Mercredi 21 février 2007

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président, puis de M. Gérard César, vice-président, puis de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Assurance récolte - Communication

Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission a tout d'abord entendu une communication de M. Dominique Mortemousque, parlementaire en mission sur l'assurance récolte.

En introduction, M. Dominique Mortemousque, rappelant que le terme de la mission qui lui avait été confiée avait été fixé au 28 février 2007, s'est félicité d'avoir l'occasion de recueillir avant ce terme les réflexions et les suggestions de la commission sur le dossier sensible dont il avait été chargé.

Il a précisé les deux aspects de sa mission : dresser le bilan du dispositif et des expériences en cours, mais aussi proposer des pistes de recherche des évolutions possibles.

Soulignant que sa réflexion s'inscrivait dans la ligne de plusieurs rapports consacrés à la protection contre les risques en agriculture, et en dernier lieu de celui présenté en 2004 par M. Christian Ménard, député, M. Dominique Mortemousque a indiqué qu'il avait procédé, depuis le début de sa mission en janvier 2007, à de nombreuses consultations auprès des organisations syndicales agricoles, des institutions nationales et notamment de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), des opérateurs financiers et des institutions communautaires. Il s'est félicité du climat d'ouverture dans lequel ces contacts s'étaient déroulés et de la qualité du dialogue qu'il avait pu nouer avec ses différents interlocuteurs.

Il a rappelé que la mise en place en France d'un système permanent et durable de protection contre les risques naturels remontait à la loi de 1964 sur le régime des calamités agricoles, avec l'institution du Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA). Ce dispositif, complété depuis par des dispositifs parallèles de couverture des sinistres dans les domaines des risques sanitaires et des risques exceptionnels, a eu l'avantage d'exister et d'assurer une certaine parité de gestion et de financement entre l'Etat et la profession : il présente en revanche certains inconvénients, notamment au niveau des mécanismes d'évaluation et de versement des indemnisations, indemnisations dont toutes les catégories d'exploitation ne bénéficient pas de façon égale.

Concluant qu'une remise à niveau de ce système apparaissait nécessaire, M. Dominique Mortemousque a évoqué les exemples étrangers.

Présentant en premier lieu le système d'assurance qui fonctionne aux États-Unis et au Canada depuis quelque 70 ans, il en a souligné le caractère implicitement obligatoire mais, remarquant qu'il jouait aussi un rôle de régulation des marchés, il l'a jugé peu transposable à la France.

Analysant en second lieu les grandes lignes du régime d'assurance mis en place en Espagne depuis 1978, il a noté l'intérêt qu'il suscitait à l'étranger et sa plus grande compatibilité avec les règles internationales et européennes d'organisation des marchés, relevant cependant que le niveau de protection qu'il assurait était inférieur à celui garanti en France, dont la valeur de la production agricole est par ailleurs supérieure d'environ un tiers à celle de l'Espagne.

S'interrogeant ensuite sur les conditions dans lesquelles l'évolution du système français était envisageable, il a insisté sur l'expérimentation mise en place depuis 2005, notant cependant que la participation actuelle de l'Etat à ce dispositif expérimental était fixée à 30 millions d'euros pour 2007, ce qui laissait entière la question de l'importance de sa participation future, étant rappelé que le niveau minimal annuel des indemnisations versées au secteur agricole est de l'ordre de 700 millions d'euros pour la couverture de l'ensemble des risques et des crises.

Il a également relevé que ce régime expérimental concernait essentiellement le secteur des cultures céréalières, plus marginalement celui de la viticulture, mais qu'il ne touchait pratiquement pas les productions animalières ou arboricoles.

Il a enfin noté que l'essentiel -95 à 98 %- du marché actuel de l'assurance récolte était géré par deux opérateurs, Groupama et Pacifica.

En ce qui concerne la position des agriculteurs, M. Dominique Mortemousque a insisté sur leur triple souci :

- d'avoir les moyens de développer leur capacité d'auto-assurance individuelle pour réguler les variations « normales » de chiffre d'affaires ou de revenus ;

- de maintenir la possibilité d'une intervention de l'Etat en cas d'accidents exceptionnels et pour indemniser les risques non couverts par l'assurance ;

- de limiter, en cas de passage à un système assuranciel, l'obligation d'assurance à un « socle minimum » qui pourrait être complété par des garanties optionnelles.

M. Dominique Mortemousque a ensuite évoqué les questions qui restaient à résoudre :

- celle du niveau de la participation de l'Etat à un éventuel régime d'assurance qui devrait atteindre, dès son démarrage, un montant minimal de 110 millions d'euros ;

- celle de la réassurance, dont il a estimé qu'elle devait faire l'objet de négociations entre la Fédération française des sociétés d'assurances et le ministère de l'économie et des finances ;

- celle de la transition entre le système actuel et un régime fondé sur l'assurance.

Insistant enfin sur la dimension européenne du dossier, il a indiqué que les autorités communautaires entendaient en ce domaine laisser l'initiative aux Etats membres, aux régions ou aux filières et il a rappelé à ce propos la très grande variété des situations des agricultures européennes.

En conclusion, M. Dominique Mortemousque a estimé que la France devait s'affirmer au niveau européen sur le dossier de l'assurance récolte et le faire suffisamment rapidement pour rassurer la « ferme France » sur son avenir.

Remarquant qu'à travers les récentes élections aux chambres d'agriculture, la profession avait manifesté son pragmatisme et son souci de se montrer présente dans les lieux où se prépare l'avenir, il a donc jugé important que celle-ci et les autorités politiques nationales puissent s'accorder sur l'analyse de la situation actuelle -« l'état des lieux »- et dégager deux ou trois pistes permettant de parvenir à une solution de fond susceptible d'être retenue au niveau communautaire.

Mesurant toute l'importance du travail accompli par M. Dominique Mortemousque, M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé que la loi d'orientation agricole permettait l'extension progressive du dispositif d'assurance récolte et il a souligné l'intérêt que cette assurance pouvait représenter dans la perspective de 2013 et dans celle de la baisse des subventions inscrite, à plus ou moins long terme, dans l'évolution de l'économie mondiale.

Notant que l'assurance récolte n'était pas une assurance revenu, les agriculteurs ne souhaitant d'ailleurs pas faire figure d'assistés, il a estimé qu'à l'horizon 2013 la mise en place de cette assurance représenterait une garantie pour la « ferme France » : si, à une période qui n'est pas si lointaine, les assurances maladie ou accident étaient encore facultatives pour les agriculteurs, il s'agit d'avoir aujourd'hui des réactions adaptées au XXIe siècle et permettant à notre agriculture de contribuer, à côté des autres grandes puissances agricoles, à nourrir les 9 milliards d'habitants que comptera demain la planète.

A propos de la participation financière de l'Etat à un régime d'assurance récolte, il a mis en parallèle les 60.000 contrats actuels qui bénéficieront en 2007 d'une aide d'un montant prévu de 30 millions d'euros et les 300 000 exploitations qui seront en activité en 2013, jugeant par ailleurs indispensable de pouvoir assurer un système d'indemnisation qui ne se limite pas à permettre aux agriculteurs de « consolider leur endettement ».

M. Michel Teston a souligné que la question de l'assurance récolte intéressait aussi les collectivités territoriales, régions et surtout départements, qui sont fréquemment sollicitées pour compléter les indemnisations accordées par le Fond national de garantie des calamités agricoles et qui le font dans un esprit de solidarité, même si ce type d'intervention n'entre pas réellement dans le champ de leurs compétences. Estimant envisageable que l'Etat et les collectivités territoriales participent à un système d'assurance récolte plutôt que d'intervenir « au cas par cas », il s'est cependant interrogé sur le niveau des cotisations et les conditions de leur paiement.

M. Gérard César, rappelant la part prise par M. Jean-Paul Emorine, président, dans l'amélioration du régime expérimental d'assurance récolte, a exprimé son accord sur l'état des lieux dressé par M. Dominique Mortemousque et il a jugé possible de parvenir sur cette base à dégager des propositions.

Il a estimé nécessaire d'élargir le plus possible l'assiette du régime d'assurance récolte pour que le niveau des cotisations reste supportable pour les agriculteurs, ce qui milite en faveur d'une obligation d'assurance.

Il a fait valoir la nécessité de conserver le mécanisme actuel d'indemnisation des dégâts liés aux catastrophes naturelles pour la couverture des aléas naturels majeurs.

