Mercredi 31 janvier 2007

- Présidence conjointe de M. Jacques Valade, président, et de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. -

Audition de M. Jean-Pierre Jouyet, co-président de la commission sur l'économie de l'immatériel

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Jouyet, co-président de la Commission sur l'économie de l'immatériel.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, a indiqué avoir pris connaissance avec intérêt du rapport remis par cette commission à M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur sa demande. Il a indiqué que l'organisation d'une audition commune par les commissions des affaires culturelles et des affaires économiques montrait l'étendue du champ de la réflexion conduite par la Commission sur l'économie de l'immatériel.

Puis M. Jean-Pierre Jouyet a exposé l'origine de ce rapport et la méthode suivie par cette commission :

- cette dernière est née d'une intuition du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie relative à l'évolution des moteurs de la croissance, caractérisée par la place croissante des idées, de l'innovation, des marques et des brevets. Sa mission devait la conduire à embrasser largement cette question, à recourir à des comparaisons internationales et à faire oeuvre de pédagogie ;

- s'agissant de la méthode, le ministre a souhaité que soit noué un partenariat public-privé, en associant à un inspecteur des finances une personnalité emblématique de cette « économie immatérielle », en la personne de M. Maurice Lévy, qui a apporté son recul et son expérience professionnelle. En outre, la commission a réuni des personnalités venant de différents secteurs intéressés par cette évolution économique (la recherche, les secteurs universitaire, culturel, financier, audiovisuel, des nouvelles technologies et d'Internet). Enfin, elle a procédé à l'audition de nombreux acteurs économiques.

M. Jean-Pierre Jouyet a souligné l'originalité de cette démarche, qui a permis de conduire une réflexion collective associant des professionnels qui, même s'ils n'ont pas tous adhéré aux conclusions du rapport, en ont partagé la démarche et le constat.

Il a fait part du souhait de la commission de faire prendre conscience aux représentants politiques, économiques et aux citoyens français, de la rupture économique qui traduit l'entrée dans l'économie de l'immatériel, avec :

- l'innovation, devenue le principal moteur des économies développées, quels que soient les secteurs économiques ;

- le développement massif des technologies de l'information et de la communication, qui conduit les entreprises à se recentrer sur des activités à très forte valeur ajoutée ;

- la place centrale du secteur des services et la financiarisation de l'économie mondiale, qui favorisaient les activités les plus créatrices de valeur, c'est-à-dire l'immatériel.

M. Jean-Pierre Jouyet a relevé que ces évolutions imposaient imagination et créativité pour valoriser au mieux les actifs immatériels, mais qu'elles reposaient parfois sur une vision de court terme.

Puis il a défini cette économie de l'immatériel qui, sans fondement physique, modifie les rapports économiques et sociaux, fonctionne en réseau, s'exonère des limites de temps et d'espace et dépasse les cadres hiérarchiques et géographiques habituels. Il a souligné que cette économie était paradoxalement mal appréhendée par les systèmes de mesure, en particulier statistiques. Il a estimé cependant qu'elle représentait, au minimum, 20 % de la valeur ajoutée et 15 % de l'emploi en France.

Il a souligné que l'économie de l'immatériel ne rendait pas caduque pour autant l'économie industrielle, mais qu'elle multipliait les opportunités d'investir, d'entreprendre et de créer des emplois, indépendamment des facteurs physiques ou liés aux ressources naturelles.

Evoquant ensuite la situation de la France dans ce contexte, M. Jean-Pierre Jouyet a estimé que notre pays ne souffrait pas de handicap objectif, qu'il disposait d'atouts (tels que des marques solides, une image reconnue, un patrimoine, une tradition historique et sa culture), mais qu'il convenait d'alléger les pesanteurs de tous ordres qui empêchaient les talents de s'épanouir. A cette fin, il a jugé nécessaire que la France change de réflexes, d'échelle et de modèle.

