Mardi 16 octobre 2007

- Présidence de M. Robert del Picchia, vice-président.

Projet de loi de finances pour 2008 - Défense - Audition du Général Jean-Louis Georgelin, chef d'état-major des armées

La commission a procédé à l'audition du Général Jean-Louis Georgelin, chef d'état-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2008 (mission « Défense »).

Accueillant le Général Jean-Louis Georgelin, M. Robert del Picchia, président, a rappelé que le chef d'état-major des armées était responsable du programme « Préparation et emploi des forces » et co-responsable, avec le délégué général pour l'armement, du programme « Equipement des forces ». Il a invité le Général Georgelin à s'exprimer sur les principales orientations du projet de loi de finances pour 2008, sur la situation actuelle de l'outil de dDéfense et sa préparation aux enjeux à venir ainsi que sur l'évolution des opérations.

Le Général Jean-Louis Georgelin a tout d'abord noté que le projet de loi de finances pour 2008 s'inscrivait dans un contexte d'intenses débats institutionnels sur les questions de dDéfense, tant dans le cadre tant de la commission du Livre Blanc que de celui de la révision générale des politiques publiques (RGPP), et que le Comité présidé par M. Edouard Balladur réfléchissait aux formes d'une intervention rénovée du Parlement dans le contrôle de l'outil de dDéfense.

Rappelant que l'année 2008 était la dernière année d'exécution de la loi de programmation (LPM) en cours, il a replacé cette loi de programmation dans une perspective historique, soulignant que l'investissement militaire avait obéi, depuis 1945, à des cycles d'une quinzaine d'années, alternant des périodes d'investissement et des périodes de consommation du capital. Pendant la période 1945-1960, la France avait ainsi reconstruit son outil conventionnel, notamment sa marine, dans le contexte de la guerre froide naissante. De 1960 à 1975, elle avait fait primer la croissance économique sur les investissements militaires tandis le financement de la force de dissuasion créait un « effet de ciseau », au détriment du financement de l'outil militaire conventionnel. Apparues à cette période, les premières lois-programmes étaient limitées aux seuls équipements nécessaires à la dissuasion. Après la période 1975-1990 correspondant à un nouvel effort de « recapitalisation » de l'outil militaire, la période 1990-2005 a, quant à elle, été marquée par un nouvel effet de ciseau : la volonté initiale de toucher les « dividendes de la paix » associée à un engagement significatif dans les opérations extérieures ont consommé le capital militaire accumulé précédemment.

Il a tiré trois conclusions de cette mise en perspective historique : la construction d'un outil de défense s'inscrit dans un temps long; l'investissement de défense obéit à des cycles et il convient d'entrer dans une période de reconstitution du capital ; les LPM ont été d'autant plus efficaces qu'elles ont intégré l'ensemble des composantes d'une capacité militaire, équipement, effectifs, entraînement.

Evoquant le bilan de la programmation 2003-2008, le Général Georgelin a indiqué que son exécution exemplaire n'avait pas suffi à stopper la dégradation de l'effort de défense nationale.

Il a souligné qu'au début des années 1990, une orientation stratégique principale s'imposait, celle des frontières de l'Est, à laquelle s'était progressivement ajoutée celle de l'action extérieure.

Il a qualifié de « triangle stratégique » les trois grandes orientations actuelles.

En premier lieu, les forces armées permettent de faire face à une aggravation brusque de la situation internationale. Si le Président de la République estime les intérêts vitaux de la France menacés, il dispose des moyens de la dissuasion. D'autres circonstances pourraient nous conduire à participer à un conflit majeur, en particulier dans le cadre de l'Alliance atlantique. Aux termes de la loi de programmation qui s'achève, les armées doivent être capables d'engager une force de 50 000 hommes, un groupe aéronaval et son accompagnement et 100 avions de combat. La seule existence de cette capacité est un atout et sa manoeuvre constitue en elle-même un geste politique et un témoignage concret de la volonté nationale. En second lieu, il faut assurer la sécurité de nos concitoyens et la protection de nos intérêts contre les menaces et les risques immédiats. Enfin, troisième orientation stratégique, la France apporte sa contribution à la sécurité collective. Dans ce cadre, elle est aujourd'hui engagée dans cinq opérations majeures au Tchad, au Kosovo, au Liban, en Côte d'Ivoire et en Afghanistan. Près de 11 000 hommes sont déployés en opérations (sur un total de 33 000 hors du territoire métropolitain).

La crédibilité de chacune de ces orientations conforte les deux autres, ce dont témoigne l'interdépendance fréquemment soulignée des aspects intérieur et extérieur de la sécurité.

Evoquant les opérations multinationales, le Général Georgelin a souligné la nécessité, d'une part, d'une conduite stratégique et, d'autre part, d'une coordination locale des différentes organisations internationales. Il a rappelé que la doctrine et l'interopérabilité étaient des éléments fondamentaux des alliances militaires aujourd'hui. .

Il a souligné que les opérations étaient toujours longues, (cinq ans en Côte d'Ivoire) ; elles sont en voie de durcissement, notamment en raison de la dissémination d'armes conventionnelles sophistiquées. Elles appellent une réflexion tant sur les équipements que sur le commerce des armes et la prévention des crises pour laquelle la coopération de défense joue un rôle très important.