Il a également jugé indispensable d'ajuster les montants de la déduction pour investissement (DPI) et de la déduction pour aléas (DPA) pour permettre aux producteurs de développer leur capacité d'auto-assurance.

En ce qui concerne la réassurance, il a souhaité que cette question soit approfondie au niveau du ministère de l'économie et des finances et que le Parlement incite ce dernier à cette réflexion.

Il a enfin formé le voeu que M. Dominique Mortemousque puisse, à l'issue de sa mission, continuer à suivre le dossier de l'assurance récolte.

M. René Beaumont a dit adhérer à l'analyse très objective présentée par M. Dominique Mortemousque et partager sa conviction selon laquelle un accord unanime au niveau national serait indispensable pour faire progresser au niveau européen le dossier de l'assurance récolte, compte tenu en particulier des intérêts très divergents de l'Europe du Nord et de l'Europe du Sud.

Constatant, comme M. Michel Teston, que les départements s'impliquaient systématiquement dans la compensation des dommages agricoles, il a estimé souhaitable qu'ils puissent continuer à le faire dans le cas de dommages très localisés, tels ceux causés par la crue d'une rivière, en raison de leur capacité de réaction rapide.

Jugeant remarquable le travail réalisé par M. Dominique Mortemousque, M. Jean Bizet a souligné l'importance de la dimension européenne à donner à son rapport dans la perspective des échéances de 2008 et de 2013. Il a relevé que le nouveau Farm Bill américain comportait toujours une forme de garantie des revenus, bien qu'une telle garantie ne soit pas « OMC-compatible », et il a considéré que la mise en place d'une assurance récolte pourrait être jugée intéressante par les autorités communautaires, toujours en quête d'une nouvelle approche de la PAC.

M. Gérard Bailly a exprimé des réserves à l'égard d'une éventuelle participation des collectivités territoriales au financement de l'assurance récolte, observant qu'elle ne serait pas comprise par l'opinion et pourrait donc mettre les agriculteurs dans une situation peu confortable.

Il s'est demandé s'il n'y aurait pas un risque que les exploitations en difficulté ne s'assurent pas, ce qui pourrait conduire, en cas de sinistre, à leur disparition.

Approuvant les propos tenus par M. Jean-Paul Emorine, président, il a enfin souligné, pour le regretter, que la politique communautaire n'allait guère dans le sens du soutien à la production nationale.

Répondant aux intervenants, M. Dominique Mortemousque a insisté sur la nécessité de lutter pour défendre le rôle que pouvait jouer la ferme France dans l'avenir national, en valorisant sa puissance de production et son niveau technologique.

Evoquant la volonté des professionnels de « ne pas baisser pavillon » et de ne pas être payés pour des activités autres que la production, il a relevé que la traçabilité et la qualité des produits étaient aussi des atouts de l'agro-alimentaire français, sans oublier par ailleurs que l'agriculture nationale était celle qui pouvait se targuer d'avoir le mieux assuré la protection de la nature.

Il a donc appelé de ses voeux une action convergente de la profession et des autorités politiques pour construire un projet européen à la hauteur des potentialités de notre agriculture.

Audition de M. Christian Gaudin, rapporteur de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Christian Gaudin, rapporteur de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur la présentation du rapport intitulé : « La place de la France dans les enjeux internationaux de la recherche en milieu polaire : le cas de l'Antarctique ».

M. Christian Gaudin a précisé que le rapport qu'il présentait répondait à une saisine de l'OPECST, par la commission des affaires économiques, sur la place de la France dans les enjeux de la recherche en milieu polaire et que ce rapport lui avait été confié à son retour d'une mission de cinq semaines effectuée avec l'Institut polaire Paul-Emile Victor (IPEV), groupement d'intérêt public consacré à la recherche aux pôles, notamment au pôle sud.

Après avoir rappelé qu'il avait pris la mesure de l'importance stratégique de l'Antarctique en 2003 grâce à la transposition, qu'il avait eu l'honneur de rapporter, du protocole, signé à Madrid en 1991, qui reconnaissait l'Antarctique comme continent de recherche et de paix, il a présenté en quelques mots la mission qu'il avait pu effectuer en Antarctique en décembre 2005. Expliquant que l'Antarctique avait une superficie trente fois supérieure à celle de la France, se présentait comme un « gros glaçon » constitué d'une couche de glace d'une épaisseur comprise entre 1 et 4 kilomètres et n'était peuplé que par quelques espèces animales, il a comparé à un triangle équilatéral le circuit qu'il avait effectué sur ce continent : arrivé de Nouvelle-Zélande par avion-cargo américain sur la base italienne Terra Nova située sur la banquise, il avait ensuite séjourné sur la station franco-italienne Concordia au coeur du continent, puis rejoint la base française Dumont d'Urville, située elle aussi sur la banquise, avant de rejoindre l'Australie par un voyage de neuf jours en bateau brise-glace à fond plat. Il a précisé que le continent Antarctique comptait aujourd'hui trois bases : l'une américaine, la deuxième russe et la troisième franco-italienne (Concordia) ; une quatrième base allait voir le jour, les Chinois prévoyant de s'installer sur le Dôme A, ce qui confirmait le caractère stratégique des recherches menées en ces lieux.

Il a noté que la France était également présente au pôle nord, à côté de l'Allemagne, à Svalbard, le pôle nord étant constitué par les terres entourant l'océan Arctique, à l'opposé du pôle sud, continent entouré de mers.

Après avoir fait observer que M. Dumont d'Urville était le premier Français à avoir débarqué sur le continent Antarctique, il a rappelé que le général de Gaulle avait confié à Paul-Emile Victor en 1958 le soin de déployer la recherche en milieu polaire à partir de la base Dumont d'Urville. Cinquante années plus tard, soit en 2007-2008, s'ouvre une nouvelle année polaire internationale.

Il a observé que cette recherche passait notamment par la réalisation de forages qui, effectués au nord comme au sud, attestaient d'une liaison existante entre les pôles. Expliquant que ces carottages glaciaires permettent de prélever à 3.170 mètres de profondeur une glace vieille de plus de 800.000 ans, il a estimé que les données ainsi recueillies permettaient de reconstituer l'évolution des climats, grâce à la présence de particules et de gouttes d'atmosphère qui assuraient la traçabilité. Il a relevé que le forage des sédiments marins montrait une continuité et une relation entre les pôles nord et sud, pivots et points d'équilibre de notre système climatique. Il a jugé que ce lien, reposant sur les courants atmosphériques et océaniques, résultait d'un mécanisme thermodynamique complexe et fragile et qu'à ce titre, les pôles étaient des sentinelles de l'évolution climatique, ce qui rendait d'autant plus importante la recherche en ces lieux à des fins prévisionnelles.

Il s'est félicité du fait que le traité de Washington, signé en 1959, avait préservé la paix en Antarctique, alors que la guerre froide avait pu éveiller certaines tentations d'appropriation des richesses minérales de ce continent et que le protocole de Madrid signé en 1991 avait encore renforcé les contraintes protégeant le continent de toute exploitation minière.

M. Christian Gaudin a précisé que les recherches polaires se développaient autour de quatre axes :

- climatique d'abord, mais aussi biologique, dans la mesure où l'Antarctique, grâce à la base de données exceptionnelle que les recherches y ont permis d'élaborer, constitue une forme de gradient de la biodiversité. En effet, les animaux s'adaptent également à l'évolution du climat depuis une cinquantaine d'années : l'étude, par exemple, de la biologie du manchot empereur, capable de rester plusieurs mois exposé à un froid de - 80 °C sans nourriture, permet de faire avancer la connaissance de la chimie de la digestion animale, mais aussi humaine ;

- un troisième axe de recherches est constitué par l'observation de la Terre et de l'univers, pouvant mener jusqu'à l'astronomie : les pôles font partie du maillage planétaire d'observations en matière de sismologie, de gravité, de magnétisme et de suivi de la couche d'ozone. Le peu de précipitations et l'absence de pollution aux pôles en font aussi un site majeur d'observations astronomiques ;

le quatrième axe de recherches porte sur la préparation des missions spatiales, les conditions extrêmes aux pôles permettant d'expérimenter du matériel, de valider des missions satellitaires et de préparer des vols habités. Evoquant sa propre expérience sur la base de Concordia, il a précisé que cette base accueillait seulement une quinzaine de personnes et offrait donc des conditions de confinement proches de celles des stations spatiales, notamment en matière de retraitement des eaux et de contamination bactérienne.

