Mercredi 25 juillet 2007

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Santé - Démographie médicale et permanence des soins - Communication

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport d'information de M. Jean-Marc Juilhard sur la démographie médicale et la permanence des soins.

M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a souligné que si la France n'a jamais compté autant de médecins, elle va pourtant devoir faire face à une crise de la démographie médicale. Le constat d'une possible pénurie de médecins dans les années à venir n'a été véritablement établi que voici trois à cinq ans grâce aux travaux approfondis menés par l'Observatoire national de la démographie des professions de santé. Ses conclusions font apparaître une baisse future de 9,4 % du nombre de médecins en activité entre 2006 et 2025 : l'offre de soins retrouverait ainsi en 2025 un niveau proche de celui du milieu des années quatre-vingt.

Cette crise comporte plusieurs aspects : une baisse des effectifs des professionnels de santé, l'accentuation des inégalités territoriales en matière d'offre de soins, un vieillissement de la population et une évolution des modes de prise en charge des patients qui augmente le niveau d'exigence des assurés en matière sanitaire.

Pour enrayer cette dégradation, les pouvoirs publics ont procédé à une augmentation régulière du numerus clausus depuis 2002. Le nombre de postes offerts aux étudiants s'élève désormais à 7 100 chaque année mais, compte tenu de la durée des études médicales, cette mesure ne produira ses effets que dans une dizaine d'années.

M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a fait observer que l'augmentation du numerus clausus ne suffira pas à résoudre les inégalités de répartition territoriale. Un recensement effectué par les missions régionales de santé fait apparaître, sur les 7 442 zones qui composent le territoire métropolitain, l'existence de 524 zones dites fragiles et de 119 zones en difficulté, qui rassemblent environ deux millions et demi d'habitants.

Le Gouvernement s'est préoccupé de la question des zones sous-médicalisées en faisant le choix d'une politique fondée sur l'incitation. Les mécanismes mis en oeuvre visent les différentes étapes de la formation, de l'installation et de l'exercice professionnel des médecins. Toutes ces mesures poursuivent une cible principale : favoriser l'installation et/ou le maintien de médecins dans les zones sous-médicalisées.

Il existe six formes différentes d'aides : l'octroi de bourses aux étudiants de troisième cycle, en contrepartie d'un engagement d'exercer en zone sous-médicalisée pendant une durée maximale de cinq ans ; des exonérations fiscales ; des mesures d'aides à l'installation ou de maintien des professionnels ; une majoration des honoraires de 20 % pour les médecins exerçant en groupe dans les zones sous-médicalisées ; des dérogations au parcours de soins, afin que les assurés consultant les médecins nouvellement installés dans ces zones ne soient pas pénalisés pour non-respect des règles du médecin traitant ; des aménagements apportés aux conditions d'exercice de la médecine.

Le financement de ces aides incombe à l'assurance maladie et aux collectivités territoriales. Ces dernières disposent de véritables leviers d'action pour mener une politique active et favoriser l'implantation des médecins sur leurs territoires.

M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a toutefois estimé que les collectivités territoriales doivent se protéger de toute initiative superflue. Les témoignages recueillis durant les auditions et les déplacements préparatoires à l'établissement du rapport convergent pour signaler que les projets de structure médicale conçus par les collectivités, sans la participation des professionnels de santé, se sont soldés par des échecs.

Ces risques de dérapage sont d'autant plus importants que la présence d'une structure médicale est un élément majeur de l'aménagement du territoire ; elle joue un rôle central d'attractivité et permet le développement de nouveaux projets.

La mise en oeuvre de divers mécanismes touchant à la fois la formation et l'installation des médecins ne doit d'ailleurs pas occulter la réflexion sur les moyens de réduire les inégalités territoriales d'accès aux soins. Deux pistes méritent d'être explorées : optimiser le rôle de l'ensemble des acteurs du système de santé, en s'assurant que toutes les forces disponibles sont mobilisées, et favoriser l'émergence de solutions innovantes.

On peut, sur ce point, s'étonner de la faible place accordée à la télémédecine comme moyen de résoudre certaines difficultés d'accès aux soins. Cette situation est due à des problèmes d'installation d'un réseau à haut débit sur l'ensemble du territoire, et donc dans les zones les plus isolées, mais également au fait que le développement de la télémédecine nécessite un aménagement de son cadre juridique actuel et un ajustement des règles relatives au financement des structures et à la rémunération des professionnels de santé.