Abordant les lacunes des équipements, il a fait valoir qu'au-delà du vieillissement de nos matériels, les carences en transport stratégique, en aéromobilité ainsi que les progrès à réaliser en matière de frappes de précision, de renseignement et de protection du combattant devaient retenir l'attention.

Le Général Georgelin a indiqué que le projet de loi de finances proposait un budget stable en valeur à 48 065 milliards d'euros, construit pour permettre de prendre en compte les orientations attendues des différents travaux en cours comme le Livre blanc, la revue générale des politiques publiques et la loi de programmation à venir, tout en respectant les grands axes de la LPM qui s'achève.

Il a précisé que la réduction des effectifs en application de la règle commune de non remplacement d'un départ sur deux se traduirait par la suppression de 6 037 postes (dont 4 795 militaires) et porterait principalement sur les fonctions d'administration et de soutien, s'effectuant dans le cadre de réorganisations déjà amorcées.

Après avoir observé que l'effort entrepris au profit de la revalorisation de la condition militaire serait poursuivi avec 102 millions d'euros de mesures catégorielles attendues par les personnels, il a évoqué le financement des OPEX maintenu à 375 millions d'euros. Il a confirmé que les armées réaliseraient de nouvelles économies en fonctionnement, tout en soulignant l'importance de la tension qui pèse sur la vie quotidienne des unités comme sur leur entraînement. Un effort dans ce domaine est indispensable à l'avenir, probablement en trouvant des sources d'économie dans les réorganisations. Il a également noté, comme le ministre, une progression des crédits de paiement légèrement inférieure aux prévisions de la loi de programmation. Compte tenu des décisions du Président de la République de lever la réserve de 1,15 milliard d'euros en 2007 et du Premier ministre concernant l'ouverture des crédits destinés aux frégates multimissions (FREMM) en loi de finances rectificative (338 millions d'euros), l'équilibre du budget reposera sur l'ouverture de la totalité des reports de crédits 2007 en 2008.

Ce dernier budget de la LPM se devait de respecter deux conditions : garder ouvertes toutes les options envisageables à l'issue des travaux en cours ; permettre aux armées de fonctionner et de remplir leurs missions. Ces deux conditions étant remplies, le prochain budget saura traduire les orientations nouvelles de la défense.

En conclusion, il a rappelé que les armées demeuraient un atout essentiel pour le pays qu'il convenait de se réapproprier et de repenser et a affirmé que ce rôle revenait à la commission du Livre blanc, au Parlement comme à chacun des Français.

Puis un débat s'est ouvert au sein de la commission.

M. André Dulait, co-rapporteur du programme 178 « Equipement et soutien des forces », a demandé des précisions sur l'évolution des effectifs prévue en 2008, notamment sur le nombre de postes non pourvus, de postes supprimés et sur celui des départs en retraite non remplacés. Il s'est enquis des perspectives en matière de recrutement dans les années à venir, et des efforts à consentir pour préserver l'attractivité des carrières militaires et fidéliser les personnes recrutées. Il a souhaité enfin savoir quels étaient les enseignements tirés des opérations en Afghanistan.

En réponse le Général Jean-Louis Georgelin, chef d'état-major des armées, a apporté les précisions suivantes :

- le projet de loi de finances pour 2008 comprend effectivement 6 037 suppressions de postes, qui permettront une économie de 73,7 millions d'euros ; de plus, 7 °500 postes non pourvus seront supprimés ;

- les chefs d'état-major d'armée doivent conserver leur autonomie en matière de recrutement : en effet, seule leur implication directe dans ce processus peut permettre l'adéquation entre les besoins et les embauches ;

- l'armée française maintient un rythme satisfaisant de recrutement, en dehors de quelques spécialités très techniques. Ce n'est le cas ni aux Etats-Unis d'Amérique, ni en Grande-Bretagne. L'objectif pour la France est de recruter des personnels capables d'être de bons soldats : dans cette perspective, les armées doivent présenter une image attractive. Les sondages d'opinion montrent une perception très positive du rôle de l'armée française dans la population, ainsi qu'une appréciation positive sur son action, notamment en opérations extérieures ;

- les armées recrutent annuellement 35 000 personnes, dont une majorité sous contrat ; à l'issue de celui-ci, leur retour à la société civile s'opère dans des conditions satisfaisantes et contribue à la bonne image de notre armée ;

- les aléas de l'opération militaire menée en Afghanistan depuis 2001 , , découlent d'une certaine difficulté à organiser dans de bonnes conditions la conduite stratégique de la crise. Après les succès militaires obtenus initialement par la coalition, l'objectif se portait sur la stabilisation du pays, pour lui permettre un essor politique et économique. La direction stratégique de cette opération par la communauté internationale est marquée par les conceptions parfois divergentes entre les pays participants : ainsi les Etats-Unis et la Grande-Bretagne se sont fortement impliqués militairement, alors que l'Allemagne, la France et l'Italie avaient une vision plus nuancée des actions à mener. Ces difficultés sont apparues lorsque les actions proprement militaires ont cédé le pas aux impératifs de reconstruction politique, économique et judiciaire ; celle-ci ne peut être utilement menée qu'en lien avec les autorités afghanes, dont la fragilité est reconnue. Ce conflit souligne la difficulté, pour une armée occidentale, de faire face à des actions menées par de petits groupes déterminés utilisant des armes « bricolées », mais dévastatrices, comme les engins explosifs improvisés (IED). La mise au point rapide de brouilleurs a permis de les contrer. L'intervention en Afghanistan est compliquée par la porosité de sa frontière avec le Pakistan. Sur place, l'action militaire est entravée par le manque d'hélicoptères de transport et l'insuffisance des forces d'infanterie. Les actions de formation au profit de l'armée nationale afghane souffrent d'une carence en matériels de communication interopérables avec ceux de la coalition.

