COM (2012) 541 final  du 26/09/2012

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 11/10/2012
Examen : 06/03/2014 (commission des affaires européennes)


Questions sociales et santé

Textes E 7755 et E 7756

Révision de la législation européenne
relative aux dispositifs médicaux

COM (2012) 541 final et COM (2012) 542 final

(Procédure écrite du 6 mars 2014)

Les scandales des prothèses mammaires PIP en 2011 et des prothèses de hanche « métal sur métal » en 2010 ont mis en lumière la nécessité de renforcer, aux niveaux national et européen, la surveillance et le contrôle des dispositifs médicaux implantables. Avant que ces scandales n'éclatent, la Commission européenne avait prévu de réviser la législation relative aux dispositifs médicaux (DM) qui date des années 1990 afin de la simplifier pour les petites et moyennes entreprises, et d'unifier son application dans les États membres en recourant à des règlements. L'actualité l'a obligée à renforcer les exigences en matière de sécurité sanitaire. Présentés en septembre 2012, les règlements COM (2012) 541 et COM (2012) 542 visent donc également à remédier aux lacunes - confirmées par un « stress test » - du système de certification CE (conformité européenne) des dispositifs médicaux à risque et à améliorer la sécurité des patients.

La définition européenne du dispositif médical inclut une très grande variété de produits. Ils se classent en fonction du risque potentiel qu'ils représentent pour la sécurité des utilisateurs, patients et médecins. La classification européenne retient quatre catégories :

Classe de dispositif

Exemples de dispositifs concernés

Classe I
(risque faible)

Dispositifs non invasifs, pansements, abaisse-langue, scalpels, fauteuils roulants, lunettes

Classe IIa
(risque faible à modéré)

Instruments de diagnostic, lentilles de contact, appareils d'aide auditive, oxygénateurs, agrafes cutanées

Classe IIb
(risque modéré à élevé)

Dispositifs contraceptifs, préservatifs, hémodialyseurs, pompes à perfusion, sutures internes

Classe III
(risque élevé)

Dispositifs invasifs en contact avec le coeur, le système sanguin ou le système nerveux central, prothèses mammaires, sondes d'aspiration aortique, prothèses articulaires de la hanche, du genou et de l'épaule

Source : Mission d'information du Sénat sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique

La législation actuelle impose de procéder avant mise sur le marché à une évaluation de la conformité des dispositifs aux « exigences essentielles » en matière de sécurité et de santé. Pour les dispositifs de la classe I, les procédures d'évaluation se font sous la responsabilité directe du fabricant ; pour les autres classes, un organisme notifié (ON) doit intervenir. L'apposition de la marque CE sanctionne le respect des exigences essentielles. Il ne constitue pas pour autant une marque de certification ou d'appréciation de la qualité du dispositif, ni ne détermine son origine géographique de production, puisqu'il peut être apposé sur un produit fabriqué hors de l'Union européenne.

Dans ce contexte, les objectifs des deux règlements sont l'amélioration de la surveillance du marché, de la vigilance, de la traçabilité et le renforcement du processus de certification des dispositifs médicaux. Ils peuvent se décliner en cinq dispositions concrètes :

- le fabricant est responsable de la mise sur le marché de son dispositif et du respect des obligations qui s'y rattachent ;

- l'organisme notifié est responsable de l'évaluation de la conformité du dispositif ;

- les agences nationales de santé (en France, l'ANSM) sont en charge de la surveillance du marché avec des obligations de notification à la Commission européenne des mesures prises dans le domaine ;

- la Commission européenne assure la coordination de la régulation du secteur en liaison avec un groupe de coordination en matière de dispositifs médicaux (GCDM) composé d'experts désignés par les États membres. Elle dispose de larges prérogatives qu'elle peut mettre en oeuvre par voie d'actes d'exécution ;

- l'ensemble du dispositif s'appuie par ailleurs sur la base de données européenne EUDAMED qui devient un outil majeur de la surveillance du marché des DM.

La Commission européenne propose de renforcer les règles applicables aux dispositifs à haut risque (classe III). Les organismes notifiés seront obligés d'informer le groupe de coordination sur les DM lorsqu'ils recevront une nouvelle demande d'autorisation pour un dispositif à haut risque. Le groupe disposera alors de 15 jours pour décider si une évaluation supplémentaire est nécessaire et pourra émettre des commentaires sur l'enquête préliminaire réalisée par l'organisme notifié dans les 90 jours. De l'issue de cette procédure dépendra la remise du certificat de conformité par l'organisme notifié. De plus, la Commission propose de nouvelles exigences en matière d'investigations cliniques. Actuellement, l'obligation d'évaluer l'efficacité d'un DM de classe III grâce à des essais cliniques peut être contournée. Le fabricant peut en effet se contenter de produire une revue de la littérature scientifique pertinente s'il assure que son DM est « similaire » à un DM déjà commercialisé : c'est ce que l'on appelle la procédure d'équivalence, à laquelle recourt une très grande majorité de fabricants.

