Mercredi 7 février 2007

- Présidence de M. Denis Badré, vice-président

Cour des Comptes - Transformation de l'agence nationale de valorisation de la recherche - Audition de M. Bertrand Fragonard, président de la 2e chambre de la Cour des comptes, de M. Jean-Pierre Denis, président directeur général d'OSEO

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Bertrand Fragonard, président de la 2e chambre de la Cour des comptes, de M. Jean-Pierre Denis, président directeur général d'OSEO, de M. Jean-Philippe d'Issernio, conseiller budgétaire du ministre délégué à la recherche, de M. David Bouchoucha, conseiller technique au cabinet du ministre délégué à l'industrie, de M. Guilhem Blondy, conseiller technique au cabinet du ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, de Mme Delphine d'Amarzit, sous-directrice à la direction générale du trésor et de la politique économique (DGTPE), de M. François Tanguy, sous-directeur à la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) et de M. Laurent Moquin, sous-directeur à la direction du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales (DCASPL), pour suite à donner à l'enquête sur l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) et sa transformation en OSEO-ANVAR, transmise par la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF

M. Denis Badré, président, a tout d'abord rappelé que l'ANVAR, établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), créé en 1967, était devenue, en juillet 2005, une société anonyme (SA), filiale à 100 % de l'EPIC OSEO. Il a ajouté que cette SA, après s'être appelée OSEO-ANVAR, venait d'être rebaptisée OSEO Innovation. Il a, de plus, relevé que cette société disposait, en 2007, de 167 millions d'euros de crédits en provenance de l'Etat pour remplir sa mission en faveur de l'innovation dans les petites et moyennes entreprises (PME).

Il a ensuite indiqué que M. Maurice Blin, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur », s'était interrogé quant à la gestion de l'ancien EPIC ANVAR et quant aux conditions de sa transformation en OSEO-ANVAR, ce qui avait conduit la commission à solliciter de la Cour des comptes une enquête sur ce thème, le 25 janvier 2006, en application des dispositions de l'article 58-2° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), cette enquête lui ayant été transmise le 20 octobre 2006. Il a alors souligné que la présente audition avait pour objet principal de faire en sorte que les travaux réalisés par la Cour des comptes connaissent une suite effective.

Puis, après avoir présenté les excuses des présidents Jean-Paul Emorine et Jacques Valade, il a salué la présence de membres des commissions des affaires culturelles et des affaires économiques, auxquels l'audition était ouverte, de même qu'à la presse. M. Denis Badré, président, a ensuite invité M. Bertrand Fragonard à résumer les conclusions de l'enquête de la Cour des comptes.

M. Bertrand Fragonard a tout d'abord rappelé que l'ANVAR, devenue OSEO-ANVAR en juillet 2005, avait, en 2005, distribué un montant total d'aides de 210 millions d'euros et avait perçu, à ce titre, 77 millions d'euros de crédits de l'Etat, outre un budget de fonctionnement qui s'était élevé à 41 millions d'euros.

Il a ensuite déclaré que la Cour des comptes avait réalisé un contrôle classique de cet EPIC dans le courant de l'année 2005, portant sur sa gestion des exercices 1998 à 2003, qui avait donné lieu à un rapport particulier. Il a indiqué que les constations établies à l'occasion de cette première enquête d'une part, et l'intégration de l'ANVAR au sein du groupe OSEO d'autre part, avaient conduit la Cour des comptes à réaliser un nouveau contrôle dès 2006, qui a donné lieu à un rapport particulier en janvier 2007. Il a observé que l'enquête demandée, en parallèle, par la commission des finances du Sénat en application de l'article 58-2° de la LOLF comprenait la synthèse de l'ensemble de ces observations. Enfin, il a précisé que les observations de la Cour des comptes se limitaient à la période EPIC et ne concernaient pas la SA OSEO-ANVAR, qui lui avait succédé.

Après ces propos liminaires, M. Bertrand Fragonard a expliqué que les conclusions de la Cour des comptes pouvaient se résumer en trois constats.