M. Philippe Nogrix, co-rapporteur du programme 178 « Equipement et soutien des forces », s'est inquiété de la baisse des crédits attribués au fonctionnement de l'armée de terre, de 126 millions d'euros en 2007 à 112 millions d'euros dans le PLF 2008. Ces crédits maintiennent le nombre annuel de jours d'activité à 96, comme l'an passé, alors que la norme est de 100, mais traduisent une tendance persistante en matière d'entraînement qui pourrait, à terme, affecter le caractère opérationnel des forces. Il s'est également inquiété du coût engendré par d'éventuelles restructurations en matière d'implantations militaires, qui entraîneront des dépenses initiales de dépollution et de recherche d'acquéreurs. Il a donc estimé que les marges de manoeuvre financière attendues de cette rationalisation ne se feraient sentir qu'après plusieurs années. Puis il a évoqué l'externalisation des tâches annexes au métier militaire, comme l'entretien des espaces verts ou le transport de personnels, que la professionnalisation a conduit à confier à des sociétés privées, et déploré que le coût de ces prestations ne cesseait de croître. Il a enfin mis l'accent sur les lacunes de l'armée française en matière de drones d'observation. Il s'est demandé si elles pouvaient être en partie compensées par nos avions de reconnaissance et nos systèmes spatiaux d'observation. Il s'est enquis de l'évolution du programme de drones MALE (moyenne altitude longue endurance).

En réponse, le Général Jean-Louis Georgelin, chef d'état-major des armées, a apporté les précisions suivantes :

- l'entraînement est un gage d'efficacité des armées et la diminution du nombre annuel de jours d'activités pourrait devenir préoccupante. De plus, le volume des troupes projetées en OPEX rend plus difficile l'organisation des périodes d'entraînement. Les armées ne pourront conserver leur capacité à recruter que si leur entraînement comme leurs équipements sont de bonne qualité ;

- la révision générale des politiques publiques (RGPP) a pour objectif de produire des économies dont 50 % reviendraient à l'administration qui les a effectuées. Mais le coût initial des restructurations éventuelles est indéniable et reste pour l'instant sans solution. Celle-ci pourrait peut-être passer par l'instauration d'un fonds spécial ou par des cessions accélérées d'actifs ;

- l'armée britannique, qui a été le plus loin dans l'externalisation, dispose d'un budget supérieur de 9,7 milliards d'euros à celui de l'armée française, alors que le niveau d'investissement est identique dans les deux armées. L'armée française se distingue donc par un faible coût de fonctionnement, qui risque néanmoins d'augmenter en cas de dérive des coûts d'externalisation ;

- l'utilisation des drones d'observation doit être envisagée en complémentarité avec celle des avions de reconnaissance et des satellites. Le drone MALE a effectivement rencontré des difficultés de mise au point qui ont suscité un retard de plus de deux ans. L'armée de terre possède déjà le système de drone terrestre intérimaire (SDTI), dont le déploiement avait été envisagé au Liban dans le cadre de la FINUL renforcée. Les forces françaises qui sont déployées dans ce pays disposent d'une défense antiaérienne et d'éléments de guerre électronique de nature à les protéger, mais, d'une manière générale, elles doivent pouvoir être déployées avec l'ensemble des moyens dont elles sont équipées, dont les drones. L'armée de terre française se verra prochainement dotée du système FELIN (fantassins à équipements et liaisons intégrés), ainsi que des VBCI (véhicule blindé de combat d'infanterie) qui viendront renforcer les moyens de reconnaissance ;

- le projet franco-allemand-espagnol de drone « Advanced- UAV » devrait aboutir à l'horizon 2015, mais est marqué par des difficultés d'harmonisation caractéristiques de toute coopération internationale.

M. André Boyer, co-rapporteur du programme 146 « Equipement des forces », a souligné que les premières années de la LPM 2003-2008 avaient été marquées par un important volume de crédits non consommés et reportés, qui se montaient à 2,8 milliards d'euros au début 2005. Début 2007, ce montant a été réduit à 1,5 milliard d'euros. Il a souhaité savoir si cette résorption des crédits de report serait poursuivie. Puis il a évoqué les propos tenus récemment devant la commission par M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur la priorité donnée au renforcement de l'approche interarmées. Ce rapprochement s'est déjà effectué pour le missile sol-air Aster 30, désormais placé sous la seule responsabilité de l'armée de l'air, et pourrait s'appliquer au commandement et à la gestion des hélicoptères. Il a donc souhaité savoir les domaines dans lesquels il pourrait être renforcé. Puis il a déploré la persistance de la dégradation des capacités d'aéromobilité, du fait de l'arrivée tardive du NH-90 et a souligné que dans les deux ans à venir, la majorité de la flotte d'hélicoptères militaires ne seraont plus aux normes imposées pour la circulation aérienne générale. Il a donc souhaité connaître le sentiment du chef d'état-major des armées sur ce point critique.

