Mercredi 28 juin 2006

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Mecss - Réforme du système de santé en Allemagne - Communication

La commission a tout d'abord entendu M. Alain Vasselle sur le rapport d'information relatif au déplacement à Berlin d'une délégation de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) chargée d'étudier les évolutions du financement de la protection sociale et la réforme du système de santé en Allemagne.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a rappelé qu'une délégation de la Mecss, composée de MM. Bernard Cazeau, Guy Fischer, André Lardeux et Bernard Seillier, s'est rendue à Berlin du 16 au 19 mai dernier. Elle y a rencontré les représentants des principales administrations concernées, les partenaires sociaux et les députés spécialistes des questions de protection sociale et de santé, les représentants des caisses de retraite et de maladie, ceux des associations de médecins et ceux des hôpitaux. La délégation a également pu avoir un long entretien avec le conseiller pour les affaires sociales de Mme Angela Merckel. Si la mission a choisi de se rendre en Allemagne, c'est en raison des fortes similitudes que ce pays entretient avec la France dans le domaine de la protection sociale, et plus spécifiquement de la santé : d'abord, le poids des dépenses à caractère social y dépasse 30 % du produit intérieur brut (PIB) ; ensuite, le coeur de la protection sociale est formé par un système assurantiel qui remonte au chancelier Bismarck pour l'Allemagne et que les Français ont largement imité au vingtième siècle, encore que, dans les deux cas, la part prise ces dernières années par l'Etat dans le financement de la protection sociale a eu tendance à s'accroître au point qu'aujourd'hui la moitié environ du budget fédéral est consacrée à des versements au profit des assurances sociales, notamment des assurances retraite ; enfin, la sécurité sociale allemande dans son ensemble est aujourd'hui déficitaire à hauteur de 3,35 milliards d'euros en 2005, essentiellement du fait du régime vieillesse, qui a perdu près de 6 milliards d'euros l'an dernier.

Si les déficits se sont concentrés en 2005 sur la vieillesse, les branches maladie et chômage de la sécurité sociale allemande sont également dans une situation de grande fragilité : l'assurance maladie a connu des soldes négatifs entre 2001 et 2003 et de nouveaux déficits massifs - 8 à 10 milliards d'euros - sont annoncés à partir de 2007 ; quant à la branche chômage, l'absence de déficit n'est due qu'à l'intervention de l'Etat fédéral, qui doit assurer légalement l'équilibre de la partie assurantielle et qui finance intégralement la part relevant de l'aide sociale. Les déficits de la branche assurantielle, avant subvention fédérale, ont ainsi couramment atteint 4 à 5 milliards d'euros ces dernières années.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a ensuite insisté sur les différences entre les deux pays, et d'abord sur l'écart de leurs taux de fécondité : 1,4 enfant par femme en Allemagne, alors que la France parvient pratiquement à assurer le renouvellement des générations. En conséquence, le rapport entre retraités et actifs reviendra de 1 pour 4 à 1 pour 2 en 2040 et le vieillissement de la population allemande pourrait alourdir les dépenses de protection sociale d'environ 5,5 points de PIB d'ici à 2050.

En dépit de cet environnement, globalement plus défavorable que celui de la France, les Allemands semblent avoir fait preuve d'une plus grande réactivité : l'ensemble des partis politiques participant au Gouvernement et les partenaires sociaux ont développé une conscience très aiguë de la nécessité d'alléger le coût du facteur travail, afin de préserver la compétitivité du « site Allemagne » dans l'économie mondiale. Ils ont donc cherché à réduire, ou du moins stabiliser, les taux de cotisation qui pèsent sur les seuls salaires et à trouver d'autres sources de financement pour alimenter la protection sociale.

Cette attitude volontariste a permis d'empêcher, jusqu'à présent, l'émergence d'une dette sociale, que la Mecss a estimé en France à environ 100 milliards d'euros.

Puis M. Alain Vasselle, rapporteur, a dressé le bilan des réformes engagées, notamment par le dernier gouvernement Schröder avec l'appui des chrétiens démocrates, dans les domaines des retraites et de la santé. Après deux années de mise en oeuvre, les résultats apparaissent pour le moins contrastés.