En premier lieu, il a estimé qu'il convenait de mieux définir les missions dévolues à l'ex ANVAR, devenue OSEO Innovation, jugeant le décret n° 2005-766 du 8 juillet 2005 approuvant les statuts de la SA OSEO ANVAR et portant diverses dispositions relatives à son fonctionnement insuffisamment précis, en particulier pour ce qui concerne les sociétés cibles et le contenu de la notion d'innovation. A cet égard, il a considéré que la création par l'Etat d'autres structures de soutien à la recherche, au développement et à l'innovation, comme l'Agence nationale de la recherche (ANR), l'Agence pour l'innovation industrielle (AII), les pôles de compétitivité ou France investissement, rendait encore plus nécessaire une définition claire des rôles de chacun. A cette fin, il a recommandé de tirer partie de l'exemple des meilleures pratiques observées dans les pays étrangers.

M. Bertrand Fragonard a ensuite fait état des défaillances comptables de l'EPIC ANVAR relevées par la Cour des comptes lors de ses enquêtes, les imputant à trois facteurs :

- l'incapacité de l'agence à mener à bien la réforme de son système comptable et de ses systèmes d'informations entre 2001 et 2004 ;

- les difficultés de gestion par l'EPIC des actions déléguées par des tiers (ADT) ;

- l'absence de réaction de la majorité du conseil d'administration de l'ANVAR au cours des exercices successifs.

Ayant observé que les défaillances comptables de l'EPIC n'étaient pas sans conséquences pour la gestion de la SA qui a pris sa suite, il a reconnu que l'équipe dirigeante de l'ANVAR avait pris conscience du caractère sérieux de la situation en fin d'année 2004. Il a néanmoins souligné que la cellule de recherche et de régularisation comptable (CRER) mise en place par la DGCP pour traiter le dossier de l'ANVAR n'avait pu remplir que partiellement sa mission, d'autant plus que les dirigeants de la SA OSEO-ANVAR n'avaient pas fait leur première priorité de la régularisation des comptes de l'EPIC, auquel elle avait succédé.

M. Bertrand Fragonard a ensuite livré les conclusions de la Cour des comptes quant à la qualité des comptes de l'EPIC ANVAR sur la période 2000-2005, jugeant ainsi « non fidèles, non réguliers et non sincères » les comptes des exercices 1998 à 2003, « entaché d'erreurs et non en état d'examen » le compte financier de 2004, et ajoutant que le compte de l'EPIC pour 2005 n'avait pas pu être produit.

Il a précisé qu'à la suite d'une étude réalisée par un prestataire extérieur, l'agence avait décidé, en 2005, de passer, au titre de 2004, des provisions exceptionnelles d'un montant de 262 millions d'euros, afin de remonter le taux de provisionnement du non-remboursement des avances, de couvrir le risque d'actifs injustifiés présents dans les comptes et de couvrir le risque lié à une gestion comptable défaillante des actions déléguées par des tiers (ADT). Il a souligné que cette constitution de provisions avait abouti à un très fort déficit de l'exercice 2004, que l'administration fiscale n'a, de surcroît, pas permis à l'agence de reporter, du fait que ses défaillances en étaient la cause. Il a enfin déclaré que les incertitudes pesant sur le bilan initial de la SA OSEO-ANVAR avaient abouti à l'émission d'une réserve de son certificateur sur ses comptes 2005.

Puis M. Bertrand Fragonard a détaillé la troisième série d'observations de la Cour des comptes, portant sur la nécessité d'améliorer la définition des missions de l'agence, ainsi que l'évaluation de ses performances. A cet égard, il a critiqué le flou des objectifs assignés à l'ANVAR jusqu'en 2005 par les décrets n° 97-152 du 19 février 1997 relatif à son organisation et à son fonctionnement, et n° 97-682 du 31 mai 1997 relatif à l'aide à l'innovation. Il a également mis en exergue les hésitations de l'agence et de ses tutelles dans la définition de la politique d'aide, illustrée par le lancement, puis l'arrêt, des ADT pour compenser la baisse des subventions de l'Etat. Il a relevé la mauvaise gestion des ADT, pour lesquelles l'ANVAR était sous-rémunérée en raison de la sous-estimation de ses coûts complets. Enfin, il a fait état du manque de pertinence ou de l'absence de renseignement des indicateurs mesurant la performance de l'agence, précisant qu'à ce jour, la mesure du coût et de l'efficience de la SA restait difficile.

En conclusion, M. Bertrand Fragonard a déclaré que les problèmes nombreux soulevés par la Cour des comptes avaient été correctement analysés par l'actuelle équipe dirigeante d'OSEO. Il a également reconnu que les démarches entreprises allaient dans le bon sens, en remarquant cependant que tous les problèmes issus des errements passés n'étaient pas encore résolus.