En réponse, le Général Jean-Louis Georgelin, chef d'état-major des armées, a apporté les précisions suivantes :

- la fin des années 90 avait été marquée par un faible taux de consommation des crédits en dépit de la revue de programmes effectuée en 1998 ; en revanche, la LPM 2003-2008 a été marquée par un taux de consommation de 100 % des crédits, à laquelle s'ajoutait une résorption de 800 millions d'euros de crédits de report. Cependant, cet apurement financier n'est pas achevé et il subsiste 1,5 milliard d'euros de report qui, vraisemblablement, ne pourront pas être utilisés en 2007, même partiellement ;

- le système sol-air moyenne portée, composé notamment du missile Aster 30, a en effet été placé sous une autorité interarmées unique (l'armée de l'air), ce qui s'est accompagné d'une diminution de la cible du programme. L'approche interarmées devra également être privilégiée pour le parc d'hélicoptères qui fera l'objet d'une gestion globale à tous les stades (achat, entretien, emploi), afin d'obtenir des économies d'échelle. Autre piste de réflexion, les avions de combat répartis entre l'armée de l'air et l'aéronautique navale pourraient également bénéficier d'une gestion plus globale. Des synergies devront également être trouvées en matière de renseignement, d'organisation générale, de soutien et de formation. Il ne faut cependant pas dissimuler que ces rapprochements seront parfois difficiles à effectuer, et que leurs bénéfices financiers mettront du temps à apparaître ;

- la France n'est pas à la veille d'une rupture capacitaire majeure en matière d'hélicoptères de transport, mais la situation est en effet tendue. Les normes édictées par l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale) s'appliqueront en France, mais pas en OPEX. La flotte actuelle va bénéficier de la rénovation des hélicoptères de type Cougar et de la poursuite de la livraison d'hélicoptères EC 725 pour les forces spéciales.

Mme Maryse Bergé-Lavigne s'est enquise des raisons pour lesquelles le Maroc a finalement décidé d'acquérir des F16 américains au détriment du Rafale français, et a rappelé les propos du ministre de la défense, déplorant « l'hyper technologie » du Rafale. Elle a souhaité connaître le rôle respectif des industriels et des états-majors dans cette « hyper-technologie ». Elle a souhaité savoir où en était l'avion de transport européen A 400 M. Elle a ensuite évoqué les attaques électroniques massives dont l'Estonie avait été la cible en avril 2007, conduisant à la paralysie des réseaux vitaux de cet Etat durant quelques heures, et s'est interrogée sur les capacités de la France à résister à des agressions de ce type.

En réponse, le Général Jean-Louis Georgelin a apporté les éléments suivants :

- les raisons qui ont conduit le Maroc à choisir le F16 au détriment du Rafale sont complexes et ne n'ont pas été déterminées par les performances respectives des deux appareils ;

- les exportations d'équipement militaire conduisent les pays fournisseurs à proposer des matériels haut de gamme : les avions doivent être ainsi dotés, au minimum, de la liaison 16 et de nacelles de reconnaissance de dernière génération, faute de quoi ils ne peuvent intéresser d'éventuels clients ;

- les conditions d'emploi militaire, en particulier l'interopérabilité au sein de l'OTAN, mais aussi les impératifs industriels ont tendance à nous conduire vers la sophistication des matériels ;

- le constructeur de l'A 400 M affiche six à douze mois de retard dans ce programme, ce qui conduirait à une mise en service courant 2010. Il convient d'avoir à l'esprit que le dernier avion de transport militaire, le Transall, a été réalisé en coopération franco-allemande en 1967. Depuis cette date, les compétences se sont étiolées, notamment en matière de motorisation, ce qui explique pour partie ces retards;

- la sécurité des systèmes d'information relève du SGDN (Secrétaire général de la défense nationale). Il est indéniable que les sociétés modernes sont fragiles du fait de leur sophistication, mais les systèmes d'information militaires s'efforcent d'intégrer des protections dès leur conception ;

Mme Michelle Demessine a souligné les risques de perte de souveraineté que ferait peser sur la France une plus grande intégration au sein de l'OTAN.

M. Robert del Picchia, vice-président, a souhaité connaître les implications concrètes d'une réintégration pleine et entière de la France dans l'ensemble des structures de l'OTAN.

En réponse, le Général Jean-Louis Georgelin a apporté les précisions suivantes :

- dans son discours du 27 août dernier, le président de la République a exprimé sa volonté de renforcer la politique européenne de sécurité et de défense, tout en ayant un regard nouveau sur une alliance atlantique rénovée. La question de la place de la France au sein de l'OTAN doit en effet être examinée au regard de certaines réalités. Aujourd'hui, sur 11.000 militaires français en opération hors du territoire national, 4.000 le sont dans le cadre d'opérations nationales, 3.600 dans le cadre d'une opération de l'OTAN, 1.800 au titre d'une opération des Nations-unies et 400 dans le cadre d'une opération de l'Union européenne. La France a participé à toutes les opérations réalisées par l'OTAN. Tout en restant membre de l'Alliance, elle s'était retirée de la structure militaire intégrée en 1967, à une époque où l'OTAN disposait d'unités déployées en permanence sur le sol européen et susceptibles d'être engagées sous très faible préavis en cas d'agression du Pacte de Varsovie. La situation est aujourd'hui totalement différente, et il n'y a plus de dispositif permanent de forces intégrées, mais seulement une structure de commandement où la France a d'ailleurs inséré une centaine de personnels.