Le paysage des retraites ressort structurellement bouleversé, en raison d'une moindre solidarité intergénérationnelle et de la création d'un dispositif de capitalisation en plus du régime par répartition. Deux instruments complémentaires ont été utilisés : d'une part, le taux de croissance des retraites est amputé chaque fois que le rapport entre cotisants et retraités se dégrade ; d'autre part, le troisième pilier par capitalisation a été renforcé par la réforme « Riester », du nom du ministre qui l'a promue, grâce à l'octroi d'avantages fiscaux. En pratique, les montants des retraites individuelles de base baissent sous l'effet de la dégradation du rapport démographique et les futurs retraités sont incités à compenser le manque à gagner en contractant une retraite par capitalisation avec l'aide de l'Etat.

Après des débuts hésitants, ce schéma semble devoir progressivement se mettre en place, même si deux mesures supplémentaires ont dû être annoncées : le relèvement du taux de cotisation de 19,5 % à 19,9 % au 1er janvier 2007, afin de faire face au déficit persistant de la branche vieillesse ; le report de soixante-cinq à soixante-sept ans de l'âge légal de départ à la retraite afin d'empêcher une trop forte dégradation des taux de remplacement de la retraite standard.

L'efficacité de ces réformes suppose toutefois que l'économie allemande parvienne à maintenir les seniors sur le marché de l'emploi jusqu'à l'âge de soixante-sept ans, alors que le taux actuel d'activité au-delà de soixante ans est inférieur à 30 % ; elle repose ensuite sur l'adhésion pleine et entière des Allemands à des mécanismes de marché pour garantir le niveau de leur retraite, la question étant posée de savoir s'il convient de rendre les retraites « Riester » obligatoires.

Puis M. Alain Vasselle, rapporteur, a exposé le bilan plutôt négatif de la réforme du secteur de la santé et de la maladie entreprise en 2003. Celle-ci a produit des résultats positifs la première année, en 2004, mais l'impact des mesures prises paraît insuffisant pour garantir la viabilité à long terme du système d'assurance maladie.

Cette réforme reposait sur trois principes : un accroissement de la participation des assurés, notamment par la création d'un ticket modérateur de 10 euros par trimestre pour les consultations de soins de ville ; un recours accru à l'impôt à travers la hausse des droits sur les tabacs ; la mise en place d'une démarche de qualité des soins et de maîtrise médicalisée : parcours de soins organisé autour d'un « médecin de famille », prise en charge intégrée des pathologies chroniques, recours à des « lignes directrices » accompagnant l'activité des médecins, introduction de la tarification à l'activité dans le secteur hospitalier.

Grâce à ces mesures, les dépenses de santé ont subi une baisse franche en 2004, permettant à l'assurance maladie de dégager à nouveau un excédent de plus de 4 milliards d'euros, mais elles sont reparties à la hausse en 2005, essentiellement sous la pression du poste médicament qui a franchement dérapé, avec un taux d'évolution de + 16,3 %, plaçant l'Allemagne en tête des progressions pour ce poste au sein des pays développés. Une loi a ainsi dû être adoptée en urgence prévoyant notamment, à compter du 1er mai 2006, le gel, pendant deux ans, du prix de tous les médicaments et l'instauration d'un dispositif de bonus-malus sur la base d'une convention passée entre les caisses et les médecins.

Sans l'apport complémentaire des droits sur les tabacs, un nouveau déficit de l'assurance maladie aurait été enregistré dès 2005 du fait d'un taux de progression de cotisation extrêmement faible. La volonté d'assurer la pérennité du système conduit donc inévitablement les partenaires de la coalition au pouvoir à renforcer les premières réformes structurelles engagées par la majorité précédente ainsi qu'à privilégier aujourd'hui une réflexion sur la nature même du financement de l'assurance maladie.

Alors que le parti social démocrate (SPD) plaide pour un schéma proche de la contribution sociale généralisée (CSG) française, les chrétiens démocrates (CDU) sont favorables à un système de cotisation forfaitaire par tête qui permettrait de figer le taux de cotisation patronale en faisant porter sur les seuls assurés le coût des dérives financières du système d'assurance maladie. Un compromis doit être rédigé pour le 10 juillet prochain et un projet de loi doit être adopté pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2007.