M. Christian Gaudin a ensuite insisté sur les caractéristiques de l'organisation de la présence française aux pôles. Il a d'abord déploré son manque de lisibilité, relevant notamment les dissensions entre les deux principaux acteurs que sont les TAAF (Territoire d'outre-mer des terres australes et antarctiques) et l'Institut Paul-Emile Victor. Il a jugé que cette confusion dans l'organisation française entraînait des difficultés dans nos relations avec les autres pays présents aux pôles.

Il a également regretté que la représentation de l'Etat ne concerne que le territoire antarctique et les terres australes françaises, alors que la présence française gagnerait à s'inscrire sur les deux pôles.

M. Christian Gaudin a conclu en incitant à mieux organiser la dimension européenne des recherches en milieu polaire. Constatant la présence de l'Italie au nord et celle de l'Allemagne et de la France au sud, il a jugé qu'une collaboration entre ces trois Etats pouvait permettre d'initier une coordination susceptible de devenir européenne, afin de faire pendant à la montée en puissance de la Chine notamment. Il a fait valoir que la France avait fait la démonstration de sa capacité à mener des recherches en qualité de « leader » et qu'il importait donc de lui donner les moyens de réaliser ce dont elle était capable.

M. Jean-Paul Emorine, président, a remercié le rapporteur pour sa présentation qui témoignait d'un pôle d'excellence. Il s'est félicité de ce que les compétences de la commission des affaires économiques, que son ancien président, M. Gérard Larcher, présentait comme allant du sillon au satellite, gagnent en profondeur grâce aux carottages glaciaires.

M. Roland Ries, après avoir félicité le rapporteur, lui a demandé si le réchauffement climatique actuel s'inscrivait dans la ligne des réchauffements cycliques naturels qu'avait pu connaître notre planète par le passé.

M. Jean Desessard s'est inquiété du développement du tourisme aux pôles, remarquant qu'il était fréquent que le tourisme soit précédé par la venue d'explorateurs. Il a notamment souhaité savoir s'il existait un observatoire du développement des pôles.

M. François Fortassin s'est interrogé sur la véracité du rétrécissement supposé de la zone polaire en Arctique. Sans contester que les émissions de gaz carbonique avaient aujourd'hui atteint un niveau jusqu'à présent inégalé et que la température à l'intérieur des villes de plus de 20.000 habitants dépassait de deux ou trois degrés celle de la campagne environnante, il a fait observer que des changements climatiques avaient été historiquement constatés en évoquant la fonte des glaciers pyrénéens vers 1750, ainsi que la glaciation qu'avaient connue, en un siècle, les pâturages de Savoie. Il a donc souhaité savoir quelle était la part de l'influence anthropique dans l'évolution climatique.

M. Christian Gaudin a confirmé qu'il existait effectivement un cycle naturel avec une périodicité nette du réchauffement climatique : l'analyse des glaces sur 800.000 ans atteste d'un pic de réchauffement de 10.000 ans tous les 100.000 ans. Il a toutefois fait valoir que le réchauffement actuel se distinguait de ce cycle naturel par sa vitesse, le niveau du gaz carbonique dépassant aujourd'hui de 33 % le pic atteint lors du cycle précédent. Il a insisté sur la nécessité de rechercher à faire la part entre la dimension naturelle et la dimension humaine de cette accélération, estimant que la planète connaissait en ce moment une transformation majeure et inédite.

En réponse à M. Jean Desessard, il a convenu que le tourisme était une préoccupation majeure pour le continent Antarctique. Citant l'existence de tours opérateurs qui proposaient d'approcher le continent par bateau embarquant plus de 3.000 passagers, il a indiqué que ces initiatives concernaient surtout la péninsule du continent qui était assez proche de l'Amérique du Sud. Il a mis en garde contre le souci de rentabiliser, par le biais du tourisme, les expéditions scientifiques, même si le traité de l'Antarctique et le protocole de Madrid lui paraissaient être de nature à contraindre suffisamment l'accueil de visiteurs étrangers pour éviter la contamination de ces territoires vierges.

En réponse à M. François Fortassin, il a confirmé que l'Arctique montrait la plus forte proportion de fonte des glaces, ce qui posait des questions stratégiques, dans la mesure où s'ouvraient ainsi de nouvelles routes, aujourd'hui bloquées par la glace, à la circulation commerciale. A l'inverse, l'Antarctique semble mieux préservée du réchauffement que l'Arctique et connaissait même parfois une augmentation du volume de la glace. Il a indiqué que le programme européen de recherche Damoclès, placé sous la responsabilité d'un Français, se penchait notamment sur ce point et que le professeur Jean-Louis Etienne encourageait un suivi satellitaire de la masse des glaces.

M. Christian Gaudin a conclu en rappelant que l'année polaire internationale s'ouvrirait le 1er mars 2007 à Paris et que, ce même jour, l'OPECST organisait un colloque scientifique réunissant les sommités en la matière, trois ministres -chargés des DOM-COM, de l'environnement et de la recherche- et le Prince Albert II de Monaco, au titre de la récente fondation qu'il vient de créer pour la protection de l'environnement et le développement durable.

Industrie - Secteur automobile - Rapport d'information

M. Gérard Cornu a ensuite présenté son rapport d'information sur les défis du secteur automobile.

M. Gérard Cornu, rapporteur, a rappelé que la commission avait décidé d'engager un travail de réflexion sur « Les défis du secteur automobile français », qui avait notamment donné lieu à un cycle d'auditions le 23 janvier dernier, en permettant d'aller au-delà des débats médiatiques actuels sur la crise de l'industrie automobile et de réfléchir à l'opportunité et aux modalités d'une politique spécifique à ce secteur.

Il a ensuite dénoncé l'existence de deux écueils aboutissant tous deux à la conclusion qu'il était préférable de ne rien faire.

Le premier de ces écueils, a-t-il fait valoir, est celui du fatalisme, qui assimile la crise de l'automobile à un simple volet du déclin inéluctable de l'industrie française. Ce discours était déjà dominant dans les années 1980, alors qu'entre temps, le secteur automobile a su s'adapter, permettant à la France de demeurer, en 2007, le quatrième pays en matière de construction automobile, représentant près de 800.000 emplois industriels et affichant un excédent commercial d'environ 10 milliards d'euros. Il se classe aussi au premier rang des secteurs de l'économie française en termes de recherche et développement.

Le deuxième écueil consiste, à l'inverse, à qualifier de conjoncturelles les difficultés actuelles des entreprises françaises, alors même que le secteur automobile doit aujourd'hui faire face à des défis présentant un caractère réellement structurel, ce qui justifie une réflexion et une action globales.

Présentant ces défis, il a estimé qu'ils étaient au nombre de trois et concernaient :

- d'une part, le positionnement de nos marques en termes de gammes de véhicules ;

- d'autre part, la situation de l'Europe sur le nouveau marché mondial de l'automobile ;

- et, enfin, l'organisation de l'ensemble de la filière du secteur, des équipementiers en amont vers les métiers de services en aval.

S'agissant du premier défi, M. Gérard Cornu, rapporteur, a rappelé que Renault et PSA, comme l'ensemble des constructeurs dits « généralistes », devaient faire face à la progression parallèle des marques les plus prestigieuses, dites « Premium », qui sont essentiellement allemandes, ainsi qu'à celle des marques de véhicules basiques. Il a insisté sur le fait que ce phénomène était bien propre aux marques et que ce n'était donc pas seulement les grosses cylindrées, de BMW ou de Mercedes qui rencontraient davantage de succès, mais encore des voitures de milieu de gamme, désormais proposées par ces constructeurs, qui concurrençaient directement les voitures françaises.

Il a indiqué que le même phénomène s'observait pour les marques « basiques », notamment coréennes, qui dépassent le segment des petites voitures citadines pour commercialiser, avec succès, des berlines bien équipées.

Outre cette pression concurrentielle accrue sur les véhicules de type traditionnel, a-t-il ajouté, il faut également déplorer l'absence des constructeurs français de certains marchés spécifiques et porteurs, tel que celui des véhicules 4 x 4.