Outre ces nouvelles technologies, d'autres moyens pourraient favoriser un meilleur accès aux soins : ne pourrait-on pas, par exemple, favoriser les systèmes de transport collectif ou individuel des patients à mobilité réduite vers les cabinets médicaux et les maisons de santé, notamment dans les territoires déficitaires ?

Par ailleurs, on déplore l'insuffisance de l'information des étudiants et des professionnels de santé sur l'existence des diverses aides, qui explique pourquoi ils y ont si peu recours. Une telle défaillance nuit évidemment à l'efficacité du système d'aide.

Enfin, il faut rappeler que, dans son rapport annuel pour 2007, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, instance qui réunit l'ensemble des acteurs du système de santé, estime indispensable de dépasser la politique actuelle de « moindre contrainte » et de mettre en place des mécanismes plus directifs d'installation, à travers notamment des mécanismes de désincitation à l'installation dans les zones surmédicalisées.

M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a ensuite évoqué une piste particulièrement fructueuse, à son sens, pour répondre aux besoins locaux en offre de soins : la création de maisons de santé, dont il existe plusieurs exemples probants sur le territoire. Les pouvoirs publics pourraient utilement favoriser la généralisation de ces expériences nées du terrain, à l'initiative de quelques professionnels de santé entreprenants, et qui font aujourd'hui tâche d'huile.

En effet, ces maisons présentent un mode de fonctionnement novateur qui allie la pluridisciplinarité et l'élaboration d'un projet médical commun. La nouveauté ne réside pas dans la collaboration entre médecins et auxiliaires médicaux : de tels cabinets existent déjà, même s'ils ne représentent pas le mode d'exercice regroupé le plus fréquent. L'innovation tient aux modalités de fonctionnement de ces structures, à l'existence d'un projet médical commun, ainsi qu'à l'association d'autres acteurs extérieurs au champ sanitaire.

Ces projets ont retenu l'attention des caisses d'assurance maladie. Le suivi en est assuré par les unions régionales des caisses d'assurance maladie (Urcam) qui ont en charge la gestion de la part régionale du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (Fiqcs), compétent en matière de création et de fonctionnement de ces maisons de santé.

Outre les aides conventionnelles versées sous forme de majoration d'honoraires, les caisses d'assurance maladie participent, sous certaines conditions, au financement des tâches administratives afférentes à ces structures, tandis que les collectivités territoriales apportent leur aide à l'acquisition et la rénovation des locaux. La création d'un label « maison de santé » est, à son sens, une nécessité pour en faciliter la promotion. Une telle reconnaissance permettrait en effet de développer les relations entretenues par ces structures avec l'assurance maladie et les pouvoirs publics sur des bases plus claires :

- d'abord, en favorisant l'harmonisation des aides accordées par les Urcam aux maisons de santé ;

- ensuite, en simplifiant les relations administratives car les responsables des structures médicales souhaitent un allégement des démarches administratives nécessaires pour bénéficier d'une aide versée par l'assurance maladie ;

- enfin, en permettant le développement d'une politique de gestion du risque spécifique, le système conventionnel de gestion du risque passant aujourd'hui quasi exclusivement par des procédures individuelles (contrats de bonne pratique, contrats de santé publique, entretiens confraternels, visite des délégués de l'assurance maladie).

M. Jean-Marie-Juilhard, rapporteur, a donc souhaité l'apparition, aux côtés des aides conventionnelles existantes, de nouveaux dispositifs favorisant la qualité des soins, le développement des politiques de santé publique et les actions d'éducation thérapeutique. Ces politiques pourront prendre d'autant plus appui sur les maisons de santé, qui disposent d'intervenants pluridisciplinaires et touchent une patientèle plus large qu'un cabinet isolé, si la création d'un label « maison de santé » permet de consolider l'environnement juridique de ces structures et de faciliter l'intervention des collectivités territoriales.

Mme Janine Rozier a fait observer que les problèmes de démographie médicale existent dans la quasi-totalité des départements qui ont, chacun à leur manière, essayé d'y remédier. Ainsi, la maison médicale visitée par le rapporteur dans la Nièvre ressemble aux structures mises en place dans le Loiret. Il serait à son avis souhaitable que les maisons médicales se développent dans l'ensemble des zones rurales.

