Mardi 10 octobre 2006

- Présidence de M. Serge Vinçon, président.

Loi de finances - Loi de finances pour 2007 - Mission « Défense » -Audition de Mme Michèle Alliot, ministre de la défense

La commission a procédé à l'audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2007 (mission « Défense »).

Saluant l'action conduite par Mme la ministre de la défense pour préserver l'effort national de défense, M. Serge Vinçon, président, s'est félicité que le projet de budget pour 2007 de la mission défense s'inscrive pleinement, une nouvelle fois, dans le strict respect de la loi de programmation militaire. Il a estimé que l'influence de la France dans le monde était aussi étroitement liée au maintien de son effort de défense, dont les Français comprenaient parfaitement la portée.

Soulignant que les moyens budgétaires devaient être appréciés au regard des actions qu'ils servent à mener, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, a tout d'abord souhaité évoquer les opérations extérieures, qui traduisent l'engagement déterminant des armées dans la politique internationale de la France.

Elle a précisé que les armées et la gendarmerie étaient engagées dans 26 opérations extérieures, mobilisant actuellement 14 500 hommes, près de 50 000 militaires français étant ainsi déployés chaque année du fait des rotations tous les quatre mois. Ces opérations sont diverses, tant par le cadre dans lequel elles interviennent (accord bilatéral, Union européenne, OTAN, mandat des Nations unies) que par les situations militaires sur le terrain. Elles témoignent que la défense est un outil essentiel de notre diplomatie, ainsi que la crise libanaise l'a confirmé.

Mme Michèle Alliot-Marie a estimé que le budget de la défense devait fournir les moyens de poursuivre ces actions, qui traduisent notre capacité à influer sur notre environnement et découlent de notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité.

Elle a, de ce point de vue, jugé capitale l'avancée réalisée avec l'inscription d'une ligne budgétaire relative aux opérations extérieures. Elle a indiqué qu'en 2007, cette provision s'élèverait à 375 millions d'euros, soit plus du double qu'en 2006. Elle inclura 15 millions d'euros pour les opérations extérieures de la gendarmerie et représentera environ les deux tiers d'un coût moyen annuel des opérations extérieures.

La ministre de la défense a ajouté qu'en 2006, le coût des opérations extérieures s'élèverait à 630 millions d'euros, dont 46 millions au titre du Liban, avec l'opération Baliste et le renforcement des moyens de la FINUL. L'intégralité des dépenses sera assurée par un décret d'avance prévu pour les prochains jours. Les crédits d'équipement ne seront pas ponctionnés pour financer les opérations, comme cela se faisait avant 2002. Tout est fait pour que les matériels utilisés en opérations extérieures soient disponibles à près de 95 %. Enfin, de nouveaux modes d'action ont été introduits dans ces opérations, notamment la possibilité, grâce à la récente loi sur les réserves, d'utiliser des réservistes dans les entreprises qui soutiennent les forces, et l'externalisation du soutien, qui sera expérimentée en 2007 pour nos camps militaires au Kosovo et au Tchad.

Mme Michèle Alliot-Marie a ensuite présenté les crédits de son ministère pour 2007.

Conformément aux engagements pris, la loi de programmation militaire 2003-2008 sera respectée pour la cinquième année consécutive, fait sans précédent depuis plus d'un quart de siècle. Au total, 75 milliards d'euros de crédits d'équipement auront été ouverts sur cinq ans. Cette enveloppe ne supporte plus, comme par le passé, des charges qui ne relèvent pas directement de la défense. Conformes à la loi de programmation, les crédits disponibles seront en outre consommés et les reports de crédits, qui s'élevaient à 2 milliards d'euros en début d'année 2006, devraient être ramenés à 1,2 milliard en fin d'année, pour être totalement résorbés en 2007. Pour résorber ces reports, le ministère sera autorisé à dépenser 650 millions d'euros de plus que ne lui permettent la loi de finances initiale et le bénéfice des fonds de concours. Par ailleurs, 180 millions d'euros de reports de la précédente loi de programmation militaire 1997-2002 pourront être utilisés pour financer les OPEX. Enfin, pour permettre les reports de crédits de 2006 sur 2007, le projet de loi de finances pour 2007 prévoit une dérogation exceptionnelle au principe de plafonnement des reports à 3 % des dotations ouvertes en loi de finances initiale.

La ministre a ajouté que la loi de programmation militaire 2003-2008 serait donc intégralement exécutée, alors que 13 milliards d'euros avaient manqué pour l'exécution effective de la précédente, soit l'équivalent d'une année de programmation. Elle a estimé que le prolongement de cet effort dans la durée était indispensable pour que la France puisse favoriser la construction de l'Europe de la défense, en montrant à nos partenaires la traduction concrète, en termes financiers, de nos objectifs politiques.

Mme Michèle Alliot-Marie a ensuite rappelé que les crédits de son ministère étaient désormais répartis entre quatre missions : « Défense », « Sécurité », « Recherche et enseignement supérieur » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ». Pour 2007, ils s'élèveront à 48 milliards d'euros, soit 2 % de plus qu'en 2006.

Sanctuarisé afin de respecter la loi de programmation, le budget d'équipement s'élèvera à 16 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) et 15,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), auxquels s'ajouteront les 3,6 milliards d'euros de reports de 2006 sur 2007. Les commandes, conformes aux prévisions, comporteront notamment le début de la réalisation du second porte-avions (PA2), 117 véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI), 12 hélicoptères de transport NH 90, 50 missiles de croisière navals SCALP, 5.000 systèmes de combat d'infanterie FELIN et 78 véhicules blindés pour la gendarmerie. Par ailleurs, le contrat de commande des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda sera signé avant la fin de l'année 2006. Au titre de la préparation de l'avenir, les commandes d'études amont s'élèveront à 700 millions d'euros en 2007. Avec les dotations consacrées au développement des programmes, le ministère de la défense dépensera ainsi 3,5 milliards d'euros pour la recherche et le développement.

Le maintien en condition opérationnelle des matériels restera une priorité, les crédits progressant de 10 % pour atteindre un total de 3,4 milliards d'euros. L'effort engagé pour optimiser les crédits destinés aux matériels aéronautiques et navals devra être étendu aux matériels terrestres, dont le maintien en condition a besoin d'être conforté et fait actuellement l'objet d'un audit.

Un « coup d'accélérateur » sera donné pour l'application de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002. Pour les dépenses d'investissement, 220 millions d'euros sont ouverts, soit 10 % de plus qu'en 2006. Au total, depuis 2003, 700 millions auront été ouverts à ce titre. En outre, 400 millions d'euros supplémentaires financeront les opérations d'infrastructure menées selon des dispositifs innovants. La réalisation du nouveau siège de la direction générale de la gendarmerie nationale, actuellement éclatée sur 11 sites, fait partie des opérations concernées.

Au titre des effectifs, l'effort effectué au profit du service de santé des armées et de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) sera poursuivi, alors que 950 emplois de gendarmes seront créés, ce qui portera à 6.050 les créations d'emplois depuis 2003 dans la gendarmerie. La réserve sera renforcée, avec l'ouverture de 19 millions d'euros supplémentaires permettant de porter le nombre d'engagements à 62 000 l'an prochain.

Le plan d'amélioration de la condition militaire sera doté de 66 millions d'euros et les mesures en faveur du personnel civil représenteront 15 millions d'euros, l'effort engagé chaque année depuis 2002 représentant à lui seul autant que ce qui avait été réalisé sur cinq ans de 1997 à 2002.

En conclusion, Mme Michèle Alliot-Marie a insisté sur la nécessité de prolonger ces efforts dans l'avenir. Rappelant le rôle stabilisateur de la France dans les situations de crise, les impératifs de protection de nos concitoyens et de nos intérêts et la nécessité de pouvoir peser dans le monde grâce à une politique étrangère autonome, elle a estimé qu'il serait irresponsable de diminuer les crédits de la défense.