En conclusion, M. Alain Vasselle, rapporteur, a présenté trois observations :

- en premier lieu, le régime allemand de protection sociale, confronté à des défis proches de ceux de la sécurité sociale française, apparaît dans une situation financière plus saine ; l'action pour contrer l'apparition des déficits est plus systématique et les Allemands peuvent se flatter de ne pas avoir infligé une dette sociale, injuste dans son principe, aux générations futures ;

- ensuite, l'Allemagne est allée très loin dans la réforme structurelle du financement de ses retraites en promouvant de fait un système mixte alliant répartition et capitalisation ; ce faisant, elle a pris deux paris : celui d'un relèvement significatif du taux d'activité des classes d'âge de plus de soixante ans et celui d'une adhésion massive des générations cotisantes à ce système mixte ;

- enfin, l'Allemagne a suivi, en matière de maladie et de santé, un cheminement très proche de celui de la France, mais davantage axé sur les réformes structurelles. Pour autant, cette orientation ne suffit pas à elle seule pour réduire l'effet de ciseaux qui caractérise l'évolution du solde de l'assurance maladie, ce qui explique la réflexion en cours sur son financement.

Mme Isabelle Debré a demandé si les Allemands se sont dotés d'un dossier médical personnel (DMP). Elle a souhaité connaître le montant des franchises à la charge des assurés et savoir s'il subsiste en Allemagne des prises en charge à 100 % ou si ces franchises sont d'ordre public et s'appliquent à tous. Elle a souligné en contrepoint la tendance des Français à l'assistanat au travers du maintien de prises en charge complètes, déresponsabilisantes pour ceux qui en bénéficient.

M. Alain Gournac a mis en avant le courage des Allemands qui n'hésitent pas à repousser à soixante-sept ans l'âge légal du départ à la retraite alors que, dans le même temps, les Français discutent simplement de la possibilité de laisser travailler ceux qui le souhaitent au-delà de l'âge légal de soixante ans. Il a également souligné, pour preuve de ce courage, le gel pendant deux ans du tarif des médicaments et le fait que la prochaine réforme de l'assurance maladie entrera en vigueur, quoi qu'il arrive, au 1er janvier 2007.

Il a encouragé la Mecss et la commission à poursuivre ces déplacements à l'étranger qui ne peuvent être que riches d'enseignements pour la France.

M. Guy Fischer a insisté sur le fait qu'au-delà de la similitude des problématiques entre la France et l'Allemagne, l'histoire avait légué des particularismes aux deux pays. Le régime d'assurance maladie de base en Allemagne est très largement dominant. Même si elles sont trop nombreuses, les caisses d'assurance maladie ont un pouvoir réel. Ce sont elles qui mènent les négociations avec les organisations de médecins.

S'agissant du corps médical, des tensions très nettes sont apparues ces dernières années. L'augmentation de salaire dont viennent de bénéficier les médecins hospitaliers n'a pu être obtenue qu'en contrepartie de la suppression d'avantages sociaux non négligeables. Pour la médecine de ville, le malaise demeure puisqu'en pratique, les médecins sont appelés à travailler gratuitement une fois que l'enveloppe budgétaire qui leur a été attribuée globalement est épuisée.

Pour ce qui est du domaine de la prévention, les entretiens de la Mecss ont laissé apparaître que la politique allemande présente des lacunes.

S'agissant des prestations de chômage, le désengagement progressif du budget fédéral entraîne une baisse importante des prestations au détriment des salariés.

Afin d'éclairer le débat, M. Guy Fischer a souhaité que la commission dispose d'un tableau comparatif établissant pour chaque pays européen l'âge légal ainsi que l'âge réel du départ à la retraite.

Il a confirmé le caractère consensuel et la force du discours dominant aujourd'hui outre-Rhin sur la nécessité de préserver la compétitivité du « site Allemagne » par un gel, voire une diminution des cotisations patronales.

Il a également mis en avant le poids de l'industrie pharmaceutique qui apparaît aussi important en Allemagne qu'en France.

Enfin, il a rappelé que les entretiens avec la fédération hospitalière allemande tendent à prouver que le nombre des hôpitaux devrait baisser de 20 % dans les prochaines années.

M. Louis Souvet a demandé à son tour que la commission dispose d'un tableau comparatif sur les âges de départ à la retraite chez les principaux partenaires de la France.