Saluant le fait que le rapporteur ne soit pas médecin lui-même, et qu'il ne peut, de ce fait, être accusé de corporatisme, M. Francis Giraud a rappelé que les médecins doivent avant tout être au service de la population.

Le problème soulevé par les inégalités géographiques d'accès aux soins constitue plus largement le signe d'une modification profonde de l'organisation de la société : la diversification des zones rurales concerne tous les secteurs d'activité et appelle une réflexion globale sur l'accès de tous aux services publics et commerciaux.

En ce qui concerne la télémédecine, elle ne peut en aucun cas remplacer la présence effective du médecin auprès du patient, même si la consultation d'un spécialiste par un autre médecin peut être utile dans certains cas.

Il a jugé scandaleux le système de l'examen classant national où des postes proposés en médecine générale demeurent régulièrement vacants. Une réflexion devrait être engagée sur la régionalisation du système et sur la régulation du nombre de spécialistes par le biais de l'attribution des postes d'internes. En effet, certaines spécialités comme la chirurgie, l'obstétrique et la pédiatrie sont menacées alors que d'autres, aux contraintes de garde moindres, sont surreprésentées.

L'exemple du nombre considérable de médecins en région Provence-Alpes-Côte d'Azur montre que la liberté d'installation est source d'inégalité géographique. Pour y remédier, le regroupement de médecins dans les communes isolées constitue une solution intéressante.

Il s'est ensuite fait l'écho de la thèse développée par Yvon Berland dans son rapport sur la démographie médicale, selon laquelle la réponse pourrait venir du renforcement du rôle des auxiliaires médicaux. Certes, la séparation entre médecins et auxiliaires médicaux est aujourd'hui exagérée mais il s'est déclaré dubitatif sur les projets de redistribution des compétences évoqués par l'Observatoire national de la démographie des professions de santé.

M. Guy Fischer a demandé si les grands quartiers populaires sont comptabilisés comme zones sensibles par les missions régionales de santé. Dans ces quartiers, la présence médicale et paramédicale est en effet largement insuffisante même si la problématique diffère de celle des zones rurales. Aujourd'hui, on constate que bien souvent le service de santé des quartiers populaires est essentiellement assuré par des médecins et des pharmaciens d'origine étrangère.

Puis il a souhaité connaître les différences existant entre les centres de santé, les maisons de santé pluridisciplinaires et les maisons médicales de garde.

Il a pris l'exemple de la fermeture récente du centre de santé du quartier des Minguettes et des difficultés de gestion rencontrées par sa maison médicale pour s'inquiéter du financement non pérenne des maisons de santé pluridisciplinaires par l'Urcam et les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), qui oblige les collectivités territoriales à assurer une grande partie des coûts.

M. Louis Souvet a fait observer qu'il existe des différences fondamentales entre l'exercice de la médecine en ville et en zone rurale, où les conditions de vie offertes au médecin et à sa famille sont souvent plus sommaires. Ce constat s'applique d'ailleurs à l'ensemble des activités et la situation ne peut guère être améliorée par l'action des pouvoirs publics. De fait, les collectivités territoriales ne peuvent imposer unilatéralement aux médecins libéraux une organisation de l'offre de soins. Il s'est aussi interrogé sur les inégalités géographiques existant au niveau hospitalier.

M. Alain Milon a fait valoir que le rapport porte sur la démographie médicale, et non sur les techniques de soins, et a jugé que la commission ne devait pas hésiter à proposer des solutions audacieuses pour lutter contre la sous-médicalisation de certaines zones.

Il a fait état de l'insuffisance de la formation initiale en matière d'obligation de permanence des soins et a souhaité que les pouvoirs publics soient plus coercitifs pour en assurer l'effectivité. Ce recours à la coercition peut aussi être envisagé pour lutter contre les inégalités géographiques car la répartition des jeunes médecins entre spécialités et entre régions devrait être plus strictement organisée.

S'agissant de la création des maisons de santé pluridisciplinaires, il a souligné le rôle déterminant joué par la volonté des médecins qui permet à la maison de santé de Gap, par exemple, de fonctionner très bien, alors que l'absence de motivation empêche celle de Sorgues de voir le jour. Pourtant, dans cette ville, sur quatorze médecins généralistes, douze partiront en retraite d'ici quatre ans et les jeunes médecins ne veulent plus assurer de gardes pendant la nuit et le week-end.