Présentant le deuxième défi auquel le secteur est confronté, il a tout d'abord estimé que, si l'essentiel de la croissance de la demande au cours des prochaines années se ferait essentiellement en Chine et en Inde, le marché sur lequel la France devait se renforcer de la façon la plus immédiate restait le marché européen, ce dernier -qui absorbe les trois quarts des exportations françaises- ayant vocation à demeurer le premier marché du monde, avec un nombre de véhicules produits qui devrait encore être le double de celui de la Chine en 2010.

Il a précisé que cette priorité à la consolidation des positions sur le Vieux continent -et notamment dans les pays d'Europe centrale et orientale- ne signifiait pas que la Chine ou l'Inde ne devaient pas être regardées comme susceptibles de bouleverser les équilibres du marché automobile mondial. Mais il a fait valoir que ces bouleversements allaient d'abord concerner l'offre de véhicules, alors que l'on se focalisait généralement sur la demande nouvelle représentée par les pays émergents.

A ce titre, il a fait remarquer que l'offre chinoise évoluait très vite, le secteur, caractérisé par l'existence de plus de trente constructeurs de taille moyenne, étant en pleine consolidation et les équipementiers chinois ou indiens progressant à la fois en volume, en qualité et en gamme de produits.

Il a fait état d'une étude du cabinet de conseil en stratégie MacKinsey, selon laquelle ces progrès réalisés dans le domaine de l'équipement permettraient à la Chine de produire et d'exporter vers 2015 des véhicules présentant un bon rapport qualité-prix selon les critères européens, la question demeurant ouverte sur le point de savoir si ces véhicules seront produits principalement par les Chinois ou par des centres de production installés par les constructeurs européens, et surtout japonais ou coréens.

Poursuivant sur les défis européens, il a abordé les enjeux internes à l'Union, en estimant que le marché communautaire, qui constitue le « marché-socle » de nos constructeurs, était loin d'être organisé de façon optimale.

Il a fait valoir que ce marché n'était unifié, ni au niveau réglementaire ni au niveau fiscal, ce qui empêchait les constructeurs automobiles d'engager véritablement des stratégies commerciales à l'échelle du continent, comparables à celles que les Japonais ou les Américains mènent sur leur marché domestique.

Les normes européennes en matière de sécurité et surtout en matière environnementale, a-t-il ajouté, sont très instables et pas toujours cohérentes et, s'agissant des normes communautaires environnementales qui sont les plus exigeantes au monde, il est dommage qu'elles ne soient pas suffisamment valorisées au plan commercial, le constructeur bénéficiant aujourd'hui de la meilleure image en termes de développement durable étant Toyota.

Enfin, M. Gérard Cornu, rapporteur a abordé le troisième défi du secteur, qui porte sur l'organisation interne de la filière automobile, en estimant, s'agissant des équipementiers, que très peu d'industries étaient soumises à des contraintes aussi fortes : les entreprises concernées subissent, d'une part, la flambée du prix des matières premières et sont, d'autre part, dans l'impossibilité de répercuter ces coûts sur le prix de vente ; elles doivent désormais assurer des activités de montage, d'assemblage, voire de conception auparavant réalisées par les constructeurs. Il a indiqué que ces défis concernaient aussi bien les entreprises liées aux constructeurs et les sociétés indépendantes que leurs fournisseurs, rappelant que la situation des équipementiers était un sujet d'autant plus stratégique que ceux-ci réalisaient 75 % de la valeur ajoutée d'un véhicule. En outre, a-t-il souligné, la concurrence deviendra d'autant plus vive que les progrès réalisés par les industriels chinois ou indiens permettront à ceux-ci de fournir en 2010 environ 40 % des équipements utilisés en Europe.

Concernant les entreprises situées en aval des constructeurs, c'est-à-dire principalement les métiers de la distribution et de la réparation automobiles, il a rappelé que ceux-ci présentaient également un caractère stratégique, non seulement en raison des 200.000 emplois non délocalisables qu'ils représentent, mais aussi parce que la qualité du service constitue un avantage commercial décisif : certains constructeurs japonais sont parvenus à s'imposer sur le marché américain en investissant massivement dans un réseau de concessionnaires et de réparateurs agréés et un constructeur asiatique propose à la vente en France un véhicule offrant une garantie pièces et main-d'oeuvre de très longue durée.

M. Gérard Cornu, rapporteur, a ensuite avancé ses propositions qui s'inscrivent dans le cadre d'actions existant, à savoir :

- les efforts accomplis par les industriels depuis vingt ans en matière d'innovation, de qualité, de conquête de nouveaux marchés et de coopération avec les autres constructeurs, notamment autour du concept de plates-formes de production multimarques ;

- la réflexion européenne menée dans le cadre du groupe « Cars 21 » quant à l'impact des normes européennes sur la compétitivité du secteur ;

- le récent « Plan automobile » du Gouvernement, doté de 400 millions d'euros sur trois ans, dont 250 millions en faveur de la recherche essentiellement tournée vers le développement durable et 150 millions pour reconvertir, former et accompagner les salariés du secteur ayant perdu leurs emplois.

Dans le prolongement de ces politiques, il a proposé à la commission une stratégie en trois axes.

D'abord construire un marché européen mieux intégré, qui puisse pleinement jouer son rôle en faveur de la compétitivité des entreprises automobiles françaises, en recherchant la stabilisation et la meilleure intégration des normes, notamment environnementales, et en préconisant une étude de l'impact des différentes politiques fiscales des Etats membres sur le fractionnement du marché européen.

Le deuxième axe est relatif au développement durable et encourage les pouvoirs publics et les industriels à s'associer pour rendre plus visible et valoriser, en termes d'image, l'excellence des exigences environnementales imposées à l'industrie européenne.

Le troisième axe de sa stratégie porte sur la préparation de l'acte II de l'actuel plan de soutien français à l'automobile, en prévoyant à la fois un volet offensif et un volet défensif.

S'agissant du volet offensif, qui traite de la défense de la valeur des marques, il a évoqué la nécessité de poursuivre l'effort d'innovation et de qualité par une plus forte implication de tous les équipementiers dans le processus d'amélioration des produits ainsi que par l'intégration des métiers de services dans l'effort de recherche et développement.

Quant au volet défensif du plan, il doit permettre d'anticiper sur l'avenir de certains équipementiers, ainsi que des sous-traitants sur qui pèsent, d'ores et déjà, des menaces de pertes d'emplois. A ce titre, il a estimé qu'il ne fallait pas considérer les stratégies d'essaimage ou de sous-traitance réalisées -au sein de l'Europe élargie- sous le contrôle de ces entreprises comme systématiquement contraires au maintien de l'emploi en France. Il a précisé qu'il existait des situations qui méritaient d'être regardées avec beaucoup de précaution, où les stratégies de maintien de la compétitivité et de l'emploi par la relocalisation d'une partie des activités pouvaient être payantes, prenant à ce sujet l'exemple du secteur allemand de la machine-outil.

En conclusion, il a ajouté qu'il faudrait poursuivre l'effort de reconversion lancé par le Gouvernement et réfléchir d'ores et déjà aux politiques d'accompagnement des territoires qui seront touchés par la concurrence prévisible des équipementiers indiens ou chinois d'ici 5 à 10 ans.

Intervenant dans le débat, M. Roland Ries, faisant référence à des travaux qu'il avait menés sur la directive européenne relative à la protection des dessins et des modèles, a interrogé le rapporteur sur l'état de ce dossier.

M. Jean Desessard s'est interrogé sur la place des différentes catégories de véhicules utilitaires dans l'offre française estimant, qu'en ce domaine, des efforts d'amélioration pouvaient être accomplis, par exemple en matière de petits véhicules de transports collectifs.

Leur répondant, M. Gérard Cornu, rapporteur, a indiqué que, si le dossier en matière de protection des modèles était sur le point de trouver une issue favorable au niveau communautaire, de fortes inquiétudes perduraient en revanche à propos des pièces détachées d'origine chinoise, le règlement de ces questions au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) s'avérant extrêmement difficile.

Par ailleurs, les véhicules utilitaires représentent environ 5 % de la production automobile française et ils sont soumis aux évolutions de l'ensemble du secteur.

