Mardi 31 janvier 2006

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Nomination de rapporteurs

La commission a procédé à la désignation du rapporteur chargé de la proposition de loi n° 177 (2005-2006) relative au fonctionnement du syndicat des transports en Ile-de-France.

M. Philippe Dominati a été nommé rapporteur sur ce texte.

La commission a ensuite procédé à la désignation du rapporteur chargé de la proposition de loi n° 181 (2005-2006) relative aux obtentions végétales.

M. Jean Bizet a été nommé rapporteur sur ce texte.

Affaires européennes - Agriculture - Audition de Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européen à l'agriculture et au développement rural

La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européen à l'agriculture et au développement rural.

Après lui avoir souhaité la bienvenue au Sénat, M. Jean-Paul Emorine, président, lui a brièvement présenté l'organisation et l'activité de la commission des affaires économiques et du plan, soulignant que ses compétences étaient extrêmement diverses. Puis il a rapidement décrit l'agriculture française, indiquant qu'elle occupait 55 millions d'hectares sur les 80 que compte le territoire national, dont 2/3 de terres arables et 1/3 de terres enherbées consacrées à l'élevage. Ajoutant que la superficie boisée, recouvrant 15 millions d'hectares actuellement, était en progression constante depuis plusieurs années, il a rappelé que la France se situait parmi les premiers producteurs agricoles mondiaux dans de nombreuses filières. Invitant le commissaire européen à évoquer la politique agricole commune (PAC) et l'organisation mondiale du commerce (OMC), il s'est félicité de ce que le président de la République, Jacques Chirac, et le chancelier allemand, Gerhard Schröder, aient sécurisé les perspectives financières de la PAC jusqu'en 2013.

Remerciant le président de l'avoir invitée à s'exprimer devant la commission, Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européen à l'agriculture et au développement rural, a rapporté avoir été confrontée, au cours de sa première année d'exercice en tant que commissaire européen, à des changements rapides dans le secteur agricole. Voyant dans la mise en oeuvre des dernières réformes de la PAC l'enjeu principal de l'année 2006, elle en a en estimé les principes et les modalités, à la fois justifiés et équilibrés, car assurant concurremment la sécurisation financière des agriculteurs, l'orientation vers les marchés et le respect de l'environnement. Observant que le succès de ces réformes dépendrait de leur mise en oeuvre sur le terrain, elle a jugé substantiel le travail fourni en ce domaine par les Etats membres, soulignant que la Commission se mettrait au besoin à leur entière disposition.

Décrivant l'organisation commune de marché (OCM) « sucre » comme soumise à des intérêts substantiels et parfois contradictoires, elle a convenu que la réforme qu'elle en avait proposée n'était en rien consensuelle, la justifiant cependant par la nécessité d'agir dans un contexte économique où les cours européens étaient trois fois supérieurs aux cours mondiaux et s'agissant d'une OCM datant des années 60. Elle a rappelé que le compromis du mois de novembre consistait en une baisse des prix de l'ordre de 36 %, compensée à hauteur de 64 % du prix final par un système de paiement découplé à l'agriculteur, et complétée par un dispositif de restructuration volontaire quadriennal incitant les exploitants à cesser leur activité. Elle a estimé que la réforme de l'OCM « sucre », du fait qu'elle était alignée sur la réforme de la PAC, offrait une plus grande sécurité juridique et permettrait d'augmenter la compétitivité européenne et d'améliorer l'orientation des marchés tout en préservant leur équilibre durable, au regard notamment de nos engagements internationaux dans le cadre de l'OMC. Elle a fait état des interrogations quant à la surproduction de sucre durant les premières années de la réforme afin d'en amoindrir l'impact, indiquant qu'elle ferait prochainement au Conseil une proposition concernant les quotas de l'OCM.

Abordant ensuite le secteur des fruits et légumes, elle a indiqué que la Commission étudiait différentes options qui donneraient lieu à évaluation au milieu de l'année et à des propositions à la fin de celle-ci. Rapportant le constat réalisé par la présidence néerlandaise de l'Union européenne en 2004 quant à l'existence d'instruments d'intervention, certes bien conçus, mais insuffisamment efficaces, elle a appelé à plus de dynamisme en ce domaine. Faisant allusion aux difficultés rencontrées par la filière pomme en France cette année du fait d'une baisse massive des prix provoquée par une forte hausse des importations, elle s'est engagée à prendre les mesures pour qu'une telle situation ne se reproduise plus.

S'agissant du secteur du vin, elle s'est fixée des objectifs ambitieux, jugeant l'industrie viticole très compétente et produisant des produits de qualité, mais affectée par d'importants excédents et une réduction de ses parts de marché. Notant que l'augmentation des importations en provenance des nouveaux pays producteurs n'était pas compensée par un accroissement de la consommation, elle a préconisé la mise en oeuvre d'instruments permettant aux entreprises européennes d'accroître leur compétitivité.

S'interrogeant sur la capacité de l'Union européenne à financer l'ensemble de ces politiques sectorielles, elle s'est félicitée de ce qu'un compromis ait été trouvé au mois de décembre sur les perspectives financières pour la période 2007-20013. Estimant que l'absence d'accord aurait eu des conséquences extrêmement néfastes, du fait qu'il aurait alors fallu gérer des politiques de nature pluriannuelle au moyen de budgets annuels, elle a néanmoins présenté le compromis de décembre comme ne tenant pas compte intégralement des souhaits de la Commission, précisant que des négociations avec le Parlement européen étaient en cours. Indiquant que ses services travaillaient actuellement à une projection des conséquences de cet accord sur l'évolution de la PAC jusqu'en 2013, elle s'est réjouie de ce que les attaques portées sur le premier pilier aient pu être repoussées, estimant qu'un abaissement du plafond des dépenses aurait eu des conséquences très néfastes sur les agriculteurs alors qu'ils venaient de consentir d'importants efforts d'adaptation. Rappelant qu'il avait fallu tenir compte lors de la négociation de l'adhésion prochaine de la Bulgarie et de la Roumanie, elle a jugé néanmoins acceptable le compromis finalement trouvé.

S'interrogeant sur la façon dont serait appliquée la modulation volontaire et précisant qu'elle n'y était pas favorable, elle s'est désolée de ce que sa défense du développement rural n'ait pas été mieux entendue. Précisant que seulement 70 des 89 milliards d'euros proposés pour le deuxième pilier avaient été retenus, elle a souligné que ce manque d'ambition budgétaire impliquerait des sacrifices dans les politiques de développement rural. Faisant observer qu'il avait été décidé d'examiner à nouveau la structure d'ensemble du budget européen en 2008-2009, elle a appelé à faire preuve d'une grande prudence pour le secteur agricole et à laisser à la dernière réforme de la PAC suffisamment de temps pour produire ses effets et se consolider.

Evoquant ensuite les négociations au sein de l'OMC, elle s'est félicité de la collaboration étroite qu'elle avait entretenue lors du sommet de Hong-Kong tant avec les Etats membres que le Conseil des ministres de l'agriculture et le commissaire européen au commerce extérieur, M. Peter Mandelson. Convenant que les négociations avaient constitué un difficile exercice dont l'objectif était d'équilibrer gains et concessions, elle a insisté sur le fait que la suppression de l'ensemble des subventions à l'exportation qui avait été décidée pour 2013 impliquait le démantèlement de tous les mécanismes similaires, tels que l'aide alimentaire ou l'aide aux entreprises ayant cours aux Etats-Unis, et la détermination d'ici le mois d'avril des méthodes permettant d'y aboutir. Reconnaissant que le bilan final de l'Union européenne au terme des négociations pouvait paraître relativement faible, elle a nuancé cette appréciation en soulignant la pression intense dont l'Union avait été l'objet.

Indiquant qu'elle avait insisté, avec le soutien de M. Mandelson, lors du récent sommet de Davos, pour obtenir de réels progrès sur l'accès aux marchés non agricoles et sur les services et, plus globalement, des avancées dans l'ensemble des secteurs en discussion, elle a dit son attachement à défendre les indications géographiques, dont elle a estimé qu'elles permettaient d'augmenter le prix de vente des produits. Jugeant que les partenaires commerciaux de l'Union avaient compris que des avancées étaient désormais nécessaires, elle a présenté le calendrier comme particulièrement contraignant, un accord devant être trouvé d'ici la fin du mois d'avril pour l'accès aux marchés non agricoles et les produits agricoles, et d'ici à l'été pour les services, ajoutant que le Sénat américain aurait examiné d'ici là une nouvelle loi agricole. Craignant que le non respect de ce calendrier n'entraîne un allongement de deux à trois ans des négociations, elle a appelé à des concessions mutuelles et équilibrées de part et d'autre.

Disant bien comprendre la difficulté des négociations, M. Jean-Paul Emorine, président, a attiré l'attention de la commissaire sur la lourdeur et la complexité des contraintes administratives pesant sur les agriculteurs du fait de la mise en oeuvre de la dernière réforme de la PAC.

Insistant également sur la nécessité de simplifier l'environnement administratif des agriculteurs et d'améliorer sa lisibilité afin de sécuriser l'avenir des plus jeunes d'entre eux, M. Gérard César l'a interrogée sur la mise en oeuvre au niveau européen d'un soutien technique et financier aux Etats et exploitants victimes de la grippe aviaire, suite aux mises en garde ayant récemment émané du commissaire européen à la santé, M. Markos Kyprianou. Rappelant que l'OCM « vin » parviendrait à son terme à la fin de l'année, il a dit approuver la volonté de la commissaire de soutenir les viticulteurs, souhaitant que soit étendu à d'autres pays, notamment d'Amérique du Sud, le système de protection des appellations vinicoles. Considérant que la forêt était à l'origine d'une importante activité économique, il a préconisé le rattachement de ce secteur à celui de l'agriculture au sein de la Commission européenne, comme tel est le cas en France au niveau ministériel.

