilités mais qu'un adossement de ces chambres de compensation à la BCE permette d'assurer la liquidité. C'est le cas aux Etats-Unis où elles sont adossées à la FED. J'ai demandé si cela faisait partie des missions de la BCE, puisque j'ai cru comprendre que la définition de celles-ci pouvait poser problème...

M. Pierre Bernard-Reymond. - Vous avez posé la question à Angela Merkel ?

M. Richard Yung. - Elle n'était pas à la table ronde, contrairement à M. Jouyet, qui a déclaré que cela était nécessaire. Nous devons donc être vigilants sur le mécanisme de surveillance et de gouvernance des chambres de compensation, mais en elles-mêmes elles marquent un progrès.

L'obligation de transparence est renforcée par celle de déclarer davantage d'informations.

Globalement, le texte de la commission s'efforce de tenir compte des enseignements de l'expérience, de ce qui n'a pas marché, pour instaurer plus de transparence et de liquidité et réduire le nombre d'exceptions.

Il est crucial de faciliter l'accès des PME à des marchés extrêmement sélectifs, dominés par les grandes institutions financières et les grandes entreprises. La PME de Bergerac de moins de 200 salariés ne se sent pas concernée !

L'encadrement accru est un point clé. Les autorités de surveillance doivent avoir les moyens de mener à bien leur action. M. Maijoor, le président de l'Autorité européenne des marchés financiers, m'a dit hier qu'il ne disposait que de 40 personnes, là où la SEC américaine en a 4 000. C'est une idée que nous reprenons dans notre proposition de résolution.

M. Jean Bizet. - Je salue votre travail sur ce dossier complexe. Je suis tout à fait d'accord avec cette proposition de résolution. Le point n° 16, sur l'accès des PME aux marchés financiers, mériterait à lui seul un rapport. Les règles de Bâle III ont pour conséquence, et j'ai interpellé les ministres à ce sujet, de rendre l'accès des PME aux crédits bancaires plus difficile.

Il y a des distorsions de concurrence importantes à cet égard entre les Etats-Unis et l'Europe. C'est une question de culture : les entreprises américaines vont d'emblée vers les marchés pour se financer, en France on va voir son banquier. Il y a là toute une culture à changer ; il y aurait sans doute des propositions à faire en ce sens. Sans doute cela n'appelle pas de modification de la résolution, mais c'est une question à creuser, au moment où de plus en plus de chefs d'entreprises se plaignent, dans nos départements, de banquiers qui eux-mêmes se retranchent derrière les obligations plus fortes auxquelles ils sont soumis.

M. François Marc. - Merci pour votre exposé sur ce sujet d'actualité, qui a fait l'objet de débats depuis plusieurs années. Il est vrai que nous constatons l'ingéniosité croissante à l'oeuvre dans le domaine financier en général et dans celui des transactions financières en particulier. Il est inquiétant que les meilleurs ingénieurs de nos écoles se voient proposer des contrats de travail rémunérés le double s'ils vont dans certains établissements financiers, plutôt que dans des entreprises à vocation industrielle ou de travaux publics, alors que d'autres secteurs, comme celui des télécommunications, majeur pour l'innovation, ont du mal à recruter.

Néanmoins, ces produits ont une vertu : ils apportent de la fluidité aux marchés. Les transactions financières ne doivent donc pas susciter que des critiques et Dieu sait si l'on a bien besoin de liquidités aujourd'hui ! Le problème tient à ce qu'ils s'intègrent dans une logique spéculative. Il faut trouver des parades. J'ai participé à l'examen de la transposition en droit français de la directive européenne sur les marchés et les instruments financiers avant la crise financière. A l'époque, les contraintes nous paraissaient maigres. Nous voyons bien leurs faiblesses aujourd'hui. « MIF II » apporte-t-elle des solutions satisfaisantes ? Il ne semble pas. « MIF I » c'était en 2007, aujourd'hui, il faut mettre plus de barrières. Par sa nature même, l'industrie financière cherche, par la spéculation, à vivre dans une certaine obscurité, en se fondant sur la rétention d'informations. Le principe même de la spéculation financière est d'éviter que l'information soit captée progressivement par d'autres. Ce n'est pas la loi qui pourra seule modifier ces comportements. « MIF II » ne va pas assez loin. Jean-Pierre Jouyet nourrit les mêmes inquiétudes : il se posait hier beaucoup de questions. Je souhaiterais une résolution plus musclée, afin que la France ait une ambition plus forte que ce qui nous est proposé aujourd'hui.

Certes, la proposition de résolution, en son point n° 9, « souligne l'importance de la qualité de l'information et de la transparence des marchés », mais il y a des barrières à mettre en place, de façon plus exigeante. Je retire de nos échanges avec M. Jouyet le sentiment qu'il faut monter en puissance.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Il serait également intéressant de solliciter Michel Barnier...