M. Ladislas Poniatowski a souhaité savoir pour quelles raisons les constructeurs français utilisaient peu les systèmes de plates-formes multi-modèles, à la différence des entreprises japonaises, illustrant son propos par la comparaison entre l'usine de production de la Renault Velsatis située dans l'Eure et le centre de production de Toyota de Valenciennes.

En réponse, M. Gérard Cornu, rapporteur, a rappelé que les formules de plates-formes multi-marques et multi-modèles étaient effectivement bien adaptées aux évolutions du marché, ainsi qu'à la réduction du cycle de vie des véhicules, et que les constructeurs français commençaient à s'engager dans cette voie, notamment dans le cadre du groupe Renault-Nissan et de la coopération de PSA avec Toyota.

M. Charles Revet s'est demandé si l'une des raisons des difficultés du secteur ne tenait pas à la trop grande sophistication des nouveaux modèles qui ne répond pas aux attentes de simplicité exprimées par les consommateurs, comme en témoigne le succès de la Logan.

M. Gérard Cornu, rapporteur, a estimé que les attentes du marché étaient de plus en plus volatiles et qu'un même client pouvait souhaiter disposer d'un véhicule basique à certains moments de l'année et d'un véhicule sophistiqué à d'autres. Ceci a conduit des constructeurs généralistes, tels que VAG, à acquérir des marques afin d'être présent sur une gamme de véhicules très large, allant des productions de Skoda à celles de Bugatti.

Puis la commission des affaires économiques a adopté le rapport d'information à l'unanimité.

Paquet Energie - Communication

La commission a ensuite entendu une communication de M. Ladislas Poniatowski sur le « Paquet énergie » présenté par la Commission européenne le 10 janvier dernier.

M. Ladislas Poniatowski a tout d'abord indiqué que la présentation par la Commission européenne d'un « Paquet énergie », le 10 janvier dernier, constituait la première étape d'un processus tendant à faire valider par le conseil européen de Berlin des 8 et 9 mars 2007 une stratégie énergétique globale. Dans cette perspective, le conseil des ministres de l'énergie de l'Union européenne s'est réuni jeudi 15 février afin de préparer les conclusions du conseil européen en la matière.

Soulignant que la présentation du « Paquet énergie » relevait d'une démarche innovante de la Commission européenne, qui utilise habituellement le droit d'initiative que lui confèrent les traités européens pour formuler des propositions législatives, sous forme de directives ou de règlements, il a expliqué que le « Paquet énergie » consistait en une dizaine de documents stratégiques abordant l'ensemble des problématiques liées au secteur de l'énergie et comprenant ainsi une stratégie énergétique globale, un rapport sur le marché intérieur de l'énergie, un plan d'interconnexions prioritaires, un rapport sur les biocarburants ou un panorama de l'industrie nucléaire de l'UE.

Sur ce fondement, il a indiqué aux membres de la commission qu'il articulerait sa présentation autour de deux thèmes concernant respectivement la lutte contre le changement climatique et l'état du marché intérieur de l'énergie.

M. Ladislas Poniatowski a relevé que la Commission européenne avait rappelé toute la nécessité d'intégrer la lutte contre le changement climatique au coeur de la politique énergétique de l'Europe afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pour ce faire, il est proposé de fixer, dans les négociations internationales, un objectif de réduction de 30 % des émissions de ces gaz d'ici à 2020 et de prendre, en tout état de cause, l'engagement de diminuer ces mêmes émissions de 20 % à la même échéance. Ces objectifs volontaristes s'inscrivent pleinement dans la démarche actuelle de la France tendant à diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050.

Il a ensuite précisé que la Commission européenne suggérait plusieurs types de mesures pour atteindre ces objectifs :

- un recours au mécanisme d'échange des droits d'émission, institué en 2004. Le plan d'allocation des quotas couvrant la période allant de 2008 à 2012 a été défini au début du mois de janvier, ce qui, pour la France, représente une diminution de 23 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2). Toutefois, au-delà de cette échéance, la Commission européenne réfléchit aux objectifs à atteindre au-delà de ceux définis lors du sommet de Kyoto et souhaite exploiter au mieux les possibilités offertes par le système d'échange des droits d'émissions. Sur ce sujet, la France est d'ailleurs exemplaire pour ce qui concerne la production électrique puisque son parc, constitué en très grande partie de centrales nucléaires, est très peu émetteur de CO2.

- une amélioration de l'efficacité énergétique. Cette stratégie s'appuie sur diverses mesures comme le développement des véhicules faiblement consommateurs d'essence et l'augmentation du recours aux biocarburants. Elle passe également par une amélioration de l'efficacité énergétique des appareils électroménagers, notamment avec un meilleur étiquetage ou une baisse de la consommation en veille et un renforcement de la performance énergétique des logements.

- un renforcement de l'utilisation de combustibles fossiles à faibles émissions de CO2. Au niveau de l'Union européenne, le charbon et le gaz assurent 50 % de l'approvisionnement en électricité et ces deux ressources vont continuer à jouer un rôle important dans l'équilibre du bouquet énergétique européen. En conséquence, la Commission européenne entend promouvoir le développement d'une nouvelle génération de centrales thermiques capable de limiter les émissions de CO2 et souhaite définir des perspectives claires sur les dates à compter desquelles toute nouvelle centrale thermique devra être équipée de systèmes de séquestration du dioxyde de carbone.

- une reconnaissance de l'importance du nucléaire. Tout en réaffirmant que le choix de recourir ou non au nucléaire appartient à chaque Etat, la Commission européenne reconnaît qu'il s'agit d'un moyen de production qui, d'une part, permet de limiter les émissions de gaz à effet de serre et, d'autre part, contribue à l'indépendance énergétique, dans la mesure où le prix de l'uranium est faible et les ressources en uranium abondantes et bien réparties sur la planète. Dans ces conditions, la Commission considère qu'il convient de poursuivre le développement du cadre le plus avancé pour l'énergie nucléaire, dans le respect des normes de sécurité, de sûreté et de non-prolifération et en accordant une attention toute particulière à la question de la gestion de l'aval du cycle nucléaire.

Enfin, M. Ladislas Poniatowski a souligné que le premier pilier de cette stratégie énergétique entendait s'appuyer sur un recours plus massif aux énergies renouvelables (ENR), ce qui constituait l'un des points suscitant le plus de débats. Rappelant que l'Union européenne s'était fixée comme objectif en 1997 de parvenir à un seuil de 12 % d'ENR au sein de l'ensemble des sources d'énergies utilisées (électricité, chaleur et transports), il a expliqué que, dans cette optique, la directive de 2001 avait prévu que la part des ENR électriques dans la consommation finale représente 21 % en France en 2010 et que la directive sur les biocarburants avait fixé des objectifs d'incorporation dans la consommation totale d'essence. Dans les deux cas, il s'agit d'objectifs qui n'ont qu'une valeur indicative. Tout en indiquant qu'en dix ans la production d'énergie renouvelable avait augmenté de 55 % dans l'Union européenne, il a noté que l'objectif des 12 % serait loin d'être atteint en 2010, la part des ENR ne représentant aujourd'hui que 7 %.

Sur la base de ce constat, la Commission européenne entend fixer un objectif contraignant afin que les énergies renouvelables représentent, en 2020, 20 % du bouquet énergétique global de l'Union. Tout en admettant qu'il s'agit d'un objectif très ambitieux qui demandera des efforts considérables de la part de tous les Etats, la Commission européenne considère qu'il pourrait être atteint en s'appuyant sur tous les secteurs concernés (chauffage et refroidissement, électricité et biocarburants). Par ailleurs, la Commission européenne compte prendre en compte la situation spécifique de chaque pays et le niveau d'où il part en matière d'ENR afin de laisser à chaque Etat une certaine latitude pour déterminer les ENR les plus adaptées à sa situation.

M. Ladislas Poniatowski a considéré qu'une telle proposition était loin d'être neutre, dans la mesure où son coût est estimé par la Commission européenne à 18 milliards d'euros par an en moyenne jusqu'en 2020.