M. Denis Badré, président, a ensuite invité M. Jean-Pierre Denis à réagir aux remarques de la Cour des comptes.

En réponse, M. Jean-Pierre Denis a affirmé qu'il partageait les principaux constats de l'enquête, soulignant l'incompatibilité entre la comptabilité de l'époque de l'ANVAR, qu'il a qualifiée de « comptabilité de caisse », et les cycles des aides octroyées par cet établissement, s'agissant en particulier des avances remboursables, qui s'étendent sur plusieurs années. De plus, il a regretté les insuffisances du système d'information de l'époque de l'agence, les liant toutefois en partie à la modicité des crédits d'investissements versés alors par l'Etat à l'ANVAR. En outre, après avoir souligné que le transfert des aides du ministère de l'industrie à l'agence avait « ajouté à la confusion », il a regretté l'absence de contrôle interne au sein de l'EPIC.

Il a souligné que l'ensemble de ces défaillances avait abouti à des « désalignements comptables » pour plus de 9.000 dossiers, sur un total d'environ 25.000 dossiers gérés par l'ANVAR, ces écritures n'ayant pu être entièrement corrigées qu'en début d'année 2006. Il a, en outre, relevé que, dans le référentiel de l'EPIC, la fonction comptable était déconnectée par rapport aux équipes d'exploitation, notant, de plus, que la succession de trois agents comptables publics en quelques mois avait été préjudiciable au bon fonctionnement de l'ANVAR.

M. Jean-Pierre Denis a ensuite déclaré que, malgré un important travail de remise à niveau entrepris dès la fin de 2004, la lourdeur de cet historique avait conduit le certificateur des comptes de la SA OSEO-ANVAR à émettre deux réserves sur les comptes 2005, arrêtés le 21 juillet 2006, l'une portant sur le bilan initial de la SA et l'autre sur l'absence de contrôle interne, la mise en place d'un tel contrôle nécessitant un certain délai.

Puis il a expliqué que son équipe avait repensé l'architecture comptable de la SA ayant succédé à l'ANVAR afin de « rendre ses comptes significatifs », ajoutant qu'OSEO Innovation était ainsi désormais dotée d'un contrôleur permanent. Il a également précisé que deux réformes étaient en cours, l'une concernant la gestion du réseau d'agences locales d'OSEO Innovation, au sein desquelles les fonctions commerciales et d'expertise devaient être séparées des fonctions de gestion, l'autre concernant le système d'information. Il a indiqué que la clôture des comptes 2006 de sa société se déroulait dans des conditions normales et dans le respect des délais légaux, se disant confiant quant à leur certification.

M. Jean-Pierre Denis a ensuite énoncé quatre réflexions qu'il tirait de ce travail de redressement :

- le changement de statut de l'ANVAR et son passage à la comptabilité privée ont constitué des outils précieux ;

- le conseil d'administration, informé en octobre 2004 des difficultés comptables de l'agence, ne s'est pas distancié de la nouvelle direction et l'a soutenue dans son effort ;

- la tâche principale de l'EPIC ANVAR et de la SA qui lui a succédé, à savoir le soutien à l'innovation dans les PME, s'est poursuivi et même développé en parallèle du travail de redressement comptable. A cet égard, il a indiqué qu'après une croissance de 20 % en 2006, OSEO Innovation s'attendait à une croissance de son chiffre d'affaires d'environ 30 % en 2007, alors même que ses effectifs devraient afficher une baisse de 6 à 7 % sur cette même période ;

- la régularisation des comptes de l'EPIC ANVAR, qu'il a qualifié « d'impossible, même avec de gros moyens », ne pouvait être considérée comme prioritaire par rapport à l'établissement des comptes de la SA OSEO-ANVAR, même si ces problèmes « historiques » ont retardé l'adoption des comptes de sa maison mère, l'EPIC OSEO, qui est un établissement financier.

Puis M. Jean-Pierre Denis a détaillé les missions d'OSEO Innovation, et plus largement d'OSEO, expliquant que ce dernier, issu de la fusion de l'ANVAR d'une part, et de la banque de développement des petites et moyennes entreprises (BDPME) et de sa filiale Sofaris d'autre part, était à présent un établissement intégré, les réseaux ayant fusionné en octobre 2006. Il a ajouté qu'OSEO, doté d'une direction générale unique, constituait un « interlocuteur global » pour les PME.