Il a souligné le fait qu'en dépit de problèmes assez semblables, la sécurité sociale allemande parvient plus facilement à rétablir son équilibre que son homologue française. Il a jugé louable la volonté des responsables allemands de privilégier coûte que coûte une baisse du taux de cotisation en matière d'assurance maladie.

M. Dominique Leclerc a mis en avant le caractère identique des problématiques en matière de retraite en Allemagne et en France.

Il a souhaité savoir si la démarche de réforme des retraites engagée en Allemagne était sincère, critiquant au passage l'absence de réalisme des projections faites en France, notamment par le Conseil d'orientation des retraites (Cor).

Il a souligné le fait que le faible taux d'activité des seniors est un problème commun à l'Allemagne et à la France.

Il a enfin estimé que la solidarité intergénérationnelle, c'est-à-dire le poids de l'effort que les retraités sont en droit d'exiger des actifs, est le sujet central aujourd'hui de la question des retraites.

Répondant aux différents intervenants, M. Alain Vasselle a indiqué à Mme Isabelle Debré qu'il n'existe pas en Allemagne de dossier médical personnel, mais qu'a été mis en place un système similaire à celui de la carte vitale.

Sur la question de la franchise, il a précisé que celle-ci s'applique non seulement aux consultations de ville, mais aussi aux boîtes de médicaments. Il a confirmé que les médecins allemands bénéficient d'une enveloppe de rémunération fermée, selon un schéma proche de celui qu'avait voulu imposer en France M. Alain Juppé lorsqu'il était Premier ministre.

Il a partagé le souhait de MM. Guy Fischer et Louis Souvet de disposer d'une étude comparative sur les âges, légaux et réels, de départ à la retraite, jugeant que cette étude pourrait être complétée par une comparaison sur les différentes natures de retraite offertes aux pensionnés, selon qu'il s'agit de retraite par répartition, par capitalisation ou d'un système mixte.

Il a également estimé souhaitable l'établissement d'un tableau comparatif des différents types et niveaux de franchises existant dans les différents pays européens sur les consultations de ville, les médicaments ou les soins hospitaliers.

En réponse à M. Dominique Leclerc, il a souligné la sincérité, au moins apparente, des personnes rencontrées à Berlin sur la question de la réforme des retraites. Celles-ci lui ont paru effectivement déterminées à gagner leur pari de mise en place d'un système mixte alliant répartition et capitalisation. D'une façon générale, l'état d'esprit dominant en Allemagne dans la classe politique et parmi les partenaires sociaux est beaucoup plus consensuel qu'en France. L'existence de ce consensus permet d'apporter des réponses plus précoces et plus efficaces aux problèmes qui se posent à la protection sociale au fur et à mesure qu'ils se présentent. Cette différence de comportement apparaît bien dans la question de la dette sociale que les Français ont laissé se constituer, alors que la sécurité sociale allemande bénéficie d'une situation financière beaucoup plus saine.

S'agissant de la baisse des cotisations d'assurance maladie, M. Alain Vasselle, rapporteur, a indiqué que les négociations en cours entre sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates au sein de la coalition devraient aboutir à proposer de les compenser par une augmentation de l'impôt sur le revenu des ménages.

Enfin, en réponse à M. Guy Fischer, il a indiqué que la fermeture envisagée de 20 % des hôpitaux allemands ne sera pas le fruit d'une décision autoritaire mais devrait être la conséquence mécanique de la réforme en cours, qui prévoit la généralisation de la tarification à l'activité en 2009.

La commission a alors autorisé la publication du présent rapport d'information consacré aux évolutions du financement de la protection sociale allemande et à la réforme du système de santé.

Sécurité sociale - Débat d'orientation sur les finances sociales - Communication

La commission a entendu une communication de M. Nicolas About, président, sur le débat d'orientation sur les finances sociales.

M. Nicolas About, président, a d'abord indiqué que ce débat est une première application de l'article 6 de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005 et qu'il était souhaité depuis plusieurs années par la commission des Affaires sociales. Les dispositions de la loi organique prévoient en effet le dépôt obligatoire d'un rapport par le Gouvernement avant le 30 juin de chaque année sur les orientations des finances sociales, comprenant une description de la politique du gouvernement dans ce domaine au regard des engagements européens de la France ainsi qu'une évaluation pluriannuelle de l'évolution des recettes et des dépenses des administrations de sécurité sociale. Ce rapport peut être suivi d'un débat à l'Assemblée nationale comme au Sénat, débat qui peut être concomitant au débat d'orientation budgétaire. Pour la première application de ces dispositions, le Gouvernement a déposé un rapport unique, intitulé « Engagement national de désendettement », destiné à servir de base à un débat commun d'orientation budgétaire et d'orientation des finances sociales.