M. Simon Sutour, président. - Nous sommes en attente d'une date...

M. Alain Richard. - Cette proposition de résolution est très bonne, tout en étant pleine de litotes, ce qui est logique. Une résolution de la commission des affaires européennes n'a pas vocation à lancer des imprécations ou à montrer tous les vices intrinsèques de ce système économiquement prédateur. Nous sommes dans une évolution économique internationale, qui concerne essentiellement les pays développés, de façon disproportionnée, porteuse de déséquilibres considérables, puisque ce développement des échanges financiers instantanés n'atteint pas au même degré les grands pays émergents. Cela est souvent expliqué, non sans condescendance, par un moindre progrès des techniques financières. Il me semble qu'une prise de conscience est en cours. Le document qui nous est soumis montre que nous sommes en train de faire de petits progrès, à partir d'une prise de conscience partagée entre Européens, ce qui n'est pas facile, des dangers que fait peser sur notre équilibre économique et social le développement de ces systèmes d'échanges instantanés. La proposition marque un pas par rapport aux préconisations d'autoréglementation des lobbys. La proximité du précipice de 2008, plus encore aux Etats-Unis, permet de leur répondre qu'on a vu ce que cela donne, mais nous en sommes encore à la préhistoire de la régulation interétatique.

Je suggère de dire que ce dont nous parlons ne peut qu'être une étape. Il faudra forcément y revenir, en fonction des capacités à limiter un développement que je qualifierais de cancéreux, toxique, d'un système insuffisamment régulé.

Je ne vois pas d'obstacle à la mention de l'accès des PME aux marchés. Mais nos amis allemands, que nous considérons comme un modèle en matière de contribution des PME à la croissance, s'en passent très bien. Est-ce le moment d'expliquer aux PME qu'elles doivent fréquenter des marchés dont la régulation suscite bien des interrogations ?

M. Yann Gaillard. - C'est inquiétant !

M. Alain Richard. - Pour moi, c'est la forêt de Bondy ! N'incitons pas des gens à s'y promener sans un minimum de précautions préalables. Je propose de rédiger ainsi ce point : « Estime indispensable et urgent de développer activement les modalités d'accès des PME européennes à des marchés adaptés à leur situation ».

M. Pierre Bernard-Reymond. - Ne devons-nous pas aussi faire prendre conscience aux PME qu'elles doivent s'organiser et réfléchir à des actions communes ? Nous ne pouvons pas imaginer que le nouveau système les accueille en tant que PME individuelles. Le monde des PME doit réfléchir à son organisation, afin d'obtenir un minimum de puissance et de compréhension de ce système des marchés financiers.

Ce sont des questions très difficiles et techniques. J'avoue avoir du mal à juger le point où nous en sommes par rapport à un système satisfaisant, comme j'ai du mal à évaluer la capacité des acteurs de ces marchés à imaginer les contrepoids aux réglementations que nous espérons mettre en place. Il faudrait donc voir, du point de vue de ceux qui sont au coeur de l'élaboration de ces règles, quelle partie du parcours nous avons accompli, par rapport à un objectif idéal. Où en sommes-nous, par rapport à 2007, et sur le chemin de ce que vraisemblablement nous ne pourrons atteindre avant deux ou trois ans ?

M. Jean Bizet. - Les PME allemandes sont beaucoup plus grandes que les françaises ; elles s'appuient sur un capital familial, qui est le fruit de toute une histoire...

M. Alain Richard. - Leur financement est largement bancaire.

M. Jean Bizet. - Quel est l'avenir des banques allemandes aujourd'hui ? En réalité, vos remarques, celles de Pierre Bernard-Reymond et les miennes sont complémentaires. Nous avons intérêt à creuser ce problème. J'ai été interpellé par les PME dans mon département, qui craignent que l'accès au crédit bancaire soit beaucoup moins aisé demain qu'hier. Il faut anticiper. Notre commission, avec la commission des finances et celle des affaires économiques, peut examiner ce problème, au moment où la réindustrialisation du pays et la convergence franco-allemande s'imposent.

M. Simon Sutour, président. - Nous avons prochainement une table ronde sur le sujet des banques avec la commission des finances.

M. Alain Richard. - Il conviendrait d'attirer l'attention des intervenants sur cette dimension.

M. Simon Sutour, président. - Son programme est en cours d'élaboration.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Quel en est le thème ?