Dans un environnement caractérisé par la montée des risques, elle a de nouveau souligné la nécessité que représentait une Europe de la défense, dont la construction dépend pour une large part du rôle moteur que la France pourra continuer à jouer. Elle a ainsi appelé à prolonger le redressement de l'effort de défense engagé par la loi de programmation militaire 2003-2008 et a observé que, d'après les enquêtes d'opinion, les Français reconnaissaient très largement la légitimité de cet effort, un quart d'entre eux souhaitant même son augmentation.

Elle s'est félicitée que le projet de budget pour 2007 aille dans cette direction.

M. André Boyer, rapporteur pour avis des crédits de la marine, s'est interrogé sur la capacité pour la France de projeter, si nécessaire, de nouvelles troupes sur des théâtres extérieurs, compte tenu de ses engagements actuels. Ainsi, la France n'envisage pas de renforcer ses forces présentes en Afghanistan malgré les demandes exprimées par l'OTAN. Il s'est interrogé sur l'impact de ces nombreuses opérations extérieures sur la fidélisation des militaires du rang. Puis il a évoqué les problèmes soulevés par la sauvegarde maritime des îles Canaries, soumises à un fort afflux d'immigrés africains, et a souhaité connaître la position de l'Espagne sur appui français dans ce domaine. Il a enfin souligné la nécessité de reconstituer les différents stocks de carburants des armées, qui ont été, récemment, particulièrement sollicités.

M. Didier Boulaud a exprimé son scepticisme sur la réalité de l'exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008. Il a ainsi estimé que la conjonction des reports de crédits, des intérêts moratoires, et de la sous-évaluation du coût de la professionnalisation, avait conduit à une « revue de programmes » implicite, effectuée au cours de l'été 2006. Il a ainsi relevé que seuls 12 hélicoptères NH 90 seront livrés durant l'actuelle loi de programmation, au lieu des 30 prévus, et a évalué à 10 milliards d'euros le décalage entre le coût programmé et le coût réel des équipements. Il a fait valoir que le modèle d'armée 2015 était périmé, et qu'un nouveau Livre Blanc devait être élaboré, intégrant une forte dimension européenne. Il a conclu en déplorant que l'ensemble de ces carences influencerait les décisions que le prochain président de la République devrait prendre.

M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis des crédits des forces aériennes, s'est interrogé sur la nature des initiatives prises pour renforcer la réflexion interarmées, au sein des forces françaises, ainsi que l'interopérabilité avec les normes OTAN. Il a souligné l'impérative nécessité d'approfondir l'Europe de la défense, qui doit être soutenue par une volonté politique constante. Il s'est interrogé sur le calendrier de livraison de l'avion de transport militaire A 400 M, qui semble être affecté par les difficultés rencontrées par Airbus. Il a enfin sollicité des éléments d'information sur le projet « Défense Deuxième Chance », ainsi que sur les effets de la récente réforme de la réserve militaire.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis des crédits de la gendarmerie, a souhaité connaître les effectifs de gendarmes présents en opérations extérieures, les missions qui leur sont confiées à cette occasion, ainsi que les crédits destinés à financer ces opérations.

M. André Dulait s'est interrogé sur l'évolution de l'entreprise GIAT Industries, désormais dénommée NEXTER.

En réponse aux questions des sénateurs, Mme Michèle Alliot-Marie a apporté les éléments d'information suivants :

- un audit a été lancé sur le programme A400M. L'avance dont bénéficiait ce programme est certes aujourd'hui perdue, mais cela ne met pas en cause la réalisation du programme aux dates prévues. Il est important que cet appareil soit livré en temps et heure aux forces armées, même si elles peuvent encore faire face à leurs besoins de transport stratégique, notamment par le recours aux affrètements d'appareils étrangers ;

- l'effectif actuel de militaires français présents à Kaboul dans le cadre de la FIAS découle d'une négociation menée avec l'OTAN et n'a pas vocation à être accru. La mission des troupes occidentales présentes en Afghanistan se heurte aujourd'hui à des difficultés croissantes, car les talibans y reprennent de l'influence, même dans les zones nord et ouest, jusqu'à présent préservées des troubles ;

- actuellement, l'armée française est engagée dans 26 opérations extérieures, dont certaines sont significatives - Kosovo, Côte d'Ivoire et, plus récemment, Liban. Même si un engagement supplémentaire était possible dans une opération de faible ampleur, les limites en seraient bientôt atteintes, comme d'ailleurs pour les forces britanniques et américaines. A cet égard, il s'agit moins de concurrence entre l'OTAN et l'UE pour gérer les crises que de leur capacité à les affronter conjointement, ce qui justifie que l'effort de défense soit maintenu et partagé par d'autres partenaires ;

- la participation à des opérations extérieures est une motivation forte pour les engagés et contribue à leur fidélisation ;

- l'Espagne n'a pas contesté la disponibilité de la France à s'engager conjointement dans la surveillance maritime de l'immigration clandestine ; l'Espagne a seulement souhaité que ce ne soit pas des navires militaires qui interviennent dans ce cadre au large de leurs côtes. Lors d'une réunion des ministres de la défense des 25 membres de l'UE, la proposition française de développer des capacités conjointes de surveillance maritime contre l'immigration illégale a reçu l'aval des autres pays membres ;

- le rapport d'information, récemment remis au Parlement, sur l'exécution de la loi de programmation militaire sur la période 2003-2006 démontre un strict respect de cette programmation. Cette bonne exécution a été facilitée par le travail accompli par la délégation générale à l'armement pour réduire sensiblement le coût des programmes ;

- les critiques de la Cour des comptes sur les reports de crédits portaient sur les exercices 2002-2003. Des correctifs ont été depuis mis en oeuvre, tenant compte des observations émises par la Cour ;

- les aménagements de programmes sont normaux et périodiques : il s'agit d'adapter les équipements aux opérations qui sont menées et aux enseignements qu'elles permettent de tirer afin que les militaires disposent du bon équipement au bon moment. A cet égard, la sophistication croissante des matériels n'est pas nécessairement une bonne réponse aux besoins des armées ;

- le choix de découper la commande de 34 hélicoptères en une tranche ferme de 12 et une tranche conditionnelle de 22 ne change rien au calendrier de livraison du total d'hélicoptères NH90 tel que prévu en programmation ; les livraisons de la version marine ont été différées du fait de difficultés des industriels, entre Eurocopter et Agusta Westland ;

- l'approche interarmées est une des priorités actuelles du ministère de la défense, comme en témoigne le décret de 2006, qui a accru les pouvoirs de coordination du Chef d'état-major des armées. La stratégie ministérielle de réforme a également mis l'accent sur la nécessaire recherche de synergies, déjà obtenues par la création d'un service commun pour les archives militaires, par l'harmonisation des systèmes de communication, et par la mutualisation de la flotte d'hélicoptères basée à Villacoublay, destinée tant à la gendarmerie qu'au GIGN (Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale) ;

- l'Europe de la défense est probablement le domaine dans lequel l'Europe a le plus progressé ces dernières années. Son renforcement reste cependant très dépendant de l'effort financier consenti en matière de défense par les grands pays européens ; or, certains d'entre eux n'y affectent que moins d'1 % de leur PIB, montant qui ne permet pas d'effort d'équipement significatif ;

- le projet « Défense deuxième chance » a été créé à l'été 2005, dans la perspective d'offrir à 20 000 jeunes gens détectés lors de la JAPD (journée d'appel et de préparation à la défense) la possibilité d'une remise à niveau comportementale et scolaire. Dix centres auront ouvert leurs portes fin octobre 2006 et dix autres devraient l'être d'ici à la fin de l'année. Cette progression se heurte principalement à la difficulté de disposer de sites adaptés à la formation, à l'hébergement et à la pratique sportive des bénéficiaires, et qui soient également proches de bassins professionnels susceptibles de les employer. Les résultats déjà obtenus sont très encourageants : sur le tiers de volontaires qui étaient arrivés illettrés dans un centre, 95 % ont réussi au certificat de formation générale ;