M. Paul Blanc a insisté pour que le rapport propose des solutions adaptées aux enjeux. Citant le rapport Berland, il a regretté l'absence de diagnostic étiologique de la démographie médicale. Or, selon lui, les causes du problème sont doubles : elles tiennent, d'une part, à la féminisation du corps médical qui fausse le numerus clausus puisque de nombreux médecins femmes n'exercent pas ou travaillent à temps partiel, d'autre part, à la judiciarisation de l'exercice de la médecine qui dissuade les jeunes médecins de choisir des spécialités exposées comme la chirurgie ou l'obstétrique.

Il a fait observer que les maisons de santé pluridisciplinaires existent en réalité depuis longtemps, à l'instar de celle de Prades créée en 1971. Elles ne pourront toutefois pas pallier le manque de médecins dans les zones les plus reculées. Ainsi, alors que la proportion de médecins par habitant est de 1 pour 300 dans l'agglomération de Perpignan, il ne reste presque plus de médecins en activité dans les villages de montagne. Ce constat résulte de l'urbanisation croissante de la société, qui amplifie le phénomène car la présence d'un médecin conditionne l'installation de nouveaux habitants.

Il s'est déclaré inquiet pour l'avenir. Cette situation dramatique est la conséquence de la diminution drastique du numerus clausus en 1982, puis en 1996, de la suppression des certificats d'études spécialisées, et elle ne pourra être réellement améliorée que par l'application d'un numerus clausus d'installation, comme il en existe pour les pharmaciens, les notaires ou les huissiers.

M. Bernard Seillier a déclaré que les élus sont inquiets et désemparés par cette évolution, qu'ils ne peuvent améliorer sans un partenariat étroit avec les médecins. En effet, pour qu'une maison pluridisciplinaire de santé fonctionne, l'initiative doit d'abord venir des professionnels de santé.

Il a souhaité que soit ajouté au rapport un lexique précisant la définition des termes utilisés : maison médicale, maison médicale de garde, centre de santé.

Mme Gisèle Printz s'est émue de la longueur du délai nécessaire pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologue dans le département de la Moselle, ce qui montre que le problème démographique touche aussi la répartition des praticiens entre spécialités.

Elle a souhaité obtenir des précisions sur les propos tenus par le rapporteur au sujet du taux d'activité des femmes et des médecins âgés.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle a souligné les incohérences de l'examen classant national : en 2007, par exemple, le nombre de postes proposé en psychiatrie est faible alors que les besoins vont aller croissants ces prochaines années.

Elle a également demandé si la nouvelle spécialité de médecine générale, qui a allongé de deux ans le cursus de formation des étudiants, ne pourrait pas être enseignée en formation continue pour permettre aux médecins généralistes de s'installer plus rapidement.

M. Paul Blanc a rappelé que la création de cette spécialité avait été réclamée essentiellement pour des questions de niveau d'honoraires.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe a fait observer qu'une distinction doit être opérée, à son sens, entre médecine générale et médecine spécialisée. La situation est en effet plus inquiétante pour certaines spécialités, l'ophtalmologie, par exemple, pour laquelle les patients doivent attendre plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous.

M. Bernard Cazeau s'est opposé à cette observation en rappelant que les urgences sont toujours assurées par les médecins spécialistes.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe a ensuite fait siennes les analyses du professeur Guy Valencien, dans son ouvrage sur la téléchirurgie, en faveur des maisons de santé pluridisciplinaires et du numerus clausus d'installation car il considère que le problème résulte moins du nombre insuffisant de médecins que de la liberté d'installation. Il a souhaité qu'une réflexion soit également menée sur la nécessité de réformer les études de médecine.

M. Pierre Bernard-Reymond a établi un parallèle avec les instituteurs qui ne sont pas formés au cours de leurs études sur les modalités de coopération avec les partenaires sociaux du quartier. De la même manière, il conviendrait à son sens de préparer les étudiants en médecine à une installation en zone rurale.

Il est convenu que la création et le bon fonctionnement d'une maison de santé pluridisciplinaire dépendent de la volonté du corps médical, de l'investissement de la mairie et du soutien de la population. A Gap, la mairie a ainsi mis à la disposition de la maison de santé un terrain situé en face de l'hôpital de façon à désencombrer les urgences.