Il a également insisté sur sa volonté de simplifier l'offre d'OSEO Innovation en direction des PME, ainsi que sur le développement des aides à fort effet de levier, soulignant la mise en place de nouvelles solutions de financement, nés des complémentarités de l'ex-BDPME et de l'ex-ANVAR. De plus, il a expliqué qu'OSEO Innovation cherchait à augmenter le niveau des aides qu'elle distribue pour le compte des régions, y voyant un facteur important de mutualisation des moyens destinés à encourager les PME.

M. Jean-Pierre Denis a ensuite abordé la question de l'évaluation, annonçant qu'il avait mis en place une direction du développement et de l'évaluation au sein d'OSEO, et qu'un programme d'évaluation, lancé en 2006, devrait produire ses effets dans le courant de l'année 2007.

En guise de conclusion, il a souligné que la création d'OSEO avait fait évoluer sensiblement l'intervention de l'Etat en faveur de l'innovation, cette notion ne devant pas, selon lui, se limiter à la seule innovation technologique, mais englober l'ensemble des démarches innovantes. Il a également mis en avant l'importance des progrès pouvant être réalisés en termes de qualité de gestion en passant d'une comptabilité publique à une comptabilité privée.

Un large débat s'est ensuite instauré.

M. Philippe Marini, rapporteur général, est revenu sur l'enquête de la Cour des comptes, observant qu'il était rare que de telles conclusions soient aussi sévères. Il a voulu savoir, à partir d'exemples concrets, comment OSEO-ANVAR puis OSEO Innovation avait rationalisé son portefeuille d'aides, jugé trop fourni et trop disparate par la Cour des comptes. Il a également souhaité que M. Jean-Pierre Denis précise l'équilibre qu'il avait choisi entre les interventions au moyen de subventions et au moyen d'avances remboursables. Enfin, il a demandé comment OSEO Innovation progressait sur l'établissement et le renseignement d'indicateurs de performance réellement significatifs.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur », après avoir estimé que les PME n'avaient pas la place qu'elles méritaient dans l'économie française, a jugé nécessaire de progresser sur la voie de la mise en place d'une « Small business administration » (SBA), comme aux Etats-Unis.

Il s'est ensuite adressé aux représentants de l'Etat, leur demandant :

- d'expliquer l'évolution erratique des crédits accordés à l'ANVAR, puis à OSEO-ANVAR et à OSEO Innovation, considérant de plus, à cet égard, qu'il n'était pas sain que lesdits crédits soient exclus des dépenses budgétaires de l'Etat ;

- d'expliquer comment le conseil d'administration de l'ANVAR avait pu laisser autant dériver la situation comptable de cet EPIC, s'interrogeant quant à la capacité de l'Etat à se contrôler lui-même et quant à la dilution de la responsabilité que pourrait entraîner la multiplication des tutelles étatiques d'un même établissement ;

- d'expliquer pourquoi l'Etat avait si peu manifesté le souci de mesurer la performance de l'ANVAR, surtout s'agissant d'un domaine aussi sensible que le soutien aux PME ;

- d'expliquer comment les ADT avaient pu être aussi mal gérées.

Puis, à l'adresse de M. Jean-Pierre Denis, il a demandé :

- comment avaient évolué les dispositifs d'aides de l'ANVAR, dont le nombre de 17 avait été jugé excessif par la Cour des comptes ;

- comment se répartissaient les aides entre subventions et avances remboursables ;

- comment s'insérait OSEO dans le paysage de soutien public à l'innovation, en particulier au regard de la création de l'ANR et de l'AII ;

- si les aides d'OSEO étaient limitées aux « Jeunes pousses », ou bien si elles pouvaient également concerner les entreprises en développement, fussent-elles plus anciennes ;

- si l'application de la LOLF posait des problèmes particuliers à OSEO Innovation, notamment pour ce qui concerne la nécessité de mettre la performance en regard des moyens publics engagés.

M. Francis Grignon, après avoir mis en exergue l'effet constructif de l'enquête de la Cour des comptes, a constaté la satisfaction des PME à l'égard de la BDPME hier, et d'OSEO aujourd'hui. Puis, évoquant la SBA américaine, il a souligné qu'aux Etats-Unis, une différence claire était établie entre, d'une part, la partie « commerciale » et l'instruction des dossiers de soutien aux PME, dévolues aux banques par mandat, et d'autre part la partie « gestion », directement traitée par la SBA. Il a interrogé M. Jean-Pierre Denis au sujet de l'éventualité d'une évolution similaire d'OSEO. Par ailleurs, il s'est inquiété du montant élevé du coût de gestion des avances remboursables relevé par la Cour des comptes, en le comparant à celui de sociétés de crédit-bail.