- la réunion du Conseil supérieur de la réserve militaire a souligné l'effet positif de la loi réformant la réserve récemment votée par le Parlement. La demande et la motivation de ceux qui intègrent la réserve opérationnelle sont réelles. Par ailleurs, deux entreprises recourant à des réservistes viennent de se rendre au Liban dans le cadre des possibilités ouvertes par cette loi ;

- les 15 millions d'euros affectés à la participation de la gendarmerie à des opérations extérieures couvriront environ les 2/3 du coût total estimé. Durant le premier semestre 2006, 520 gendarmes ont été engagés sur des théâtres extérieurs pour des missions de prévôté, de formation au bénéfice de forces étrangères analogues et de maintien de l'ordre. Leurs principaux théâtres d'action sont le Kosovo, la Côte d'Ivoire et la Bosnie ;

- le processus de restructuration de GIAT-Industries, devenu NEXTER, est en cours d'achèvement. La poursuite de grands programmes, comme le VBCI (Véhicule blindé de combat d'infanterie), l'équipement Félin ou encore le canon d'artillerie Caesar permet la fidélisation d'un personnel compétent autour d'un coeur industriel solide. Le personnel maintenu au sein de l'entreprise dispose de vraies perspectives d'avenir, et les employés reclassés dans d'autres structures sont suivis dans leurs nouvelles fonctions. Les commandes à l'exportation repartent, permettant l'obtention de résultats financiers satisfaisants. La prochaine étape reste l'édification de partenariats stratégiques au niveau européen.

Mme Josette Durrieu a attiré l'attention de Mme la ministre de la défense sur la situation de personnels non encore reclassés sur le site de Tarbes et d'autres qui, reclassés dans une entreprise dans le cadre de la restructuration, allaient voir l'entreprise fermée cette semaine, mettant en cause 170 emplois.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué qu'elle suivait de très près la situation des personnes concernées par cette fermeture d'entreprise ainsi que le sort des aides publiques dont elle aurait pu bénéficier dans le cadre de la restructuration de GIAT.

Mercredi 11 octobre 2006

- Présidence de M. Serge Vinçon, président.

Loi de Finances - Loi de finances pour 2007 - Mission « Défense » - Audition du Général Jean-Louis Georgelin, Chef d'état-major des armées

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition du Général Jean-Louis Georgelin, Chef d'Etat-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2007 (mission « Défense »).

Le Général Georgelin a tout d'abord souligné l'évolution profonde de l'armée française depuis sa professionnalisation intervenue il y a dix ans. Elle constitue, aujourd'hui, grâce en particulier à l'effort prolongé, constant, mais raisonnable, consenti en faveur de la Défense, un atout considérable pour la France et un pôle d'excellence. La France dispose, aujourd'hui, du spectre presque complet des capacités militaires existantes, obtenues grâce à un effort budgétaire important et prolongé. La France préserve ainsi son autonomie de décision sur l'opportunité de s'engager ou non dans des opérations militaires. Elle maîtrise par ailleurs un système de dissuasion nucléaire caractérisé par sa cohérence et sa crédibilité du point de vue de la doctrine, de la technique et de l'entraînement des hommes. Les armées font également preuve d'une réactivité stratégique certaine, reconnue par nos principaux alliés. Enfin, notre armée bénéficie d'une excellente image au sein de la société française, démentant ainsi la coupure annoncée entre la nation et son armée qui aurait résulté de la professionnalisation. La traduction en est un niveau de recrutement qui reste acceptable en France, ce qui n'est pas le cas de nos principaux alliés.

Cependant, a poursuivi le Général Georgelin, notre dispositif reste marqué par certaines faiblesses : il s'agit tout d'abord d'un déficit en moyens de projection tactique et stratégique, hélicoptères ou avions de transport ; la protection des moyens de mobilité terrestre reste perfectible, et des efforts restent à fournir dans le domaine du renseignement électromagnétique d'origine spatiale et du renseignement optique. Enfin l'armée française ne dispose pas de moyens de suppression des défenses anti-aériennes hostiles (SEAD : Supression of Enemy Air Defense).

Puis le chef d'état-major des armées a souligné la difficulté des arbitrages, que l'évolution d'une armée moderne impose d'opérer, entre les nécessités nées des opérations les plus fréquentes, les plus immédiates, et la nécessité de prévoir un engagement de haute intensité, toujours possible. Ceci explique que, lors des conférences de génération de force, chaque fois qu'il faut monter une opération, fasse toujours défaut le même type de capacité -les hélicoptères et les hommes notamment- et que, dans le même temps, on ne puisse renoncer aux équipements de haute technologie. Par ailleurs, l'utilisation intensive des matériels, en OPEX, induit des problèmes de disponibilité des matériels en métropole pouvant affecter les conditions d'entraînement des troupes. La charge financière des équipements déjà commandés ne dégage qu'une faible marge de manoeuvre pour réorienter à l'avenir, si nécessaire, notre équilibre capacitaire. Les vulnérabilités des armées concernent donc moins le dispositif actuel que celui qui résultera des ressources prévisibles de moyen terme.

Le chef d'état-major des armées a ensuite insisté sur la nécessaire adaptation des capacités et des modes d'action de l'armée française aux nouveaux types de conflit. Il convient, de ce fait, de renforcer les capacités de renseignement et de communication, notamment dans les équipements spatiaux, poursuivant ainsi l'effort entrepris sous l'impulsion du ministre de la défense. Le renforcement du rôle de l'armée en matière de protection et de sauvegarde du territoire et des populations nationales est également à l'ordre du jour. Enfin, la réflexion prospective et doctrinale doit recevoir une impulsion nouvelle et être développée en coopération avec nos partenaires européens et atlantiques.

Une deuxième priorité tient à la poursuite de la réorganisation des armées pour améliorer leur fonctionnement quotidien, dont la rationalisation a été marquée tant par la refonte des attributions du chef d'état-major des armée que par la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances.

Dans la perspective d'une adaptation sans relâche à un contexte en évolution, les synergies interarmées, comme les mutualisations envisageables à l'échelle européenne, doivent être examinées avec attention, sans perdre de vue la finalité opérationnelle, ni imaginer qu'elles pourront constituer la réponse à toutes nos difficultés.

Le lien armée-nation est porté par le recrutement annuel de 30.000 jeunes gens et filles, représentant près de 5 % d'une classe d'âge, et qui s'insèrent sans difficulté dans le marché d'emplois civils au terme de leurs années de service. Cependant, il convient d'expliquer avec plus de clarté le lien existant entre les actions extérieures auxquelles participent les armées, le rayonnement de notre pays et la défense de ses intérêts.

En 2006, ce sont près de 14.000 personnels qui sont engagés en opération, soit un total de 35 000 hommes et femmes si on inclut les forces de présence et de souveraineté situées hors de la métropole, auxquels s'ajoutent les 1.300 militaires déployés sur le territoire national, au titre du plan Vigipirate notamment.

On observe que la situation politico-militaire prévalant sur la plupart des théâtres où la France est engagée tend à se durcir. C'est ainsi qu'en Côte d'Ivoire, la date prévue pour les élections, le 30 octobre prochain, ne sera pas tenable, ce qui conduit à de difficiles débats au sein de l'Union africaine et de l'Organisation des Nations unies. La France soutient, dans ce pays, un processus électoral libre, démocratique et transparent à partir de listes électorales établies de manière impartiale. Le dispositif Licorne présent en Côte d'Ivoire en appui de l'ONUCI a entraîné une dépense moyenne de 200 millions d'euros par an, soit au total 755 millions d'euros pour notre pays depuis le début de l'opération.