Estimant que la fonction de commissaire européen à l'agriculture était l'une des plus délicates du fait de l'hétérogénéité des situations à prendre en compte, M. Aymeri de Montesquiou a interrogé la commissaire sur sa conception générale de l'agriculture. Présentant cette dernière comme une activité de long terme éprouvant des difficultés à amortir les crises conjoncturelles, il s'est demandé si l'augmentation de la consommation serait proportionnelle à celle de la population, induisant un accroissement des importations en provenance de grands pays producteurs tel que la Chine ou l'Inde. Enfin, il a précisé que le secteur du vin faisait l'objet selon lui, non d'une diminution de la demande, mais d'une hausse de 5 à 6% chaque année.

Interrogeant à son tour la commissaire sur sa conception de l'agriculture, mais également sur ses relations avec M. Mandelson et la façon dont les intérêts agricoles européens étaient défendus auprès de l'OMC, M. Marcel Deneux a estimé que le Conseil des ministres de l'Union avait sanctuarisé le premier pilier de la PAC au détriment du second. Relayant les craintes que l'adhésion prochaine de la Bulgarie et de la Roumanie faisaient naître quant à l'évolution des aides européennes, il en a chiffré le coût à huit milliards d'euros. Désireux de savoir si le secteur des industries agricoles et alimentaires faisait partie du champ de compétences de la commissaire, il a attiré son attention sur le contraste Nord-Sud en ce domaine. Enfin, il l'a questionnée sur la façon dont elle appréhendait, en tant qu'ancienne ministre de l'agriculture danoise, le boycott des importations en provenance de son pays par certains pays arabes.

Indiquant qu'elle avait choisi le portefeuille de l'agriculture justement parce qu'il était l'un des plus difficiles et qu'elle n'en désirait pas d'autre, Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européen à l'agriculture et au développement rural, a rapporté avoir discuté avec de très nombreux agriculteurs sur l'ensemble du territoire européen à propos des formalités administratives auxquelles ils se trouvaient soumis. Estimant que le fait de réaliser de très importantes dépenses publiques impliquait de s'assurer de leur bonne utilisation, elle a dit s'interroger sur les moyens d'en simplifier les procédures, tout en continuant de rendre des comptes à la Cour des comptes européenne. Faisant remarquer que les Etats membres contribuaient parfois à la complication des mesures, et non à leur simplification, elle a indiqué qu'elle cherchait à proposer une unique OCM pour en simplifier la gestion.

Reconnaissant avoir récemment découvert les problématiques liées au secteur du vin, elle a annoncé avoir organisé un séminaire y ayant trait le 16 février à Bruxelles afin d'étudier les moyens qui permettraient d'en améliorer la qualité et d'accroître la compétitivité des exploitants. Reconnaissant disposer de financements importants pour ce secteur et assurant qu'elle était prête à prendre les mesures requises pour le dynamiser, elle a indiqué avoir rencontré la veille le ministre en charge de l'agriculture, M. Dominique Bussereau, ajoutant qu'il avait annoncé qu'il présenterait une demande sur la distillation du vin de table.

Jugeant que le commissaire européen à la santé s'était légitimement montré alarmiste au regard des objectifs de santé public qu'il avait à défendre et convenant que la baisse des prix dans le secteur avicole du fait de l'épidémie de grippe aviaire était inquiétante, elle a indiqué que la Commission avait déjà diminué les restitutions à l'exportation et qu'elle délibérait sur la mise en oeuvre de campagnes d'information et de promotion tendant à expliquer aux consommateurs qu'il n'y avait aucun risque à consommer des volailles suffisamment cuisinées. Elle ajouté que si la situation devenait catastrophique au niveau européen, l'Union disposait des mesures pour prendre en charge le coût d'abattage des volailles et indemniser les aviculteurs.

Considérant la protection des appellations géographiques comme une priorité dans les négociations au sein de l'OMC, elle a souhaité qu'en soit élargie la liste aux produits agricoles non viticoles.

Souhaitant le maintien d'une agriculture diversifiée comprenant notamment des exploitations familiales, elle a insisté à cet égard sur l'importance de l'axe « gestion des terres agricoles », dont elle a recommandé le développement afin de maintenir une activité dans les territoires les plus reculés. Citant l'exemple du Brésil, dont elle a relevé qu'il investissait abondamment dans les infrastructures de transport permettant aux producteurs de soja de transférer leur marchandise vers les principaux points d'exportation, elle a reconnu que l'Union européenne ne parviendrait jamais à concurrencer de tels pays pour ce qui est de la production en vrac. Estimant néanmoins possible, en se concentrant sur des secteurs de niche et en utilisant des méthodes respectueuses du bien-être animal et de l'environnement, de réaliser des productions à plus forte valeur ajoutée et de les exporter substantiellement, elle a encouragé le développement de la filière biocarburants, notamment bioéthanol, l'estimant compétitive avec un baril de pétrole à 70 dollars. Elle a également annoncé une communication sur le développement des biocombustibles dans le cadre d'une prochaine réunion de la Commission.

Concernant les évolutions de la PAC après 2013, dont elle a souligné qu'il s'agissait d'un sujet de discussion permanent, elle a indiqué avoir prévu, durant la présidence allemande en 2007, un colloque sur ce thème regroupant de jeunes agriculteurs et de jeunes consommateurs, source d'intéressantes analyses.

Déclarant qu'elle entretenait des relations étroites et constantes avec M. Mandelson, elle a précisé qu'ils s'accordaient sur la stratégie de l'Union européenne préalablement à toute négociation internationale.

Confirmant que l'élargissement de l'Union européenne à la Bulgarie et à la Roumanie représentait huit milliards d'euros et entraînerait une diminution des paiements directs de 6,7 % en 2013, dans des proportions variables selon la date d'adhésion, elle s'est félicitée, pour finir, du soutien de nombreux Etats européens suite au boycott du Danemark par plusieurs pays arabes.

Revenant tout d'abord sur le volet agricole des négociations de l'OMC, qui concerne principalement les Etats-Unis, l'Union européenne et les pays membres du groupe de Cairns, M. Paul Girod a demandé, d'une part, quelle confiance il convenait d'accorder aux engagements pris à Hong-Kong par le négociateur américain dès lors que les membres du Congrès ne se considéreront pas liés par ceux-ci quand ils procéderont à la réforme du Farm bill en 2007 et, d'autre part, en quoi l'éventuel accord sur l'accès aux marchés non agricoles et sur les services susceptible d'être obtenu en avril prochain à la réunion de Genève conditionnait la mise en oeuvre de l'accord de Hong-Kong sur l'agriculture. Il a ensuite fait part de son inquiétude quant à la mise en oeuvre dès la campagne 2006 des cultures de substitution à la betterave sucrière visant à permettre aux producteurs de faire face à la réforme de l'OCM « sucre » récemment adoptée. Enfin, il a pris l'exemple du mécanisme du découplage pour déplorer que la France ajoute systématiquement des normes nationales à la réglementation européenne, au risque de décourager les agriculteurs.

Mme Patricia Schillinger, exprimant sa vive inquiétude quant au réchauffement planétaire qui pourrait conduire, d'ici à trente ans, à la transformation complète du climat et, par conséquent, des cultures exploitées en métropole, notamment dans sa région d'origine, l'Alsace, a demandé quelles mesures étaient envisagées au niveau communautaire pour lutter contre cette perspective.

Regrettant que le secteur des fruits et légumes soit insuffisamment pris en compte par la PAC alors qu'il contribue fortement à l'aménagement du territoire, M. Daniel Soulage, après avoir estimé que les mesures économiques et sociales spécifiques adoptées, à l'initiative du président Jean-Paul Emorine et de M. Gérard César, dans la loi sur le développement des territoires ruraux et dans la loi d'orientation agricole, pour importantes et intéressantes qu'elles étaient, s'avéraient encore insuffisantes pour permettre à ce secteur de sortir de la grave crise qu'il subit, a souligné la nécessité pour les producteurs de disposer d'un véritable système de gestion des crises. Par ailleurs, il a souhaité connaître le sentiment de la commissaire sur le développement d'un dispositif d'assurance-récolte qui, à l'instar de celui qui existe en Espagne ou au Canada, serait très utile pour soutenir la production fruitière et maraîchère.

Confirmant les propos de son collègue, M. Christian Gaudin a en particulier évoqué les problèmes de commercialisation des pommes, les producteurs étant confrontés à une vive concurrence des pays de l'hémisphère Sud ainsi, manifestement, qu'à des problèmes de recueil statistique au plan européen qui auraient empêché le déclenchement des mesures de sauvegarde communautaires.