Evoquant tout d'abord le changement de réflexes, il a jugé nécessaire de renoncer à certaines habitudes favorisant les situations acquises et un «  protectionnisme de l'intérieur ». Après avoir cité l'exemple du spectre hertzien, des professions réglementées ou des droits d'auteur, il a proposé de dynamiser la création et de valoriser le savoir-faire culturel ainsi que les droits immatériels de l'Etat et de ses ressources rares, notamment en révisant le mode de gestion des fréquences hertziennes et en modifiant les règles régissant les droits d'auteur.

Il a évoqué ensuite la nécessité de changer d'échelle, le cadre de l'action publique devant se situer au moins au niveau européen, en vue notamment d'améliorer la gestion des brevets et de conduire de grands projets technologiques.

Quant au changement de modèle, il a considéré qu'il imposait lucidité et courage, une meilleure exploitation du potentiel français nécessitant d'audacieux changements. Il a estimé ainsi indispensable :

- d'augmenter les moyens consacrés à l'enseignement supérieur et de réformer le système, l'éducation et la formation étant essentielles pour l'économie de l'immatériel, puisqu'elles reposent sur le capital humain ;

- de créer une agence des actifs immatériels publics et de mieux valoriser les marques dans le bilan des entreprises ;

- d'initier une démarche tendant à renforcer la coopération internationale en vue de lutter contre la contrefaçon ;

- d'utiliser la fiscalité comme un instrument d'incitation plutôt que de contrainte. Les acteurs de l'économie immatérielle doivent conduire avec confiance leurs projets, ce qui implique de réformer notre système fiscal, de privilégier une logique d'encouragement et de supprimer les distorsions entre la fiscalité applicable aux prestations matérielles et celle applicable aux services immatériels (le commerce électronique, par exemple).

M. Jean-Pierre Jouyet s'est déclaré convaincu de la nécessité de revoir les législations et réglementations contraignantes et uniformes, qui ne répondent plus aux besoins actuels. Il a cité, par exemple, la faculté de cumuler emploi et retraite, celle pour les chercheurs de poursuivre leurs activités dans le secteur public, ou encore l'organisation du temps de travail.

Après s'être réjoui de ce que les propositions du rapport de la commission aient été reprises par le ministre et fassent l'objet d'études au sein des services, il a énoncé cinq priorités pour que la France occupe une position favorable dans ce nouveau contexte économique :

- renforcer les moyens de l'enseignement supérieur et réformer les structures, notamment en consacrant l'autonomie des établissements ;

- rénover en profondeur l'organisation de la recherche publique, notamment en privilégiant un financement par projet - à côté de la logique du financement des structures - et en améliorant la valorisation des travaux de recherche, et renforcer l'effort de recherche du secteur privé, en particulier celui des petites et moyennes entreprises ;

- établir des priorités technologiques (paiement électronique, logiciels libres, contenus numériques, traçabilité...) ;

- identifier et mieux valoriser les actifs immatériels de l'Etat, et améliorer l'allocation et la gestion de ces actifs ;

- adapter les structures économiques, sociales et fiscales, créer une économie relationnelle, et non « confrontationnelle » et hiérarchique, et accorder à l'économie immatérielle la même attention que celle dont a fait l'objet le capital physique ces dernières années.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, a demandé quel socle indispensable d'économie industrielle il convenait, selon M. Jouyet, de préserver dans notre pays.

M. Jean-Pierre Jouyet a répondu en insistant sur la nécessité de ne pas opposer l'économie immatérielle à l'économie industrielle. Même si la part des services va croissant dans la valeur ajoutée, conserver un potentiel industriel important permettra d'assurer la présence française dans l'économie immatérielle, dans la mesure où le socle industriel représente un levier d'innovation et de progrès technologique, comme l'atteste l'avance française dans l'industrie des télécommunications, notamment dans le haut débit.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, a jugé que la part de l'immatériel dans le matériel était fondamentale et s'est interrogé sur le moyen de faire converger les deux de façon moderne.

M. Jean-Pierre Jouyet a reconnu que l'importance des brevets était aussi grande dans des secteurs industriels, comme l'énergie ou les transports, que dans des secteurs de création, comme l'audiovisuel. Il a donc préconisé que l'industrie fasse appel à des chercheurs et se dote d'outils de protection, de la même manière que le font les services.