Puis il a abordé le deuxième grand volet de cette stratégie énergétique qui a trait à l'organisation du marché intérieur de l'énergie. Soulignant que la Commission européenne n'avait pas varié dans ses analyses et qu'elle jugeait toujours que l'existence d'un marché européen de l'énergie véritablement concurrentiel était une condition indispensable pour favoriser la compétitivité des entreprises du secteur et garantir la sécurité d'approvisionnement, il a indiqué que son analyse en la matière s'appuyait sur le rapport relatif à l'état d'avancement du marché intérieur de l'énergie et sur une enquête sectorielle de la direction générale de la concurrence. Il a relevé que ces deux rapports avaient conduit les autorités communautaires à estimer que les résultats en la matière n'étaient pas satisfaisants, faute d'une concurrence effective, ce qui les avaient amenées à entamer des procédures contre seize Etats membres, dont la France, pour défaut de transposition des directives de 2003 relatives aux marchés de l'électricité et du gaz. Il a expliqué, à cette occasion, qu'il était notamment reproché à la France de maintenir un système de tarifs administrés pour les prix de vente de l'électricité et du gaz, qui fausserait le jeu de la libre concurrence et ne permettrait pas aux prix de constituer de véritables signaux significatifs pour orienter les décisions d'investissements.

Puis il a détaillé les principales orientations préconisées par la Commission européenne pour améliorer cette situation :

- un renforcement de la régulation. La Commission européenne considère que les compétences des régulateurs nationaux doivent être harmonisées et renforcées et juge que la coopération entre régulateurs doit être améliorée. Elle propose un schéma alternatif, qui n'a aujourd'hui pas la préférence des Etats, notamment de l'Allemagne et de la France, qui s'appuierait sur la création d'un régulateur unique européen.

- la définition d'un plan d'interconnexions prioritaires. Pour que le marché européen de l'énergie dispose d'une véritable profondeur, il convient de faciliter les échanges d'énergie entre pays membres. A cet effet, la Commission européenne a bâti une stratégie s'appuyant sur la reconnaissance d'interconnexions prioritaires et propose de nommer quatre coordonnateurs, chacun d'entre eux étant chargé de suivre un projet important (liaison à grande puissance entre l'Allemagne, la Pologne et la Lituanie, liaisons avec les parcs d'éoliennes situés en mer de l'Europe septentrionale, interconnexions électriques France-Espagne et gazoduc Nabucco pour acheminer le gaz naturel de la Caspienne à l'Europe centrale).

Par ailleurs, M. Ladislas Poniatowski a indiqué que la question du transport d'énergie faisait l'objet d'une attention particulière dans le « Paquet énergie » en raison de ses implications directes en matière de sécurité d'approvisionnement et de concurrence. Tout en estimant que la Commission européenne avait tiré les leçons de la panne d'électricité du 4 novembre 2006, il a souligné que cette dernière estimait désormais nécessaire d'instituer des normes de sécurité minimales et contraignantes pour les gestionnaires de réseaux et proposait la création d'un groupe des transporteurs européens d'électricité, calqué sur le modèle du groupe des régulateurs européens.

Puis il a précisé que la Commission européenne proposait de séparer totalement les entreprises chargées de la production de celles qui gèrent les réseaux de transport. En effet, la Commission considère que, quand un électricien contrôle à la fois la production et le transport, les risques de pratiques anticoncurrentielles sont accrus. Il a ainsi noté que, selon les écrits de la Commission, il est démontré économiquement que la séparation de propriété constitue le moyen le plus efficace pour garantir le choix du consommateur et pour encourager l'investissement, puisque dans un schéma de séparation totale, les entreprises chargées de la gestion du réseau ne sont pas influencées par des intérêts divergents.

Enfin, M. Ladislas Poniatowski a présenté les résultats du conseil des ministres de l'énergie de l'Union tenu jeudi 15 février, estimant que les compromis dégagés à cette occasion étaient satisfaisants.

Il a noté que le conseil avait décidé, suite à l'opposition de certains Etats membres, de donner un caractère uniquement indicatif au seuil des 20 % d'énergies renouvelables d'ici à 2020. En revanche, il a été décidé de fixer aux Etats membres un objectif contraignant en matière de promotion des biocarburants. La directive de 2003 fixe à 5,75 %, fin 2010, la part des biocarburants dans la quantité totale d'essence et de gazole mise en vente sur le marché national à des fins de transport et ce taux d'incorporation a été porté à 10 % en 2020. Tout en admettant qu'il s'agissait d'un objectif ambitieux, il a considéré qu'il s'inscrivait dans le droit fil des orientations défendues par le Gouvernement français, qui avait proposé d'atteindre cet objectif de 10 % dès 2015.

En ce qui concerne le marché intérieur de l'énergie et la sécurité d'approvisionnement, il a relevé que le conseil des ministres avait réaffirmé la nécessité d'achever la constitution d'un marché unifié de l'énergie au niveau européen et de développer un cadre propice à la réalisation des investissements. A cet effet, sur la régulation, le conseil des ministres a validé les orientations de la Commission portant sur le renforcement des compétences des régulateurs nationaux et une meilleure formalisation de leur coopération pour les enjeux transfrontaliers. Dans ces conditions, l'idée d'un régulateur unique a été écartée pour le moment.

S'agissant des réseaux de transport d'énergie, il a noté que le conseil plaidait en faveur d'une meilleure séparation entre les entreprises chargées de la production et du transport, mais qu'il ne s'était pas prononcé sur une solution particulière. L'idée d'une séparation patrimoniale est ainsi écartée, le conseil ayant réaffirmé que l'enjeu essentiel devait être de garantir aux opérateurs un accès équitable et libre à ces réseaux et que les décisions d'investissements sur ces réseaux soient prises en toute indépendance.

En outre, M. Ladislas Poniatowski a souligné que le conseil appelait à la création d'un nouveau mécanisme communautaire pour améliorer la coordination entre transporteurs afin de garantir la sécurité du réseau et formait des voeux pour que de meilleures prévisions soient réalisées à long terme pour garantir l'équilibre entre l'offre et la demande.

En conclusion, il a estimé que les conclusions du conseil européen de Berlin pourraient amener la Commission européenne à présenter plusieurs propositions de directives au Conseil de l'Union européenne et au Parlement européen, mais que ces textes ne devraient pas être adoptés avant la fin de l'année 2008.

M. Jean Desessard, tout en félicitant M. Ladislas Poniatowski pour la clarté et la précision de son exposé, a alors déploré que la commission ne dispose pas d'un temps suffisant pour débattre d'un sujet qu'il a considéré comme fondamental. Puis il a demandé des explications complémentaires sur l'évaluation faite par la Commission européenne quant au coût que représenterait, pour les Etats membres, le respect d'un objectif de 20 % d'énergies renouvelables en 2020, soulignant notamment qu'une hausse du prix de pétrole serait de nature à le diminuer.

En réponse, M. Ladislas Poniatowski a indiqué que la commission devrait débattre à nouveau de se sujet et pourrait être amenée à se prononcer sur les propositions de directives de la Commission européenne, notamment par le biais d'une proposition de résolution adoptée sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution. Il a indiqué que l'évaluation de la Commission européenne sur le coût du développement des ENR n'était qu'approximative et dépendait effectivement de l'évolution du cours du baril de pétrole.

Rencontre parlementaire sur la coopération économique et le développement - Désignation d'un commissaire

La commission a ensuite pris acte de ce que le groupe UMP devait désigner un candidat chargé de représenter la commission à Berlin, les 18 et 19 mars, lors de la rencontre des commissions des Parlements nationaux et du Parlement européen au Bundestag sur le thème de la coopération économique et du développement.

Rencontre parlementaire sur l'alimentation, l'agriculture et la protection des consommateurs - Désignation de commissaires

Elle a par ailleurs désigné M. René Beaumont en tant que commissaire chargé de représenter la commission à Berlin, les 20 et 21 mai, lors de la rencontre des commissions des Parlements nationaux et du Parlement européen au Bundestag sur le thème de l'alimentation, l'agriculture et la protection des consommateurs, étant précisé que les groupes socialiste et de l'Union centriste-UDF communiqueraient les noms de leur candidat respectif.

Viticulture - Réforme de l'Organisation commune du marché vitivinicole - Nomination d'un rapporteurs

La commission a ensuite nommé M. Gérard César rapporteur pour le rapport d'information sur la réforme de l'Organisation Commune du Marché vitivinicole.

Poste et télécommunications - Autorité de régulation des communications électroniques et des postes - Nomination d'un rapporteur

La commission a ensuite nommé M. Bruno Retailleau rapporteur pour le rapport d'information sur le bilan et l'évolution des compétences de l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

Union Européenne - Projets européens de directives ou règlements - Communication

Enfin, la commission a décidé de suivre plus spécifiquement quatre projets européens de directives ou de règlements, qui touchent significativement à certains des domaines de compétences de la commission.