La situation se dégrade en Afghanistan, tant à l'Est qu'au Sud, et le secteur de Kaboul, dont la France assume la responsabilité jusqu'en février 2007, est aussi un secteur difficile. L'OTAN, qui vient de prendre la responsabilité de l'ensemble du pays, peine à trouver des renforts. L'objectif de la communauté internationale est aussi de transférer progressivement les tâches de sécurité aux Afghans eux-mêmes. L'effort de formation accompli par l'armée française au profit de l'opération afghane, dite opération Epidote, a déjà permis la formation de 3.800 stagiaires.

Au Liban, le déploiement de la FINUL renforcée se déroule jusqu'à présent de façon satisfaisante, mais le contexte est difficile et la prudence est de mise. Il n'en reste pas moins que le retrait israélien est effectif et que l'armée libanaise, pour la première fois depuis vingt ans, a pu se déployer jusqu'à la ligne bleue de la frontière avec Israël. L'armée française appliquera les règles d'engagement robustes qui ont été négociées et les mesures de sauvegarde nécessaires.

En République démocratique du Congo, le déploiement de la force européenne (l'EUFOR) témoigne de la richesse de la coopération franco-allemande. Son désengagement est prévu pour le mois suivant le deuxième tour des élections qui devront se tenir le 30 octobre. Au Tchad, la situation reste instable, avec le maintien d'éléments rebelles à l'est et au sud du pays. Le détachement Epervier permet de répondre, dans le respect des accords passés, aux besoins du gouvernement de ce pays.

Le Kosovo reste également porteur de risques à l'approche de l'adoption de son statut final. Les déclarations récentes de l'envoyé spécial de l'ONU, sur le faible espoir d'obtenir un accord négocié, ne sont guère encourageantes.

L'ensemble de ces éléments doit conduire la France à peser soigneusement son niveau d'engagement en opérations extérieures, d'autant que leur coût est élevé. Si les effectifs de l'armée française ont diminué en 2006 de 3 % en Côte d'Ivoire, de 16 % au Kosovo et de 22 % en Bosnie, le montant des opérations extérieures, hors Liban, s'élèvera en 2006 à 557 millions d'euros.

Abordant ensuite le projet de loi de finances pour 2007, le général Georgelin a estimé qu'il était globalement satisfaisant, avec un montant de crédits de paiement de 47,7 milliards d'euros, en incluant les pensions, et de 35,3 milliards d'euros hors pensions. Il a estimé que deux points majeurs méritaient d'être soulignés. Les opérations extérieures (OPEX) sont désormais payées sur des crédits identifiés, contrairement à la pratique antérieure basée sur des gels et annulations de crédits d'investissement. De plus, un dispositif satisfaisant a été mis en place pour la consommation des crédits en gestion.

Les crédits de paiement progressent de 0,8 % en volume et de 2 ,5 % en valeur en conformité avec l'annuité actualisée de la loi de programmation militaire. En norme OTAN, ce budget représente 1,67 % du PIB français, chiffre élevé mais raisonnable au regard de l'effort consenti par nos principaux alliés. La masse salariale de 15,43 milliards d'euros permet une stabilisation globale des effectifs qui passeront de 430.740 en 2006 à 429.990 en 2007. Ces chiffres recouvrent la création de 950 postes au bénéfice de la gendarmerie, compensée par une réorganisation dans les autres armées.

Les différents plans d'amélioration de la condition militaire se poursuivent comme prévu avec 24 millions d'euros pour le plan lui-même, 24 millions également pour le fonds de consolidation de la professionnalisation, et 18 millions d'euros pour les revalorisations de grade ; le personnel civil bénéficiera de mesures de reconnaissance professionnelle d'un montant de 15 millions d'euros.

Les crédits de fonctionnement sont marqués par un accroissement des financements liés au maintien en condition opérationnelle des matériels, de 3,3 milliards d'euros en 2007, qui permettront une disponibilité supérieure à 90 % en OPEX, mais inférieure sur le territoire national. Globalement, le budget de fonctionnement des unités n'a pas été réactualisé pour la troisième année consécutive.

S'agissant des investissements, il a indiqué que le niveau des autorisations d'engagement pour 2007 avait rendu nécessaire l'étalement des commandes d'hélicoptères NH 90 et de la « future torpille lourde ».

Enfin, l'annuité 2007 reste tributaire de la gestion 2006, en particulier, du projet de loi de finances rectificative attendu pour la fin 2006, qui devra couvrir les besoins de paiement des frégates FREMM, d'un montant de 240 millions d'euros, et le surcoût des OPEX évalué à 268 millions d'euros ; il devra également apporter les 130 millions d'euros nécessaires pour couvrir les besoins en carburant opérationnel jusqu'à la fin 2006.

Les commandes comprendront 50 missiles de croisière navals, 5.000 systèmes FELIN, 117 véhicules blindés de combat d'infanterie, ainsi que les dépenses afférentes au deuxième porte-avions. Les livraisons attendues comprennent 13 Rafales, 6 hélicoptères Tigre, les 8 derniers chars Leclerc et les 358 premiers systèmes FELIN.

A la suite de cet exposé, M. Jacques Peyrat a marqué sa satisfaction à l'égard des efforts accomplis dans le domaine de la défense ces dernières années. Il a estimé que le strict respect de la loi de programmation militaire méritait d'autant plus d'être salué que, dans le même temps, les opérations extérieures s'étaient multipliées. Il a jugé indispensable de ne pas relâcher cet effort au cours des prochaines années. Il a toutefois observé que certains retards accumulés dans le passé pouvaient difficilement être rattrapés, comme en témoignent les faiblesses constatées dans nos capacités aéromobiles, du fait notamment du vieillissement et de l'usure des hélicoptères de transport Puma et de l'échéance encore tardive de leur remplacement par le NH 90.

M. Xavier Pintat a interrogé le chef d'état-major des armées sur les orientations relatives aux équipements spatiaux à vocation militaire. Il a rappelé que la ministre de la défense avait insisté à plusieurs reprises sur l'enjeu que représente l'espace pour nos capacités militaires et qu'elle avait mis en place, à la fin de l'année 2003, un groupe d'orientation stratégique dirigé par M. François Bujon de l'Estang. Il a souhaité connaître les conclusions tirées de ce travail et notamment les développements éventuels susceptibles d'être lancés au-delà des programmes Syracuse et Helios, ainsi que les perspectives d'émergence d'une véritable politique spatiale militaire européenne.

M. Didier Boulaud a tout d'abord rappelé son scepticisme à l'égard du strict respect de la loi de programmation militaire et de la réalisation selon les échéanciers prévus des programmes d'équipement. Citant les appréciations récemment portées par le chef d'état-major de l'armée de terre sur le rythme d'engagement en opérations extérieures, il a souhaité savoir si les armées atteignaient actuellement les limites de leurs capacités et s'il en résultait des incidences sur le moral des personnels. Il a également demandé des précisions sur les mesures d'étalement ou de décalage prises sur certains programmes, comme l'hélicoptère de transport NH 90, et sur les raisons pour lesquelles le montant des autorisations d'engagement serait inférieur, en 2007, à celui des crédits de paiement.

M. André Dulait a évoqué les achats de munitions, notamment de petit calibre, effectués auprès de fournisseurs étrangers, en s'interrogeant sur les inconvénients éventuels qui pouvaient en résulter pour notre autonomie d'approvisionnement. Il a également souhaité connaître le niveau des effectifs engagés dans le cadre du plan Vigipirate.

M. Philippe Nogrix s'est inquiété de notre déficit en matière de transport aérien au vu des limites du parc d'avions actuel et des risques éventuels de décalage du programme A400M. Il s'est également interrogé sur les incidences de l'entrée en service du Rafale en matière de coût de maintien en condition des matériels aériens. Enfin, il a souhaité connaître les appréciations du chef d'état-major des armées sur le renforcement de la dimension interarmées dans notre défense et sur les relations entre la délégation générale pour l'armement (DGA) et les états-majors, s'agissant notamment de la bonne prise en compte des besoins opérationnels.

