Mardi 23 janvier 2007

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Loi de finances pour 2006 - Exécution budgétaire - Audition de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement, sur l'exécution du budget 2006.

A titre liminaire, M. Jean Arthuis, président, s'est réjoui des bons résultats de l'exécution budgétaire de 2006. Il a salué, en particulier, le respect du plafond de dépenses voté par le Parlement, ainsi que l'affectation des substantielles plus-values de recettes fiscales au désendettement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, a souligné que la présentation des comptes 2006 constituait un moment important, dans la mesure où il s'agissait de la dernière année budgétaire exécutée entièrement par l'actuel gouvernement.

S'agissant des comptes, il s'est félicité de la réduction du déficit budgétaire, qui s'est établi, pour l'année 2006, à 36,16 milliards d'euros, soit une amélioration du solde budgétaire de 10,8 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale du budget 2006 (46,9 milliards d'euros) et de 6,3 milliards d'euros par rapport à la dernière prévision du collectif (42,4 milliards d'euros). Il a rappelé qu'en trois ans, de 2003 à 2006, le gouvernement avait ainsi diminué le déficit budgétaire de près de 21 milliards d'euros, soit la plus forte réduction jamais enregistrée.

Il a souligné que, rapporté à la richesse nationale, le déficit de l'Etat correspondait maintenant à 2 % du produit intérieur brut (PIB), soit la meilleure performance depuis 15 ans, à l'exception de l'année 2000, lorsque la croissance mondiale atteignait des niveaux records. Il a également indiqué que le solde primaire, - c'est-à-dire le solde budgétaire hors charges d'intérêt de la dette - était désormais excédentaire, ce qui signifiait que l'Etat ne s'endettait plus simplement pour pouvoir payer les intérêts de sa dette passée. Il a précisé, enfin, que le déficit de l'Etat était revenu au niveau du « solde stabilisant », c'est-à-dire au niveau qui permettait de stabiliser le poids de la dette exprimé en points de PIB. Il a indiqué que ces bons résultats étaient la conséquence de l'effort continu de maîtrise de la dépense et d'une politique économique favorable à la croissance, et donc génératrice de recettes.

S'agissant des dépenses, M. Jean-François Copé a déclaré qu'elles avaient été inférieures de 28 millions d'euros par rapport à l'autorisation figurant dans la loi de finances initiale pour 2006, tout en permettant, d'une part, le financement intégral des priorités du gouvernement, notamment en matière de sécurité intérieure, de justice ou de recherche, et, d'autre part, l'assainissement de la situation budgétaire, avec la poursuite de la réduction de la bulle des reports, dont le montant était revenu de 14 milliards d'euros en 2002 à 4 milliards d'euros en 2007. Il a souligné que ce résultat témoignait de l'efficacité des outils de régulation offerts par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), notamment le traitement des nouvelles modalités de mise en réserve de crédits.

S'agissant des recettes fiscales, M. Jean-François Copé a indiqué qu'elles avaient été réévaluées de 10,2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2006. Il a précisé que les recettes de l'impôt sur le revenu avaient été supérieures d'1,1 milliard d'euros à l'estimation de la loi de finances initiale, ce qui provenait à la fois de la progression des revenus des Français, traduction de la progression de l'emploi et du pouvoir d'achat en 2006, et de l'amélioration du recouvrement de l'impôt sous l'effet du recours accru aux modes de paiement dématérialisés. Quant à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l'impôt sur les sociétés, les droits de mutation et l'impôt de solidarité sur la fortune, il a indiqué qu'ils avaient enregistré, respectivement, une plus-value d'1,4 milliard d'euros, 6,4 milliards d'euros, 500 millions d'euros et 450 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale. En sens inverse, il a déclaré que les recettes de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) avaient été inférieures de 500 millions d'euros aux prévisions initiales. Il a ajouté que le prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités territoriales avait été particulièrement dynamique, avec un montant supérieur de 800 millions d'euros par rapport au budget initial. Il a souligné, enfin, le niveau record des cessions immobilières, qui s'élevaient à 800 millions d'euros, pour un objectif initial de 480 millions d'euros.

M. Jean-François Copé a indiqué que la réduction du déficit budgétaire résultait de trois paramètres : la maîtrise de la dépense de l'Etat, l'affectation systématique des plus-values de recettes fiscales au désendettement et la politique fiscale du gouvernement orientée, d'une part, vers l'amélioration de l'environnement fiscal des entreprises et, d'autre part, vers l'emploi et le pouvoir d'achat, grâce notamment à la réforme de l'impôt sur le revenu et l'instauration du « bouclier fiscal ».