Il a également demandé si le rapport écrit précise les fonctions et l'organisation des maisons de santé.

Il a enfin estimé que la télémédecine peut parfois constituer une solution adaptée pour pallier le manque de médecins, notamment dans les villes touristiques et les stations de sports d'hiver où la médecine est essentiellement une médecine de consommation immédiate, mais sans nouer de lien personnel avec le patient.

Mme Muguette Dini a souhaité avoir des précisions sur la place des médecins formés à l'étranger dans le système de soins français.

Mme Patricia Schillinger a confirmé l'insuffisante formation des médecins à l'installation et à la gestion de personnel. Elle s'est enquise de l'état d'avancement du projet de création des chèques-emploi pour les cabinets médicaux.

Elle a estimé que les médecins doivent être incités à s'installer en groupe dans les zones rurales dans une structure associée à des infirmières libérales. En cas d'échec, il conviendra de réfléchir à l'instauration d'un numerus clausus d'installation.

M. Nicolas About, président, a demandé au rapporteur qu'il précise la définition des termes utilisés et a estimé que la notion d'obligation des soins devrait être établie.

M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a rappelé que le rapport s'attache exclusivement à la démographie des médecins généralistes, car la répartition par spécialités relève d'une autre problématique.

Il a confirmé sa demande de labellisation des maisons de santé pluridisciplinaires car celles qu'il a visitées au cours de la préparation du rapport présentent toutes un mode de fonctionnement différent : à Saint-Amand-en-Puisaye, la communauté de communes participe au financement et a offert le terrain ; à Pont d'Ain, la mairie a promu l'installation d'un centre d'assistantes sociales dans les locaux de la maison de santé ; à Bletterans enfin, le maire n'étant pas favorable à l'installation de la maison de santé, celle-ci ne bénéfice d'aucune aide publique pour son fonctionnement. Quel que soit leur mode de financement, toutes ces maisons sont confrontées aux mêmes problèmes et à la difficulté d'exercer la médecine tout en gérant une entreprise. La création d'un label devrait faciliter la gestion de ces structures par des établissements financiers et assurer plus facilement leur pérennité après le départ des médecins fondateurs.

Il a ensuite présenté les définitions qui figurent dans le rapport écrit : les maisons médicales sont des cabinets regroupant plusieurs médecins tandis que les maisons de santé pluridisciplinaires comportent également des professionnels paramédicaux (masseurs-kinésithérapeutes ou infirmiers par exemple). Les maisons médicales de garde en revanche - elles sont plus de deux cents en France - sont chargées d'assurer la permanence des soins en médecine générale et sans rendez-vous.

M. Paul Blanc a fait observer que les maisons de santé et les maisons médicales peuvent également faire fonction de maisons médicales de garde.

M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, en est convenu, précisant que l'inverse n'est toutefois pas possible. Il a ajouté que les centres de santé sont concentrés autour des grandes villes et dans le Nord de la France et fonctionnent avec des professionnels de santé salariés.

Il a rappelé que la télémédecine permet d'apporter un diagnostic plus rapide grâce au dialogue entre deux médecins.

M. Paul Blanc a fait valoir qu'une liaison internet à haut débit est indispensable au bon fonctionnement de cette technologie.

En réponse à M. Guy Fischer, M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a reconnu que les quartiers populaires connaissaient également des difficultés pour attirer les médecins sur leur territoire. Les maisons de santé pluridisciplinaires peuvent constituer une solution à ce problème même lorsqu'elles sont implantées en centre-ville.

Approuvant les propos de M. Paul Blanc sur le numerus clausus d'installation, il a déploré le refus du Gouvernement, des médecins et des étudiants en médecine de voir s'appliquer une telle réforme.

Il a enfin précisé à Mme Gisèle Printz que les femmes médecins et les praticiens en fin de carrière préfèrent souvent travailler à temps partiel. Leur installation dans une maison de santé pluridisciplinaire leur permettrait de partager leur temps de travail avec leurs collègues.

La commission a ensuite examiné les quinze propositions du rapporteur pour réduire les inégalités territoriales face à l'offre de soins. Après un large débat, elle a décidé de reporter le vote du rapport et de ses conclusions au mois de septembre prochain. Ce vote sera précédé par l'organisation d'une table ronde sur le thème de la démographie médicale destinée à approfondir la réflexion des commissaires sur les mesures à promouvoir.