La proposition de règlement prévoit également un encadrement plus strict de la désignation et de la surveillance des organismes notifiés. Alors que la directive 93/42/CEE relative aux dispositifs médicaux se limite à évoquer la notification par les États membres de la désignation d'un organisme sans en préciser les modalités, le chapitre IV de la proposition de règlement COM (2012) 542 offre un processus détaillé de la désignation des organismes notifiés. Il introduit notamment une procédure de double évaluation de l'organisme candidat par l'autorité compétente de l'État membre et une équipe d'évaluation conjointe européenne. À l'heure actuelle, l'évaluation d'une candidature dépend de la seule responsabilité de l'autorité compétente de l'État membre dans lequel l'organisme est établi. De plus, une fois l'évaluation de la candidature effectuée, l'autorité nationale compétente devra notifier l'ON auprès de la Commission et des autres États membres, qui auront alors la possibilité d'apporter des commentaires et/ou des objections. Un contrôle continu de l'ON est prévu par la suite : celui-ci se traduit par la vérification au moins une fois par an par l'autorité de santé du respect par l'ON des exigences minimales (impliquant une inspection sur site). Enfin, le futur règlement soumet les sous-traitants aux mêmes exigences que les ON, qui conservent cependant la responsabilité finale des activités qu'ils décident de sous-traiter.

Ce contrôle plus strict des ON s'accompagne parallèlement d'un renforcement de leurs pouvoirs et de leurs responsabilités. La proposition de règlement précise à cet égard la façon dont ceux-ci doivent mener leurs évaluations, avant et après la mise sur le marché : documents à fournir, obligation de mener des contrôles inopinés sur place, vérification des échantillons, etc.

La transparence des procédures est également renforcée, dans le but d'améliorer la traçabilité des produits. Cela se traduit principalement par la mise en place d'un mécanisme d'identification unique des appareils (UDI), en priorité pour les DM de classe III ; l'obligation pour les opérateurs économiques d'identifier leur fournisseur et les personnes à qui ils livrent des dispositifs médicaux ; l'obligation pour les fabricants, représentants autorisés et importateurs de s'enregistrer dans une base de données européenne ; la nécessité pour les fabricants de DM à haut risque de rendre public un résumé reprenant les éléments clés en matière de sécurité et de performance ; la désignation d'une personne qualifiée chez le fabricant, responsable de la conformité réglementaires ; le développement de la banque de données EUDAMED.

Outre ces mesures, la nouvelle réglementation devrait étendre le champ d'application aux produits fabriqués à partir de tissus ou des cellules humains non viables et aux dispositifs à visée esthétique. Elle clarifie enfin les conditions d'exercice des entreprises impliquées dans le réétiquetage et/ou le reconditionnement des dispositifs médicaux.

Les autorités françaises ont favorablement accueilli les propositions de la Commission européenne. Elles souhaitent toutefois une sécurisation plus poussée des DM les plus à risque et demandent à ce titre une évaluation préalable et systématique de ces dispositifs avant leur mise sur le marché. Cette évaluation devrait être réalisée par un comité européen indépendant afin de permettre une expertise collégiale, préférable à l'analyse isolée d'un ON comme c'est le cas actuellement. La proposition de règlement ne va pas assez loin en la matière en ouvrant simplement la possibilité d'un recours non systématique au groupe de coordination GCDM, qui rendra de plus un avis non contraignant. Les autorités françaises souhaitent en outre que l'on puisse disposer de preuves cliniques avant la mise sur le marché, en particulier sur le caractère favorable du rapport bénéfice/risque du DM.

La France défend par ailleurs dans le cadre des négociations les positions suivantes :

- le renforcement de la vigilance, notamment par l'élargissement de la remontée d'informations aux autorités compétentes par le biais des professionnels de santé et des patients ;

- une définition ad hoc des dispositifs à visée esthétique, et non pas comprise dans celle des DM comme le propose la Commission ;

- la prise en compte de la lutte contre les DM falsifiés et l'encadrement de la vente sur internet des DM dans la nouvelle règlementation ;

- la possibilité d'interdire le retraitement des dispositifs médicaux à usage unique sur le territoire national, au regard des risques pour la santé que peut présenter cette pratique (position également adoptée par le Parlement européen).

Il convient de noter enfin que les deux projets de règlement COM (2012) 541 et COM (2012) 542 prévoient une vingtaine d'actes délégués dont certains concernent des éléments fondamentaux de la réglementation tels que les prescriptions générales en matière de sécurité et de performance, les éléments à mentionner dans la documentation technique, le contenu minimal de la déclaration de conformité de l'Union ou les dispositions modifiant ou complétant les procédures d'évaluation de la conformité. Sans préjuger des intentions de la Commission, il apparaît préférable que ces mesures importantes soient fixées par la procédure législative ordinaire.

Compte tenu des positions prises par le Gouvernement, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce dossier, sur lequel un accord devrait être trouvé avant la fin de la présente législature.