COM (2021) 762 final  du 09/12/2021

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Cette proposition de directive s'inscrit, dans un paquet de mesures publiées par la Commission européenne le 9 décembre 2021, visant à améliorer les conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme et à promouvoir une croissance durable de ces plateformes dans l'Union européenne.

Cette directive s'accompagne d'une communication exposant l'approche de l'UE et ses mesures en matière de travail via une plateforme, et d'un projet de lignes directrices précisant l'application du droit de la concurrence de l'UE aux conventions collectives des travailleurs indépendants sans salariés qui cherchent à améliorer leurs conditions de travail.

Actuellement, la Commission recense 28 millions de travailleurs de plateforme, et estime qu'ils seront 43 millions en 2025. Près de 800 plateformes sont aujourd'hui actives dans l'Union européenne, principalement dans le secteur de la livraison (50 %).

Les principaux objectifs de la proposition de directive sont les suivants :

v Qualifier correctement le statut professionnel des travailleurs de plateforme en posant le principe d'une présomption réfragable de salariat (chapitre II de la directive).

Cette proposition de directive vise, en effet, à garantir que les personnes exécutant un travail via une plateforme de travail numérique se voient accorder le statut professionnel juridique correspondant à leurs modalités de travail réelles. Elle fournit une liste de critères1(*) de contrôle permettant de déterminer si la plateforme est un «employeur». Si la plateforme remplit au moins deux de ces critères, elle est juridiquement présumée être un employeur. Les personnes qui exercent leur activité par son intermédiaire peuvent alors jouir des droits sociaux et des droits du travail qui découlent du statut de «travailleur salarié».

Ce texte prévoit également la possibilité de renverser cette présomption de salariat, c'est-à-dire de prouver que la relation contractuelle en question n'est de fait pas une «relation de travail» au sens de la définition en vigueur dans l'État membre concerné. La charge de la preuve en ce qui concerne l'absence de relation de travail incombera à la plateforme de travail numérique.

v Accroitre la transparence, les droits et la responsabilité concernant la gestion algorithmique (chapitre III de la directive)

La directive renforce la transparence dans l'utilisation des algorithmes par les plateformes de travail numériques, garantit un suivi humain du respect des conditions de travail et crée le droit de contester des décisions automatisées. Ces nouveaux droits seront accordés tant aux travailleurs salariés qu'aux travailleurs véritablement indépendants.

v Améliorer le respect de la réglementation et la traçabilité du travail via une plateforme, y compris dans les situations transfrontières (chapitre IV de la directive)

La Commission prévoit, dans cette proposition de directive, de demander aux plateformes de déclarer le travail dans le pays où il est effectué et de fournir aux autorités nationales certaines informations sur leurs conditions générales et sur les personnes qui travaillent par leur intermédiaire.

v Renforcer la négociation collective et le dialogue social (chapitres III et V de la directive)

La directive proposée introduit la nécessité d'informer et de consulter les travailleurs des plateformes et leurs représentants sur les décisions de gestion algorithmique. Elle demande aux plateformes de travail numériques de faciliter la mise en place de canaux de communication permettant aux personnes qui travaillent par leur intermédiaire de s'organiser et d'être contactées par les représentants des travailleurs.

S'agissant de la conformité de cette proposition au titre de la subsidiarité, plusieurs observations peuvent être faites :

- La directive proposée est fondée sur l'article 153, paragraphe 1, point b), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui autorise l'Union à soutenir et à compléter l'action des États membres dans le but d'améliorer les conditions de travail. Elle est également fondée sur l'article 16, paragraphe 2, du TFUE en cela qu'elle traite de la situation des personnes exécutant un travail via une plateforme au regard de la protection des données à caractère personnel traitées par des systèmes de surveillance et de prise de décision automatisés. La base juridique semble donc conforme au contenu du texte proposé.

- Les activités des plateformes sont, par nature, transationales, mais les réponses apportées par les États membres - bien qu'opérant sur un marché unique - divergent. Selon la Commission européenne, plus de 100 décisions de justice et 15 décisions administratives relatives au statut professionnel de personnes travaillant par l'intermédiaire de plateformes ont été recensées au sein des États membres. Or, cette hétérogénéité des réponses des États membres est source d'insécurité juridique mais également un obstacle au maintien de conditions de concurrence équitables entre les États membres ainsi qu'entre les plateformes de travail numériques.

- Dans ces conditions, un cadre juridique européen - posant des règles communes applicables à toutes les plateformes de travail numériques opérant dans l'Union - semble à même de clarifier et stabiliser le fonctionnement de ce secteur.

Concernant la conformité de cette proposition de directive au regard du principe de proportionnalité, il peut être relevé que :

- La directive proposée prévoit des normes minimales, de sorte que le degré d'intervention de l'UE sera maintenu au niveau strictement nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis. Les États membres qui disposent déjà de dispositions plus favorables que celles qui figurent dans la directive proposée ne devront ni les modifier ni les abaisser.

- Le texte renvoie également aux définitions nationales des relations d'emploi : bien que la directive fixe des critères pour déterminer le statut professionnel des travailleurs de plateforme (article 4), elle prévoit que la possibilité de renverser la présomption de salariat, se fait au « sens du droit, des conventions collectives ou de la pratique en vigueur dans l'État membre en question ». (article 5)

Le groupe de travail sur la subsidiarité a donc décidé de ne pas intervenir sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Ces critères, fixés à l'article 4)point 2, sont les suivants : « a) déterminer effectivement le niveau de rémunération, ou en fixer les plafonds; b) exiger de la personne exécutant un travail via une plateforme qu'elle respecte des règles impératives spécifiques en matière d'apparence, de conduite à l'égard du destinataire du service ou d'exécution du travail; c) superviser l'exécution du travail ou vérifier la qualité des résultats du travail, notamment par voie électronique; d) limiter effectivement, notamment au moyen de sanctions, la liberté de la personne exécutant un travail via une plateforme d'organiser son travail, en particulier sa liberté de choisir son horaire de travail ou ses périodes d'absence, d'accepter ou de refuser des tâches ou de faire appel à des sous-traitants ou à des remplaçants; e) limiter effectivement la possibilité de la personne exécutant un travail via une plateforme de se constituer une clientèle ou d'exécuter un travail pour un tiers ».


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 21/12/2021
Examen : 05/10/2022 (commission des affaires européennes)

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : Proposition de résolution européenne relative à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme (2022-2023) : voir le dossier legislatif