En réponse, Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européen à l'agriculture et au développement rural, a indiqué :

- que le système américain était effectivement singulier, puisque le négociateur des Etats-Unis à l'OMC ne pouvait guère s'engager sur des mesures législatives relevant exclusivement du Congrès. Elle a souligné que les aspects de communication en politique intérieure jouaient un rôle aussi important que les intérêts réels concernant l'ouverture du marché communautaire, ajoutant qu'il faudrait veiller à ce que les agriculteurs américains n'échappent pas à la nécessité de modifier leurs habitudes de production et de commercialisation ;

- que certains Etats-membres, comme la France en effet, choisissaient de mettre en oeuvre la législation européenne dans le cadre de systèmes relativement complexes ;

- qu'il était étonnant de trouver dans le même groupe d'acteurs des pays aux intérêts aussi différents que l'Inde, qui défend une agriculture de subsistance fondée sur un nombre très important de petits producteurs, et le Brésil, qui promeut au contraire un modèle industriel d'agriculture extensive sur d'immenses domaines ;

- qu'elle avait apprécié le net soutien de la France lors de la réforme de l'OCM « sucre », qui avait permis d'aboutir à des résultats favorables, et qu'elle espérait que les modalités seraient définitivement fixées avant la fin du mois de février afin que les producteurs de betteraves puissent engager leur prochaine campagne dans un cadre juridique sécurisé ;

- qu'il lui semblait, si diverses écoles s'opposaient encore quant aux effets du réchauffement climatique sur l'avenir de la planète, que l'agriculture, en tant que secteur producteur d'énergies renouvelables, était essentielle pour permettre à l'Union européen de satisfaire aux objectifs de Kyoto en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ;

- que les premières discussions au sein du Conseil sur la mise en oeuvre d'un système communautaire de gestion des crises n'avaient pas permis, pour le moment, de parvenir à un accord global ;

- que les producteurs de pommes, qui avaient en effet terriblement souffert en 2005 des importations en provenance de l'hémisphère Sud et de l'absence de mise en oeuvre de clauses de sauvegarde, faute pour la Commission d'avoir pu obtenir des Etats membres des statistiques fiables sur leurs importations, devraient bénéficier en 2006 d'un dispositif de licences d'importation destiné à mieux connaître l'état réel des flux.

Après avoir souligné l'importance de la production ovine pour entretenir les paysages et éviter le développement des friches, M. François Fortassin s'est déclaré inquiet de l'attitude des grandes firmes américaines qui, en matière d'OGM, ont accaparé les semences.

Exprimant son accord avec nombre des orientations présentées par la commissaire, mais aussi ses doutes sur l'effectivité de leur mise en oeuvre, Mme Odette Herviaux a souligné que sa région, la Bretagne, se trouvait au coeur des problématiques posées par la PAC et l'OMC en matière de réorientation de la production. S'agissant des fruits et légumes, elle a regretté que l'organisation des marchés ne soit pas considérée comme compatible avec la réglementation européenne. Par ailleurs, elle a souligné que la remise en cause de l'exportation des volailles congelées ou de la production laitière affaiblissait le développement du milieu rural en fragilisant les PME de l'industrie agro-alimentaire disséminées sur tout le territoire. A cet égard, elle s'est inquiétée, pour l'avenir de l'espace rural, de la diminution des crédits consacrés au deuxième pilier de la PAC.

Observant que, dans son département du Jura, plus d'un tiers des exploitations viables ne trouvaient pas de repreneur, M. Gérard Bailly s'est interrogé sur le discours mobilisateur à tenir et les mesures de soutien à mettre en oeuvre pour favoriser l'installation des jeunes agriculteurs et leur garantir un revenu et un mode de vie satisfaisants. Par ailleurs, il a estimé que la diminution des crédits européens en faveur du développement rural risquait d'accroître la surface des friches et de favoriser l'exode rural.

Faisant état de la réunion de l'Union interparlementaire (UIP) tenue en marge de la Conférence ministérielle de l'OMC à Hong-Kong, M. Michel Bécot a souligné la vivacité des critiques portées à l'encontre de l'Union européenne par nombre de délégations des pays les moins avancés et des pays émergents, et s'est étonné de l'absence de propos similaires concernant les Etats-Unis. Relevant la difficulté à faire reconnaître que la politique agricole communautaire était en réalité beaucoup plus vertueuse et respectueuse du développement des pays tiers que la politique américaine, et observant que les Etats-Unis n'étaient pas avares de leur soutien à des organisations non gouvernementales dont le lobbying était très actif auprès des pays en voie de développement, il a interrogé la commissaire sur les moyens dont dispose l'Union européenne pour mieux faire connaître les effets réels de la PAC. Par ailleurs, il l'a questionnée sur les importations de soja génétiquement modifié en provenance du Brésil.

Tout en appréciant la volonté de la commissaire de maintenir une agriculture familiale, M. Gérard Le Cam, estimant que les diverses mesures législatives récemment prise pour mieux encadrer les relations entre les producteurs agricoles et la grande distribution n'étaient guère efficaces, lui a demandé si l'Union européenne entendait réguler les marchés, notamment par la définition de prix planchers ou de coefficients multiplicateurs, pour diminuer la différence entre les prix à la production et les prix à la consommation, actuellement près de cinq fois supérieurs.

Enfin, M. Jean Paul Emorine, président, a souhaité connaître l'avis de la commissaire sur les perspectives d'avenir de l'agriculture européenne, l'alternative étant un développement fondé sur la qualité ou sur la quantité.

En réponse à cette dernière série d'intervenants, Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européen à l'agriculture et au développement rural, a estimé :

- que les productions OGM étant désormais définitivement présentes sur les marchés, il était à la fois nécessaire de réglementer l'étiquetage des produits et leur traçabilité tout en favorisant leur coexistence avec des productions non OGM. Elle a estimé totalement engagée la responsabilité des Etats-membres pour organiser la législation en la matière, déterminer la responsabilité des divers acteurs, notamment en cas de dissémination, et satisfaire aux demandes des consommateurs. A cet égard, elle a indiqué qu'une conférence sur le thème de la coexistence serait organisée, à son initiative, le 5 avril prochain ;

- que l'importance des grandes chaînes de distribution résultait du comportement des consommateurs, toujours à la recherche des prix les plus bas et désireux de consacrer la plus faible part possible de leur budget à l'alimentation (égale aujourd'hui à environ 9 %), et qu'une réponse possible pouvait consister en une sensibilisation des consommateurs à la qualité des produits ;

- que l'allocation d'aides d'Etat ne pouvait constituer une réponse pertinente et pérenne aux difficultés du secteur des fruits et légumes, au contraire des soutiens apportés à l'organisation des producteurs ;

- que les résultats du dernier sommet budgétaire de Bruxelles étaient effectivement décevants en ce qui concerne l'enveloppe de 70 milliards d'euros allouée au développement rural, alors que le second pilier de la PAC, indispensable pour éviter la mise en friches de certaines régions et favoriser le tourisme en milieu rural, était celui sur lequel se construirait l'avenir de l'agriculture européenne après 2013. Elle a néanmoins estimé qu'il ne pouvait en être autrement dès lors que les Etats membres refusaient de payer plus pour cette politique ;

- que le métier d'agriculteur devrait toujours enthousiasmer les jeunes à l'avenir, sous réserve qu'il soit exercé de manière différente qu'aujourd'hui, soit en se spécialisant sur des produits de qualité, soit en le combinant avec l'accueil de touristes ou le développement de l'artisanat ;

- que l'Union européenne avait effectivement été l'objet d'attaques permanentes avant et pendant la réunion de Hong-Kong, ce qui témoignait de son incapacité jusqu'à maintenant à faire valoir l'importance tant de la réforme de la PAC entreprise de manière autonome dès 2003, notamment en ce qui concernait le découplage, que de son offre du 28 octobre 2005, soulignant la nécessité d'accroître sa capacité de conviction, en particulier dans les discussions bilatérales ;

- qu'à l'avenir, l'agriculture européenne devrait se conformer à un modèle partagé entre des petites exploitations dont la survie serait conditionnée par le développement de la pluriactivité et de très grandes exploitations exclusivement consacrées à l'activité agricole, les structures moyennes d'une cinquantaine d'hectares étant appelées à disparaître. Elle a estimé qu'il serait nécessaire, en tout état de cause, de rechercher la qualité et la valeur ajoutée, la production en vrac n'étant plus possible dans un marché mondialisé où d'autres pays seront toujours capables de proposer des prix beaucoup plus bas.

Souscrivant à cette dernière opinion et jugeant lui-même que l'agriculture européenne serait partagée entre un modèle pluriactif et un model quasi-industriel, M. Jean-Paul Emorine, président, a remercié Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européen à l'agriculture et au développement rural, pour son intervention et ses réponses aux questions des membres de la commission.

Environnement - Parcs nationaux et parcs naturels marins - Examen des amendements

Enfin, la commission a procédé à l'examen de rectifications à certains amendements de la commission au projet de loi n° 114 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins.

A l'article 6 (articles L. 331-8 et L. 331-9 du code de l'environnement) (Composition du conseil d'administration), elle a rectifié son amendement n° 19 et elle a adopté un amendement précisant les modalités de nomination du directeur de l'établissement public du parc national.

A l'article 10 quater (article L. 331-15-6 du code de l'environnement) (Parc amazonien en Guyane), elle a rectifié son amendement n° 40 relatif à l'accès et à l'utilisation des ressources génétiques.

A l'article 11 (articles L. 334-2, L. 334-4 et L. 334-5 du code de l'environnement) (Parcs naturels marins), elle a adopté deux amendements de cohérence et un amendement rédactionnel.

A l'article 14 (Dispositions diverses), elle a adopté un amendement de coordination.

A l'article 14 bis (article L. 331-9-1 du code de l'environnement) (Délégation de compétences entre l'Office national des forêts et les parcs nationaux), elle a émis un avis favorable à l'adoption de l'amendement n° 192 du Gouvernement tendant à préciser que les missions déléguées par l'établissement public d'un parc national à l'ONF constituaient une délégation du service public au sens de la loi du 29 janvier 1993, dite « loi Sapin ».

A l'article 15 (Dispositions transitoires), elle a adopté un amendement rédactionnel.