M. Nicolas About, président, a regretté l'absence, dans ce rapport, d'évaluations pluriannuelles des recettes et des dépenses des administrations de sécurité sociale, ainsi que de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). La seule mention de l'objectif d'un retour à l'équilibre du régime général à l'horion 2009 paraît nettement insuffisante, en particulier en comparaison du détail fourni pour les scénarios pluriannuels développés pour les recettes et les dépenses du budget de l'Etat.

Cette première application des nouvelles règles de la loi organique peut donc être considérée comme un « galop d'essai ». Le Gouvernement devra être plus rigoureux dans sa présentation de l'année prochaine.

Puis il a fait part du souhait de M. Alain Vasselle et de lui-même de faire venir le ministre du budget devant la commission des affaires sociales dès la présentation en conseil des ministres du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les imbrications entre la loi de finances et la loi de financement et le fait que les finances sociales sont devenues une sorte de variable d'ajustement des finances de l'Etat rendent indispensable une telle audition.

Il a ensuite rappelé les insuffisances du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale et indiqué qu'il demanderait une nouvelle fois au Gouvernement de les corriger. Ainsi il conviendra de renforcer le cadrage pluriannuel des finances sociales en développant l'annexe B, de fournir dans l'exposé des motifs du projet de loi les raisons des diverses évolutions envisagées, aussi bien pour les prévisions de dépenses que de recettes et d'équilibre, de présenter les données chiffrées en millions d'euros et non en milliards arrondis à la centaine de millions près et de donner un chiffrage précis des différentes mesures nouvelles proposées, en recettes comme en dépenses. Enfin, la création d'un sous-objectif de l'Ondam consacré au médicament apparaît nécessaire pour une évaluation plus précise de la réforme.

Puis M. Nicolas About, président, a présenté une série d'observations sur l'évolution actuelle des finances sociales. En premier lieu, le retour à l'équilibre en 2009 s'annonce extrêmement difficile. Même si le déficit du régime général a été ramené à un peu plus de 10 milliards d'euros en 2006, par rapport à une tendance de 16 milliards, on constate que toutes les branches sont en déficit pour la deuxième année consécutive et que les perspectives d'amélioration sont soumises à de fortes incertitudes. S'agissant des recettes, les deux derniers exercices ont bénéficié de recettes exceptionnelles : en 2005, la soulte des industries électriques et gazières, en 2006, la modification des modalités de taxation des plans d'épargne logement de plus de dix ans. Comme l'a souligné à juste titre la Cour des comptes, ces ressources ne sont pas renouvelables. Du côté des charges, on observe un indéniable ralentissement des dépenses d'assurance maladie, la progression de l'Ondam ayant été contenue à 3,9 % en 2005, après 4,9 % en 2004 et 6,4 % en 2003. Pour 2006, la prévision est de + 1,7 %. Néanmoins, dans son récent avis, le comité d'alerte a constaté un dérapage d'environ 600 millions d'euros sur les soins de ville avec, en particulier, un fort risque de dépassement dans le domaine du médicament. En outre, le comité d'alerte a estimé prématuré de se prononcer sur les dépenses des établissements de santé, qui ont pourtant enregistré 670 millions d'euros de dépenses supplémentaires en 2005.

Pour la branche vieillesse, la commission des comptes de la sécurité sociale a révisé à la hausse les dépenses de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) pour 2006, à hauteur d'un peu plus de 800 millions d'euros. Ces prévisions sont très sensibles aux hypothèses de comportement des assurés et au fait que deux phénomènes se cumulent : le nombre important des départs au titre des carrières longues et l'arrivée à l'âge de la retraite de la première génération du baby-boom.

Pour la famille, la croissance des dépenses reste très dynamique du fait de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), dont le coût avait été sous-estimé, ce qui conduit à un déficit prévisionnel pour 2006 de 1,5 milliard d'euros.