En réponse à cette première série d'interventions, le général Jean-Louis Georgelin a apporté les précisions suivantes :

- tous les ministres de la défense successifs, depuis M. Charles Hernu, ont souligné l'enjeu majeur constitué par l'espace pour nos capacités militaires ; avec un budget annuel de l'ordre de 400 millions d'euros, la France se situe, en la matière, au premier rang en Europe, devant le Royaume-Uni et l'Allemagne qui y consacrent respectivement 285 M€ et 110 M€ par an ; l'espace, comme le transport aérien, est l'un des domaines où il convient de se montrer plus ambitieux dans la recherche de synergies ; l'instauration d'une programmation spécifique, comme l'avait suggérée le groupe d'orientation présidé par M. Bujon de l'Estang, pourrait présenter le risque de déconnecter les choix effectués dans le domaine spatial des autres volets de notre politique d'équipement militaire ; il serait sans doute plus sage de mener une réflexion stratégique et capacitaire globale, le développement de capacités nouvelles, comme les satellites ou les drones, pouvant justifier de moindres besoins en équipements d'autres types ;

- l'exécution de l'actuelle loi de programmation militaire s'est caractérisée par trois changements majeurs qui en ont garanti la bonne mise en oeuvre : les budgets annuels successifs ont été conformes à la programmation, le financement des opérations extérieures a été assuré par des financements supplémentaires et les crédits ouverts sont restés disponibles. Cette loi de programmation a également été marquée par une prise de conscience du caractère crucial du maintien en condition opérationnelle, pour lequel un effort important a été consenti. Si des difficultés ont pu affecter certains aspects de l'exécution de la loi de programmation, elles résultent le plus souvent de facteurs propres à tel ou tel programme d'équipement ;

- le rythme des opérations extérieures est élevé, tant pour les hommes que pour les matériels dont l'usure est accélérée par un emploi intensif, mais il n'est pas excessif au regard du format de nos forces armées, dimensionné pour pouvoir faire face à un niveau d'engagement plus important ;

- le moral, dans les armées, est lié à la qualité de l'équipement et du commandement comme à l'intérêt du travail et des missions ; par ailleurs, les armées sont concernées par les mêmes préoccupations que celles qui traversent la société civile ; la professionnalisation a sans doute contribué à une certaine « banalisation » de l'état militaire, bien qu'il faille rester conscient, sur ce point, des spécificités du métier des armes ;

- l'importance de l'hélicoptère apparaît avec force dans les engagements militaires actuels, même s'il faut tenir compte de certaines restrictions d'emploi, et l'arrivée du NH 90 représentera une amélioration significative de nos capacités, compte tenu de l'usure plus rapide que prévu des Puma ; en ce qui concerne l'hélicoptère de combat Tigre, l'entrée de l'Espagne dans le programme a été l'occasion d'abandonner le développement d'une version antichar pour privilégier une version unique et polyvalente, dite « appui-destruction » (HAD) ; enfin, nos forces spéciales viennent d'être dotées d'un hélicoptère EC 725 adapté à leurs missions et particulièrement performant ;

- créée dans les années 1960, au moment où la France entendait se doter de la force de frappe, la DGA s'est notablement transformée depuis la fin de la guerre froide ; sans doute cette évolution est-elle appelée à se poursuivre dans le cadre plus général de l'adaptation de notre défense aux besoins générés par les conflits actuels, notamment sous la pression du développement de l'Europe de la défense ;

- chaque armée conserve sa personnalité mais, dans les faits, la vision interarmées s'impose de plus en plus, sous l'effet d'opérations engageant les moyens des trois armées, mais également parce que l'intérêt des armées elles-mêmes est de parler d'une seule voix.

A la demande du général Georgelin, le Général Thierry Cambournac, sous-chef d'Etat-major « Plans » à l'Etat-major des armées, a apporté les compléments d'information suivants :

- au cours des quatre premières années de la loi de programmation, les crédits de paiement ont été supérieurs aux autorisations d'engagement ; ce ne sera pas le cas en 2007, le niveau des autorisations d'engagement étant légèrement réduit pour éviter un montant trop élevé de « restes à payer » en fin d'année 2008, au terme de la programmation ;

- cette diminution des autorisations d'engagement a principalement porté sur quatre programmes ; l'hélicoptère de transport NH 90, dont les commandes ne porteront que sur 12 appareils en 2007, ce qui ne doit se traduire par aucun retard sur les échéances de livraison des appareils, ni par aucun surcoût, le montant de la dotation pour 2007 n'ayant d'ailleurs été réduit que de moitié par rapport aux prévisions initiales alors que les commandes seront réduites des deux tiers sur cette même année ; la future torpille lourde, programme sur lequel d'autres participations européennes peuvent être espérées ; le soutien du futur avion de transport A400M, dont la commande peut être ajustée du fait du déroulement prévisible du programme ; la commande d'équipements optionnels pour le Rafale, qui s'effectuera à un rythme légèrement inférieur à celui qui était prévu compte tenu d'une réévaluation plus précise du besoin ;

- les capacités de transport aérien viennent d'être renforcées avec l'entrée en service au 1er juillet dernier, dans le cadre d'un contrat de location, d'un premier avion à très long rayon d'action (TLRA), un second appareil devant entrer en service au 1er janvier 2007 ;

- la grande majorité des munitions d'artillerie ainsi que des munitions d'aviation sont fournies par l'industrie française ;

- le plan Vigipirate, auquel participent des unités provenant de toutes les armées et formations, mobilise actuellement 750 hommes qui s'ajoutent aux 550 participants à la posture permanente de sûreté ; au total ce sont 1.300 militaires qui concourent quotidiennement à la sécurité de nos concitoyens.

M. Josselin de Rohan s'est interrogé sur les incidences, pour la cohésion des unités et leur capacité d'instruction et d'entraînement, du nombre élevé d'opérations extérieures dispersées sur un grand nombre de pays.

Le général Jean-Louis Georgelin a considéré qu'il fallait demeurer vigilant sur le choix des opérations auxquelles nous entendons participer et sur le dimensionnement de nos engagements. La participation aux opérations extérieures est un élément important du statut international de la France et de sa diplomatie. Elle implique des moyens militaires en adéquation avec ces objectifs politiques. On peut estimer que le compromis entre nos moyens et notre politique est actuellement satisfaisant mais que les limites de nos capacités restent néanmoins réelles. Par ailleurs, la multiplication des opérations extérieures a évidemment des répercussions sur l'instruction des unités. Ces difficultés doivent être résolues par les armées, notamment par la recherche d'une meilleure organisation.

M. Robert Del Picchia a demandé des précisions sur l'essai nucléaire nord-coréen, sur l'évolution de nos relations avec Djibouti et sur les conditions de participation des militaires en opérations aux consultations électorales nationales.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a demandé au chef d'Etat-major des armées son sentiment sur l'adaptation des armées aux conflits actuels. Elle a fait part des interrogations suscitées à ce propos, dans la population, par les difficultés que rencontrent sur le terrain des armées pourvues d'équipements hautement sophistiqués.

Mme Hélène Luc a fait part de ses préoccupations quant à l'évolution du lien armée-nation, qu'elle a jugé essentiel mais qui a souffert, à ses yeux, de la suppression du service national. Evoquant la récente révision du statut général des militaires, elle a souligné la nécessité d'un dialogue plus étroit entre les militaires, les élus et les citoyens. A propos de l'Afghanistan, elle s'est déclarée inquiète de l'évolution de la situation sécuritaire. Elle a enfin demandé des précisions sur les armes à sous-munitions en service dans l'armée française et sur la situation actuelle en matière de production et d'exportation de ces armes.

M. André Boyer a observé que la disponibilité des matériels ne se redressait que lentement en dépit des efforts financiers engagés. Il a souhaité savoir si de nouvelles réformes de structures étaient nécessaires et s'il fallait se résoudre à une augmentation inéluctable des dépenses de maintien en condition opérationnelle.