Mercredi 1er février 2006

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Propriété intellectuelle - Agriculture - Obtentions végétales - Examen des amendements

La commission a tout d'abord procédé à l'examen des amendements au projet de loi n° 145 (1996-1997) relatif aux obtentions végétales et modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural.

Elle a émis les avis figurant dans le tableau suivant :

Article ou division

Objet de l'article

N° d'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Article 3

(articles L. 623-2, L. 623-3 et L. 623-12 du code de la propriété intellectuelle)

Conditions auxquelles des variétés peuvent faire l'objet de certificats d'obtention végétale

18

Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs de ses collègues

Défavorable

Article 4

(article L. 623-4 du code de la propriété intellectuelle)

Droit exclusif des obtenteurs

19

Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs de ses collègues

Défavorable

20

Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs de ses collègues

Défavorable

Article 9

(article L. 623-12 du code de la propriété intellectuelle)

Allongement de la durée de protection des COV nationaux

21

Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs de ses collègues

Défavorable

Article 15

(article L. 623-25 du code de la propriété intellectuelle)

Régime de sanction de la contrefaçon

22

Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs de ses collègues

Sagesse

12

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Favorable

Article 16

Dérogation au droit en faveur des agriculteurs

23

Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs de ses collègues

Défavorable

16

M. Gérard Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

29

Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs de ses collègues

Défavorable

24

Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs de ses collègues

Défavorable

article L. 623-24-1 (nouveau) du code de la propriété intellectuelle

Principes généraux de la dérogation

28

Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs de ses collègues

Défavorable

17

M. Gérard Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

article L. 623-24-3 (nouveau) du code de la propriété intellectuelle

Modalités de fixation du montant des indemnités

9

Gouvernement

Favorable

13

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Favorable sous réserve de sa rectification

25

Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs de ses collègues

Défavorable

26

Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs de ses collègues

Défavorable

article L. 624-24-4 (nouveau) du code de la propriété intellectuelle

Organisation et compétences de l'instance paritaire

10

Gouvernement

Favorable

14

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Favorable

article L. 623-24-5 (nouveau) du code de la propriété intellectuelle

Procédure à suivre en l'absence d'accord

15

M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés

Demande de l'avis du Gouvernement

30

Gouvernement

Favorable

article L. 623-24-8 (nouveau) du code de la propriété intellectuelle

Décret en Conseil d'Etat

27

Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs de ses collègues

Défavorable

Article 17

Dispositions transitoires

11

Gouvernement

Favorable

Propriété intellectuelle - Agriculture - Obtentions végétales - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Jean Bizet sur la proposition de loi n° 181 (2005-2006) relative aux obtentions végétales.

Observant que le sujet de la proposition de loi était très proche de celui du projet de loi qu'il avait rapporté la semaine précédente en commission et qui avait alors été adopté à l'unanimité, M. Jean Bizet, rapporteur, a expliqué que la première n'était en réalité qu'un « sous-produit » du second, ne faisait qu'en reprendre deux dispositions en un unique article. Rappelant que le projet de loi contenait deux dispositions majeures -l'une, à l'article 16, encadrant la pratique des semences de ferme, et l'autre, à l'article 9, prolongeant de 5 ans la durée de protection des certificats d'obtention végétale (COV) nationaux-, il a indiqué que seule la seconde faisait l'objet de la proposition de loi. Soulignant qu'elle visait à faire passer de 20 à 25 ans la durée de protection des COV nationaux pour la plupart des espèces, et de 25 à 30 ans pour certaines espèces dont la liste est fixée réglementairement, il a insisté sur le fait que cet allongement permettrait :

- d'aligner le droit national sur la réglementation communautaire, et ainsi de faire disparaître l'inégalité de traitement existant aujourd'hui entre les opérateurs bénéficiant d'un COV français et leurs concurrents possédant un COV communautaire ;

- de pérenniser au profit de certains obtenteurs nationaux des sources de revenus légitimes leur permettant de financer des activités de recherche onéreuses afin de mettre au point de nouvelles variétés et de demeurer compétitifs sur un marché extrêmement concurrentiel.

Concluant qu'il était donc indispensable que l'article prorogeant la durée de protection de nos COV soit adopté, il a fait état d'une difficulté liée au calendrier parlementaire, expliquant que le projet de loi « obtentions végétales » ne serait vraisemblablement pas adopté avant la fin du mois de mars, privant d'une prolongation de leurs COV certaines variétés végétales dont la protection arrivait à échéance dès le 6 mars pour deux d'entre elles.

Insistant sur le manque à gagner considérable que cela représenterait pour les titulaires des COV, qui verraient leurs capacités de recherche et d'innovation substantiellement grevées, il a rapporté avoir envisagé plusieurs méthodes pour que soit rapidement adoptée la disposition relative à l'allongement de la durée des COV nationaux. Précisant ainsi qu'il avait pensé à déposer des amendements sur des textes susceptibles d'être applicables avant la date fatidique du 6 mars, il a déclaré avoir été contraint d'écarter cette option, soit parce que l'examen en avait été repoussé, soit parce que la jurisprudence constitutionnelle la plus récente incitait à ne pas déposer d'amendements dont l'objet n'était pas directement lié à celui du texte.

Estimant qu'il revenait aux parlementaires de reprendre l'initiative, s'agissant d'un projet de loi déposé voici bientôt dix ans, il a ainsi justifié le dépôt de la proposition de loi, précisant qu'elle était cosignée par une sénatrice de la commission des affaires sociales, Mme Brigitte Bout, particulièrement sensibilisée au problème.

Il a indiqué qu'elle était composée d'un article unique prévoyant :

- d'une part, l'allongement de 5 ans de la durée de protection dont bénéficient les COV nationaux, portant celle-ci à 25 ans dans les cas normaux et à 30 ans pour certaines variétés, dont les pommes de terre ;

- d'autre part, l'application de ses dispositions aux COV en cours, afin qu'en bénéficient les obtenteurs dont les droits sont sur le point d'arriver à échéance.

Insistant pour conclure sur l'urgence qu'il y avait à adopter ce texte, il a dit avoir espoir, au vu du vote unanime obtenu la semaine précédente sur le projet de loi « obtentions végétales », que son adoption soit tout aussi consensuelle.

Répondant à M. François Gerbaud, M. Jean Bizet, rapporteur, a précisé que la variété de pomme de terre « charlotte » bénéficierait également d'une adoption rapide de la proposition de loi, puisque le COV la protégeant arriverait à échéance le 31 décembre.

A M. Daniel Reiner, qui s'interrogeait sur une éventuelle contradiction dans l'exposé des motifs de la proposition de loi entre droit international et droit communautaire quant à la détermination de la durée de protection des COV, M. Jean Bizet, rapporteur, a expliqué que les textes internationaux en matière d'obtentions végétales ne faisaient que fixer des durées minimales et que les règlements européens pouvaient donc légitimement imposer des durées de protection supérieures.

M. Gérard Le Cam a annoncé que son groupe ne voterait ni le projet de loi, ni la proposition de loi, estimant que l'utilisation des semences de ferme par les agriculteurs était un droit inaliénable et observant que les COV octroyaient des durées de protection supérieures à celles des brevets.

M. Jean Bizet, rapporteur, a souligné que le projet de loi relatif aux obtentions végétales visait notamment à autoriser la pratique des semences de ferme, aujourd'hui interdite en droit français et donnant lieu à des condamnations judiciaires. Rappelant que le système du brevet permettait une appropriation des ressources naturelles, il a indiqué avoir veillé, lors de l'instruction de la directive européenne du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, à instituer le principe dit d'« exemption du sélectionneur ». Faisant observer que le système du COV, fruit d'une démarche française et européenne, prévoyait des durées de protection permettant une juste rémunération du travail de recherche d'organismes privés comme publics, il l'a estimé indispensable pour que la filière « semences » soit en mesure d'améliorer ses performances et sa compétitivité dans un contexte international extrêmement concurrentiel. Faisant état d'une étude de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) concluant que les nouvelles variétés mises au point par la recherche publique depuis une soixantaine d'années avaient permis d'obtenir une croissance des rendements de l'ordre de 35 kg par hectare et par an tout en réduisant la quantité d'intrants nécessaires, il a rappelé que le texte laissait en tout état de cause les agriculteurs libres d'utiliser des variétés tombées dans le domaine public.

M. Daniel Raoul a souligné que 15 % des sommes prélevées sur les récoltes de blé au titre de la rémunération des obtenteurs étaient affectés à un fonds finançant la recherche, privée comme publique. Il a par ailleurs précisé qu'une stipulation de la convention de l'Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV) de 1991 exemptait les petits agriculteurs du paiement de royalties aux obtenteurs dont ils utilisaient les variétés, M. Jean Bizet ajoutant que la notion de « petits agriculteurs » recouvrait ceux des exploitants ne cultivant pas de surfaces supérieures à celles qui seraient nécessaires pour une production de 92 tonnes.

A M. Gérard César, qui l'interrogeait sur la position des représentants des grandes filières par rapport au texte, M. Jean Bizet, rapporteur, lui a indiqué qu'ils s'en trouvaient globalement satisfaits.

Donnant acte à M. François Gerbaud, qui avait fait remarquer l'ambiguïté de la référence à des OGM dans la présentation du rapporteur et les risques de confusion qu'elle risquait d'introduire, M. Jean Bizet, rapporteur, a clairement souligné qu'il s'agissait d'un tout autre domaine et l'a assuré qu'il veillerait à ne pas entretenir d'incertitudes sur ce point.

Puis la commission a adopté la proposition de loi, le groupe communiste républicain et citoyen votant contre.

Transports - Autoroute A89 Lyon - Balbigny - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de Mme Elisabeth Lamure sur la proposition de loi n° 171 (2005-2006) relative à la réalisation de l'autoroute A 89 entre Lyon et Balbigny.