L'appartenance de notre pays à l'OTAN n'a d'ailleurs pas empêché l'utilisation de troupes nationales en Algérie dans les années 50, pas plus que les Britanniques n'ont été gênés pour engager les leurs aux Malouines. La France est le cinquième contributeur au budget de l'OTAN, ce qui en représente 12,7 %. Elle participe à la force de réaction de l'OTAN et accueille sur son sol, à Lille, un état-major qui peut être mis à disposition de l'OTAN. La question de l'autonomie de notre politique de défense dans le cadre de l'Alliance atlantique ne se pose donc pas aujourd'hui en des termes aussi tranchés que le laisse parfois penser le débat sur la réintégration dans l'OTAN.

M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, a souhaité connaître la progression des sommes allouées au maintien en condition opérationnelle (MCO), des équipements durant la LPM 2003-2008. Il a estimé l'externalisation coûteuse, mais inéluctable, et s'est interrogé sur la bonne capacité des services des armées à maîtriser les procédures complexes d'appel d'offres. Il a enfin souhaité connaître le ratio prévalant actuellement dans l'armée française entre le nombre de combattants et le nombre de personnels affectés au soutien, ainsi que le ratio entre le nombre de troupes stationnées en métropole et celles affectées aux forces prépositionnées.

En réponse, le chef d'état-major des armées a apporté les précisions suivantes :

- le MCO a bénéficié de flux financiers importants à partir de 2002, sans pour autant parvenir à un complet redressement du fait de l'utilisation intensive du matériel. Cependant, le MCO français est comparable à celui constaté en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis. Il est indéniable qu'une armée de qualité coûte cher à acquérir, maintenir et recruter ;

- le ratio entre le « front office » et le « back office »est aujourd'hui en France de 60/40, ce qui est un ratio assez performant; à titre d'exemple, les Etats-Unis ont un ratio de 1  pour 9 entre combattants et soutien : dans tous les cas, une armée moderne requiert inévitablement un soutien de grande qualité ;

- la France dispose de 250 000 militaires, dont 33 000 sont stationnés hors de la métropole ; sur ces 33 000, 11 000 sont en OPEX, 6 500  dans les forces prépositionnées et le restant dans les forces de souveraineté.

Mercredi 17 octobre 2007

- Présidence de M. Robert del Picchia, vice-président.

PJLF pour 2008 - Défense - Audition du Général Bruno Cuche

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition du Général Bruno Cuche, chef d'état-major de l'armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2008 (mission défense).

En introduction, le Général Bruno Cuche a indiqué que pour l'armée de terre, le projet de budget de la mission défense pour 2008 préservait, dans l'attente des conclusions des travaux en cours du Livre blanc, l'essentiel de la revue de programme et de la révision générale des politiques publiques, mais qu'il s'annonçait néanmoins contrasté, dans le prolongement d'un budget 2007 déjà tendu. Aussi lui a-t-il paru urgent d'accélérer les réformes engagées dès l'an passé pour mieux mettre en corrélation les ambitions et les besoins.

Le Général Bruno Cuche a tout d'abord indiqué que l'armée de terre contribuerait significativement à l'effort gouvernemental de baisse des effectifs de la fonction publique, la relative stabilité de la masse salariale engendrant mécaniquement un abattement de plus de 2000 postes (1800 militaires et 268 civils). Cette déflation sera appliquée en priorité sur l'administration, le soutien et certains états-majors. Elle s'accompagnera d'un rééquilibrage interne en vue de renforcer les capacités de combat débarqué et la fonction « renseignement », par la création de nouvelles unités de renseignement dans les brigades interarmes. Toutefois, la marge de manoeuvre est étroite car elle porte essentiellement sur le personnel contractuel, qui ne représente que 20 % des personnels dans les services de soutien et d'administration, contre 80 % des effectifs des unités de combat.

Le Général Bruno Cuche s'est félicité de l'effort public consenti au titre de la revalorisation de la condition militaire, 23 millions d'euros étant consacrés à l'amélioration des indices de solde des sergents et des engagés volontaires. Il a estimé que la poursuite de l'effort devrait porter prioritairement sur la revalorisation des rémunérations des officiers. Le Haut comité d'évaluation de la condition militaire a en effet constaté que le niveau de ces rémunérations, en comparaison du reste de la fonction publique, n'était pas à la hauteur des responsabilités exercées, notamment en opérations.

S'agissant des dotations de fonctionnement courant des forces, le Général Bruno Cuche a estimé que la situation de l'armée de terre était désormais critique, sous l'effet d'une baisse de 23,5 millions d'euros entre 2007 et 2008. Le Général Bruno Cuche a ajouté qu'en vue de limiter l'impact de ces économies sur la vie courante des unités, il se réservait, en étroite coordination avec l'Etat-major des armées, la possibilité de procéder à l'ajustement des seuils d'entraînement des forces en cours d'année, si les financements supplémentaires annoncés n'étaient pas au rendez-vous. Il a ajouté que malgré ces difficultés, l'armée de terre continuait à se fixer l'objectif de réaliser en 2008 96 jours d'activité pour ses unités et 160 heures de vol pour ses pilotes d'hélicoptères. Il a également estimé que la diminution des crédits de fonctionnement rendait incertaine la pérennité de la politique d'externalisation dont le financement n'était plus à la hauteur des ambitions initiales et de la hausse des prix des services.