Le général Jean-Louis Georgelin a ensuite apporté les réponses suivantes :

- l'évaluation de l'efficacité de l'action militaire et la réflexion sur l'adaptation de nos moyens aux conflits actuels constituent une préoccupation constante pour le chef d'Etat-major des armées ; il importe notamment de pleinement tirer les enseignements des engagements actuels, dans laquelle l'action militaire traditionnelle est fortement encadrée sur les plans politique et diplomatique ; le dialogue entre responsables politiques, diplomates et militaires doit être intensifié, tant au plan national qu'international ;

- s'agissant de la Corée du Nord, les seules certitudes actuelles sont qu'une explosion d'une amplitude maximale de 4,5 sur l'échelle de Richter s'est produite à proximité de sites à vocation nucléaire et que les dirigeants nord-coréens ont revendiqué un essai nucléaire, ce qui en soi constitue déjà une violation du traité de non-prolifération ; il revient à l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (OTICE) d'indiquer s'il s'agissait bien d'un essai nucléaire ;

- la présence militaire française à Djibouti reste d'actualité, même si les conditions financières exigées par les autorités djiboutiennes se sont alourdies ces dernières années ;

- lors des opérations extérieures, le commandement veille particulièrement à ce que les militaires soient en mesure de participer aux élections nationales grâce notamment au vote par procuration ;

- l'augmentation des besoins pour le maintien en condition opérationnelle est une réalité à laquelle il est difficile d'échapper ; les réformes de structure engagées ont produit des effets positifs et doivent être menées à leur terme, mais il faudra également étudier d'autres voies d'amélioration possible, notamment par les relations avec l'industrie, la sous-traitance... ;

- les armées jouissent d'une bonne image dans l'opinion, comme en témoignent les enquêtes et le succès des manifestations publiques ; elles ne rencontrent pas de difficultés pour le recrutement.

Le général Thierry Cambournac a précisé que les armées conservaient certains types d'armes à sous-munitions pour des missions spécifiques qui ne peuvent être accomplies avec d'autres armements. Il a ajouté que des actions étaient entreprises pour améliorer la fiabilité de ces armes et réduire le risque de laisser des sous-munitions non explosées. Il a indiqué que la politique d'exportation était contrôlée par la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG).

Traités et conventions - Accord France-Suisse sur le raccordement de l'autoroute A35 à la route nationale N2 entre Bâle et Saint-Louis - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. Bernard Barraux sur le projet de loi n° 331 (2005-2006) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif au raccordement de l'autoroute A 35 à la route nationale N 2 entre Bâle et Saint-Louis.

M. Bernard Barraux a précisé que cet accord, signé à Berne le 13 juillet 2004, constituait la deuxième étape, financière, d'une opération de raccordement par autoroute entre la France et la Suisse à hauteur de Bâle, décidée en 1963. Il a rappelé que les travaux n'avaient été effectivement entrepris qu'en 1994 du fait de la difficulté du choix du tracé optimal de ce raccordement au sein d'une zone très urbanisée. La liaison, d'une longueur de 3,18 km, comporte plus de 2 km en tunnel, ce qui en réduit les nuisances. Ce raccordement facilite la liaison routière entre la Suisse et la France, très chargée à cet endroit. Elle absorbait ainsi plus de 21.000 véhicules par jour, dont plus de 2.000 poids lourds, en 2002.

Le présent accord, a précisé le rapporteur, vise à régler le solde financier de cette importante opération d'aménagement d'un coût total de 800 millions d'euros. Il répartit ainsi les coûts d'acquisition des terrains et de construction de l'ouvrage entre les deux Etats, et prévoit le financement partiel, par la France, des travaux réalisés sur le territoire suisse pour permettre le raccordement aux axes routiers français : une participation forfaitaire de 1,55 million de francs suisses (975.000 euros) a ainsi été fixée. Des arrangements complémentaires pour la gestion de ces axes seront, si nécessaire, conclus entre les administrations de l'équipement des deux Etats. Il s'agit là, a-t-il ajouté, du dernier élément d'un aménagement routier mutuellement profitable à la France et à la Suisse, et en a donc recommandé l'adoption.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a alors adopté le projet de loi. Elle a accepté, sur la proposition de M. Serge Vinçon, président, que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

Nominations de rapporteurs

Enfin, la commission a désigné comme rapporteurs :

- M. André Rouvière sur le projet de loi n° 450 (2004-2005) autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention pénale sur la corruption ;

- M. Philippe Nogrix sur le projet de loi n° 487 (2005-2006) autorisant la ratification du protocole additionnel au traité entre la République française, le Royaume d'Espagne, la République italienne, la République portugaise portant statut de l'EUROFOR.

Audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères

Lors d'une seconde séance, tenue l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a tout d'abord évoqué les deux dossiers d'actualité relatifs à la prolifération nucléaire. Il a considéré que l'essai nucléaire, réalisé par la Corée du Nord, avait ouvert une crise très grave pour la sécurité internationale. Même si les informations disponibles ne permettaient pas de définir exactement le caractère de l'explosion, son annonce constituait une violation des engagements internationaux de la Corée du Nord et une menace pour la paix dans la région et pour la crédibilité de la communauté internationale. Le ministre a souligné que cet événement avait été unanimement condamné, mais qu'il prenait un relief particulier au regard de la crise du nucléaire iranien.

Il a rappelé que la Corée du Nord s'était déjà livrée à des essais de missiles balistiques, ce qui avait conduit à l'adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 1695 et à l'adoption de mesures contraignantes pour l'arrêt du programme balistique.

Evoquant le dossier iranien, il a précisé que le groupe des six, composé des cinq membres permanents du Conseil de sécurité et de l'Allemagne, s'était récemment réuni à Londres afin d'engager des consultations en vue de l'adoption de sanctions, après le refus des autorités iraniennes du principe d'une double suspension, d'une part, des discussions au Conseil de sécurité, et d'autre part, des opérations d'enrichissement de l'uranium. Dès lors, la communauté internationale ne peut que s'inscrire dans la continuité de la résolution 1695 du Conseil de sécurité, qui prévoit l'adoption possible de sanctions dans le cadre du chapitre VII de la Charte. M. Philippe Douste-Blazy a précisé que la France souhaitait que ces mesures soient à la fois progressives et proportionnées et que, parallèlement, la voie du dialogue puisse être préservée, tout en veillant au maintien de l'unité de la communauté internationale.

Le ministre a ensuite évoqué la situation au Proche-Orient. Il a indiqué que devant la violence des heurts interpalestiniens, le Président Mahmoud Abbas n'excluait plus d'user de ses prérogatives constitutionnelles pour y mettre un terme. Le Gouvernement palestinien pourrait ainsi être dissous et laisser place à un gouvernement d'urgence formé de techniciens, l'hypothèse d'élections anticipées n'étant pas exclue. La formation d'un gouvernement d'union nationale n'est pas officiellement abandonnée, mais les déclarations du Premier ministre palestinien attestent du refus du Hamas de reconnaître l'Etat d'Israël.

Le ministre a souligné que sous l'effet de la crise libanaise, le Gouvernement israélien semblait réévaluer la position de son pays dans son environnement régional et s'orientait de nouveau vers un accord négocié avec les pays arabes. Il a observé que, tant en Israël que dans les territoires palestiniens, les gouvernements semblaient affaiblis et, par conséquent, peu susceptibles d'assumer les concessions douloureuses nécessaires aux négociations. Il s'est interrogé sur le rôle de la communauté internationale dans ce contexte, considérant que le premier impératif était de sortir du statu quo. Il a rappelé les efforts récents entrepris en ce sens au sein de l'Assemblée générale des Nations unies, puis du Quartet, pour soutenir le Président Mahmoud Abbas dans la formation d'un gouvernement d'union nationale. Il a également salué l'implication renouvelée, dans ce dossier, des Etats arabes modérés. Evoquant la récente visite de la Secrétaire d'Etat américaine dans la région, il a souhaité que ce déplacement marque un véritable réinvestissement des Etats-Unis dans la question israélo-palestinienne.

