COM(2021) 563 final  du 14/07/2021

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Publiée le 14 juillet 2021, la proposition de directive du Conseil restructurant le cadre de l'Union de taxation des produits énergétiques et de l'électricité porte une refonte totale de cette taxation, dans le cadre  du « pacte vert pour l'Europe » qui détermine la nouvelle politique climatique et énergétique de l'Union européenne et du paquet législatif « Ajustement à l'objectif 55 (Fit for 55) ».

Cette politique fixe des objectifs ambitieux et contraignants, au premier rang desquels la réduction des émissions de dioxyde de carbone de 55 % d'ici à 2030 (par rapport à 1990) et la neutralité carbone à l'horizon 2050.

La fiscalité est l'un des puissants moyens incitatifs que la Commission souhaite mettre en oeuvre pour atteindre ces objectifs. Or le régime de taxation des produits énergétiques présente la spécificité d'être harmonisé au niveau européen, essentiellement par la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, également dénommée directive sur la taxation de l'énergie ou DTE.

La DTE a fait l'objet d'une évaluation en 2019. Celle-ci a mis en évidence le caractère obsolète de ce cadre légal par rapport aux objectifs en matière de climat, d'efficacité énergétique, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi à l'égard du fonctionnement du marché intérieur de l'énergie. En conséquence, le Conseil a adopté, le 29 novembre 2019, des conclusions (14608/19, FISC458) invitant la Commission à réviser cette directive. En effet, il est avéré que la DTE, en ne tenant pas compte de la teneur énergétique des produits auxquels elle s'applique (carburants et énergie) favorise de facto le recours aux combustibles fossiles. En outre, la DTE tend à fausser la concurrence et à fragmenter à l'excès le marché de l'énergie. Enfin, les taux minimaux de taxation n'ont pas été harmonisés depuis 2003.

La révision proposée est donc nécessaire, pour aligner la taxation des produits énergétiques et de l'électricité sur les politiques de l'Union en matière d'énergie, d'environnement et de climat. Elle doit aussi améliorer le fonctionnement du marché intérieur dans ces domaines, en rationalisant le recours aux exonérations et réductions fiscales, tout en préservant la capacité des États membres à générer des recettes importantes pour leurs budgets.

En effet, la DTE fixe les niveaux minima de taxation et, sous certaines conditions, les exonérations ou les taux de taxation différenciée qui s'appliquent.

En France, par exemple, il existe principalement trois types d'accises sur l'énergie :

· la TICFE (Taxe intérieure de consommation finale sur l'électricité), également dénommée CSPE (Contribution au service public de l'électricité) ;

· la TICGN (Taxe Intérieure de Consommation sur le Gaz Naturel) ;

· la TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques).

La vente d'électricité, de gaz naturel et de produits pétroliers est par ailleurs soumise à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) conformément à la directive 2006/112/CE.

Il existe en outre deux taxes ' locales sur la consommation finale d'électricité (TLCFE) qui s'appliquent aux sites dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 250 kVA :

· la taxe départementale sur la consommation finale d'électricité (TDCFE) prévue à ' l'article L. 3333-2 du code général des collectivités territoriales ;

· la taxe communale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE) prévue à ' l'article L. 2333-2 du code général des collectivités territoriales.

En 2019, les recettes de TICPE se sont élevées à 33,2 milliards d'euros environ. La TICPE est la quatrième recette fiscale de l'État derrière la TVA, les impôts sur le revenu et sur les sociétés.

Plusieurs secteurs d'activité économique bénéficient de réductions ou d'exonérations de TICPE, notamment :

· les transporteurs routiers et les exploitants de transport public (article 265 septies et octies du code des douanes) ;

· les exploitants de taxis (article 265 sexies du code des douanes) ;

· les exploitants agricoles  (article 32 de la loi n°2013-1278) ;

· le transport fluvial hors plaisance privée (article 265 bis du code des douanes)  depuis la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ;

· le transport aérien (article 265 bis du code des douanes) ;

· la navigation maritime et la pêche;

· Les activités des entreprises grandes consommatrices d'énergie au sens de la DTE (article 265 nonies du code des douanes).

Cet édifice ne sera pas déconstruit, mais réagencé par l'application de la proposition de directive soumise à l'examen du Sénat. Son impact sur ces dispositifs n'est à ce jour pas encore évalué. Mais il sera non nul, puisque la refonte des outils fiscaux opérée par ce texte changera les modalités de calcul des accises, qui seront fondées non plus sur le volume des produits, mais sur l'efficacité énergétique de ceux-ci.

En effet, on passe d'une accise fixe, en fonction de la quantité de produits, exprimée en Megawattheures, en hectolitres ou en poids, à une taxation variable selon les critères suivants : origine renouvelable ou non du produit ; contenu énergétique du produit ; actualisation annuelle en proportion de l'évolution des prix à la consommation publiée par Eurostat.

Au traitement fiscal actuellement indifférencié dans la législation européenne de l'électricité verte, succédera une exonération totale ou partielle, à la discrétion des États membres, dans le respect du principe de subsidiarité.

Quant à l'exemption sous conditions, dans le cadre de la DTE, du kérosène et des carburants maritimes, elle fera place à une taxation progressive de ces produits, qui ont fait l'objet d'accords globaux de l'Union européenne avec des pays tiers, mais aussi d'accords bilatéraux de ceux-ci avec des États membres.

Toutes ces dispositions, qui peuvent avoir un impact sur l'évolution des tarifs et des prix peuvent poser des problèmes de fond qui méritent sans doute un débat et un examen approfondi. Mais elles sont conformes à la poursuite des objectifs ambitieux et contraignants fixés par le pacte vert et le paquet énergie-climat qui en découle.

Du point de vue du respect du principe de subsidiarité, le Traité sur le Fonctionnement de l'UE (TFUE), en vertu de l'article 113, prévoit spécifiquement l'adoption par le Conseil, statuant à l'unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social, de dispositions touchant à l'harmonisation des législations des États membres en matière de fiscalité indirecte notamment les accises, dans la mesure où les impôts indirects peuvent constituer un obstacle immédiat à la libre circulation des marchandises et à la libre prestation de services dans le marché intérieur et entraîner des distorsions de concurrence. Un grand nombre de directives et de règlements ont déjà été approuvés dans ce domaine sur le fondement de cet article. La stratégie législative de la Commission est donc ici clairement définie et justifiée.

De plus, l' article 194 du Traité de Lisbonne a institutionnalisé les compétences de l'UE en matière énergétique :

« Dans le cadre de l'établissement ou du fonctionnement du marché intérieur et en tenant compte de l'exigence de préserver et d'améliorer l'environnement, la politique de l'Union dans le domaine de l'énergie vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres :

· à assurer le fonctionnement du marché de l'énergie ;

· à assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique dans l'Union ;

· à promouvoir l'efficacité énergétique et les économies d'énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables ;

· et à promouvoir l'interconnexion des réseaux énergétiques."

Le contenu de cette proposition de directive est pleinement conforme à cette mission communautaire visant à assurer le bon fonctionnement du marché de l'énergie, dans la lignée des sources mêmes des communautés européennes, historiquement constituées autour de l'avènement d'un marché commun de l'énergie et des matières premières.

C'est pourquoi, sans préjudice d'un débat et d'un examen de l'impact que pourrait entraîner l'application des mesures fiscales qu'il contient, ce texte peut être jugé conforme au principe de subsidiarité.

Le groupe de travail sur la subsidiarité a donc décidé de ne pas intervenir sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 15/09/2021

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : Proposition de résolution européenne sur le paquet "ajustement à l'objectif 55" (2021-2022) : voir le dossier legislatif