M. Ivan Renar s'est dit perplexe quant au choix du terme « immatériel », auquel il a suggéré de préférer les mots « pensée » ou « intelligence », qui sont la première ressource de la « vieille Europe ». Il a souligné les exigences contradictoires auxquelles notre société était confrontée :

- d'une part, les chercheurs sont amenés à repenser leurs relations avec la société en répondant par leurs travaux à une demande sociale et en communiquant sur leurs travaux, et, en même temps, il leur faut conserver leur autonomie pour ne pas être instrumentalisés ;

- d'autre part, la production de connaissances devient de plus en plus accessible à tous, mais la protection des connaissances est source de nouvelles inégalités dans l'accès au savoir.

Il a conclu que les questions ici soulevées étaient d'ordre éminemment politique, au-delà de leur dimension technique, comme d'ailleurs celles abordées par le récent rapport sur la valorisation de la recherche, élaboré par l'inspection générale des finances et par l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche.

M. Pierre Laffitte a fait part de sa passion depuis plus de 40 ans pour l'immatériel et l'innovation. Il s'est demandé si l'un des objectifs concrets du rapport de MM. Jouyet et Lévy était de modifier les structures comptables afin que la place des investissements immatériels soit mieux considérée, notamment par certaines professions, parmi lesquelles les notaires ou banquiers, qui appliquent des règles anciennes. Il a également souligné les conséquences considérables, et pourtant mal appréciées financièrement, que la maîtrise de l'immatériel pouvait avoir dans les domaines du commerce, de l'industrie et du transport, faisant observer, à ce sujet, le rôle-clé de la logistique.

M. Jean-Paul Emin s'est interrogé sur les moyens d'orienter la mise en réseau de l'économie matérielle et immatérielle, se demandant si la finalité des pôles de compétitivité n'était pas précisément d'assurer cette interface. Il a relevé, par ailleurs, que la taille critique dans le domaine immatériel dépassait le périmètre national.

M. Bruno Retailleau a souhaité d'abord mettre en perspective le rapport présenté par M. Jouyet, se référant, d'une part, à l'intuition de l'économiste Davenant qui, au XVIIe siècle, estimait que la richesse des nations ne dépendait pas de la seule richesse naturelle, mais de la faculté de les exploiter, et d'autre part, à la thèse d'Alain Peyrefitte sur « le facteur manquant de la productivité ». Ainsi, il a estimé que le développement dépendait surtout de la mentalité, déplorant à cet égard que l'économie de marché soit si mal considérée par les Français. Il a insisté, ensuite, sur les connexions entre les économies matérielle et immatérielle, dans la mesure où la recherche privée était à 75 % appuyée par l'industrie.

Il a posé ensuite deux questions, la première sur les difficultés de mesure des actifs immatériels, la seconde sur les contreparties exigibles pour l'occupation privée du domaine public hertzien.

M. Jean-Pierre Jouyet, après avoir salué tout spécialement MM. Ivan Renar et Pierre Laffitte qu'il avait connus dans d'autres fonctions, a précisé que le concept d'« immatériel » n'avait pas la prétention de rompre avec l'histoire, dans la mesure où l'intelligence avait toujours fondé la croissance. Toutefois, il a jugé que la nouveauté résidait aujourd'hui dans l'interaction entre trois phénomènes : le facteur humain, le rythme de l'innovation technologique et l'emprise croissante des activités de service. Revenant sur les propos de M. Retailleau, il a confirmé que la mentalité était un facteur important, ce qui attestait du nécessaire changement de modèle culturel pour la France, bien que cette dernière ne souffre pas d'un handicap objectif.

En réponse à M. Ivan Renar, il est convenu que la conciliation entre indépendance et utilité sociale était délicate pour les chercheurs. Sans opposer recherche fondamentale et valorisation, il a déploré que la France n'ait pas amélioré la valorisation, notamment dans le système universitaire, de sa recherche, pourtant de grande qualité. De même, il a jugé fondamental de rendre plus efficace la protection du savoir, spécialement en renforçant l'Office européen des brevets, et il s'est félicité en même temps que le progrès technologique permette un accès rapide aux connaissances.