M. Philippe Douste-Blazy a souligné que la France se mobilisait pour le soutien économique des territoires palestiniens, via le mécanisme international d'aide et qu'elle réfléchissait à des initiatives de relance du dialogue entre les parties. Il a considéré que la libération des trois soldats israéliens enlevés demeurait un préalable à toute reprise du dialogue. Il a rappelé que le Président de la République avait proposé l'organisation d'une conférence internationale visant à faciliter la reprise d'une dynamique de paix.

Le ministre a ensuite évoqué le conflit du Darfour. Il a souligné que cette crise présentait un triple risque : un risque humanitaire de grande ampleur, un risque politique de partition du pays et de remise en cause de l'accord avec le Sud et un risque de déstabilisation régionale. Evoquant un entretien récent avec un conseiller spécial du Président soudanais, il a indiqué que le Président Béchir continuait de refuser l'arrivée sur le terrain des Nations unies, prévue par la résolution 1706 du 30 août 2006, alors que ce déploiement répond à la demande de l'Union africaine et que les autorités soudanaises ont déjà accepté la mise en place d'une opération de maintien de la paix au Sud Soudan pour soutenir la mise en oeuvre de l'accord de paix. Il a salué la décision de l'Union africaine de prolonger le mandat de son contingent jusqu'à la fin de l'année 2006. Il a considéré que les moyens de l'Union africaine sur le terrain devaient être renforcés et qu'un approfondissement de l'accord politique d'Abuja devait être recherché afin d'inclure les groupes rebelles restés en dehors du processus, tout en maintenant le dialogue politique avec les autorités soudanaises dans le respect tout à la fois de la souveraineté du Soudan et du devoir de protection des populations.

M. Serge Vinçon, président, a souligné l'importance de la position de la Chine dans les dossiers coréen et iranien, y voyant un élément décisif à la solution éventuelle de ces deux crises.

M. Jean-Pierre Plancade a fait part de sa préoccupation après l'essai réalisé en Corée du Nord, considérant qu'un travail de renseignement était nécessaire pour lever l'incertitude sur le caractère nucléaire ou non de l'explosion enregistrée. Il s'est félicité de la position de la communauté internationale à l'égard de l'Iran, qui allie fermeté et poursuite du dialogue. Evoquant le blocage total de la situation israélo-palestinienne, il a considéré que l'implication renouvelée des Etats-Unis était primordiale. Il a souhaité obtenir des précisions sur la situation en Colombie après la remise en cause par les FARC de l'accord qui semblait se dessiner et qui pouvait conduire à des libérations d'otages. Il a ensuite exprimé son inquiétude quant à l'évolution de la Russie et a souhaité connaître la position de la France sur l'assassinat de la journaliste Anna Politkovskaia. Il a enfin fait part de sa préoccupation devant la mise en cause de la liberté d'expression que constituent les menaces à l'égard du Professeur Redeker, déplorant la réaction tardive du Gouvernement à cette affaire.

Mme Hélène Luc, évoquant le dossier nord-coréen, a insisté sur la nécessaire responsabilité de l'ONU dans ce dossier, redoutant une implication plus ou moins exclusive des Etats-Unis. Elle a considéré qu'une aide concrète devait être apportée aux territoires palestiniens et que le droit des Palestiniens à disposer d'une terre restait un objectif essentiel à préserver. Elle s'est interrogée sur les conditions de la tenue d'une conférence internationale et sur le rôle que pourrait y jouer l'Union européenne. Elle a enfin sollicité une évaluation précise de la situation en Afghanistan, dont elle a déploré la détérioration croissante.

M. Jean François-Poncet a souhaité connaître les conséquences de l'explosion nord-coréenne sur les négociations avec l'Iran. Cet essai nucléaire pouvait conduire à une banalisation de la prolifération, mais aussi à une prise de conscience, par la Russie et la Chine, de la gravité du phénomène. Il s'est interrogé sur la nature des sanctions propres à susciter une inflexion de la position de la Corée du Nord et sur le rôle de la Chine à cet égard. Evoquant la situation au Proche-Orient, il a regretté qu'aucun interlocuteur palestinien ne se dégage vraiment et s'est interrogé sur la capacité du Président Abbas à engager son peuple. Il a considéré que l'attitude adoptée par la communauté internationale à l'égard du Hamas, porté au pouvoir par des élections libres, avait été une erreur et que les franges les plus modérées du mouvement auraient pu être amenées à des positions plus raisonnables par la négociation. Par ses positions, la communauté internationale, suivant en cela Israël et les Etats-Unis, a rendu finalement impossible l'émergence d'un interlocuteur palestinien.

Mme Catherine Tasca a considéré qu'aucune solution politique ne pourrait provenir des deux seules parties au conflit israélo-palestinien et qu'il était indispensable de faire cesser, devant l'urgence, la situation dramatique qui prévaut dans les territoires palestiniens et, en particulier, à Gaza. Elle a estimé que la France pouvait agir au moins dans ce domaine, considérant que les affrontements inter palestiniens étaient le fruit d'une situation quotidienne insupportable pour les populations.

M. André Dulait s'est inquiété de la situation créée en Côte d'Ivoire après le nouveau report des élections présidentielles. Il s'est ensuite interrogé sur les conséquences de l'essai nucléaire nord-coréen sur le Traité de non-prolifération lui-même. Ne risquait-on pas de voir s'élargir le nombre des pays cherchant à se doter de l'arme nucléaire ?

M. Robert Bret a condamné l'assassinat de la journaliste Anna Politovskaïa. Cet acte s'inscrivait dans un contexte de détérioration préoccupante, non seulement de la démocratie en Russie, mais aussi des rapports de ce pays avec certains de ses voisins de l'ex-Union soviétique. S'agissant de la Palestine, la communauté internationale porte une responsabilité écrasante dans la situation actuelle, en faisant payer aux Palestiniens le vote qu'ils ont librement exprimé. Aujourd'hui, la situation sanitaire et sociale est extrêmement difficile et l'affrontement armé menace. Comment, dans un tel contexte, préparer une conférence internationale, souhaitée par la France, et avec quels participants, au moment où l'on envisage de possibles nouvelles élections ?

Il a enfin évoqué la crise du Darfour et a soulevé la question du Tchad, relevant l'influence que la France devrait exercer sur le président Idriss Deby et regrettant le soutien inconditionnel de la France au chef de l'Etat tchadien.

M. Jacques Pelletier s'est inquiété de la situation en Côte d'Ivoire après la nouvelle prorogation du mandat du président Gbagbo. Il a déploré que, dans ce dossier, on semblait s'installer dans le « non-dit » et le « non-droit ». Les troupes françaises devront rester longtemps, leur éventuel départ risquant de laisser libre cours à la guerre civile.

M. Didier Boulaud a interrogé le ministre sur les négociations en cours concernant le statut final du Kosovo. Puis, abordant la situation dans le nord du Mali, il a souhaité obtenir des précisions sur la situation des Touaregs après les récents troubles qui ont affecté cette partie du pays.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a demandé au ministre des précisions sur l'assistance apportée à la communauté française au Liban.

M. Jean-Pierre Fourcade s'est inquiété de la situation en Haïti et s'est interrogé sur le rôle des gendarmes français présents dans le pays. Il s'est ensuite préoccupé du développement d'un certain radicalisme au sein de la société et de l'opinion israélienne.