S'agissant du 3è paquet maritime, regroupant six directives réformant les règles du transport maritime en matière de sécurité, des obligations des Etats du pavillon ou encore des activités des administrations maritimes, dont la première lecture au Parlement européen aura lieu le 25 avril 2007 et pour lequel un accord politique est prévu au Conseil des transports du 6 juin 2007, elle a confié le suivi de ce dossier à M. Charles Revet, à travers le dépôt d'une proposition de résolution, dont il serait ensuite rapporteur au nom de la commission.

Elle a ensuite confié à M. Paul Raoult le suivi de la proposition de directive E-3203 établissant des normes de qualité environnementales dans le domaine de l'eau et sur laquelle l'arbitrage politique est prévu au Conseil environnement du 28 juin 2007.

En outre, elle a désigné M. Benoît Huré pour suivre la proposition de règlement du Conseil E-3423 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole, soumise à un débat d'orientation au Conseil du 19 mars, examinée par le Parlement européen courant mai pour une adoption définitive d'ici à la fin du mois de juin.

La commission a décidé qu'un commissaire membre du groupe de l'Union centriste-UDF suivrait la proposition de règlement du Conseil E-3371 réformant le régime de l'organisation commune des marchés dans le secteur des céréales,

M. Gérard César, président, a relevé que ces désignations permettaient d'assurer un équilibre politique, puisque deux dossiers étaient attribués à l'UMP, un au groupe socialiste et un au groupe de l'Union centriste-UDF.

Compte tenu du calendrier des conseils européens, au cours desquels ces textes pourraient faire l'objet d'un accord politique, la commission a ensuite décidé de tenir une réunion pendant la suspension des travaux du Parlement afin d'examiner les propositions de résolution déposées sur ces textes, cette réunion devant avoir lieu le 10 ou le 17 avril prochain.

Présidence de M. Gérard Bailly, président du groupe d'études « Elevage », puis de M. François Fortassin, rapporteur.-

Elevage ovin - Audition de M. Emmanuel Coste, président de la section « ovins » de l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes, INTERBEV Ovins

Au cours d'une seconde réunion tenue l'après-midi, la commission a ensuite procédé, dans le cadre du rapport d'information sur l'élevage ovin, à l'audition de M. Emmanuel Coste, président de la section « ovins » de l'association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes, INTERBEV Ovins.

Après avoir indiqué à titre liminaire qu'il était président de l'interprofession ovine et d'un groupe coopératif de producteurs, M. Emmanuel Coste a tout d'abord insisté sur le déclin inexorable du nombre d'éleveurs, qui devrait, selon lui, revenir à terme de 45.000 à 20.000, ainsi que sur la nécessité de les soutenir dans ce processus de restructuration. Qualifiant de prééminent le problème du foncier pour les éleveurs ovins, du fait notamment que les estives étaient occupées par les éleveurs bovins, plus aisés, il a indiqué que la filière tentait d'y pallier soit en recherchant le soutien des collectivités territoriales pour acquérir des terres, soit en passant des contrats sur les productions végétales permettant, comme avec la luzerne, d'assurer l'affouragement des troupeaux. Estimant qu'un élevage ovin devait posséder 700 à 800 agneaux pour être économiquement viable, il a vu dans l'accroissement de la productivité des exploitations un moyen d'atteindre cet objectif.

Estimant que, seuls, les arbitrages financiers les plus importants avaient été effectués dans le cadre du second pilier de la politique agricole commune (PAC), il a préconisé la constitution de petits dossiers d'accompagnement pour les éleveurs, région par région. S'agissant des abattoirs, dont il a souligné qu'ils étaient en nombre insuffisant dans le nord et excessif dans le sud, il a craint que l'application du « paquet hygiène » ne provoque des fermetures et annoncé que les aides publiques seraient nécessairement concentrées sur les plus performants d'entre eux.

Indiquant que le consommateur-type de viande ovine était une personne âgée, aisée et habitant en région parisienne ou dans le sud-est, il a regretté que la découpe ne soit pas adaptée à l'évolution de la demande, en favorisant la préparation de produits moins volumineux, plus facilement cuisinables et davantage élaborés. En ce qui concerne les rapports de la filière avec la grande distribution, il a établi une distinction entre les hypermarchés, dont les rayons comportent régulièrement de l'agneau, aussi bien français qu'étranger et les supermarchés ne proposant que des produits néo-zélandais, de façon ponctuelle, faute de pouvoir écouler la marchandise auprès de la clientèle.

M. François Fortassin, rapporteur, s'est étonné de ce qu'une infime part des acheteurs de viande ovine sache, au contraire de ceux de viande bovine, en différencier les différents types et qualités.

M. Emmanuel Coste a souligné, à cet égard, l'obsolescence du règlement européen de 1993 fixant la dénomination des différentes parties d'agneau à commercialiser. Il a préconisé que soient indiquées sur les barquettes d'agneau à la fois la façon de le cuisiner et une recette adaptée au type de viande. S'agissant de l'étiquetage, dont il a précisé que le règlement le régissant pour la plupart des viandes ne s'appliquait pas au mouton, il regretté qu'il soit interdit par la législation communautaire de faire de la publicité sur l'origine française ou européenne de la viande.

M. François Fortassin, rapporteur, ayant suggéré que soit précisée la provenance régionale de l'agneau, M. Emmanuel Coste a indiqué que la filière avait tenté de communiquer, sans grand succès faute d'une mobilisation suffisante des professionnels au niveau national, sur un programme intitulé « Agneau de nos terroirs ».

A Mme Adeline Gousseau, qui l'avait interrogé sur le nombre de races de mouton, M. Emmanuel Coste a répondu qu'il en existait 54, pour 110 types génétiques.

M. François Fortassin, rapporteur, a estimé que les éleveurs français n'étaient pas payés au juste prix et qu'ils souffraient de la concurrence de l'agneau néo-zélandais, vendu à un prix jusqu'à deux fois moindre.

Mme Adeline Gousseau ayant fait remarqué l'absence de viande ovine dans les plats cuisinés, M. Emmanuel Coste a convenu qu'il serait opportun pour la filière d'investir sur ce marché, comme avait su le faire la filière veau.

M. Gérard Bailly, président, a estimé anormal que la France ne produise que 50 % de l'agneau qu'elle consomme et a suggéré que soient adaptés les coûts de production.

M. Emmanuel Coste a jugé qu'il serait possible, dans cette optique, de mobiliser le second pilier de la PAC. Il a néanmoins estimé que la préparation de produits spécifiques pour l'élaboration de plats cuisinés, certes source de valeur ajoutée, était à la fois complexe et onéreuse, en raison des investissements et des coûts de transports qu'elle requérait.

M. Charles Revet et M. Gérard Bailly, président, ayant fait remarquer que des aides pouvaient être attribuées, jusqu'à hauteur de 40 %, aux organisations de producteurs souhaitant construire un abattoir, M. Emmanuel Coste a estimé que ce soutien demeurait, en tout état de cause, insuffisant.

M. Gérard Bailly, président, ayant souligné que la filière avicole, qui était parvenue à valoriser l'intégralité de l'animal, se trouvait dans une situation satisfaisante, M. Emmanuel Coste a souligné que les producteurs de volaille traitaient des volumes bien plus importants que ceux de moutons.

M. François Fortassin, rapporteur, a fait observer que la filière avicole avait largement développé la vente directe, à des prix rémunérateurs, et a suggéré que la filière ovine s'en inspire.

M. Emmanuel Coste a jugé que cela ne serait viable que pour autant que les producteurs soient situés à proximité de bassins de consommation et aient les moyens d'assurer ce type de commercialisation. Il a précisé qu'un éleveur de moutons possédait en moyenne 110 brebis sur une quinzaine d'hectares, donnant naissance à 150 agneaux, représentant 15.000 euros de chiffre d'affaires. Soulignant la faiblesse du revenu profitant à l'éleveur, une fois les divers frais et charges prélevés, il a estimé à 500 ou 600 brebis la taille minimale d'un troupeau pour vivre correctement de l'élevage ovin. Notant que l'élevage bovin avait bénéficié d'un haut niveau de prix, de primes et de productivité, contrairement à l'élevage ovin, il a dit craindre les effets du probable découplage total, en 2013, de l'aide leur étant attribuée, alors qu'aujourd'hui elle est encore couplée à hauteur de 50 %.