M. Richard Yung. - Les nouvelles règles prudentielles de « CRD IV », les leviers de liquidité, les ratios...

La directive évoque les PME, mais sans être très concrète. La réalité est que les PME n'accèdent pas ou peu à ce type de produits. Sauf exception, un directeur régional de banque n'aura pas les compétences en la matière, que seules dominent de petites équipes parisiennes. Il est vrai que la référence que nous faisons dans la proposition de résolution est un peu formelle. Vous nous dites que ce n'est pas assez, mais c'est tout le problème de ce texte : soit nous le critiquons radicalement, mais ce n'est plus notre culture depuis longtemps, soit nous le prenons tel qu'il est, en reconnaissant qu'il marque un progrès, certes pas très satisfaisant, mais dont nous espérons qu'il introduise un peu plus de transparence et de régulation. Il est vrai que M. Jouyet n'était pas très enthousiaste. Lorsque je l'ai interrogé sur ce qu'il proposait, il a concédé que la proposition allait tout de même dans la bonne direction. Tous ces textes sont soumis au lobbying des institutions financières, très organisées et puissantes, qui ont réussi à bloquer l'essentiel de la proposition de réglementation faite par le président Obama il y a déjà un an. Soyons résolus mais modestes !

M. Yann Gaillard. - Vous avez fait un travail remarquable, mais je suggère de mentionner au point 16 le renforcement des moyens de protection des PME. Nous pourrions demander à l'autorité des marchés financiers de créer un service d'accueil et de conseil aux PME et aux collectivités locales.

M. Alain Richard. - Lauréat du « prix de la carpette anglaise » décerné par un jury de râleurs, parce que j'avais signé un document préconisant que les membres du Corps européen (« Eurocorps ») puissent communiquer entre eux en anglais, je suggère de remplacer, au point n° 11 de la proposition de résolution, les mots « consolidated tape » par « registre électronique exhaustif ».

Au point n° 14, il conviendrait, pour sécuriser financièrement les chambres de compensation, d'obliger les participants à y mettre du collatéral...

M. Richard Yung. - C'est ce que nous faisons au point n° 15.

M. Alain Richard. - En effet ! Le point n° 16, après réflexion, pourrait être rédigé ainsi : « Estime indispensable et urgent de développer activement les modalités d'accès des PME européennes aux marchés financiers adaptés à leur situation ».

M. Simon Sutour, président. - Je crois que nous pouvons intégrer dans la proposition de résolution les différentes préoccupations qui se sont exprimées.

M. Richard Yung. - Ce n'est qu'un texte d'étape, nous pourrons le revoir dans quelques mois.

M. Simon Sutour, président. - Sous ces réserves, je vous propose d'adopter la proposition de résolution.

*

A l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne dans le texte suivant :


Proposition de résolution européenne

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les produits dérivés négociés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux (E 5645) ;

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les marchés d'instruments financiers, abrogeant la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil (E 6759) ;

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant le règlement sur les produits dérivés négociés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux (E 6748) ;

Partage les objectifs retenus en terme d'efficience et d'intégrité des marchés financiers mais souhaite que leur apport au financement de l'économie soit accru ;

Souligne les avancées significatives en terme de régulation des marchés financiers que constituent les propositions E 5645, E 6759, E 6748 tout en considérant qu'elles ne peuvent constituer qu'une étape ;

Rappelle, à cet égard, la nécessité d'une harmonisation internationale des régulations et d'une coopération entre autorités de surveillance ;

Souligne l'importance essentielle de la qualité de l'information et de la transparence des marchés ;

Considère, en conséquence, que les dérogations à la transparence pré et post négociation doivent être limitées ;

Soutient la solution d'un registre électronique exhaustif (consolidated tape) confié à un opérateur unique à même d'assurer la consolidation indispensable de l'information pré et post négociation ;

Estime que le succès des systèmes organisés de négociation (Organised Trade Facilities - OTF) proposés par le projet de révision de la directive concernant les marchés d'instruments financiers dépendra en partie de la qualité de l'administration de ces marchés et des garanties apportées dans les échanges ;

Souligne le caractère systémique des chambres centrales de compensation (CCP) ;

Estime, en conséquence, qu'une attention particulière doit être portée à la gouvernance, aux conditions d'accès pour les utilisateurs, à la supervision et à l'accès à la liquidité des chambres de compensation ;

Rappelle que les membres des chambres de compensation doivent prendre leurs responsabilités en cas de défaut, l'adossement à la BCE traitant le risque de liquidité ;

Estime indispensable et urgent de développer activement les modalités d'accès, dans des conditions sécurisées, des PME européennes à des marchés financiers adaptés à leur situation ;

Considère nécessaire de renforcer l'encadrement des pratiques mettant en péril l'intégrité des marchés financiers et notamment les transactions sur base d'algorithmes (trading algorithmique) ;

Souhaite, en conséquence, que soient développés la limitation de la décimalisation, l'imposition d'une latence minimale dans la transmission des ordres, l'application de taxations et de tarifs spécifiques à ces transactions ;

Souligne le rôle central et unique de l'Autorité européenne des marchés financiers dans l'efficacité de la régulation européenne des marchés ;

Considère, en conséquence, que davantage de pouvoir d'intervention et de sanction, en coordination avec les régulateurs nationaux, ainsi que des moyens adéquats doivent lui être alloués.