En réponse, M. Jean-Pierre Denis a, en premier lieu, évoqué la question de la répartition des types d'aides octroyées par OSEO Innovation. Il a déclaré que les avances remboursables étaient prépondérantes, précisant que leur taux de remboursement s'élevait à environ 50 %, niveau qu'il a jugé convenable en ce qu'il représenterait un équilibre satisfaisant de la prise de risque par OSEO Innovation.

M. Philippe Marini, rapporteur général, notant que la Cour des comptes avait dénoncé le manque de rigueur de l'ANVAR sur le suivi de ses avances remboursables, a objecté qu'un tel taux ne pouvait être réellement significatif que si le suivi de ces créances ne pouvait faire l'objet de critiques.

M. Jean-Pierre Denis en a convenu, affirmant que, si le système antérieur s'était avéré défaillant au plan comptable, l'effort de recouvrement des avances consenties par OSEO Innovation n'était pas critiqué.

M. Bertrand Fragonard, revenant sur l'intervention de M. Francis Grignon, a précisé que, d'après les calculs réalisés par la Cour des comptes lors de son enquête, le coût des avances remboursables accordées par l'EPIC ANVAR s'élevait environ aux deux tiers des aides qui ont donné lieu à remboursement, ou au tiers en prenant en compte l'ensemble des aides attribuées par l'agence, ces coûts apparaissant donc « très élevés ».

Mme Nicole Bricq, après avoir convenu que les avances remboursables avaient un meilleur effet de levier que les subventions, a demandé à M. Jean-Pierre Denis si OSEO Innovation pouvait le mesurer précisément.

En réponse, M. Jean-Pierre Denis a déclaré que les avances remboursables représentaient 80 % des engagements d'OSEO Innovation, observant que d'autres pays avaient fait le choix d'un taux de subventions plus élevé, ce qui pouvait se justifier, notamment pour ce qui concerne le soutien au tout premier cycle de l'innovation. Il a ensuite indiqué qu'OSEO Innovation recherchait, pour sa part, le meilleur levier en fonction du niveau de risque du projet à soutenir et procédait à l'analyse de cet effet de levier.

Revenant ensuite sur la question de la simplification du portefeuille d'aides d'OSEO Innovation, il a reconnu la nécessité de présenter une offre compréhensible à l'adresse des PME, expliquant toutefois que ce principe devait nécessairement connaître une limite, les entreprises ayant des besoins différents appelant des produits différenciés.

A propos du type d'entreprises soutenues, M. Jean-Pierre Denis a affirmé qu'OSEO Innovation ne réservait plus ses aides aux jeunes entreprises innovantes (JEI), mais visait également des sociétés plus matures, ajoutant que le concept d'innovation devait s'entendre, lui aussi, de manière élargie et ne pouvait plus se limiter à la seule innovation technologique.

Enfin, répondant à la question de M. Francis Grignon, il a estimé que le modèle de la SBA n'était pas reproductible tel quel en France, précisant cependant que l'idée d'OSEO consistait bien à regrouper en son sein plusieurs métiers et compétences au service des PME.

A l'issue de cette intervention, M. Maurice Blin, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur », s'est de nouveau étonné du nombre élevé de dispositifs d'aides cohabitant au sein d'OSEO Innovation.

A ce sujet, M. Jean-Pierre Denis a déclaré que ce nombre était aujourd'hui inférieur au chiffre de 17 figurant dans l'enquête de la Cour des comptes, expliquant que l'existence de l'ensemble des dispositifs de l'actuel portefeuille se justifiait par l'hétérogénéité des besoins des entreprises.

M. Francis Grignon, remarquant qu'OSEO Innovation n'était pas le seul intervenant public en matière d'aide aux PME, a observé que ces entreprises avaient souvent du mal à se retrouver dans le « maquis » des dispositifs de soutien.

M. Jean-Pierre Denis a estimé que la création d'OSEO en 2005 et son rapprochement avec les régions avaient constitué des facteurs de simplification du paysage, le nombre d'interlocuteurs des PME étant ainsi souvent revenu de quatre (ANVAR, BDPME, Sofaris et région) à un seul.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite regretté la terminologie employée par OSEO Innovation, jugeant plus approprié de parler « d'apports en fonds propres » que de « subventions », cette dernière expression risquant d'être assimilée à des « versements sans contrepartie ».