En matière d'équipements, le Général Bruno Cuche a jugé le projet de budget encourageant, puisqu'il permettra de poursuivre la réalisation des principales capacités, tout en ménageant des marges de manoeuvre nécessaires, une fois connues les conclusions du Livre blanc et de la revue de programmes. Parmi les commandes prévues en 2008, il a cité 22 hélicoptères de transport NH90 faisant suite aux 12 appareils devant être commandés d'ici la fin de l'année 2007, 100 porteurs polyvalents terrestres et 232 petits véhicules protégés. Ces équipements renforceront à moyen terme les capacités duales de l'armée de terre pour remplir les missions de sécurité et de défense. Il a toutefois rappelé la difficulté provoquée par l'obsolescence des hélicoptères Puma qui pourrait provoquer une chute capacitaire et conduire provisoirement à faire appel à nos alliés, en cas de besoin exceptionnel, en opération ou sur le territoire national.

Le chef d'état-major de l'armée de terre s'est félicité de l'arrivée prochaine d'équipements nouveaux, plus adaptés aux engagements actuels de nos forces, avec la livraison en 2008 des 41 premiers véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI), matériel qu'il serait plus judicieux d'appeler « véhicule de combat principal », de 358 collections FELIN qui lui sont étroitement associées et de 16 canons CAESAR. Seront également livrés 57 chars AMX 10RC rénovés et 6 hélicoptères de combat Tigre. Les crédits permettront également de commander 5045 collections FELIN, 116 VBCI et 36 AMX10RC rénovés. Tous ces matériels contribueront à améliorer la protection des soldats, la puissance et la précision des armes, indispensables pour les opérations actuelles et à venir, nécessairement conduites au milieu des populations.

Le Général Bruno Cuche a souligné que l'arrivée de nouveaux équipements faciliterait le transfert de crédits de maintenance de matériels anciens vers des matériels plus modernes. Il a estimé que la dotation budgétaire consacrée au maintien en condition opérationnelle permettrait de mettre en oeuvre la nouvelle politique d'emploi et de gestion des parcs dont l'objectif est d'améliorer la disponibilité des matériels les plus sollicités en opération et de contenir les dépenses d'entretien programmé des matériels.

Le chef d'état-major de l'armée de terre s'est en revanche déclaré vigilant sur les conditions de la poursuite de ce processus de modernisation des équipements. L'effort consenti au profit des programmes majeurs des autres armées pèse sur les programmes de cohérence opérationnelle et les capacités de commandement de l'armée de terre. Il a également estimé nécessaire de lever rapidement l'incertitude sur le niveau réel en 2008 des autorisations d'engagement qui conditionnent la poursuite du renouvellement des systèmes d'armes.

Le Général Bruno Cuche a ensuite évoqué l'avenir de l'armée de terre.

Il s'est déclaré résolu à mener une réforme en profondeur visant à répondre au double impératif de maîtrise des finances publiques et d'adaptation de l'outil militaire à l'évolution de la situation sécuritaire et stratégique.

Il a indiqué que cette réforme impliquerait une redéfinition de la posture de l'armée de terre sur le territoire national. Il a également souhaité que les problématiques salariales, d'effectifs et de fonctionnement s'inscrivent dans une vision pluriannuelle, afin de contractualiser la réforme dans sa globalité. Il a observé que ce type de réforme présentait toujours un coût avant de générer des économies et qu'en l'absence de financements spécifiques destinés à la conduire, l'armée de terre subirait mécaniquement une baisse de capacité, alors qu'elle occupe une place centrale dans toutes les opérations. Il a également insisté sur le coût social d'une telle restructuration pour les militaires et leurs familles, dans un contexte très différent de celui de 1996, puisque l'armée est aujourd'hui entièrement professionnalisée. Il a ainsi estimé nécessaire d'accompagner socialement la mobilité rendue nécessaire par les restructurations de milliers de militaires et de leurs familles, ainsi que d'éventuels départs.

S'agissant de la politique d'acquisition des matériels, le Général Bruno Cuche a souhaité qu'elle soit plus réactive et qu'après s'être concentrée sur les équipements lourds et sophistiqués destinés prioritairement au combat conventionnel classique, elle privilégie des matériels de technologie avancée et adaptée, mais robustes et immédiatement employables. Il a ensuite rappelé que l'armée de terre était pleinement confrontée aux enjeux du présent, le succès des opérations et la sécurité des soldats, qui imposent de s'intéresser davantage aux utilisateurs des armements qu'à ceux qui les construisent ou les financent.

En conclusion, le Général Bruno Cuche a souligné que, tirant les leçons de leurs engagements au Liban, en Irak et en Afghanistan, les Israéliens, les Américains et les Britanniques renforçaient significativement leurs forces terrestres. Aussi a-t-il souligné l'enjeu opérationnel, pour nos troupes sur le terrain, des choix qui seront opérés dans les prochains mois dans le domaine de la défense. Plus encore, ces choix constitueront selon lui un signal politique très fort à l'égard de la communauté des forces terrestres, mais aussi des partenaires de la France, et surtout de ses citoyens.

Un débat a suivi l'exposé du chef d'état-major de l'armée de terre.

M. André Dulait, co-rapporteur du programme 178 « Préparation et emploi des forces » a souhaité des précisions sur les suppressions de postes, sur les difficultés éventuelles rencontrées par l'armée de terre pour le départ en opérations extérieures, sur la condition militaire et sur la qualité du recrutement.