En réponse à M. Pierre Laffitte, M. Jean-Pierre Jouyet a reconnu que les systèmes comptable et juridique n'étaient pas adaptés à l'économie de l'immatériel -marques, brevets, apports immatériels...- et que leur adaptation débordait du cadre français et pourrait constituer un sujet opportun pour la prochaine présidence française de l'Union européenne. Il a considéré que diverses professions, les notaires, mais aussi les banques, par exemple, devaient faire des progrès en ce sens, regrettant notamment que des garanties personnelles soient exigées des entrepreneurs pour obtenir des financements.

En réponse à M. Jean-Paul Emin, il a confirmé qu'il n'y avait pas d'opposition entre un socle industriel fort et une économie immatérielle, l'effort dans l'immatériel permettant paradoxalement de consolider notre industrie. A cet égard, la démarche initiée dans les pôles de compétitivité et visant à assurer la jonction entre l'immatériel et l'industrie lui a semblé devoir être encouragée. Evoquant les atouts immatériels de la France - identité culturelle, patrimoniale, appellations d'origine contrôlée... -, il a jugé qu'ils représentaient une opportunité pour développer notre identité nationale dans une économie mondialisée.

En réponse à M. Bruno Retailleau, il a reconnu la nécessité d'une amélioration du système de mesure de la richesse immatérielle. Concernant la gestion du spectre hertzien, il a expliqué que le rapport proposait aussi bien une contrepartie monétaire qu'une contrepartie en nature à l'occupation des fréquences et il s'est interrogé sur le moyen de mesurer la proportionnalité de ces contreparties. Il a jugé souhaitable la mise en concurrence des fréquences et la neutralité dans leur affectation pour permettre à l'innovation technologique de jouer pleinement.

En réponse à M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, qui évoquait les réactions de la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) à la publication du rapport de la commission, il a indiqué que celui-ci ne remettait pas en cause le système de gestion collective des droits des auteurs, mais soulevait la nécessité d'une part, de réfléchir sur le degré de liberté, parfois limité, dont disposent les auteurs, et, d'autre part, d'être vigilant sur les coûts de gestion de ce système, ainsi que l'a d'ailleurs souligné un récent rapport de la Cour des comptes.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, a relevé que cette dernière partageait également ce type de préoccupations.

Jeudi 1er février 2007

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Audition de M. Philippe Etienne, directeur général de la coopération internationale et du développement

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Philippe Etienne, directeur général de la coopération internationale et du développement au ministère des affaires étrangères.

Rappelant l'engagement constant de la commission en faveur du rayonnement culturel de la France à l'étranger, M. Jacques Valade, président, a souhaité connaître le sentiment de M. Philippe Etienne sur l'évolution du rôle de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) dans la gestion de CulturesFrance, d'une part, et sur la proposition de loi déposée par M. Louis Duvernois portant réforme du statut de l'association, d'autre part.

M. Philippe Etienne, directeur général de la coopération internationale et du développement, a observé, à titre liminaire, que la DGCID voit son rôle évoluer, passant de la maîtrise directe de projets à une mission de pilotage stratégique d'opérateurs tels que l'agence française de développement, CampusFrance ou CulturesFrance. Il a par ailleurs tenu à mettre en valeur l'atout majeur que constitue le réseau culturel et diplomatique de la France à l'étranger, tant par son maillage que par sa cohérence.

M. Philippe Etienne, directeur général de la coopération internationale et du développement, a ensuite rappelé le contexte ayant conduit au dépôt d'une proposition de loi relative à CulturesFrance.

Il a tout d'abord souligné que de nombreuses études, dont le rapport de M. Jacques Blot sur l'évolution du rôle de l'Association française d'enseignement artistique (AFAA), s'étaient prononcées pour la transformation de l'association en établissement public industriel et commercial. Il a précisé que cette évolution du statut nécessitait l'intervention d'une loi.