En réponse, M. Jean-Pierre Denis a affirmé qu'OSEO ne devait en aucune façon être considéré comme un simple guichet. A cet égard, il a précisé que les subventions versées par son groupe devaient avoir une contrepartie, citant l'exemple des subventions pour aide à l'embauche, qui devaient nécessairement se traduire par des recrutements.

Puis M. Maurice Blin, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur », appuyé par M. Adrien Gouteyron, a souhaité revenir sur la question de la multiplication des agences d'aides à la recherche et à l'innovation dans le secteur public français. Il a également soulevé le problème de la responsabilité du conseil d'administration de l'ANVAR à l'égard de la dérive comptable de l'agence dénoncée par l'enquête de la Cour des comptes.

En réponse, M. David Bouchoucha, conseiller technique au cabinet du ministre délégué à l'industrie, après avoir remercié la Cour des comptes pour son éclairage, a expliqué que l'action menée par le Gouvernement depuis deux ans mettait l'accent sur les PME et l'innovation et reposait sur le diagnostic selon lequel notre pays manquait d'un tissu d'entreprises moyennes. Il a souligné que la création d'OSEO devait permettre de répondre à la problématique des PME innovantes, l'AII étant, pour sa part, dédiée au soutien de grands projets industriels, même si elle pouvait, dans ce cadre, aider des PME. Il a précisé que chacun des dispositifs publics de création récente était destiné à répondre à des besoins analysés comme « non couverts » par les moyens préexistants. Il a également affirmé que le gouvernement avait demandé à OSEO-ANVAR un « plan stratégique » pour 2007 devant notamment faire apparaître l'articulation avec les différents acteurs, ce plan ayant été préparé fin 2006.

M. Jean-Philippe d'Issernio, conseiller budgétaire au cabinet du ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, représentant le ministère en l'absence de M. Thierry Damerval, directeur du cabinet, a, pour sa part, reconnu que les crédits versés par l'Etat à l'ANVAR en faveur de l'innovation avaient sensiblement baissé jusqu'en 2004, se félicitant toutefois de l'ampleur de la hausse de ces même crédits depuis lors. De plus, il a mis en avant la programmation figurant en annexe de la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 en faveur de la recherche, notant qu'elle encadrait bien la montée en puissance des moyens de l'ANR et d'OSEO jusqu'en 2010, et soulignant qu'il reviendrait au Parlement de la traduire dans les faits dans les futures lois de finances.

Au sujet de l'ANR, il a estimé qu'elle avait elle-même simplifié le paysage français d'aide à la recherche, constatant qu'elle avait remplacé deux fonds. Il a, en outre, jugé qu'il ne pouvait y avoir de confusion entre les rôles d'OSEO et de l'ANR, cette dernière agence étant dédiée à une recherche plus fondamentale.

M. Denis Badré, président, a insisté afin d'obtenir des précisions quant au fonctionnement antérieur de l'ANVAR.

En réponse, M. Laurent Moquin, sous-directeur à la direction du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales (DCASPL), a expliqué que les tutelles dialoguaient régulièrement avec la direction de cette agence et ne pensaient pas que les comptes qui leur étaient présentés étaient faux. Il s'est, d'autre part, réjoui de la récente hausse des crédits publics dévolus à l'ANVAR, puis à OSEO-ANVAR et à OSEO Innovation.

M. Philippe Marini, rapporteur général, citant l'enquête de la Cour des comptes, a ensuite de nouveau déploré l'ampleur des dysfonctionnements relevés dans l'enquête et estimé que le rôle des administrateurs, dans un tel contexte, consistait, au minimum, à s'assurer de la régularité des comptes.

M. Guilhem Blondy, conseiller technique au cabinet du ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, a souligné la présence, dans l'organisation actuelle d'OSEO Innovation, d'un commissaire du gouvernement relevant du ministère délégué à l'industrie. Au sujet de l'hypothèse d'un trop grand nombre de représentants de l'Etat au sein du conseil d'administration de l'agence, il s'est demandé quel ministère devrait en être exclu si l'on acceptait cette logique, faisant valoir la légitimité de la présence de chacun.