Mission d'information - Inde - Examen du rapport d'information

La commission a ensuite entendu une communication de MM. Nicolas About, président, et Bernard Seillier, vice-président, sur la mission d'information effectuée par une délégation de ses membres en Inde.

M. Nicolas About, président, a rappelé que dix sénateurs se sont rendus en Inde, du 15 au 25 mars dernier, pour y étudier les conditions de travail et d'emploi. Il a présidé cette délégation pendant son séjour à Delhi, avant de céder la présidence à Bernard Seillier lorsqu'elle s'est rendue à Chennai et Pondichéry. Son programme de travail a comporté de nombreuses rencontres avec des responsables politiques nationaux et locaux, ainsi que des syndicalistes, des représentants d'organisations patronales et les dirigeants de filiales d'entreprises françaises implantées en Inde.

La délégation a pu constater que l'Inde dispose d'un droit social assez étoffé, mais qui ne s'applique en réalité qu'à une infime minorité de travailleurs employés dans le secteur dit « organisé », c'est-à-dire dans l'administration ou dans de grandes entreprises privées. Sur les 400 millions d'actifs que compte le pays, seuls 7 % appartiennent au secteur organisé. La grande majorité des travailleurs relève du secteur « inorganisé », ou informel, et vit dans un état de grande précarité, sans avoir, bien souvent, la chance de percevoir un salaire régulier.

Le système des castes, bien qu'officiellement aboli depuis 1947, continue d'exercer une influence sur la société indienne, y compris sur le plan professionnel : à chaque caste correspond en effet, dans la société traditionnelle, une spécialisation professionnelle héréditaire. L'apparition de nouveaux métiers, liée au développement d'une économie moderne, a cependant pour mérite de desserrer quelque peu le lien entre caste et profession, ce qui favorise la mobilité professionnelle. Par ailleurs, l'Inde pratique, depuis 1934, une politique de discrimination positive, sous forme de quotas d'embauches dans la fonction publique et pour l'accès à l'université, destinée à améliorer le sort des intouchables.

M. Nicolas About, président, a ensuite présenté les principales protections dont bénéficie la petite minorité de travailleurs employés dans le secteur organisé.

La Constitution indienne apporte aux salariés des garanties essentielles en matière de droit du travail : elle pose un principe de non-discrimination, reconnaît aux citoyens le droit de former un syndicat et d'exercer la profession de leur choix, ou encore interdit le travail des enfants dans les emplois dangereux. La réglementation du travail est un domaine de compétence partagée entre l'Etat fédéral et les Etats composant l'Union indienne. Environ deux cents lois régissent les relations du travail, dont une soixantaine votée au niveau fédéral.

Le droit du travail indien apporte aux salariés un niveau de protection relativement élevé pour un pays en développement. Il prévoit, par exemple, que la durée maximale du travail est de quarante-huit heures par semaine, rend obligatoire une pause d'une demi-heure pour cinq heures de travail et accorde aux salariés un jour de repos par semaine. Le travail de nuit est interdit aux jeunes et aux femmes, et les salariés ont droit à des congés payés, à raison d'un jour de congé pour vingt jours travaillés. S'il n'existe pas de salaire minimum au niveau national, l'Etat impose des minima salariaux dans quarante-six secteurs d'activité. Le fort sous-emploi qui existe en Inde rend cependant les salariés peu exigeants en matière de respect du salaire minimum.

Le droit du licenciement est également très protecteur pour les salariés. Le patronat indien lui reproche même d'être excessivement rigide et demande des mesures d'assouplissement afin de fluidifier le marché du travail. Par exemple, une entreprise de plus de cent salariés ne peut procéder à un licenciement pour motif économique, ni fermer l'un de ses établissements sans avoir obtenu une autorisation préalable de l'administration. Cette autorisation est en général accordée mais le délai pour l'obtenir est assez long et la volonté de certains employeurs d'accélérer les procédures favorise la corruption.

Abordant la question de la protection sociale, M. Nicolas About, président, a fait observer qu'elle présente encore un caractère embryonnaire, dans la mesure où elle ne bénéficie, en tout ou partie, qu'à quelques dizaines de millions de personnes.