M. Robert Hue a estimé qu'en Côte d'Ivoire, l'urgence était d'éviter la confrontation, et qu'une attitude de sagesse s'imposait à chacun des protagonistes. La priorité était à la constitution des listes électorales et au processus d'identification. En tout état de cause, l'idée d'un retrait des forces françaises dans la situation actuelle était absurde. Il s'est ensuite inquiété de la situation politique au Sénégal, s'interrogeant sur les intentions réelles du Président Wade à quelques mois des prochaines élections.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a alors apporté aux sénateurs les précisions suivantes :

- il est possible que la nature exacte de l'explosion intervenue en Corée du Nord ne soit jamais connue avec précision. Il reste que le seul fait que la Corée du Nord ait manifesté sa volonté d'effectuer un essai nucléaire est extrêmement grave et justifie la réaction de la communauté internationale ;

- en Colombie, un dialogue s'est enfin noué entre les FARC et le président Uribe. Il suppose que des progrès soient en particulier réalisés sur le lieu de démilitarisation, les conditions d'un cessez-le-feu et la présence d'observateurs, ainsi que sur le volet humanitaire. La France entend faciliter et appuyer ce dialogue qui, à lui seul, est un élément essentiel ;

- l'assassinat en Russie de la journaliste Anna Politkovskaïa est un crime qui en soi suscite l'horreur et qui, au-delà, met en cause la liberté de la presse. Une enquête criminelle a été diligentée, placée sous le contrôle direct du procureur général de Moscou et la France sera très attentive à son déroulement. L'OSCE et le Conseil de l'Europe, dans le cadre de leur mission spécifique concernant la liberté de la presse et les Droits de l'Homme, pourront concourir à la recherche de la vérité ;

- les menaces exercées à l'encontre du professeur Redecker pour ses écrits ne sont pas tolérables ; cela est incompatible avec les valeurs de la société française ;

- c'est bien l'ONU qui détient la responsabilité du dossier nord-coréen. C'est d'ailleurs dans ce cadre que les Etats-Unis ont déposé un projet de résolution qui pourrait être adopté à la fin de cette semaine ;

- dans le dossier israélo-palestinien, toute négociation suppose que l'esprit des accords d'Oslo soit respecté, sur la base du principe « la paix contre les territoires ». La libération du soldat israélien enlevé à Gaza est également un préalable et la relation entre le Fatah et le Hamas doit être réglée, pour aboutir soit à un gouvernement d'Union nationale, soit à un gouvernement de « techniciens ». Cela implique que le Fatah trouve un terrain d'entente avec le Hamas concernant la reconnaissance d'Israël et la renonciation à la violence ;

- les électeurs palestiniens n'ont pas à être « punis » pour le vote qu'ils ont exprimé, mais toute négociation véritable supposera la reconnaissance d'Israël ; ce sont les électeurs du Hamas qui sont aujourd'hui en grève à Gaza. Le Hamas palestinien lui-même a évolué face à la défiance exprimée par la communauté internationale et a paru prêt à constituer un gouvernement d'union nationale qui aurait, fût-ce implicitement, abouti à la reconnaissance d'Israël. Il semblait cependant, depuis quelques jours, être revenu sur cette position ;

- les conditions de l'accueil réservé au président Abbas à New-York en septembre dernier n'ont pas aidé à renforcer son statut intérieur, ce qui constitue une priorité pour la France ;

- face à la situation dramatique de la population palestinienne, la Commission européenne s'est largement impliquée dans le mécanisme temporaire d'aide qui lui est destinée ; elle a notamment permis d'assurer la fourniture d'aide humanitaire et sociale pour un montant de 330 millions d'euros en 2006. L'aide bilatérale française, qui vient en plus de notre part dans l'aide européenne, a atteint pour sa part 20 millions d'euros pour cette même année, recouvrant l'aide humanitaire, alimentaire et sanitaire ainsi que les infrastructures de base ;

- le fait que des parlementaires et ministres palestiniens restent détenus en Israël n'est pas acceptable ;

- la situation en Afghanistan se détériore, en particulier dans le Sud et l'Est du pays, même si les actions récentes de l'OTAN ont infligé de sérieux revers aux Talibans. Les autorités afghanes doivent s'investir davantage, en particulier pour corriger la faiblesse de leur police et de leur système judiciaire et accroître leur action contre la drogue. La communauté internationale s'est engagée à aider les autorités afghanes pendant encore cinq années, afin de permettre la stabilisation du pays ;

- à l'égard de la Corée du Nord, la fermeté et l'unité de la communauté internationale sont nécessaires, ne serait-ce que pour ne pas donner à l'Iran un sentiment d'impunité face à la prolifération. Pour autant, la seule action de l'ONU ne suffira pas à modifier la position iranienne d'intransigeance qui s'appuie aussi sur des éléments de politique intérieure ; des sanctions ont déjà été votées le 5 juillet 2006 par le Conseil de sécurité à l'encontre de la Corée du Nord après ses tirs de missiles balistiques, décidant d'empêcher tout Etat à transférer vers ce pays une assistance liée à ce type d'armement. Après le récent essai nucléaire, l'ONU pourrait décider d'exiger le démantèlement complet et contrôlé du programme nucléaire nord-coréen, de renforcer l'interdiction de transfert à la Corée du Nord de missiles ou d'armes de destruction massives, enfin d'interdire tout transfert financier lié à ces activités. Bien évidemment, l'association de la Chine à un tel dispositif constituerait un élément clé de la politique qui sera adoptée à l'égard de la Corée du Nord ;

- s'agissant de la Côte d'Ivoire, une résolution discutée fin octobre fixera un nouveau calendrier, qui décidera de prolonger de nouveau, ou non, le mandat du président Gbagbo. La séquence désarmement/identification des électeurs et constitution des listes électorales est complexe, mais reste indispensable pour le succès du processus électoral. La Côte d'Ivoire est le sixième pays d'immigration du monde, accueillant pour l'essentiel des migrants venus des Etats voisins, qui sont ainsi très impliqués dans la situation ivoirienne ;

- après la réunion de la CEDEAO, l'Union africaine se prononcera à la mi-octobre avant de transmettre le dossier à l'ONU à la fin du mois. Une nouvelle résolution établira une feuille de route prévoyant un nouveau calendrier électoral, afin de préparer les élections et de désarmer les milices. La CEDEAO a conclu sa récente réunion en des termes très proches de la position du groupe de travail international (GTI) : il ne peut y avoir de solution militaire durable et l'objectif reste des élections ouvertes sur la base de listes électorales fiables ;

- au Tchad, les différentes formations politiques ne se sont pas accordées pour participer à la « table ronde » que la France appuie. Le rôle de la France est bien d'éviter tout risque de déstabilisation du pays ;

- au Kosovo, la France apporte tout son soutien à M. Ahtisaari, envoyé spécial des Nations unies, qui va prochainement remettre une proposition globale sur le statut final de la province. La France plaide pour une solution négociée et équitable, répondant aux aspirations d'une immense majorité de la population favorable à l'indépendance, mais qui respecterait la minorité serbe et notamment son patrimoine culturel et cultuel. Une présence civile et militaire étrangère sera donc encore longtemps indispensable, la KFOR pouvant ultérieurement être relayée par une force européenne ;

- au Mali, après plusieurs incidents survenus dans le Nord du Pays, des négociations ont permis un certain apaisement et les Touaregs ont réintégré le cadre légal. Mais de nouveaux affrontements ne peuvent être totalement écartés ;

- la résolution 1701 sur le Liban est désormais mise en oeuvre. Israël a évacué le sud du pays, à l'exception du village de Ghajar, mais les survols du territoire libanais par des appareils israéliens restent une source de préoccupation. Pour leur part, la FINUL et l'armée libanaise parachèvent leur déploiement. Pour autant, les conditions du dialogue politique restent à réunir et supposent la libération des deux soldats israéliens et la solution à la question des fermes de Chebaa ;

- en Haïti, un peu moins d'une centaine de gendarmes et policiers français sont présents en soutien à la force de l'ONU. Les élections ont permis la désignation du président Préval et l'impératif est aujourd'hui de rétablir la sécurité, de renforcer les institutions et de poursuivre la lutte contre la pauvreté ;

- au Sénégal, le président Abdoulaye Wade n'a pas remis en cause le calendrier électoral et ce pays reste un modèle de démocratie dans l'Afrique francophone. La France y suivra avec attention le processus électoral à venir.