Mme Elisabeth Lamure, rapporteur, a rappelé tout d'abord qu'à la fin des années 1980, l'Etat avait décidé la réalisation de la dernière section de la liaison transversale entre Lyon et Bordeaux par l'autoroute A 89. Celle-ci avait naturellement comme objectif le désenclavement des départements du Massif central, mais aussi la connexion de la façade atlantique à l'est de l'Europe.

Dès le milieu des années 1980, la réalisation de cette dernière section, entre Balbigny, dans la Loire, et le nord de Lyon était envisagée et faisait l'objet de discussions entre l'Etat et la société des autoroutes du sud de la France (ASF), qui exploitait la partie déjà existante de l'A 89. L'Etat avait choisi ASF comme concessionnaire du dernier tronçon en 1988.

L'entrée en vigueur en 1990 d'une directive européenne dite « directive Travaux », transposée en droit français en deux temps, en 1993 et 1996, avait amené la Commission européenne à estimer, en 1995, que la section Lyon-Balbigny devait être soumise aux nouvelles règles de la directive « Travaux », alors même que le projet avait commencé avant son entrée en vigueur. En 1997, la Commission européenne avait souhaité que les projets commencés avant 1990 soient conclus avant la fin de l'année. Cet objectif n'avait pu être atteint dans le cas de la section Lyon-Balbigny, ce qui avait amené le Gouvernement à retirer cette section de la convention liant l'Etat à ASF. La Cour de justice des communautés européennes ayant estimé, dans un arrêt de 2000 concernant le métro de Rennes, que la Commission européenne avait eu tort de vouloir appliquer la directive « Travaux » aux dossiers déjà engagés, le Gouvernement avait poursuivi le projet, qui avait fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique en 2003.

En juillet 2005, la Commission européenne avait approuvé cette poursuite du dossier. Toutefois, il semblait que le Conseil d'Etat, saisi par le Gouvernement au début du mois de janvier d'un projet de décret, n'ait pas partagé l'analyse de la Commission européenne. Mme Elisabeth Lamure, rapporteur, a fait valoir que ce point, s'il était confirmé, pouvait étonner, dans la mesure où la Commission européenne était la garante de l'exécution des traités communautaires.

Elle a souhaité ensuite aborder le fond du dossier, c'est-à-dire une desserte autoroutière d'intérêt national, qui aurait un impact très important pour les départements de la Loire et du Rhône, mais qui était bloquée depuis plus de quinze ans dans des méandres juridiques. Elle a déclaré qu'ayant appris qu'il était question de reporter à nouveau la conclusion de ce dossier, non pas pour des raisons de fond, mais pour des raisons de divergences techniques d'analyse entre le Conseil d'Etat et la Commission européenne, elle avait souhaité, avec plusieurs sénateurs de différents groupes politiques, que le Parlement se saisisse de ce dossier.

Elle a indiqué que les estimations de trafic prévoyaient, à la mise en service en 2012, environ 24.000 véhicules par jour sur ce tronçon, dont 8,4 % de poids lourds. Elle a insisté sur le désenclavement du nord du département de la Loire et du bassin de Roanne, ainsi que sur le désengorgement de Saint-Etienne, que la réalisation de ce tronçon devait permettre. Il lui paraissait donc utile que le législateur approuve l'avenant signé le 31 janvier 2006 entre l'Etat et ASF pour prévoir la construction et l'exploitation de la section entre Balbigny et La Tour de Salvagny.

Elle a ensuite suggéré deux modifications au texte initial de la proposition de loi. La première tendait à préciser la date de signature de l'avenant, la seconde consistait à modifier l'intitulé de la proposition de loi en faisant référence à la localisation exacte des deux extrémités de la section d'autoroute.

M. Daniel Reiner ayant souhaité savoir ce qui pouvait expliquer le retard pris par ce dossier et en quoi la validation juridique par le législateur était nécessaire, Mme Elisabeth Lamure, rapporteur, a estimé que le délai de traitement du dossier s'expliquait par sa complexité technique, puisque le tracé parcourait des zones vallonnées, ce qui rendait nécessaires plusieurs ouvrages d'art. Quant au second point, elle a souligné qu'il ne s'agissait en rien d'une validation législative, puisque la proposition de loi ne revenait pas sur une décision de justice ; elle permettait simplement d'éviter que le dossier prenne quelques années de retard supplémentaires.

M. Gérard Bailly a salué l'initiative de la proposition de loi, au vu de l'importance du projet pour les départements directement concernés, mais aussi pour l'ensemble des régions Rhône-Alpes et Franche-Comté. Il a souhaité savoir quel lien pouvait être fait entre le dossier de la section entre Balbigny et Lyon et la privatisation d'ASF.

Mme Elisabeth Lamure, rapporteur, lui a répondu que le dossier de l'A 89 ne conditionnait pas la privatisation d'ASF et conduirait simplement à un relèvement du prix de vente par l'Etat d'un euro par action si ce projet était bien conclu.

Puis la commission a, sur proposition du rapporteur, adopté ses conclusions sur la proposition de loi, les membres des groupes UMP, socialiste et UC-UDF votant pour et ceux du groupe communiste républicain et citoyen s'abstenant.

Transports - Décentralisation - Fonctionnement du syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Dominati sur la proposition de loi n° 177 (2005-2006) relative au fonctionnement du syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF).

M. Philippe Dominati, rapporteur, a souhaité rappeler en préambule l'importance du syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) pour la région, son budget représentant près de 4 milliards d'euros. Il a souligné la spécificité de ce dispositif, propre à l'Ile-de-France. Rappelant que la gestion du STIF avait été entièrement décentralisée par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, il a indiqué que cette loi prévoyait la mise en place d'un nouveau conseil d'administration à partir du 1er juillet 2005, au sein duquel l'Etat ne serait plus représenté. Le nouveau conseil d'administration comprenait donc 29 membres, à raison de :

- 15 membres pour la région, soit la majorité absolue, comme le prévoyait la loi du 13 août 2004 ;

- 5 membres pour la Ville de Paris ;

- 1 membre pour chacun des sept départements de la région ;

- 1 membre pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ;

- 1 membre pour la chambre régionale de commerce et d'industrie.

M. Philippe Dominati, rapporteur, a rappelé que, du 1er juillet à la fin de l'année 2005, plusieurs collectivités avaient choisi de ne pas désigner leurs représentants au conseil d'administration, car un différend les opposait à l'Etat concernant la participation de ce dernier à la modernisation du matériel roulant. Après six mois de négociations, un accord s'était dessiné et la désignation des membres manquants du conseil d'administration semblait imminente.

Toutefois, l'adoption de l'article 21 de la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports avait rouvert le débat sur les conditions de fonctionnement du STIF et prolongé la situation de blocage. Il a rappelé que l'article 21 prévoyait le recours automatique à la majorité qualifiée des deux tiers pour toute délibération du STIF entraînant une hausse de la contribution des collectivités territoriales supérieure de deux points au taux d'inflation.

A la suite de cette modification, le conseil régional avait décidé, par une délibération du 20 janvier 2006, de se réserver la possibilité de désigner ses représentants au STIF à la majorité siège par siège, ce qui aurait abouti à écarter l'opposition régionale. La Ville de Paris avait laissé entendre qu'elle pourrait également retenir ce mode de désignation. Dans ces conditions, le blocage institutionnel semblait devoir se renforcer encore et, concrètement, le STIF restait paralysé, ce qui avait naturellement de graves conséquences pour l'ensemble de la région.

La proposition de loi dont M. Roger Karoutchi était le premier signataire tendait à dépasser ce blocage en parvenant à une position équilibrée, que M. Philippe Dominati, rapporteur, a résumée ainsi :

- le principe de la majorité simple en matière budgétaire était rétabli ;

- toutefois, une collectivité territoriale pourrait, si elle invoquait un intérêt majeur, demander un vote à la majorité qualifiée des deux tiers du conseil d'administration, sous réserve que cette demande soit confirmée par l'assemblée délibérante de cette collectivité.

Il a estimé qu'il s'agirait là d'un cas très exceptionnel, d'une part parce que la procédure était lourde, et d'autre part parce qu'il serait difficile de réunir dans un conseil général une majorité des deux tiers contre un projet porté par la majorité du STIF. Il en a conclu que les cas de recours à cette procédure, sans doute peu fréquents, se limiteraient à des dossiers faisant la quasi-unanimité contre eux dans un département. Or, il n'était pas très vraisemblable que la région poursuive des projets suscitant une opposition totale d'un département.

Rappelant que les contributions au STIF étaient très inégales selon les collectivités, il a précisé que si la région assumait 51 % des charges et la Ville de Paris 30 %, les contributions étaient ensuite respectivement de 7,7 % pour les Hauts-de-Seine, 3,7 % pour la Seine-Saint-Denis, 3 % pour le Val-de-Marne, 1,5 % pour les Yvelines et moins de 1 % pour les trois autres départements.

M. Philippe Dominati, rapporteur, a donc émis le souhait que la commission reprenne ce dispositif qui lui semblait équilibré et qui était assez consensuel, puisque M. Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France, lui avait indiqué, lors de son audition, qu'il le soutenait.