Il a également fait mention des nombreux débats ayant eu pour objet le périmètre des missions de CulturesFrance, au moment de la création de l'association, issue de la fusion de l'Association française d'enseignement artistique (AFAA) et de l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF).

Il a enfin mentionné le récent rapport de la Cour des comptes, fait à la demande de la commission des finances du Sénat, qui a émis plusieurs critiques contre la gestion de CulturesFrance, à la suite desquelles le Sénat a diminué de 500 000 euros la subvention du ministère des affaires étrangères à CulturesFrance, en loi de finances pour 2007. Ce processus a abouti au renforcement du dialogue stratégique entre CulturesFrance et ses tutelles, dont la première concrétisation est la finalisation du contrat d'objectifs et de moyens, qui sera soumis au conseil d'administration de CulturesFrance le 5 février 2007.

S'agissant de la proposition de loi, M. Philippe Etienne, directeur général de la coopération internationale et du développement, a salué le travail du sénateur Louis Duvernois et a remercié la commission d'avoir permis son inscription à l'ordre du jour réservé, dans une période législative pourtant très chargée. Il a reconnu qu'outre la difficulté juridique que pose le statut associatif de CulturesFrance, dont les membres ne paient pas de cotisations, celui-ci nuit à la crédibilité de l'opérateur. La transformation en établissement public est donc à la fois opportune et pertinente. Il a ajouté que le texte de la proposition de loi avait déjà été pris en compte, au demeurant, dans le projet de contrat d'objectifs et de moyen de CulturesFrance, notamment dans la définition des objectifs de l'association.

Il a toutefois noté qu'il pouvait être utile de préciser que CulturesFrance dispose d'une compétence en matière de promotion à l'étranger du patrimoine cinématographique français, formulation qui ne remet pas en cause les rôles du Centre national de la cinématographie (CNC) et d'Unifrance en matière de soutien des films contemporains à l'étranger.

Il s'est félicité en revanche de l'ajout, par rapport aux compétences initiales de CulturesFrance, de la mission de formation des personnels du réseau culturel français à l'étranger, évoquée à l'avant-dernier alinéa de l'article 2 de la proposition de loi.

M. Philippe Etienne, directeur général de la coopération internationale et du développement, a enfin regretté que les saisons culturelles ne soient pas évoquées dans les compétences de CulturesFrance.

M. Ivan Renar a plaidé en faveur de l'ajout de cette compétence aux missions de CulturesFrance, estimant que l'organisation des saisons culturelles et des « Années croisées » participe pleinement de l'une des priorités de CulturesFrance qu'est le soutien à la diversité culturelle.

Reconnaissant que CulturesFrance a fait preuve d'un réel savoir-faire en matière d'organisation des « Années croisées », M. Jacques Valade, président, s'est prononcé en faveur de l'insertion de cette mission dans le texte de la proposition de loi.

M. Jacques Legendre a également exprimé son accord, ainsi que M. Louis Duvernois, rapporteur, qui a estimé qu'il était tout à fait légitime de confier cette mission à CulturesFrance, sans pour autant en faire l'opérateur unique des saisons culturelles.

Afin de ne pas laisser penser qu'il existe une double représentation, diplomatique et culturelle, de la France à l'étranger, M. Philippe Etienne, directeur général de la coopération internationale et du développement, a par ailleurs insisté sur le fait que l'établissement devait s'appuyer, non pas seulement sur le réseau culturel français à l'étranger, mais bien sur l'ensemble du réseau diplomatique.

M. Louis Duvernois, rapporteur, a ensuite souhaité savoir comment M. Philippe Etienne envisageait la répartition des compétences entre le président et le directeur de l'établissement public.

M. Philippe Etienne a répondu qu'il existait deux modèles en matière d'organisation administrative des opérateurs, le système bicéphale avec un président du conseil d'administration et un directeur disposant du pouvoir exécutif, et le système monocéphale, où le président préside le conseil d'administration et dirige l'établissement, éventuellement soutenu par un directeur administratif. Dans le cas de CulturesFrance, compte tenu de la faible taille de l'opérateur, il a plaidé pour le système monocéphale, tel qu'il est au demeurant prévu dans la proposition de loi.