Puis, évoquant la période précédant la création d'OSEO, il a déclaré que les comptes présentés par la direction de l'ANVAR aux administrateurs « tombaient juste », reconnaissant toutefois qu'ils ne donnaient pas une image fidèle de la situation de l'EPIC. A cet égard, il a indiqué qu'une comptabilité d'engagement avait été mise en place dès 2000, mais que sa montée en puissance avait pâti de difficultés informatiques jusqu'en 2004. Il a, en outre, regretté qu'une « culture de projets » ait trop prévalu au sein de l'ANVAR par rapport à une « culture administrative », se félicitant toutefois du réel effort de rééquilibrage mené depuis lors.

Mme Delphine d'Amarzit, sous-directrice à la direction générale du trésor et de la politique économique (DGTPE), a, pour sa part, contesté que les tutelles de l'agence aient pu agir de façon désordonnée. Après avoir reconnu que le rôle du conseil d'administration consistait, notamment, à exercer un contrôle et une surveillance sur les comptes, elle a expliqué que la prise de conscience des désordres comptables par les administrateurs de l'ANVAR avait crû au fil des années, notant, à cet égard, le nombre croissant de questions posées par les administrateurs à la direction de l'agence et figurant dans les procès verbaux. Elle a également souligné qu'une fois que les difficultés comptables ont été identifiées, une action trop vigoureuse était délicate à envisager, du fait de la nécessité de ne pas « casser » le dispositif public de soutien à l'innovation dans les PME.

De plus, elle a expliqué que le conseil d'administration était plus à l'aise dans la configuration actuelle de l'agence, en particulier grâce à l'existence d'un comité d'audit qui dialoguait avec les commissaires aux comptes.

Enfin, M. François Tanguy, sous-directeur à la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), a déclaré que la DGCP partageait le constat de la Cour des comptes sur la période examinée, attribuant les difficultés rencontrées à l'absence de contrôle interne, aux défaillances du système d'information et au manque de « culture comptable », considérée comme secondaire au sein de l'EPIC ANVAR. Il a souligné que la DGCP acceptait d'assumer sa part de responsabilité concernant ce dernier point.

Il a, en outre, précisé que la DGCP avait nommé, en 2004, un agent comptable confirmé qui avait entamé un travail de redressement sur les points prioritaires, puis qu'après la création d'OSEO, elle avait mis en place une cellule de recherche et de régularisation comptable (CRER), à l'origine du passage de plus de 4.000 écritures de régularisation.

M. François Tanguy a enfin indiqué que les comptes 2005 de l'EPIC ANVAR avaient été approuvés par le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat et transmis à la Cour des comptes au début de la semaine de l'audition.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est inquiété des conséquences potentielles pour la SA OSEO Innovation et pour les finances publiques d'éventuelles ultimes régularisations comptables concernant la période de l'EPIC ANVAR, désirant connaître l'estimation de ce risque latent.

En réponse, Mme Delphine d'Amarzit a fait valoir que les comptes d'OSEO Innovation étaient à présent certifiés, estimant par ailleurs adéquat le dimensionnement des provisions passées sur le compte 2004, à savoir 262 millions d'euros.

M. Jean-Pierre Denis a abondé dans le même sens, jugeant, lui aussi, que lesdites provisions couvraient bien l'ensemble des risques identifiés.

A cet égard, il a souhaité faire un rappel précis du calendrier, par souci de clarté. Il a ainsi rappelé que, nommé président de l'EPIC ANVAR en août 2004, il avait fait part de ses premiers doutes concernant les comptes au conseil d'administration dès octobre 2004 et fait mener une mission de « remise à niveau » par un grand cabinet d'audit anglo-saxon entre novembre 2004 et mars 2005. Il a enfin mis en avant que, du fait de ce travail, qui s'était étalé sur 18 mois, OSEO fonctionnait à présent selon les standards des établissements financiers.

En conclusion, M. Jean-Pierre Denis a souhaité que ne subsiste pas l'impression, à l'issue de l'audition, que les désordres passés ont encore cours, se disant aussi sensible que les parlementaires à l'utilisation efficiente de l'argent public.

Puis la commission a décidé, à l'unanimité, de publier l'enquête de la Cour des comptes au sein d'un rapport d'information.

Diverses dispositions intéressant la Banque de France - Examen du rapport en deuxième lecture

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, en deuxième lecture sur la proposition de loi n° 169 (2005-2006) de M. Jean Arthuis, portant diverses dispositions intéressant la Banque de France.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a tout d'abord rappelé que l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi, déposée le 11 mai 2006 par M. Jean Arthuis, marquait l'aboutissement d'un long processus législatif : le Sénat l'avait examinée en première lecture le 17 octobre 2006, dans le cadre de son ordre du jour réservé.