Il a enfin proposé à la commission quelques modifications rédactionnelles et la limitation de l'application de ce dispositif dans le temps. Se déclarant convaincu que la situation de blocage actuelle était liée à la mise en place du STIF décentralisé et qu'elle n'était donc que provisoire, il a estimé que le syndicat fonctionnerait à terme de façon plus apaisée. Il a jugé, en outre, qu'il était nécessaire de bien marquer le caractère exceptionnel de ce dispositif, qui n'avait pas vocation à être étendu dans tous les syndicats regroupant des collectivités territoriales. Aussi bien proposait-il de prévoir l'extinction, au 1er janvier 2013, du dispositif de vote à la majorité des deux tiers. A l'issue de cette période, la règle serait donc l'adoption des délibérations à caractère budgétaire à la majorité simple.

M. Daniel Reiner, après avoir rappelé que le groupe socialiste s'était opposé à l'article 21 du projet de loi relatif à la sécurité et au développement des transports, qui résultait d'un amendement de M. le député Patrick Devedjian, a jugé que la proposition de loi témoignait d'une tentative de trouver un compromis dans ce dossier. Il a fait part de sa préoccupation quant au caractère dérogatoire d'un vote à la majorité des deux tiers et a estimé que la rédaction de la proposition de loi était peu précise. Il en a conclu que le groupe socialiste ne pourrait approuver ce texte, même s'il ne s'y opposait pas.

M. Michel Billout, après avoir abondé dans le sens de M. Daniel Reiner, a estimé que la preuve était faite qu'une proposition de loi pouvait être examinée en séance publique une semaine après la désignation de son rapporteur. Il a par ailleurs estimé que la paralysie du STIF était la conséquence de problèmes budgétaires, et non celle d'affrontements politiques.

M. Dominique Braye, reconnaissant la brièveté des délais que le rapporteur avait dû respecter, a considéré que cette procédure d'exception se justifiait au vu d'un contexte exceptionnel qui mettait en jeu des collectivités territoriales à statut particulier. Il s'est félicité de la réactivité dont le Sénat témoignait dans ce dossier. Il en a conclu que la rapidité d'instruction de cette proposition de loi ne pouvait être généralisée. Il a déclaré que l'ensemble de ce dossier s'était inscrit dans un contexte de tensions qui semblaient désormais pouvoir être dépassées. Il a enfin souhaité obtenir des précisions sur l'application du dispositif au terme du délai de sept ans proposé par le rapporteur.

M. Jean-Paul Emorine, président, a fait valoir que la brièveté des délais était la conséquence de l'urgence de débloquer une situation préjudiciable à l'ensemble de la région Ile-de-France. Il a souligné que de tels délais n'avaient été envisageables que dans la mesure où le texte comportait un article unique et faisait l'objet d'un assez large consensus. Il a rappelé enfin que son inscription rapide à l'ordre du jour du Sénat avait été rendue possible à la suite du déplacement d'un autre texte, dont l'examen avait été reporté.

M. Philippe Dominati, rapporteur, après avoir jugé que le STIF évoluait continuellement depuis vingt ans, a rappelé que ce dossier avait souvent fait l'objet de procédures spécifiques, par exemple lors d'une modification pendant l'été, sous la précédente législature, des textes réglementaires relatifs au STIF. Il a jugé que le dispositif de la proposition de loi améliorait sensiblement la situation actuelle et constituait une mesure d'accompagnement de la décentralisation du STIF. Quant à l'adoption à la majorité des deux tiers de décisions de syndicats ou d'EPCI regroupant plusieurs collectivités territoriales, il a indiqué qu'il disposait de plusieurs exemples qui témoignaient que, si la majorité simple était en général la règle, la majorité des deux tiers existait déjà dans certains cas spécifiques. En réponse à l'interrogation de M. Dominique Braye sur la situation à l'expiration de la période temporaire, il a rappelé que prévaudrait alors la règle usuelle de la majorité simple.

La commission a ensuite adopté, suivant l'avis de son rapporteur, ses conclusions sur la proposition de loi, les membres du groupe socialiste s'abstenant et ceux du groupe communiste républicain et citoyen votant contre.

Energie - Nucléaire - Audition de Mme Anne Lauvergeon, présidente du directoire du groupe Areva

La commission a enfin procédé à l'audition de Mme Anne Lauvergeon, présidente du directoire du groupe Areva.

M. Jean-Paul Emorine, président, s'est félicité de pouvoir accueillir Mme Anne Lauvergeon, compte tenu du grand intérêt de la commission pour les questions énergétiques et de sa politique de rencontres avec les acteurs du monde économique. Sur ce point, il a rappelé que la commission avait auditionné récemment M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, et qu'elle avait mené ces derniers mois deux missions, l'une dans les pays baltes, l'autre en Chine, où les membres de la commission avaient d'ailleurs pu apprécier combien ce pays représentait un marché potentiel pour Areva.

Après avoir remercié le président pour ses propos de bienvenue, Mme Anne Lauvergeon a indiqué qu'il lui était agréable de s'exprimer devant la commission des affaires économiques du Sénat, qui a toujours soutenu avec force le nucléaire français, y compris lorsque ce secteur n'était pas aussi bien considéré qu'aujourd'hui. Elle a souligné qu'elle avait toujours pu apprécier ce soutien indéfectible depuis sa prise de fonction en 1999, année où le président du Sénat avait effectué une visite à l'usine de la Hague.

Elle a poursuivi son exposé en rappelant quelles étaient les contraintes spécifiques pesant sur le marché de l'énergie.

En premier lieu, elle a rappelé la contrainte démographique : la population mondiale devant compter 8 à 9 milliards d'individus à l'horizon 2050, les besoins énergétiques seront fortement accrus avec des conséquences directes sur l'espérance de vie et le développement économique. Elle a ajouté que, de surcroît, le mode de vie des habitants des pays développés était sans cesse plus consommateur d'énergie, prenant à ce titre l'exemple de la diffusion des appareils de climatisation.

Ensuite, elle a évoqué la contrainte environnementale, du fait du lien direct entre le réchauffement climatique et la combustion des énergies fossiles. Mme Anne Lauvergeon a précisé qu'il en résultait une obligation collective de réduire de façon très significative les émissions de gaz à effet de serre, les experts évoquant la nécessité d'une réduction par quatre des quantités actuelles.

Puis elle a souligné l'existence d'une contrainte géopolitique liée à la localisation de l'essentiel des ressources énergétiques dans des zones politiquement peu stables, tels que le Proche et le Moyen-Orient, le Venezuela et la Bolivie. Elle a fait valoir l'importance de disposer de sources d'énergies domestiques, facteur d'indépendance pour les pays, rappelant à titre d'exemple la récente affaire Gazprom.

Enfin, elle a fait état de contraintes politiques plus générales, l'énergie constituant une préoccupation constante et centrale des Etats. Elle a indiqué que l'Europe accusait un retard par rapport aux Etats-Unis, à la Russie, à l'Inde ou encore à la Chine, car elle avait tardé à remettre l'énergie au centre de ses préoccupations, alors que l'on assiste aujourd'hui à un retour de l'énergie comme enjeu stratégique, à l'instar de la situation des années 1970, après la parenthèse qu'aura constituée la période d'apparente facilité des années 1980 et 1990.

Par rapport à l'ensemble de ces contraintes, elle a ensuite rappelé que l'énergie nucléaire était une énergie domestique permettant de produire de l'électricité à faible coût tout en limitant les émissions de gaz à effet de serre comme les éoliennes, l'énergie photovoltaïque ou les barrages hydro-électriques. Elle a relevé que, si l'énergie nucléaire répondait, grâce à ces caractéristiques, à l'évolution des besoins actuels, elle ne pouvait pas en revanche constituer une solution énergétique réaliste pour un certain nombre de pays en développement, en raison de leurs insuffisances technologiques ainsi que de leur incapacité à mettre en place une autorité de contrôle offrant des garanties suffisantes.

Mme Anne Lauvergeon a ensuite centré sa présentation sur trois zones stratégiques pour Areva : l'Europe, l'Amérique et l'Asie.

S'agissant de l'Europe, elle a cité le cas de la Finlande, qui a décidé en 2003 la construction d'un cinquième réacteur selon des modalités de financement originales, celui-ci étant assuré par un opérateur privé aux côtés d'investisseurs électro-intensifs -papeteries et chantiers navals- et des collectivités locales, dont notamment la ville d'Helsinki. Elle a indiqué que ce modèle coopératif se développait également aux Etats-Unis et que la Finlande étudiait désormais la possibilité d'acquérir un sixième réacteur dans des conditions similaires.

Elle a précisé que le réacteur EPR en projet à Flamanville avait pour objectif de préparer le futur renouvellement des centrales en activité.

Elle a ajouté qu'Areva était aussi en discussion avec des opérateurs allemands, notamment pour des projets hors d'Allemagne, et bulgares. Par ailleurs, elle a noté qu'en dépit des annonces officielles de sortie du nucléaire faites par certains pays européens, les choses n'étaient pas aussi évidentes dans la mise en oeuvre : la Belgique a finalement indiqué que sa décision n'était pas irrévocable et la Suède n'a toujours pas mis en oeuvre le sien. Elle a aussi évoqué le cas de la Grande-Bretagne, qui avait lancé très récemment un débat sur le nucléaire, l'objectif affiché étant la construction rapide de nouvelles centrales.

Elle a conclu sa présentation de la situation européenne en précisant qu'elle avait été sollicitée pour participer au groupe de travail « compétitivité, énergie, environnement » aux côtés de quatre commissaires européens et de représentants de sept autres entreprises, estimant qu'il s'agit là d'un signe du regain d'intérêt à l'égard des opérateurs du secteur nucléaire.