Le Général Bruno Cuche a précisé que l'application de la règle du non remplacement d'un départ sur deux conduisait à la suppression de 1.800 postes de militaires et de 268 postes civils. Ces suppressions interviennent dans l'administration, les ressources humaines et certains états-majors. Des expérimentations ont ainsi conduit à la suppression de 120 postes au sein de la région terre Sud-Est, et de 120 autres postes au sein de la région terre Ile-de-France. Environ un millier de postes seront supprimés au sein de la fonction « ressources humaines », qui avait enregistré une forte croissance pour accompagner le mouvement de professionnalisation des armées. A la marge, des réductions sont également intervenues dans les fonctions opérationnelles, mais devraient être compensées à l'issue des réorganisations. En dépit de ces réductions d'effectifs, des rééquilibrages ont pu être opérés au profit de l'infanterie et du renseignement. Le projet de loi de finances supprime également des postes décrits dans l'organisation, mais non réalisés en gestion, et aligne donc la masse salariale sur le nombre de postes.

Après avoir souligné que le déploiement en opérations extérieures faisait pleinement partie du métier militaire, le Général Cuche a noté que dans certaines spécialités rares, le rythme de déploiement était certainement trop élevé. Il a considéré que pour une armée professionnelle, un départ tous les seize mois pour une période de 4 mois était un rythme normal.

Il a estimé que la condition militaire devait permettre de « bien vivre de son métier ». Il a considéré que cet objectif serait atteint lorsque les familles de militaires, dont beaucoup de conjoints ne travaillent pas, pourraient bénéficier de deux salaires. Il convient à cet effet de ralentir raisonnablement la mobilité géographique et de mieux l'accompagner pour permettre aux conjoints de retrouver un emploi. Le logement, et notamment l'accession à la propriété, est un autre sujet important. Enfin, le rattrapage indiciaire, entamé pour les plus bas salaires, devra être poursuivi. Quant à la satisfaction professionnelle, le Général Cuche a considéré qu'elle relevait davantage de la mission des autorités militaires que de la condition militaire en tant que telle.

Evoquant le recrutement, le Général Cuche a indiqué que le taux de sélection globale, hommes et femmes confondus, était de 1,7 et qu'il répondait aux besoins de l'armée de terre. Si le recrutement ne suscite pas d'inquiétude, la fidélisation des personnels est en revanche plus difficile, dans la mesure où leur qualification professionnelle peut être utilisée dans d'autres secteurs. Des difficultés d'adaptation à la vie militaire sont souvent constatées la première année, et des mesures correctives ont été prises après que, dans certaines formations, un taux de départ de 25 % au cours de la première année eut été constaté.

A M. André Boyer, co-rapporteur du programme 146 « Equipement des forces », qui l'interrogeait sur le rôle du véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI), de l'équipement du fantassin FELIN, et du petit véhicule protégé (PVP), le Général Cuche a apporté les éléments de réponse suivants :

- les priorités d'équipement de l'armée de terre portent sur les systèmes d'information et de commandement performants, indispensables dans tous les types d'opérations, sur la protection du combattant, sur le véhicule de combat principal, appellation plus appropriée pour le VBCI, ainsi que sur l'hélicoptère de manoeuvre NH 90 ;

- les programmes du VBCI et de l'équipement FELIN sont indissociables. Le rôle du VBCI n'est pas seulement de remplacer le blindé AMX 10 P mais cet engin à roues, doté d'une grande mobilité tactique et stratégique, est à la fois très bien protégé par son blindage et doté d'un canon de 25 mm dont les munitions sont beaucoup plus performantes. Il est utilisable dans toutes les opérations et pourra être projeté à la place de l'AMX 10 P et du véhicule de l'avant blindé (VAB). Il pourrait même accomplir une partie des missions de l'AMX 10 RC et, lors de combats de très haute intensité, être l'accompagnateur du char Leclerc. L'équipement FELIN des combattants embarqués dans le VBCI les dotera de capacités de combat supplémentaires, tout en les faisant bénéficier d'une protection renforcée. Le VBCI est un véhicule destiné à l'infanterie, à l'exception de sa version « poste de commandement » qui devrait remplacer tous les véhicules de commandement. Le programme FELIN porte sur 31.445 équipements modulaires, destinés à l'ensemble des combattants embarqués dans le VBCI, ainsi qu'à ceux qui les accompagnent. Avec l'arrivée de ces deux équipements, l'année 2008 marquera un tournant. Le petit véhicule protégé répond au même souci de protection.

M. Didier Boulaud s'est interrogé sur le processus d'  « interarmisation » et a souhaité des précisions sur le taux de sélectivité du recrutement.

Le Général Bruno Cuche a précisé que les statistiques du recrutement, qui différenciaient auparavant les hommes et les femmes, étaient désormais présentées de façon agrégée. Le taux de sélectivité est ainsi globalement de 1,7. Evoquant le processus d' «  interarmisation », il a indiqué qu'il se considérait comme un adjoint du chef d'état-major des armées, mais qu'il importait dans ce cadre que la voix de chacune des armées soit entendue. Il a souligné que l'  « interarmisation » n'était pas un phénomène nouveau, et qu'après avoir concerné le renseignement, le commandement des forces spéciales, ou la défense sol/air, elle devrait bientôt toucher le commandement des hélicoptères, dans le respect des spécificités d'emploi. L'  « interarmisation » ne doit pas être considérée comme un slogan, mais intervenir au cas par cas lorsqu'elle est utile, c'est-à-dire chaque fois qu'elle apporte une véritable valeur ajoutée.