Il a rappelé que la principale disposition du texte initial était la suppression du Conseil de la politique monétaire (CPM), et qu'il était procédé, par ailleurs, à une actualisation du droit applicable à la Banque de France en cohérence avec son appartenance au Système européen de banques centrales (SEBC).

Il a observé que, lors de l'examen de la proposition de loi en première lecture, par le Sénat, les débats en séance publique avaient particulièrement porté sur l'article 5 relatif à l'application du droit du travail à la Banque de France . Le Sénat avait adopté, sur l'initiative du gouvernement, un amendement restreignant la portée de cet article, dans l'attente de négociations avec les syndicats.

Il s'est félicité de ce que, suite à cette concertation sociale, l'Assemblée nationale ait adopté un amendement de M. Gilles Carrez, rapporteur général, rétablissant l'article 5 dans la rédaction adoptée par la commission des finances du Sénat, sous réserve d'aménagements rédactionnels :

- la Banque de France était explicitement exclue du champ d'application des dispositions du code du travail ayant vocation à ne s'appliquer qu'aux entreprises en situation de risque économique ;

- le recours à un expert comptable, aux frais de l'employeur, était limité aux situations de licenciement pour motif économique ;

- le « cliquet social » relatif au financement des activités sociales et culturelles du comité d'entreprise avait été levé.

Puis M. Philippe Marini, rapporteur général, a présenté les deux nouveaux articles qui avaient été adoptés par l'Assemblée nationale, sur l'initiative du gouvernement :

- l'article 8 (nouveau) a pour objet de prolonger de huit mois, et au plus tard jusqu'au 1er novembre 2007, l'habilitation du gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 21 avril 2004 sur les marchés d'instruments financiers (MIF) et ses deux textes d'application ;

- l'article 9 (nouveau) vise à ratifier l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés, tout en apportant certaines modifications au nouveau régime tendant, notamment, à étendre la simplification de la mainlevée et à prévoir une faculté temporaire de conversion du privilège du prêteur de deniers en hypothèque rechargeable.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué qu'il approuvait les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale aux articles 8 et 9.

En ce qui concerne la transposition de la directive MIF, il a toutefois regretté que le vote de l'Assemblée nationale ait conduit à éluder une partie du cadre d'habilitation qui avait été introduit par le Sénat dans la rédaction de l'article 5 de la loi n° 2005-810 du 20 juillet 2005 ratifiant l'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports.

Il a jugé, en effet, que ces orientations, qui ont en particulier trait à la meilleure exécution, à la prévention des conflits d'intérêts et aux dérogations à la transparence pré-négociation, demeuraient toujours essentielles et devaient donc être respectées par le gouvernement.

S'agissant du délai de transposition, il a estimé que l'ampleur du travail requis et l'impact déterminant de la directive justifiaient une démarche de concertation approfondie avec les professionnels des marchés, ainsi qu'elle avait été engagée par le gouvernement et l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Bien que le report du délai d'habilitation tende à entrer en contradiction avec la lettre de la directive MIF, il a indiqué qu'il n'entendait pas le remettre en cause, afin de garantir une transposition réfléchie et qui s'intègre harmonieusement dans notre droit.

Il a cependant appelé le gouvernement et l'AMF à ne pas utiliser l'intégralité du nouveau délai qui serait ainsi fixé, afin que les prestataires de services d'investissement (PSI) disposent au moins de quelques mois pour adapter leur stratégie, leur organisation et leur politique commerciale. A cet égard, il a estimé qu'une transposition effective au 30 juin 2007 constituerait une « date butoir » souhaitable.

Sous réserve de ces observations, il a proposé d'adopter la proposition de loi sans modification.

Mme Nicole Bricq a évoqué les difficultés d'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et du Sénat, en fin de législature, de la proposition de loi. S'agissant des dispositions de l'article 5, elle a estimé que celles-ci ne faisaient pas partie de la négociation propre au régime de retraite de la Banque de France, pour lequel un protocole d'accord avait été signé par six des sept organisations syndicales représentatives. Elle a indiqué que, par conséquent, le groupe socialiste voterait contre la proposition de loi.

Puis la commission des finances a décidé d'adopter en deuxième lecture sans modification l'ensemble de la proposition de loi.