MM. Jacques Legendre et Ivan Renar ont soutenu cette organisation administrative, citant notamment les exemples de l'Organisation internationale de la francophonie ou du Centre Pompidou.

M. Louis Duvernois, rapporteur, a également interrogé le directeur général de la coopération internationale et du développement sur l'équilibre à trouver dans la programmation de CulturesFrance entre, d'une part, la promotion du patrimoine français et celle des pays étrangers, notamment en Afrique et, d'autre part, la présentation des créations contemporaines et des oeuvres classiques.

M. Philippe Etienne, directeur général de la coopération internationale et du développement, a observé que cet équilibre devait évoluer selon les zones où intervient CulturesFrance, notant qu'en Afrique, par exemple, le soutien aux artistes locaux portait ses fruits et qu'il fallait l'encourager. Il a souligné que la culture française dite « classique » était fortement reconnue dans les pays en voie de développement et les pays du Golfe, et qu'il fallait donc la promouvoir dans ces pays. En revanche, s'agissant des pays développés, dans un contexte où les initiatives culturelles sont très nombreuses, il a jugé que la valeur ajoutée apportée par CulturesFrance résidait dans sa mise en valeur de la création française contemporaine.

M. Jacques Legendre a estimé que cette programmation devait dépendre de l'appréciation, au cas par cas par l'ambassadeur, de l'opportunité du projet, et que c'est la spécificité du territoire, et non le souhait de CulturesFrance de promouvoir une manifestation en particulier, qui devait commander le choix des spectacles.

A ce titre, M. Jacques Valade, président, a rappelé l'importance du rôle de l'ambassadeur, qui doit avoir autorité sur l'ensemble des services français représentés à l'étranger.

M. Philippe Etienne, directeur général de la coopération internationale et du développement, a indiqué que dans le contrat d'objectifs et de moyens de CulturesFrance, il avait souhaité faire apparaître un indice de satisfaction des ambassadeurs afin d'évaluer l'efficacité de la coopération entre CulturesFrance et les Postes.

Audition de MM. Jacques Blot, président, et Olivier Poivre d'Arvor, directeur général, de CulturesFrance

La commission a ensuite procédé à l'audition de MM. Jacques Blot et Olivier Poivre d'Arvor, respectivement président et directeur général de CulturesFrance.

M. Jacques Blot, président de CulturesFrance, a tout d'abord informé la commission des conséquences de la décision de la représentation nationale de réduire la subvention du ministère des affaires étrangères à CulturesFrance, estimant le déficit de l'association à 900 000 euros. Il s'est inquiété, d'une part, de l'impact de la régulation budgétaire annuelle mise en oeuvre par le Gouvernement à hauteur de 5 % des crédits, et d'autre part, du risque que le ministère du budget prenne comme base la subvention de 2007 pour fixer le cadre de la dotation pour 2008, alors que la diminution des crédits de l'association par le Parlement en loi de finances pour 2007 avait pour objet de sanctionner ponctuellement un fonds de roulement trop important, plutôt que des crédits globalement trop élevés.

Il a évoqué, ensuite, certains éléments de la réforme entreprise à CulturesFrance, citant la mise en place d'une comptabilité analytique, l'élaboration d'un règlement financier, la création d'un conseil d'orientation auquel seraient soumises l'ensemble des opérations de CulturesFrance afin de renforcer la transparence de la prise de décision, ainsi que la prochaine entrée en vigueur du contrat d'objectifs et de moyens établi par les ministères de tutelle.