A ce tendanciel inquiétant des évolutions réelles s'ajoute le problème non moins préoccupant de l'accumulation des déficits. Si la loi de réforme de l'assurance maladie a traité une partie de la question grâce à la reprise de 50 milliards de déficit par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), d'ici à 2009, un minimum de 15 milliards restera à financer. Or, comme le dit la Cour des comptes dans son dernier rapport, la dette sociale est une « anomalie » ou, selon le rapport Pébereau, une aberration. La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) a d'ailleurs récemment constaté en Allemagne qu'une telle dette y est proscrite.

Le deuxième constat que l'on peut faire sur la situation actuelle est le manque de transparence dans les relations entre l'Etat et la sécurité sociale. Cette situation a été maintes fois dénoncée par la commission des affaires sociales. Pour cette année, trois engagements doivent être obtenus du Gouvernement : la compensation à l'euro près des exonérations de charges sociales sur les bas salaires, pour laquelle il semble aujourd'hui manquer 200 millions d'euros, l'inscription dans le bilan d'entrée de l'Etat au 1er janvier 2006 des dettes du plan textile et du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (Forec) comme créances vis-à-vis de la sécurité sociale et l'arrêt de la mise à contribution de la sécurité sociale pour des dépenses qui relèvent normalement de la solidarité nationale et du budget de l'Etat, comme le plan « Grippe aviaire », le plan « Biotox » ou, dernièrement, le financement de la réforme de la protection de l'enfance. Il ne paraît pas juste que l'Etat apparaisse budgétairement vertueux au détriment des finances sociales.

Le troisième constat concerne la situation intenable du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (Ffipsa). Le rapport de la Mecss sur la dette sociale en a fait un bilan précis : si l'on ne fait rien, les déficits cumulés du FSV et du Ffipsa, qui atteignent déjà 8,3 milliards d'euros, s'élèveront à près de 18 milliards en 2009. Comme l'ont déjà souligné la commission des affaires sociales et la Cour des comptes, les textes rendent pourtant obligatoire pour l'Etat d'assurer l'équilibre de ces deux structures, ce qui impose des mesures d'urgence. Le groupe de travail mis en place par le Gouvernement pour trouver une solution au problème du Ffipsa à travers un recours à la compensation doit rendre ses conclusions prochainement, mais celles-ci semblent aboutir à une impasse.

Dans ce contexte général, une réforme du financement de la protection sociale apparaît nécessaire, sous l'influence combinée de l'ampleur des dépenses à financer, de leurs perspectives d'évolution et, surtout, de la nouvelle exigence de « zéro dette sociale ». Plusieurs rapports récemment publiés sur ce sujet, ainsi que l'expérience allemande, montrent que cette réforme est une entreprise complexe notamment, en raison de ses conséquences économiques. La commission des affaires sociales devra, elle aussi, poursuivre sa réflexion sur cette question.

M. Guy Fischer a jugé très grave le problème de la dégradation des comptes de la sécurité sociale, dans la mesure où il incombe essentiellement aux assurés sociaux d'en faire les frais, que ce soit pour la santé, l'égalité d'accès aux soins ou la qualité des soins. Il a souligné que les quatre branches sont en déficit pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement ne proposant aucune solution pour y faire face. Il a dénoncé l'utilisation de la sécurité sociale comme une variable d'ajustement de la loi de finances, le côté de plus en plus irréaliste de la technique de l'Ondam, la situation dramatique du FSV et du Ffipsa. Un débat sur l'hôpital public devra avoir lieu. La santé est devenue un bien de luxe et les inégalités ne font que s'accroître entre assurés sociaux.

M. Louis Souvet a estimé la communication de M. Nicolas About, président, un peu sévère. Il a souhaité que l'audition du ministre du budget par la commission des affaires sociales se fasse conjointement avec celle du ministre de la santé et même, pourquoi pas, en commun avec la commission des finances.

M. Nicolas About, président, a expliqué que les interactions de plus en plus nombreuses entre les finances sociales et le budget de l'Etat rendent nécessaire l'audition du ministre du budget par la commission des affaires sociales.

M. André Lardeux a estimé juste le constat présenté. Les comptes sociaux sont mauvais et se dégradent en l'absence d'efforts réels des assurés sociaux, aussi bien en matière de santé que de retraite. Seuls les professionnels et les générations futures sont mis à contribution. Le déficit de la branche famille, qualifié de conjoncturel par le Gouvernement, prend désormais une allure structurelle. Il conviendra sans doute de s'inspirer du modèle allemand, où la politique de la famille relève de la solidarité nationale et est financée par le budget de l'Etat.