Le régime public d'assurance maladie ne couvre que 35 millions de personnes, en comptant les ayants droit. Financé par des cotisations salariés et employeurs, il verse des indemnités journalières et permet un accès gratuit aux soins médicaux. Le régime de retraite de base, auquel sont affiliées 43 millions de personnes, est également alimenté par des cotisations et fonctionne selon un principe de capitalisation. Au-delà de dix années de contribution, les salariés peuvent bénéficier d'un fonds de retraite complémentaire, qui verse une rente.

Les salariés les plus aisés ont cependant la possibilité, en matière de santé comme de retraite, de s'adresser à des assureurs privés.

La forte croissance économique, que connaît l'Inde depuis une quinzaine d'années, a fait naître de nouvelles aspirations en matière sociale. Les partis de gauche, qui soutiennent le Gouvernement dominé par le parti du Congrès, souhaitent notamment une généralisation de l'assurance vieillesse. Le projet de loi élaboré par le Gouvernement, et déposé sur le bureau du Parlement en 2005, propose cependant d'établir un régime facultatif de pure capitalisation, qui suscite de fortes réserves.

Pour lutter contre la précarité des travailleurs agricoles, le Gouvernement a également lancé, en décembre 2004, un programme de garantie d'emploi dans le secteur rural, en vertu duquel chaque chef de famille pauvre est assuré de pouvoir réaliser cent jours de travail rémunérés dans l'année. Les travaux proposés visent prioritairement à améliorer l'irrigation et l'approvisionnement en eau des villages. La faiblesse des crédits alloués à ce programme ralentit cependant sa mise en oeuvre.

M. Nicolas About, président, a insisté sur le fait que la société indienne demeure, en dépit de ces quelques avancées, profondément inégalitaire. On estime ainsi à 26 % la proportion de la population vivant sous le seuil de pauvreté. Selon les statistiques officielles, le nombre d'enfants au travail serait de 12,6 millions, mais certaines organisations non gouvernementales (ONG) l'évaluent plutôt à 50 millions, en se fondant sur le nombre d'enfants non scolarisés.

A l'opposé, les professionnels du secteur de l'informatique et des services aux entreprises bénéficient fortement de la croissance économique indienne. Les quelque 300 000 ingénieurs et 150 000 informaticiens qui arrivent chaque année sur le marché du travail indien n'ont aucune peine à trouver un emploi. La pénurie de personnel qualifié à laquelle sont confrontées les entreprises conduit même à une envolée de leurs rémunérations, qui augmentent de 15 % par an en moyenne.

M. Bernard Seillier, vice-président, a ensuite présenté le paysage syndical indien en insistant sur sa fragmentation : on ne compte pas moins d'une douzaine de grandes centrales syndicales au niveau national, qui regroupent elles-mêmes des dizaines de milliers de syndicats organisés sur une base géographique ou professionnelle. Le syndicalisme indien est par ailleurs très politisé, puisque quatre des cinq centrales syndicales les plus importantes sont affiliées à un parti politique. Le taux de syndicalisation, plus élevé dans le secteur public que dans le secteur privé, est estimé, en moyenne, à moins de 2 %, ce chiffre devant cependant être considéré avec précaution en raison du peu de fiabilité des statistiques en la matière.

Les employeurs sont représentés par quatre grandes organisations, au premier rang desquelles la Confederation of Indian Industry (CII), qui est aujourd'hui l'interlocuteur majeur des pouvoirs publics.

La négociation collective est peu développée en Inde, la culture de l'affrontement prévalant souvent sur celle du dialogue et du compromis. Elle n'est cependant pas totalement absente et porte de manière privilégiée sur les salaires et les conditions de travail. L'intervention de l'Etat est fréquente dans les rapports entre partenaires sociaux, qu'il s'agisse de débattre d'enjeux nationaux ou de questions sectorielles.

Le droit de grève est reconnu depuis 1926, mais il est soumis à certaines restrictions, notamment une obligation de préavis dans les services reconnus d'utilité publique. La législation indienne envisage la grève comme une solution de dernier recours et encourage la concertation. On observe d'ailleurs que la fréquence des conflits sociaux tend à diminuer : 26,4 millions de jours de travail ont été perdus pour cette raison en 1991 contre seulement 23,3 millions en 2005. De plus, il faut savoir que l'employeur a le droit de lock-out, c'est-à-dire la possibilité de fermer son entreprise en cas de conflit.

