COM(2022) 109 FINAL  du 08/03/2022

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


v Proposition de règlement concernant l'action pour les réfugiés en Europe (CARE) - COM(2022) 109 final

La proposition « Action de cohésion pour les réfugiés en Europe », adoptée par la Commission européenne, le 8 mars 2022, prévoit des modifications « exceptionnelles et ciblées » du cadre juridique mis en place pour les fonds structurels et d'investissement européens, ainsi que pour le Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD)1(*), afin, d'une part, de répondre aux conséquences des flux migratoires provoqués par la guerre en Ukraine et, d'autre part, de prendre en compte les incidences prolongées de la pandémie de Covid-19 sur l'Union européenne.

En effet, les difficultés économiques engendrées par la crise du coronavirus, lesquelles frappent très durement les populations les plus modestes, ont fait apparaître de « nouveaux pauvres » dans les États membres.

En l'état du droit, ces derniers, ainsi que leurs régions, peuvent déjà faire appel au Fonds européen de développement régional (FEDER)2(*) et au Fonds social européen (FSE)3(*), pour investir dans des infrastructures d'accueil et des équipements ou garantir l'accès à certains services (soins, éducation, emploi...) des personnes victimes de l'agression russe venues se réfugier dans l'Union européenne.

En complément, le FEAD (doté de 3,8 milliards d'euros pour la période 2014-2020 et désormais intégré au « FSE + »4(*)) peut être utilisé pour fournir de la nourriture et une assistance matérielle de base. Ainsi, en France, quatre grandes associations bénéficient de son soutien (La Croix Rouge, la Fédération française des banques alimentaires, les Restos du Coeur et le Secours populaire) et le budget alloué à l'aide aux plus démunis issu des fonds européens a nettement augmenté pour la période 2021-2027, pour prendre en compte les besoins provoqués par la crise du Covid-19 (869 millions d'euros, contre 583 millions entre 2014 et 2020). La Commission européenne a modifié le règlement FEAD en avril 2020 par le biais du paquet de mesures dites « initiatives d'investissement + en réaction au coronavirus » (CRII+). La mise en oeuvre du FEAD, qui en principe, nécessite un cofinancement des États membres à hauteur de 15%, a ainsi pu bénéficier d'un financement à 100% par l'Union européenne. De plus, les règles de distribution de l'aide alimentaire et de l'assistance matérielle ont été assouplies.

Enfin, ces fonds peuvent bénéficier des ressources supplémentaires mises à disposition par « l'assistance à la reprise en faveur de la cohésion et des territoires de l'Europe » (REACT-EU) (soit 47,5 milliards d'euros issus du plan de relance européen).

La présente proposition de règlement prévoit, à titre exceptionnel et temporaire, d'assouplir et de conforter ces dispositifs par trois leviers :

- la réforme tend tout d'abord à faire bénéficier les États membres d'un taux de cofinancement européen de 100% pour la mise en oeuvre de programmes relevant de la politique de cohésion et de programmes soutenus par le FEAD, lors de l'exercice comptable 2021-2022. En conséquence, la proposition adapte les modalités d'exécution budgétaire des paiements supplémentaires résultant de l'application du taux de financement de 100%, afin de tenir compte des plafonds annuels de paiements. La Commission européenne a estimé l'impact budgétaire de ce taux de cofinancement sur les besoins de paiement à une augmentation maximale de 10 milliards d'euros ;

-la proposition de règlement introduit également une souplesse spécifique entre le FEDER et le FSE pour les opérations en faveur des personnes arrivées dans l'Union européenne en raison de l'agression russe en Ukraine afin que ces fonds puissent être mobilisés rapidement. Elle prévoit aussi une éligibilité rétroactive à partir du 24 février 2022, date du début de l'attaque russe ;

-enfin, le dispositif prévu donne une plus grande flexibilité aux États membres de modifier les programmes soutenus par le FEAD, par voie d'une simple communication à la Commission européenne, et en permettant, là encore, une éligibilité rétroactive à partir du début de l'agression russe, soit le 24 février 2022.

Au regard du principe de subsidiarité, la proposition est fondée sur des bases juridiques pertinentes, à savoir l'article 175, paragraphe 3, et l'article 177 du TFUE, qui permettent au Parlement européen et au Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, d'arrêter « les actions spécifiques » de cohésion qui « s'avèrent nécessaires en dehors des fonds » et de définir « les missions, les objectifs et les fonds à finalité structurelle. »

Elle vise à faciliter l'utilisation des fonds structurels européens par les États membres afin de leur permettre de faire face efficacement au double défi d'une précarisation au long cours d'une partie de la population en raison de la pandémie et d'une crise migratoire et humanitaire inédite. Elle apporte donc une valeur ajoutée aux dispositifs existants et représente une source d'efficacité accrue de la réponse européenne aux crises précitées.

Elle est enfin proportionnée aux objectifs poursuivis, n'imposant ni contrôle accru des institutions européennes ni substitution de ces dernières aux États membres, mais prévoyant au contraire des démarches simplifiées pour ces derniers.

Le groupe de travail sur la subsidiarité a donc décidé de ne pas intervenir sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Institué en 2014, en remplacement du programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD), le FEAD est un instrument de lutte contre la précarité dans la population des États membres de l'Union européenne. Concrètement, il offre un soutien financier et matériel aux associations qui luttent contre la pauvreté. En pratique, les États concernés avancent les montants et sont remboursés par le FEAD.

* 2 Le FEDER propose des cofinancements européens (d'un montant allant de 60% à 85% en fonction du PIB/habitant de la région concernée) pour des projets de développement locaux ainsi que pour des initiatives visant à réduire les inégalités territoriales (économiques, numériques, environnementales...) dans l'Union européenne. Sur la période 2021-2027, comme sur la période 2014-2020, son montant global est de 200 milliards d'euros.

* 3 Doté de 84 milliards d'euros pour la période 2014-2020, le FSE soutient les initiatives des États membres en faveur de l'éducation et de l'emploi. Il devient le « FSE+ » pour la période 2021-2027 (voir note 4).

* 4 Doté de 88 milliards d'euros pour la période 2021-2027, le « FSE + » comprend l'ancien FSE et l'ancien FEAD, ainsi que l'initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ) et le programme pour l'emploi et l'innovation sociale.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 15/03/2022


La commission des affaires européennes n'est pas intervenue sur ce texte.