COM (2013) 162 final  du 03/04/2013

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)

Examen : 25/04/2013 (commission des affaires européennes)


Le texte COM (2013) 162 consiste en une refonte d'une directive de 1988 qui rapproche la législation des États membres sur les marques.

Ces modifications doivent permettre :

- de rationaliser et d'harmoniser les procédures d'enregistrement au niveau des États membres, en prenant pour référence le système de la marque communautaire introduite en 1994 ;

- de modifier les dispositions considérées comme obsolètes et d'intégrer la jurisprudence de la Cour de justice ;

- de renforcer les moyens de lutte contre la contrefaçon ;

- de faciliter la coopération entre les offices des États membres et l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI), qui est l'agence de l'Union européenne, compétente en la matière.

Si la refonte de la directive de 1988 introduit certes de nouvelles contraintes pour les États membres, cette évolution est justifiée par les lacunes constatées dans la législation existante, et permet d'améliorer le fonctionnement du marché intérieur et de renforcer la sécurité juridique des entreprises. Le principe de subsidiarité n'a pas à être invoqué.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 08/04/2013
Examen : 06/03/2014 (commission des affaires européennes)


Économie, finances et fiscalité

Textes E 8200 et E 8201

Révision de la législation européenne sur les marques

COM (2013) 161 final et COM (2013) 162 final

(Procédure écrite du 6 mars 2014)

La marque, signe distinctif ayant pour fonction essentielle de garantir l'origine d'un produit ou d'un service, et qui confère à son titulaire un droit exclusif d'exploitation, a un rôle crucial en matière commerciale. Créatrice de richesse, la marque a une valeur très importante pour les entreprises ; sa protection est une condition indispensable de l'investissement en recherche et développement.

Le droit des marques en Europe repose sur un système dual : d'un côté, la protection des marques est assurée au niveau des États membres, par l'intermédiaire de règles qui ont fait l'objet d'un rapprochement dans le cadre d'une directive de 1988 ; de l'autre, la marque communautaire, créée par un règlement de 1993, confère une protection qui s'applique dans l'ensemble des États membres. La coexistence de ces deux systèmes répond aux besoins des entreprises de l'Union européenne. En effet, les entreprises titulaires d'une marque n'ont pas toujours besoin d'une protection communautaire, une protection au niveau national étant parfois suffisante. Chaque année, les agences nationales des marques enregistrent 400 000 marques contre 100 000 pour les marques communautaires. Toutefois, depuis 2002, le nombre de dépôts à l'OHMI (Office d'harmonisation du marché intérieur) a doublé.

La Commission européenne a proposé en mars 2013 une réforme de la législation qui encadre l'enregistrement des marques dans l'Union européenne. Les textes E 8200 et E 8201 révisent respectivement le règlement de 1993 sur la marque communautaire et la directive de 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques. L'objectif de ces textes est d'améliorer l'accessibilité du système d'enregistrement pour les entreprises de l'UE, ainsi que sa rapidité, son efficacité et sa prévisibilité dans le but de favoriser l'innovation et la croissance économique. La proposition de la Commission vise également à rendre le système moins coûteux et moins complexe.

Le projet de la Commission n'a donc pas pour objet de créer un nouveau système mais de moderniser le système actuel pour garantir une meilleure articulation entre les systèmes nationaux d'enregistrement des marques d'une part, et les systèmes nationaux et la marque européenne d'autre part. Les propositions de règlement et de directive souhaitent remédier à deux problèmes majeurs : le défaut de coopération entre les offices des marques en Europe (l'OHMI et les offices nationaux), et la persistance de règles et de procédures divergentes d'un État membre à un autre, mais aussi aux niveaux national et européen.

Avant toute chose, la proposition de règlement adapte la terminologie aux avancées du traité de Lisbonne : la marque « communautaire » devient marque « européenne » ; l'OHMI devient, quant à lui, « l'Agence de l'Union européenne pour les marques et les dessins et modèles », pour tenir compte de l'approche commune sur les agences décentralisées de juillet 2012. Les missions de l'Agence seront clairement définies dans le règlement.

La refonte du système passe par quatre axes principaux :

La rationalisation et l'harmonisation des procédures d'enregistrement dans les États membres, en prenant pour référence le système de la marque communautaire.

Le texte E 8200 simplifie la procédure de dépôt de manière à la rendre plus rapide. Pour cela, le dépôt d'une marque européenne se fera exclusivement auprès de l'OHMI, et non plus comme c'est possible aujourd'hui auprès des offices nationaux. Certains délais sont supprimés ou adaptés et une nouvelle procédure de recherche plus efficace basée sur la collaboration entre les offices est mise en place.

Les textes E 8200 et E 8201 introduisent l'obligation de désigner avec clarté et précision les produits ou services dont la protection est demandée. De plus, l'examen d'office, qui détermine si une marque peut être enregistrée, sera limité à l'examen de la marque elle-même (signe distinctif, conformité à l'ordre public et aux bonnes moeurs, etc.) La question de l'identité ou de la similitude avec une marque déposée antérieurement ne relève plus de l'examen d'office.