M. Jean-François Copé a enfin exprimé le souhait de voir appliquer la logique de la LOLF aux collectivités territoriales, ainsi qu'à la sécurité sociale.

A l'issue de cette présentation, M. Jean Arthuis, président, a affirmé la nécessité d'opter pour une approche consolidée des finances publiques, intégrant la situation des comptes de l'Etat, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale. A cet égard, il a souhaité savoir si le ministre serait en mesure de donner une estimation chiffrée des comptes consolidés de l'Etat d'ici au 12 février, date de la prochaine réunion de la Conférence nationale des finances publiques.

M. Jean-François Copé a déclaré qu'il ne disposerait pas de tous les éléments lui permettant de donner un résultat chiffré d'ici à la mi-février, mais a souligné qu'il était nécessaire d'y travailler, ainsi que de réfléchir à un éventuel rapprochement des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

Un large débat s'est ensuite engagé.

M. Paul Girod a souhaité savoir si le déficit de l'Etat pouvait être décomposé entre déficit de fonctionnement et déficit d'investissement et si, au sein de ce déficit, il était possible de distinguer ce qui relevait d'un déficit structurel. Il a également interrogé le ministre sur la consommation des crédits affectés aux rémunérations, qui serait inférieure de 600 millions d'euros à ce qui avait été prévu par le gouvernement.

En réponse, M. Jean-François Copé a rappelé que, pour la première fois depuis 5 ans, le solde primaire était excédentaire. Cependant, il a reconnu que, malgré d'importants progrès, la maîtrise des dépenses de fonctionnement n'était pas encore complètement atteinte. Quant au solde structurel, il a indiqué que celui-ci ne serait connu que lorsque le montant définitif du PIB serait disponible.

S'agissant de la moindre consommation des crédits affectés aux rémunérations, M. Jean-François Copé a déclaré ne pas avoir de chiffre précis, mais que celle-ci résultait, pour partie, de l'application du principe de fongibilité asymétrique posé par la LOLF.

M. Alain Lambert a salué l'effort de pédagogie dont le gouvernement avait fait preuve au sujet de la bonne exécution du budget 2006 et a insisté sur la nécessité de poursuivre cette démarche en matière fiscale, notamment en ce qui concernait la réforme de l'impôt sur le revenu et l'instauration d'un bouclier fiscal, dont 90 % des bénéficiaires se situaient dans le premier décile des revenus des ménages français. Il a ensuite interrogé le ministre sur la pertinence de l'indicateur « Taux de prélèvements obligatoires », dont l'augmentation conjoncturelle tendait à dissimuler le fait qu'il diminuait de façon structurelle, en raison de l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB.

M. Jean-François Copé a jugé qu'il était en effet essentiel de poursuivre l'effort de pédagogie envers les contribuables. S'agissant du taux de prélèvements obligatoires, le ministre a reconnu qu'il ne constituait pas un indicateur toujours pertinent, dans la mesure où celui-ci reposait sur le PIB, soit un dénominateur très volatile. Il a estimé qu'il serait préférable de rapporter le montant des prélèvements obligatoires au budget de l'Etat, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale.

M. Maurice Blin a souhaité obtenir des précisions sur la notion d' « emplois marchands » utilisée par le gouvernement, ainsi que sur le montant des subventions accordées à ce secteur, qui enregistre le taux de création d'emplois le plus important.

M. Jean-François Copé a indiqué qu'il fallait entendre la notion d' « emplois marchands » par opposition à celle de « secteur public » et que cette catégorie regroupait les emplois offerts par les entreprises privées et le secteur associatif, même si celui-ci recevait, pour partie, des subventions de l'Etat. Il a précisé que les bons résultats enregistrés par ce secteur résultaient de la politique du gouvernement en matière d'aide à la personne et de flexi-sécurité. Il a indiqué qu'il était cependant difficile d'évaluer le montant des subventions versées à cette catégorie d'emplois.

M. Gérard Longuet a souhaité savoir quel type d'entreprises avait, en 2006, le plus contribué à la plus-value de l'impôt sur les sociétés et s'il ne s'agissait pas, en l'espèce, d'entreprises françaises réalisant une part importante de leur chiffre d'affaires à l'étranger. Il s'est ensuite demandé si le gel des investissements pouvait expliquer une partie de la diminution des dépenses de l'Etat. Enfin, il a interrogé le ministre sur les causes du dynamisme du prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités territoriales.