Evoquant ensuite le continent américain, Mme Anne Lauvergeon a précisé que la récente loi sur l'énergie, votée aux Etats-Unis tant par les républicains que par les démocrates, prévoyait la relance du nucléaire par l'octroi de subventions substantielles et dégressives au profit des six premières centrales nucléaires à construire. Elle a indiqué qu'Areva s'inscrivait pleinement dans le cadre de ces opérations aux côtés des compagnies électriques américaines, et ce en plus de sa participation au programme actuel d'extension de la durée de vie des centrales existantes, les trois quarts des cent trois réacteurs américains devant voir leur durée de vie prolongée. Elle a souligné que, pour répondre aux besoins du marché américain, Areva avait constitué avec un partenaire américain (Constellation Energy) une société commune dénommée Unistar Nuclear qui avait d'ores et déjà enregistré la commande de quatre réacteurs EPR.

Elle a complété sa présentation en indiquant que le Canada envisageait également la construction de nouvelles centrales nucléaires et que son groupe était en discussion sur des projets au Brésil.

S'agissant du continent asiatique, elle a rappelé que le Japon et la Corée poursuivaient leurs programmes nucléaires et que la Chine avait annoncé que ses besoins énergétiques s'élèveraient au minimum à 35 000 mégawatts en 2020. Précisant que son groupe participait à l'appel d'offre chinois lancé pour quatre réacteurs de troisième génération, elle a souligné toute l'importance du marché chinois dans la perspective, annoncée par les autorités, de produire 20 % de leur énergie à partir du nucléaire en 2045, ce qui équivaudrait à environ 500 centrales nucléaires actuelles. Elle a ensuite indiqué qu'elle accompagnerait le Président de la République en Inde à la fin du mois de février tout en précisant qu'Areva ne participait pas au projet d'acquisition de quatre réacteurs annoncé par ce pays, dans la mesure où son gouvernement n'avait pas signé le traité de non-prolifération. Elle a conclu son propos sur l'Asie en indiquant que plusieurs autres pays en développement y étaient demandeurs de capacité nucléaire, mais qu'il ne lui semblait pas raisonnable, pour des raisons de sécurité, d'y répondre. A ce titre, elle a fait valoir que l'énergie nucléaire ne constituait effectivement qu'une partie -actuellement 16 %- de la réponse aux besoins énergétiques mondiaux, tout en précisant à cette occasion que les réserves en uranium étaient suffisantes pour satisfaire la demande.

Puis Mme Anne Lauvergeon a présenté plus précisément son entreprise, indiquant qu'elle s'était profondément recentrée sur ses métiers fondamentaux. Soulignant que, lors de la création d'Areva en 2001, l'objectif était de mieux faire jouer la synergie entre les acteurs du nucléaire français (Framatome, la Cogema et CEA-Industrie), elle a fait valoir que tel était aujourd'hui pleinement le cas. Elle a rappelé que, lors de cette fusion, le groupe comprenait aussi la société FCI, filiale de Framatome, spécialisée dans la connectique, qui enregistrait 220 millions d'euros de pertes par semestre et qui a été cédée au fonds d'investissement Bain Capital, après avoir été rétablie financièrement, et moyennant des garanties importantes pour les salariés, aucun établissement en France ne pouvant être fermé dans les trois ans. Elle a ensuite évoqué le cas du pôle Transmission & Distribution (T&D), qui a permis à Areva de devenir le troisième acteur mondial en matière de réseaux électriques en 2004, cette position résultant d'une stratégie du groupe visant à en faire le fournisseur de produits, de systèmes et de services pour la transmission et la distribution d'électricité.

Mme Anne Lauvergeon a par ailleurs insisté sur le fait que la stratégie du groupe Areva passait par un développement des exportations, citant en exemple l'usine de Chalon-sur-Saône dont la fermeture avait été envisagée par Framatome et qui, depuis la création du groupe, a vu son activité relancée par une orientation résolue vers l'international, 70 % de ses capacités industrielles étant aujourd'hui utilisées pour satisfaire les besoins du marché américain, principalement en générateurs de vapeur et en couvercles de cuves. A ce titre, elle a rapporté que le nucléaire et l'aéronautique étaient tous deux regardés à l'étranger comme des secteurs d'excellence pour la France.

Puis elle a évoqué le développement des capacités minières du groupe en uranium. Elle a rappelé que le marché de la production d'uranium avait été perturbé par la stratégie de ventes massives à court terme mise en oeuvre par la Russie à partir de 1991. Elle a poursuivi en indiquant que, dans ce contexte, seuls, Areva et la société canadienne Canaco Resources avaient continué à produire de l'uranium. Elle a ajouté que son groupe aspirait désormais à devenir le leader mondial dans ce secteur stratégique.

Evoquant ensuite les résultats obtenus par son groupe, Mme Anne Lauvergeon a indiqué que la marge opérationnelle n'avait cessé de progresser depuis 2001 et que le chiffre d'affaires de 2005, bien qu'inférieur à celui de 2004 en raison de la cession de FCI, attestait néanmoins d'une croissance organique significative. Elle a rappelé par ailleurs que le cours de l'action Areva, qui était de 131 euros en 2001, s'élevait à 475 euros aujourd'hui. En complément, elle a précisé que le groupe n'était que très faiblement endetté, présentant ainsi un bilan très solide et noté « A » par les agences spécialisées. Elle a imputé ces résultats au fait qu'Areva n'avait pas cédé à la tentation de la diversification vers d'autres activités considérées comme plus porteuses à la fin des années 1990. Elle a fait valoir que la bonne santé économique du groupe était aussi une condition fondamentale de son développement, dans la mesure où c'est sur son bilan financier que sont garanties les centrales nucléaires vendues, ajoutant que c'est cette contrainte de garantie qui avait justifié à l'époque le refus d'Areva de fusionner en l'état avec Alstom. Elle a enfin rappelé qu'Areva était la dixième des cinquante entreprises françaises inspirant le plus confiance aux leaders d'opinion.

Elle a mis en avant le fait que les succès d'Areva sur les marchés internationaux aboutissaient à ce que les trois quarts du chiffre d'affaires soient aujourd'hui réalisés hors de France. Elle a affirmé son attachement à un développement aussi équilibré que possible entre les continents européen, américain et asiatique. Elle a ajouté que le développement du groupe à l'international profitait aux centres de production français parallèlement aux unités créées à l'étranger, l'ensemble constituant un exemple réussi de mondialisation des activités.

A ce titre, Mme Anne Lauvergeon est revenue sur l'exemple des Etats-Unis, d'où Areva était quasiment absente il y a cinq ans alors que le groupe occupe désormais la première position dans son secteur, précisant que ce succès avait été rendu possible par le soutien du gouvernement américain au choix de la technologie MOX d'Areva (combustible mixte d'oxyde d'uranium et de plutonium) en matière de recyclage d'une partie du plutonium militaire, actuellement testée dans une centrale américaine.

Elle a souligné, en outre, que le groupe investissait massivement pour préparer l'avenir, notamment dans les mines, la conversion et l'enrichissement de l'uranium, la rénovation de l'outil industriel de l'usine de Romans ainsi que dans le renouvellement de ses équipes, le groupe ayant recruté près de mille jeunes -essentiellement des ingénieurs- en 2005. Sur ce dernier point, elle s'est félicitée de la qualité des recrutements opérés ainsi que de la façon dont s'effectuait la transmission de savoir-faire entre les collaborateurs expérimentés et les nouveaux arrivants. Eu égard aux préoccupations sociales plus larges de l'entreprise, elle a indiqué qu'Areva lançait actuellement une opération de recrutement de jeunes originaires de quartiers sensibles.

Au sujet de l'activité législative, elle a fait part de son souhait de disposer d'un texte précis en matière de traitement des combustibles usés, tout en souhaitant que le cadre posé ne soit pas trop contraignant quant aux durées de stockage, afin de laisser à l'industrie la possibilité de s'adapter. Elle a par ailleurs souligné que la réussite du laboratoire de Bure était essentielle et que l'année 2006 constituerait un rendez-vous essentiel pour la cohérence d'ensemble du modèle nucléaire français dont les déchets constituent le dernier maillon.

S'agissant plus précisément de la situation actuelle de T&D, elle a indiqué qu'un plan de redressement avait été mis en oeuvre depuis un an et que les résultats obtenus étaient satisfaisants. Elle a néanmoins précisé que la fermeture de certains sites s'était imposée, mais qu'elle s'accompagnait d'un reclassement actif de tous les salariés concernés auxquels Areva assure la priorité sur tous les emplois du groupe sans condition de formation préalable. Elle a constaté à cette occasion que les salariés de toutes les catégories étaient mobiles géographiquement, contrairement aux idées reçues. Enfin, elle a souligné que l'objectif pour T&D était désormais d'atteindre un niveau de profitabilité comparable à ses concurrents.

Revenant sur le nécessaire développement d'énergies ne provoquant pas d'émission de dioxyde de carbone, elle a fait savoir que son groupe continuait à élargir son offre d'énergies non productrices d'effets de serre. Elle a ainsi indiqué qu'Areva avait pris une participation dans le capital du fabricant allemand d'éoliennes REpower, les très grosses éoliennes off shore lui paraissant être une solution à fort potentiel. Elle a aussi fait valoir que le groupe développait les piles à combustible au travers de sa filiale HELION, ainsi que différents projets liés à la biomasse au Brésil, en Afrique du Sud, et éventuellement à Bure.

En synthèse, Mme Anne Lauvergeon a tenu à présenter l'état de plusieurs axes essentiels pour l'avenir du groupe. Elle a d'abord évoqué l'achat de Westinghouse par Toshiba pour préciser qu'Areva ne s'en était pas porté acquéreur d'une part en raison des lois anti-trust américaines et de l'importance de ses bonnes relations avec les autorités de ce pays, d'autre part eu égard à la difficile comptabilité entre les choix technologiques entre l'EPR d'Areva et l'AP 100 de Westinghouse.