M. Gérard Bailly, président, a fait observer que l'Irlande, qui appliquait déjà un découplage total, n'aurait à terme plus d'éleveurs. Puis il a interrogé l'intervenant sur l'existence de pôles d'excellence rurale en matière ovine.

M. Emmanuel Coste a mentionné la création d'un tel pôle en Midi-Pyrénées. Il a ajouté qu'existait par ailleurs un pôle de compétitivité « viande » en Limousin-Auvergne et que la filière avait lancé, suite à l'épidémie de fièvre aphteuse en 2001, un plan de relance s'étant avéré efficace.

A M. Gérard Bailly, président, qui l'interrogeait sur la question du bien-être animal, M. Emmanuel Coste a indiqué qu'il n'impliquait pas de contraintes particulières en matière de transport, au contraire de l'identification des animaux. Il a vivement critiqué la volonté récurrente de l'administration française d'alourdir les dispositifs communautaires de contrôle sanitaire, au nom du principe de précaution, précisant que si le ministère en charge de l'agriculture était souvent favorable à leur allègement, celui en charge de la santé s'y opposait fermement.

M. Jacques Blanc a jugé qu'il serait équitable que les règles soient les mêmes de ce point de vue pour l'ensemble des pays membres de l'Union européenne et s'est dit confiant dans leur harmonisation future.

Abordant, à la demande de M. Gérard Bailly, président, le problème des prédateurs, M. Emmanuel Coste a indiqué que leur gestion relevait d'un véritable choix de société, la France ayant opté pour leur réintégration en milieu naturel ouvert, là où d'autres pays avaient préféré, avec raison a-t-il jugé, restreindre leur périmètre de liberté à des espaces délimités. Soulignant la tension perpétuelle à laquelle étaient soumis, de ce fait, les éleveurs et la difficulté qu'ils éprouvaient à faire reconnaître leurs préjudices, il a ajouté que les problèmes ne se limitaient pas au loup et à l'ours, mais provenaient également de la présence du lynx, du corbeau, du vautour ou de l'aigle.

M. François Fortassin, rapporteur, a fait remarquer que le loup était plus facile à acheter, à transporter discrètement et à relâcher, que l'ours.

A M. Charles Revet, qui l'interrogeait sur le cours de la viande ovine, M. Emmanuel Coste a indiqué qu'il était de 5,50 euros par kilo l'été et de 4,80 euros par kilo en ce moment.

Enfin, M. Gérard Bailly, président, l'ayant questionné sur l'état de la recherche génétique en matière ovine, M. Emmanuel Coste a indiqué que les subventions octroyées à ce titre, très élevées, n'étaient que peu efficaces et ne s'inscrivaient pas dans un plan stratégique clairement défini.

Elevage ovin - Audition de M. Jean Salmon, vice-président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA)

La commission a enfin entendu M. Jean Salmon, vice-président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA).

Indiquant que la production ovine diminuait, malgré un redressement des prix, M. Jean Salmon a attribué la morosité de la filière à des facteurs historiques. Pendant longtemps, a-t-il rappelé, les importations déterminaient les prix directeurs. Peu élevés, ces derniers conditionnaient à leur tour le niveau de revenu des éleveurs, lui aussi très faible, ce qui a favorisé une évolution de la production aujourd'hui très éclatée entre une moitié d'exploitants faisant de l'élevage ovin leur activité dominante et une autre moitié y voyant une simple activité d'appoint, insusceptible de dynamiser réellement la filière. Ainsi, a résumé M. Jean Salmon, l'arrivée sur le marché français de moutons néo-zélandais à des prix excessivement bas a accrédité l'image d'une filière aux faibles revenus, écartant les éleveurs désireux de développer une activité économiquement viable. Même si la différence s'est atténuée depuis plusieurs années, le revenu moyen des éleveurs de moutons spécialisés est aujourd'hui encore inférieur au revenu moyen agricole.

M. François Fortassin, rapporteur, a rappelé que l'élevage ovin avait pendant longtemps constitué une activité d'appoint, exercée par des personnes âgées dont la disparition entraînait également celle du troupeau.

M. Jean Salmon a acquiescé, en estimant que l'élevage ovin avait été victime de la spécialisation des exploitations agricoles, attribuant cette dernière au désir récent des exploitants de préserver une place pour leur vie privée, ce qu'une trop grande diversification de leurs activités ne leur permettait pas. Jugeant singulier le fait que la production, très dépendante des aides, diminue ou stagne, alors que la consommation intérieure est largement supérieure à l'offre, il a préconisé une politique d'incitation à la création d'ateliers de production d'une haute qualité. Estimant que le relèvement des prix à la consommation avait entraîné une baisse, puis une stagnation de cette dernière, notamment dans la restauration hors foyer, il a jugé intéressante la charte de relance réalisée avec la fédération nationale ovine (FNO) et suggéré de la compléter par des volets concernant la communication, la formation, la transmission des exploitations et la modernisation des outils de production.

Rappelant que la France avait choisi de ne découpler ses aides à l'élevage qu'à hauteur de 50 %, il a prédit que l'Irlande, qui avait opté pour le découplage total, n'aurait bientôt plus d'éleveurs, privant ainsi la France de l'un de ses traditionnels soutiens dans les négociations européennes et internationales. Remarquant que la production ovine avait été peu génératrice de droits à paiement unique (DPU), il a suggéré que ces derniers soient fixés à la moyenne départementale et a jugé que la conditionnalité aurait un impact en matière de bien-être animal.

M. François Fortassin, rapporteur, a souligné l'importance de la relation affective entre l'éleveur et son troupeau, les élevages bien traités étant les plus productifs.

M. Jean Salmon a indiqué que les contingents d'ovins, fixés dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce (OMC), étaient respectés et qu'il fallait veiller à ce qu'ils le demeurent. Il a annoncé des tensions à venir concernant les lignes tarifaires protégées, ajoutant que les Australiens s'y intéresseraient si les contingents étaient augmentés et appelant sur ce point à faire preuve d'une grande vigilance. Estimant que l'élevage ovin n'avait pas excessivement souffert en matière sanitaire par rapport à l'élevage bovin, il a suggéré de faire, avec des moyens importants, la promotion d'un agneau français assorti d'un système d'identification rassurant le consommateur. Appelant par ailleurs à dynamiser la formation professionnelle en matière d'élevage ovin et à renforcer l'organisation économique de la filière, il a souligné que le démantèlement de la PAC obligeait à renforcer, notamment dans le cadre interprofessionnel, les organismes de producteurs, aujourd'hui très atomisés et se trouvant à ce titre en position de faiblesse vis-à-vis de la grande distribution. Il a jugé par ailleurs nécessaire d'élaborer des stratégies innovantes tendant à valoriser toutes les parties de l'agneau, par exemple en développant les appellations de qualité.

M. Jacques Blanc a souligné la dimension territoriale de l'élevage ovin et son rôle positif dans la mise en valeur environnementale de zones défavorisées. Il a également préconisé une meilleure organisation de la filière.

Souscrivant à ses propos, M. François Fortassin, rapporteur, a estimé que l'utilisation de labels rouges n'apportait rien, sauf pour la vente directe.

M. Jean Salmon a indiqué que les chambres d'agriculteurs agissaient, dans le secteur ovin, en fonction de la demande des éleveurs et de la présence, localement, de techniciens spécialisés, ainsi que sur des aspects plus transversaux, tels que l'installation ou la préservation de l'environnement.

M. Jacques Blanc ayant dit s'attendre à un soutien de certains des nouveaux Etats membres dans le secteur ovin, M. Jean Salmon a fait observer qu'ils étaient davantage producteurs que consommateurs.

M. François Fortassin, rapporteur, a relevé que l'Espagne ne constituait plus un débouché pour les éleveurs français depuis qu'elle était autosuffisante.

M. Jacques Blanc ayant insisté sur l'importance du problème des abattoirs, et notamment leur proximité avec les lieux d'élevage, M. Jean Salmon a souligné que les consommateurs s'attachaient de plus en plus à l'origine et à la traçabilité des produits.