M. Dominique Leclerc a manifesté son attachement à une vision globale des finances sociales, des prestations et de leur financement. S'agissant des retraites, des réformes drastiques seront bientôt nécessaires. Pour garder la qualité du système de santé, il va falloir mieux cibler les dépenses, ce qui imposera des choix et des décisions. Il est toutefois important de rappeler que la bonne santé économique de la France reste le seul moyen de préserver notre système social. Enfin, il s'est étonné de ce que l'on puisse parler de désendettement sans au préalable analyser l'origine de la dette.

M. Gilbert Barbier a estimé nécessaire d'aller au-delà du constat, de faire des propositions et de trouver des solutions pratiques pour réduire le déficit. Il a cité deux exemples justifiant de mener une réflexion : le maintien d'un taux de remboursement de 15 % pour certains médicaments et les rallonges budgétaires accordées aux hôpitaux pour combler leur déficit.

M. Nicolas About, président, a rappelé l'ambition de la commission des affaires sociales de déposer des propositions d'amélioration pour chacune des branches. Il a évoqué un certain nombre de pistes à explorer : l'instauration d'un ticket modérateur ou d'un taux de remboursement variable en fonction du revenu ou encore une mise à contribution plus forte des retraités sur un certain nombre de dépenses. Le prochain rapport du Haut conseil pour l'assurance maladie fournira peut-être quelques orientations sur lesquelles la commission pourra se pencher et le cas échéant jouer son rôle d'aiguillon auprès du Gouvernement.

M. Paul Blanc s'est déclaré en accord avec le constat présenté. Il a souligné l'ampleur des problèmes de financement de la dépendance, mais estimé inutile de créer une cinquième branche de la sécurité sociale à cet effet. La caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) est une structure qui doit être maintenue ; elle a l'avantage de disposer d'un conseil d'administration plus léger que celui des caisses de sécurité sociale, avec des représentants des associations de personnes handicapées et des personnes âgées.

M. Bernard Seillier s'est félicité de l'existence de ce débat d'orientation des finances sociales. L'audition du ministre des finances devant la commission des affaires sociales sera très utile pour éclaircir un certain nombre de points. Il a cité le problème de l'annulation des crédits pour l'insertion économique en raison d'un retard sur le terrain et d'une malencontreuse disposition « couperet » de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).

M. Alain Gournac s'est également félicité de la première application du débat d'orientation des finances sociales. En étant une force de proposition, la commission se met en valeur, ainsi que le Sénat. Le boulet de la dette sociale n'est pas encore suffisamment connu par l'opinion publique.

Mme Isabelle Debré a jugé essentiel d'inviter le ministre du budget devant la commission. Elle a souhaité un chiffrage de toutes les prestations entièrement gratuites, sans aucune franchise, notamment en matière de médicaments et de soins médicaux. Un minimum de responsabilisation des assurés lui paraît désormais nécessaire.

M. Nicolas About, président, s'est déclaré favorable à la création d'un ticket modérateur dès les premières dépenses.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 - Nomination de rapporteurs

La commission a ensuite désigné en qualité de rapporteurs sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 :

M. Alain Vasselle (équilibres financiers de la sécurité sociale et assurance maladie) ;

M. Dominique Leclerc (vieillesse) ;

M. André Lardeux (famille) ;

M. Gérard Dériot (accidents du travail).

Projet de loi de finances pour 2007 - Nomination de rapporteurs pour avis

Puis la commission a désigné en qualité de rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2007 :

M. Marcel Lesbros (mémoire et liens avec la Nation) ;

Mme Anne-Marie Payet (outre-mer) ;

M. Dominique Leclerc (régimes sociaux et de retraite) ;

- M. Alain Milon (santé) ;

- M. Gilbert Barbier (sécurité sanitaire) ;

- M. Paul Blanc (solidarité et intégration) ;

- M. Louis Souvet (travail) ;

- Mme Valérie Létard (ville et logement).

Nomination d'un rapporteur

Enfin, la commission a désigné Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur sur la proposition de loi n° 390 (2005-2006), adoptée par l'Assemblée Nationale, portant création d'un ordre national des infirmiers.