Enfin, les litiges entre employeurs et salariés font l'objet, comme en droit français, d'une tentative de conciliation avant d'être portés devant un tribunal spécialisé en cas d'échec. Les recours sont cependant peu fréquents, les délais de jugement fort longs et les condamnations d'employeurs indélicats très rares.

Puis M. Bernard Seillier, vice-président, a indiqué que la délégation s'est rendue, durant la dernière étape de sa mission, dans l'ancien comptoir français de Pondichéry, qui appelle, en raison de ses particularismes, quelques développements spécifiques.

La ville de Pondichéry est la capitale d'un territoire qui rassemble quatre des cinq anciens comptoirs français, Pondichéry, Karikal, Yanaon et Mahé. Le cinquième, Chandernagor, fut rattaché à l'Inde quelques années avant les autres et fait désormais partie intégrante du Bengale-Occidental. Le territoire de Pondichéry est éclaté géographiquement en quatre enclaves, peuplées de moins d'un million d'habitants. Il dispose néanmoins, comme les autres Etats de l'Union indienne, de son propre Gouvernement et de son Assemblée provinciale. L'héritage de la présence française y est encore visible. Acquis par la France en 1673, ce territoire fut rattaché à l'Inde en 1954, en vertu d'un traité de cession qui ne fut ratifié par notre pays qu'en 1962.

Sur les quelque 10 000 ressortissants français recensés en Inde, 7 000 environ résident dans le territoire de Pondichéry. Le traité de cession a donné aux nationaux français, nés sur le territoire des comptoirs et y résidant au moment de son entrée en vigueur, un « droit d'option » : ils disposaient de six mois pour choisir, par une déclaration écrite, la nationalité française et acquéraient, à défaut, la nationalité indienne. Plus de 5 000 familles d'ascendance tamoule ont alors exercé le droit d'option.

Le Consulat général de France à Pondichéry et Chennai dispose d'un bureau des affaires sociales qui dispense les aides spécifiques auxquelles ont droit les membres de la communauté française en matière de soins médicaux, d'assurance sociale, d'allocations de courte ou de longue durée, de formation professionnelle ou de recherche d'emploi. En parallèle, le bureau des bourses scolaires instruit et présente aux commissions nationales les demandes d'aides destinées, sous condition de ressources, aux enfants français résidant avec leurs parents au sein de la circonscription consulaire et scolarisés au Lycée français de Pondichéry ou à l'école élémentaire de Karikal.

M. Bernard Seillier, vice-président, a conclu en indiquant que les autorités locales souhaitent renforcer leur coopération avec la France. Il serait judicieux de répondre favorablement à cet appel, afin que Pondichéry constitue, à l'avenir, une tête de pont de l'influence française en Inde du sud.

M. Nicolas About, président, a indiqué que le gouvernement indien, pour remédier à la faiblesse du taux de scolarisation, a mis en place un programme visant à garantir à chaque enfant scolarisé le bénéfice d'un repas gratuit à midi.

M. Paul Blanc a déclaré avoir été frappé par la présence de bidonvilles au pied des chantiers, les ouvriers préférant résider dans des conditions insalubres sur leur lieu de travail plutôt que de s'imposer des temps de transport, souvent aléatoires lorsqu'ils habitent dans les campagnes.

M. Guy Fischer a indiqué que Delhi, comme les autres villes indiennes, est en pleine transformation. L'Inde développe en effet des zones économiques spéciales, destinées à attirer les investisseurs. La délégation a visité la zone de Mahindra et a pu observer que des entreprises françaises y ont délocalisé une partie de leur production, dans le textile notamment. Il a également regretté que ST Microelectronics ait fermé des unités près de Grenoble pour développer ses activités en Inde.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle a indiqué que les entrepreneurs français présents dans le sud de l'Inde ont attiré l'attention de la délégation sur les difficultés qu'ils rencontrent pour obtenir les visas nécessaires à l'expatriation de salariés français en Inde. Elle a également insisté sur la grande jeunesse de la population indienne, qui n'est pas sans conséquences en matière d'emploi. Elle a enfin évoqué le développement du « tourisme médical » vers l'Inde, qui s'explique par la qualité des soins offerts dans ce pays à un prix avantageux.

M. Nicolas About, président, a proposé d'ajouter ces différentes observations au rapport écrit que la commission a approuvé et dont elle a autorisé la publication.