Il a ensuite contesté la possibilité pour CulturesFrance de réaliser les économies d'échelle souhaitées par la Cour des comptes et le Parlement, suite à la fusion entre l'AFAA et l'ADPF. Il a noté, en effet, que dans la mesure où le statut du personnel de l'ADPF ne pouvait s'appliquer qu'à des personnels travaillant dans le domaine de l'édition, il avait fallu, suite à la fusion, appliquer au personnel de CulturesFrance le statut de celui de l'AFAA, plus avantageux. Si des économies de personnel ont été opérées dans une période précédente, les coûts devraient ainsi plutôt augmenter en 2007.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur général de CulturesFrance, a souligné en outre que la baisse des moyens s'accompagne paradoxalement de commandes de l'Etat de plus en plus nombreuses auprès de CulturesFrance, notamment dans le cadre des « Années croisées ».

M. Jacques Valade, président, a insisté sur le fait que le Sénat avait voulu améliorer le fonctionnement de CulturesFrance, sans toutefois remettre en cause la légitimité de l'association, et a souhaité rappeler le soutien constant de la commission aux actions de l'association, confirmé par la présente proposition de loi.

M. Louis Duvernois, rapporteur, a souhaité connaître le sentiment de M. Jacques Blot sur la transformation de CulturesFrance en établissement public industriel et commercial.

M. Jacques Blot, président de CulturesFrance, a répondu que ce statut, qu'il avait préconisé dans un rapport, avait toujours sa faveur, mais qu'il s'inquiétait toutefois des conditions de transfert des personnels de l'association à l'établissement.

Constatant que les moyens financiers attribués à CulturesFrance par le ministère de la culture sont très faibles, M. Jacques Blot a ensuite remarqué que la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture serait davantage légitime si le ministère apportait une réelle contribution à l'association, à la fois financière et en termes de commandes.

M. Jacques Valade, président, a soutenu le principe de la double tutelle et a insisté sur l'importance de l'implication du ministère de la culture dans le pilotage de CulturesFrance.

M. Jacques Legendre a fait valoir que la tutelle du ministère de la culture renforçait la légitimité de CulturesFrance.

M. Ivan Renar a soutenu l'initiative de M. Louis Duvernois, qui permet d'inscrire dans la loi, ce qui est hautement symbolique, l'existence de CulturesFrance, dont les compétences et les missions sont pleinement confirmées. La proposition de loi s'inscrit en outre parfaitement dans le cadre du soutien à la diversité culturelle clairement affirmé par l'adoption de la convention de l'UNESCO.

M. Louis Duvernois, rapporteur, s'est ensuite interrogé sur les choix de CulturesFrance en matière de programmation.

M. Olivier Poivre d'Arvor a insisté sur l'importance de l'accueil des cultures étrangères, conformément à l'objectif de promotion de la diversité culturelle fixé à CulturesFrance. S'agissant du soutien à la création africaine, il a souligné qu'il correspondait à une mission précise confiée à l'association par le ministère des affaires étrangères, à laquelle correspondent des fonds affectés à des actions en faveur de la zone de solidarité prioritaire.

S'exprimant sur des points précis de la proposition de loi de M. Louis Duvernois, MM. Jacques Blot et Olivier Poivre d'Arvor ont souhaité que CulturesFrance puisse intervenir en matière de promotion à l'étranger du patrimoine cinématographique, notion qui recouvrirait à la fois des films de fiction assez anciens, des documentaires ou des films scientifiques, afin de ne pas empiéter sur les compétences du Centre national de la cinématographie et d'Unifrance. Ils ont également marqué leur préférence pour l'utilisation de la notion de partenariat entre CulturesFrance et le réseau culturel français à l'étranger, au dernier alinéa de l'article 2 de la proposition de loi.

Modernisation de la diffusion audiovisuelle et télévision du futur - Désignation de candidats pour faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire

Au cours de la même réunion, la commission a enfin procédé à la désignation des sept candidats titulaires et des sept candidats suppléants pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

Ont été désignés comme membres titulaires : MM. Jacques Valade, Louis de Broissia, Bruno Retailleau et Serge Lagauche, Mmes Marie-Christine Blandin, Catherine Morin-Desailly et Colette Mélot.

Ont été désignés comme membres suppléants : MM. Jean-Marie Bockel, Jean-Claude Carle, Ambroise Dupont, Jean-François Humbert, Pierre Laffitte, Jack Ralite et Robert Tropeano.