Le texte E 8201 propose une baisse des taxes d'enregistrement s'appuyant sur une révision du système de dépôt des marques nationales et européennes par classe de produits ou de services. Il s'agit de remplacer le système actuel (qui prévoit le paiement d'une taxe unique permettant de protéger une marque dans trois classes de produits) par un système de taxe « mono classe », répondant davantage aux besoins réels des entreprises (notamment les PME).

Par ailleurs, sont prévues des obligations, pour les États, de créer des procédures administratives d'opposition, de déchéance et de nullité, qui seraient engagées devant l'office. Une procédure administrative est en effet plus rapide et moins coûteuse qu'une procédure judiciaire. Enfin, en cas de procédure d'opposition ou de nullité, le défendeur doit pouvoir invoquer le non-usage d'une marque antérieure, si la marque en question a été enregistrée depuis au moins 5 ans.

La modernisation de la législation de manière à renforcer la sécurité juridique.

Pour permettre plus de souplesse dans le dépôt des marques, les textes E 8200 et E 8201 modifient la définition de la marque en supprimant l'exigence de « représentation graphique ». Par ailleurs, les motifs absolus de refus d'enregistrement d'une marque européenne sont alignés sur les règles en vigueur dans le cadre de la protection des indications géographiques et des mentions traditionnelles.

Les deux textes alignent certains des droits que confèrent la marque européenne et les marques nationales. Il sera explicitement inscrit dans les textes que les actions en contrefaçon sont sans préjudice des droits antérieurs, le titulaire d'une marque ne pouvant pas se prévaloir de son droit pour faire obstacle à l'usage d'un signe identique ou similaire déposé antérieurement. Par ailleurs, le titulaire d'une marque ne pourra s'opposer à l'usage, dans la vie des affaires ou en tant que nom commercial, d'un signe identique ou similaire se rapportant à des produits identiques ou similaires, que si cet usage crée un risque de confusion, dans l'esprit du public, sur l'origine des produits. Enfin, la législation sur la publicité comparative est intégrée. Le titulaire d'une marque pourra s'opposer à l'usage de celle-ci dans une publicité ne respectant pas les exigences de la directive relative à la publicité comparative.

Les limitations des effets de la marque européenne et des marques nationales sont revues et alignées. Et pour plus de sécurité juridique, les conditions dans lesquelles l'usage d'une marque n'est pas considéré comme conforme aux usages honnêtes des entreprises sont précisées.

Les marques de certification sont protégées dans certains systèmes nationaux, mais ne trouvent pas de protection similaire dans le système de la marque européenne. Le texte E 8200 vient remédier à ce déséquilibre.

Enfin, le texte E 8201 harmonise davantage le droit matériel des États membres et aligne certaines dispositions sur le règlement relatif à la marque européenne. D'une part, le texte veille à ce que les marques nationales qui jouissent d'une renommée bénéficient d'une protection similaire dans l'ensemble de l'Union. S'agissant de la marque en tant qu'objet de propriété et de la marque collective, la directive s'aligne sur le régime de la marque européenne.

Renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Les textes E 8200 et E 8201 cherchent à renforcer la lutte contre la contrefaçon en permettant aux titulaires de droits d'empêcher le transit sur le territoire douanier de l'Union de produits provenant de pays tiers et portant sans autorisation une marque pratiquement identique à la marque déjà enregistrée pour ces produits. Il s'agit ainsi de mieux contrôler le flux de marchandises contrefaites passant par le territoire de l'Union européenne sans y être commercialisées. La Commission prend donc le contrepied de l'arrêt Nokia-Philips qui avait interdit la retenue des contrefaçons en transit sur le territoire de l'Union, destinées à des pays tiers, et qui a eu pour effet d'entraver la capacité d'action des douanes à l'échelle européenne.

Le titulaire d'une marque devrait également pouvoir s'opposer à l'importation sur le territoire de l'Union de produits de contrefaçon, notamment dans le cadre des ventes sur internet, même si seul l'expéditeur agit à des fins commerciales.

Renforcer la coopération entre les offices nationaux et l'OHMI.

Les textes E 8200 et E 8201 posent le cadre de la coopération obligatoire entre l'OHMI et les offices des États membres, en précisant les domaines de coopération et les projets communs présentant un intérêt pour l'Union. L'OHMI aura pour rôle d'animer et de financer (au moyen de subventions) cette coopération.

*

Le Gouvernement est dans l'ensemble favorable aux propositions de la Commission, considérant qu'elles constituent une amélioration substantielle de la législation européenne sur le droit des marques. Il soutient notamment le renforcement de la lutte contre la contrefaçon et l'alignement de certaines dispositions du système des marques nationales sur le système de la marque européenne.

Le Gouvernement a toutefois émis une réserve générale sur les actes délégués prévus dans la proposition de règlement. S'agissant de l'OHMI, elle n'est pas favorable à l'alignement de la gouvernance de l'office sur l'approche commune relative aux agences décentralisées. En effet, elle estime que la particularité de l'OHMI (agence autofinancée qui a prouvé son efficacité) devrait être prise en compte. Enfin, si le Gouvernement est favorable à la coopération entre les offices, il considère que cela devrait se faire sur la base du volontariat et non pas sur une base obligatoire comme le prévoit la proposition. Ces trois derniers points font l'objet d'un consensus au sein des États membres.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ces textes qui ont pour objet d'améliorer le système européen de protection des marques.