A titre de synthèse, elle a fait valoir qu'Areva, leader mondial de son activité, connaissait une phase de forte croissance et qu'il convenait que le groupe, pour maintenir sa position, augmente ses capacités de production, maintienne son avance technologique et développe de nouvelles technologies sûres. Elle a insisté sur le fait que le groupe visait une croissance externe centrée sur son coeur de métiers, ce qui n'excluait pas le développement des énergies renouvelables. S'agissant de T&D, elle a indiqué que, passé la phase de redressement, l'objectif était désormais de le développer.

Enfin, elle a conclu en indiquant qu'Areva aurait besoin à terme d'avoir recours au marché financier, à défaut de quoi le groupe risquerait d'être contraint de s'endetter lourdement, ce qui restreindrait sa capacité à garantir les centrales nucléaires sur ses fonds propres. Elle a indiqué avoir pris acte de la décision prise par le Premier ministre en octobre dernier sur ce point, mais a néanmoins souligné qu'elle demeurait convaincue de la nécessité d'une ouverture de capital.

M. Jean-Paul Emorine, président, a tenu à remercier et à féliciter Mme Anne Lauvergeon, à la fois pour les succès remportés par son entreprise et pour la qualité de son intervention.

Puis M. Henri Revol a questionné Mme Anne Lauvergeon sur deux points : d'une part, sur la concurrence accrue, qui pourrait être celle des Etats-Unis, compte tenu du regain d'attractivité dont bénéficie l'énergie nucléaire dans le monde et dans ce pays en particulier et, d'autre part, sur les risques liés aux transferts de technologies, notamment en Chine.

M. Charles Revet s'est félicité de la meilleure perception du nucléaire par le public, tout en notant que la question de la durée de vie des déchets demeurait ouverte. Il s'est aussi demandé si la structure du capital d'Areva ne lui faisait pas courir des risques de prise de contrôle par des entités étrangères.

M. Daniel Raoul s'est interrogé sur la capacité des pays en développement à faire fonctionner les centrales nucléaires dans des conditions de sûreté optimales. Il a aussi exprimé des doutes quant à l'intérêt d'examiner successivement deux projets de loi relatifs aux activités nucléaires (l'un sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire et l'autre relatif à la gestion des déchets), eu égard à la lisibilité de ce sujet et à son acceptabilité par la société.

M. Jean Bizet a estimé que les actions de communication d'Areva vis-à-vis du grand public étaient remarquablement menées, tout en notant qu'un effort supplémentaire serait peut-être nécessaire au sujet des risques électromagnétiques encourus par les populations.

M. Christian Gaudin a insisté sur la position stratégique qu'occupe Areva à la confluence de plusieurs articulations essentielles : entre l'énergie et l'environnement, entre la recherche fondamentale et l'innovation technologique et entre la science et son acceptation sociale.

En réponse à ces interventions, Mme Anne Lauvergeon a tout d'abord fait valoir que l'hypothèse d'une accélération de l'effort américain en matière nucléaire constituait avant tout une opportunité pour son entreprise, dans la mesure où ce développement était basé sur l'utilisation des technologies disponibles les plus performantes, pour lesquelles Areva figure aux premiers rangs. S'agissant des transferts de technologies en direction de la Chine, elle a rappelé que le savoir-faire en matière d'énergie nucléaire était difficile à imiter, car il repose sur la maîtrise de plusieurs processus extrêmement pointus. A ce titre, elle a rappelé qu'après vingt ans de coopération et de transferts de technologies, la Chine n'était toujours pas en mesure de fabriquer des réacteurs de 1.000 mégawatts et qu'elle se limitait à la production de réacteurs de 600 mégawatts. Mme Anne Lauvergeon a toutefois estimé que, dans 25 ans, la situation serait probablement différente et qu'elle se caractériserait par l'émergence d'un acteur chinois jouant un rôle majeur sur le marché mondial.

S'agissant de la structure du capital d'Areva, elle a fait valoir que le statu quo n'était pas nécessairement à privilégier dans la mesure où, en dehors des cas français, russe et chinois, les constructeurs de réacteurs nucléaires étaient des sociétés privées et parfois même des entreprises de taille moyenne (telles que Cameco) et qu'une ouverture du capital d'Areva lui semblerait très utile pour rendre la structure de bilan de l'entreprise plus compatible avec ses projets de développement. Par ailleurs, elle a estimé qu'il était tout à fait légitime et souhaitable de protéger les industries stratégiques, notamment par le système de la « golden share », qui permet par exemple de limiter l'acquisition de parts significatives de certaines sociétés par des investisseurs étrangers, sur décision de l'Etat, même lorsque ce dernier n'est pas actionnaire de ces entreprises. Elle a rappelé que ce type de règles avait été établi pour Thalès.

Ensuite, elle a abordé la question des déchets nucléaires en indiquant, à titre personnel, qu'elle considérait la solution adoptée par la Finlande à la quasi-unanimité du Parlement comme un excellent exemple, à savoir : la sélection d'un site national où il est procédé au stockage de l'ensemble des résidus avec une clause de réversibilité jusqu'en 2050, afin de donner le temps nécessaire au progrès scientifique, après quoi, il sera éventuellement décidé de la fermeture définitive du site.

S'agissant des risques liés à la sûreté dans les pays en développement, elle a rappelé qu'Areva avait pour principe de n'intervenir que dans des pays dotés d'autorités de sûreté les rendant capables d'appliquer strictement les règles de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Elle a ainsi précisé qu'une coopération avec l'Iran n'était pour elle envisageable que si ce pays s'inscrivait dans le cadre des pratiques et des obligations internationales, tout en notant que la question de la non-prolifération de l'arme nucléaire était assez largement dissociée de celle de la construction d'une capacité nucléaire civile.

Mme Anne Lauvergeon s'est aussi félicitée des appréciations portées par les membres de la commission quant à la meilleure acceptabilité de l'énergie nucléaire et au rôle qu'Areva a pu jouer en ce sens. Elle s'est déclarée désireuse de poursuivre ce travail, notamment s'agissant des inquiétudes du public vis-à-vis des rayonnements électromagnétiques.

La commission a ensuite procédé à une deuxième série de questions et d'interventions de ses membres.

M. Jean-Pierre Vial a interrogé Mme Anne Lauvergeon sur l'implication d'Areva, d'une part dans la promotion des énergies renouvelables -notamment solaire- et, d'autre part, dans les projets de production énergétique des industriels électro-intensifs.

M. René Beaumont a tenu à rappeler que les actuels succès français en matière nucléaire étaient les conséquences de décisions politiques stratégiques prises au milieu des années 1970. Il a par ailleurs estimé que les actions engagées en faveur de la production d'énergie, à partir de la biomasse, étaient encore insuffisamment volontaristes.

M. Marcel Deneux s'est félicité du regain d'intérêt pour l'énergie nucléaire et pour l'ensemble des énergies non productrices de gaz à effet de serre, tout en regrettant qu'Areva n'ait pas retenu un partenaire français dans le secteur éolien. Il a aussi évoqué l'opacité du financement de GreenPeace en estimant que le public gagnerait à en être davantage conscient.

M. Daniel Reiner a tenu à rappeler qu'Areva avait pu conduire et réussir son développement tout en restant une entreprise à capital public, estimant que la question de l'ouverture du capital de l'entreprise renvoyait aussi à un choix politique. Il s'est inquiété du point de savoir si Areva, « champion » européen en matière d'énergie nucléaire, n'était pas exposé au même risque de prise de contrôle que ne l'est Arcelor aujourd'hui, estimant que cette question renvoyait à la problématique plus large de l'indépendance énergétique de l'Europe.

En réponse à ces interventions, Mme Anne Lauvergeon a rappelé l'engagement d'Areva dans les énergies renouvelables, en particulier dans le domaine des énergies solaire et des éoliennes. A ce titre, elle a regretté que, pour des raisons d'organisation administrative, les problématiques liées à la biomasse ne soient pas traitées avec les autres « nouvelles technologies énergétiques ». Elle s'est toutefois interrogée sur les limites à apporter au développement de la production de la biomasse, dans la mesure où les terres agricoles disponibles doivent, à son sens, être prioritairement affectées à l'alimentation d'une population mondiale en forte croissance. Par ailleurs, elle a indiqué que son entreprise ne participait pas aux projets de production promus par les industries électro-intensives, dont le partenaire naturel est davantage EDF.

Eu égard à la structure capitalistique d'Areva, elle a mis en avant l'intérêt que présenterait une augmentation du capital pour assurer le développement de l'entreprise, notamment dans le cadre d'une coopération européenne. A ce titre, elle a rappelé que le partenariat noué avec Siemens (notamment dans la construction du réacteur EPR en Finlande) ne résultait nullement d'un choix défavorable à Alstom, dont Areva a d'ailleurs repris puis cédé la branche transmission et distribution.

Enfin, reprenant la comparaison avec Arcelor, Mme Anne Lauvergeon a rappelé que les problématiques étaient sans doute différentes du seul fait que le groupe sidérurgique représentait 5 % des parts du marché mondial, alors qu'Areva réalise 30 % de l'activité dans son domaine.

M. Jean-Paul Emorine, président, a clos la réunion en renouvelant ses remerciements à Mme Anne Lauvergeon et en soulignant qu'il avait été très sensible à son invitation, exprimée par ailleurs, d'une visite de certains sites d'Areva en Bourgogne par le Bureau de la commission. Il a estimé que cette visite devrait pouvoir se réaliser dans les mois à venir.