En réponse, M. Jean-François Copé a indiqué ne pas disposer du détail exact de la ventilation des résultats de l'impôt sur les sociétés, mais a ajouté que le secteur financier lui semblait être celui qui avait le plus contribué à la plus-value de cet impôt.

A ce sujet, M. Jean Arthuis, président, a précisé qu'un risque existait de voir des entreprises françaises, réalisant principalement leur chiffre d'affaires à l'étranger, payer leurs impôts, non plus en France, mais dans les Etats où elles réalisaient leur activité.

S'agissant du gel des investissements, M. Jean-François Copé a déclaré qu'il n'avait jamais été question de geler les dépenses d'investissement plutôt que les dépenses de fonctionnement, la LOLF tendant à la logique inverse. Il a précisé que la décision de geler telle ou telle catégorie de dépenses revenait aux ministres gestionnaires, qui grâce à la LOLF étaient désormais devenus leur « propre ministre des finances ».

Quant à l'accroissement en 2006 du prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales, il a indiqué qu'il résultait du dynamisme du fonds de compensation pour la TVA et du fonds départemental d'insertion. Il a tenu à préciser que le bilan des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales avait été largement à l'avantage de ces dernières.

M. Yann Gaillard s'est interrogé sur les moyens mis à la disposition du contribuable, afin que celui-ci soit en mesure d'apprécier, sur sa situation personnelle, l'impact de la réforme fiscale, notamment celui de l'instauration d'un bouclier fiscal, et ce, avant l'élection présidentielle.

M. Jean-François Copé a déclaré que l'objectif premier de la réforme fiscale s'inscrivait dans le cadre d'une politique économique de soutien à la croissance, orientée vers l'emploi et le pouvoir d'achat. Il a ajouté que 90 % des bénéficiaires de l'instauration d'un bouclier fiscal étaient des ménages aux revenus modestes. Il a précisé que, depuis le 1er janvier 2007, chaque contribuable pouvait demander à l'administration fiscale de calculer le montant de l'impôt dû et, ainsi, apprécier l'impact de la réforme fiscale sur sa situation personnelle.

M. Claude Haut a déploré la dégradation des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, évoquant l'exemple de la non-compensation intégrale des charges résultant du transfert de la gestion du revenu minimum d'insertion (RMI) ou de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) aux départements. Il a insisté sur la nécessité de rétablir des liens de confiance entre l'Etat et les collectivités territoriales.

M. Jean-François Copé a démenti la détérioration des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, insistant, au contraire, sur les progrès réalisés en la matière depuis 2002. Il a souligné qu'il conviendrait, à l'avenir, de refonder le contrat liant l'Etat aux collectivités territoriales et d'étudier les moyens d'une plus grande maîtrise de la dépense locale.

M. Jean-Jacques Jégou s'est réjoui des bons résultats de l'exécution budgétaire pour 2006. Il s'est ensuite interrogé sur la pérennité de cette tendance, étant donné, notamment, le contenu des programmes politiques des différents candidats à l'élection présidentielle. Il a, enfin, soulevé la question du perfectionnement de la LOLF, qui apparaît encore parfois comme une contrainte excessive pour les gestionnaires ou comme une tentative de recentralisation du pouvoir au profit du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean-François Copé a indiqué que le candidat à l'élection présidentielle qu'il soutient était attaché à la politique de désendettement de l'Etat. S'agissant du perfectionnement de la LOLF, il a souligné que celui-ci était nécessaire, tant en ce qui concerne son fonctionnement que son image. A cet égard, le ministre a déclaré qu'il était paradoxal de faire de la LOLF, un instrument de recentralisation du pouvoir au profit du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, sa logique étant inverse. Il a ajouté qu'une des voies d'amélioration de la LOLF était à rechercher dans un rapprochement des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

M. Jean Arthuis, président, a insisté sur la nécessité de réfléchir à une adaptation de la logique de la LOLF aux collectivités territoriales.

M. Maurice Blin s'est interrogé sur la contrainte que représentait déjà, pour les collectivités territoriales, l'encadrement du recours à l'emprunt, qui ne pouvait, en effet, être affecté au financement des dépenses de fonctionnement.

M. Jean Arthuis, président, a précisé que les situations financières des collectivités territoriales étaient très disparates et que celles-ci gagneraient à se voir appliquer la logique de la LOLF.