M. Philippe Nogrix, co-rapporteur du programme 178 « Préparation et emploi des forces », s'est interrogé sur les moyens de reconnaissance et d'observation du champ de bataille disponibles dans l'armée de terre, ainsi que sur les conséquences, pour l'armée de terre, d'une réintégration du commandement intégré de l'OTAN et d'une montée en puissance de l'Europe de la défense.

Le Général Bruno Cuche a indiqué que deux systèmes de drones étaient en service dans l'armée de terre, le CL 289, un drone rapide, et le SDTI (système de drone tactique intérimaire), qui a été déployé au Liban dans un contexte d'emploi très complexe. Il a indiqué que deux systèmes seraient prochainement livrés à l'armée de terre, le DRAC, un drone de courte portée au service du renseignement de contact, et le SDT, successeur du CL 289 et du SDTI.

Pour ce qui concerne la relation entre la France et l'OTAN, il faut rappeler que 30 % des engagements français interviennent dans le cadre de l'OTAN. 70 officiers de l'armée de terre sont actuellement insérés dans les états-majors de l'OTAN, alors qu'une réintégration du commandement intégré supposerait la mise à disposition de 1.000 officiers, pour une valeur ajoutée sur laquelle il convient de s'interroger. 30 officiers de l'armée de terre sont actuellement présents dans les structures de la politique européenne de défense. Il convient également de considérer l'évolution du contexte géostratégique : au principe de l'automaticité des engagements dans le cadre de l'article 5, a succédé un processus de génération de forces plus complexe mais redonnant plus d'autonomie aux pays-membres. L'armée de terre n'éprouve aucune difficulté à s'insérer dans les états-majors de l'OTAN. Evoquant ses contacts réguliers avec les autorités militaires britanniques, le Général Bruno Cuche a indiqué que des progrès significatifs de la politique européenne de sécurité et de défense lui semblaient directement liés à une attitude différente de la France au sein de l'OTAN.

M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur les difficultés de la politique d'externalisation.

Le Général Bruno Cuche a rappelé qu'il disposait d'un budget de fonctionnement contraint, qui n'avait pas été actualisé depuis 2004, et qui devrait supporter, en 2008, des économies de 23,5 millions d'euros. Dans ce contexte, l'augmentation régulière du coût des contrats d'externalisation et de sous-traitance nécessite de revoir à la baisse les prestations attendues. En outre, l'armée de terre ne dispose pas encore d'une visibilité suffisante sur les économies réelles dégagées par l'externalisation alors que les exemples étrangers, en particulier britannique, montrent certaines limites d'une telle politique. Néanmoins, l'armée de terre reste volontariste dans ce domaine, pour peu que soit assurée la préservation des savoir-faire essentiels aux capacités opérationnelles. A titre d'exemple, des contrats d'externalisation globaux pour toutes les activités non-militaires sont actuellement à l'examen pour les écoles de l'armée de terre.

M. Charles Pasqua, évoquant les difficultés de fidélisation des personnels mentionnées par le Général Cuche, s'est interrogé sur la part des engagements de Français issus de l'immigration dans les armées, et sur leur taux de départ. Il a souhaité des précisions sur l'engagement français en Afghanistan, ainsi que sur les enseignements tirés des engagements alliés dans des opérations terrestres.

Le Général Bruno Cuche a indiqué que les mesures correctives apportées, en particulier une formation initiale plus progressive, avait permis d'observer des taux de fidélisation plus satisfaisants. Il n'existe pas de distinction statistique fondée sur l'origine des engagés, mais on peut constater que si de nombreux français de deuxième génération rejoignent les rangs des engagés volontaires et des sous-officiers, un gros déficit reste observé chez les officiers, en raison d'obstacles sociologiques et d'un déficit d'information, ce déficit concernant bien d'autres jeunes d'ailleurs. L'armée de terre s'est engagée dans une politique d'égalité des chances qui vise à permettre à ces jeunes de poursuivre leurs études dans la stabilité du cadre offert par les lycées militaires, et de les placer ainsi dans une situation favorable pour l'accès aux écoles d'officiers. Pour ce qui concerne les engagés, le taux de départ des personnes issues de l'immigration n'est pas spécifique et témoigne de ce que l'intégration est une réussite au sein de l'institution militaire.

Il a précisé que 1.000 militaires de l'armée de terre sont déployés en Afghanistan, pour une mission de sécurité dans le secteur central de Kaboul. Ces forces exercent également une mission de formation des cadres et une mission d'instruction au sein même des bataillons pour la formation de l'armée afghane.

Projet de loi de finances pour 2008 - Sécurité - Audition du Général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale

La commission a ensuite procédé à l'audition du Général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, sur les crédits de la gendarmerie dans le projet de loi de finances pour 2008.

M. Robert del Picchia, président, a relevé que l'année 2008 devrait marquer une étape importante pour la gendarmerie, avec la fin de l'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI), l'adoption de la nouvelle loi de programmation et de performance pour la sécurité intérieure (LOPPSI), annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale, mais aussi les conclusions du Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale et l'élaboration de la nouvelle loi de programmation militaire.

Au-delà des grandes orientations du budget de la gendarmerie pour 2008, il a invité M. Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, à dresser le bilan de l'exécution de la LOPSI et à présenter quelques pistes concernant la nouvelle LOPPSI, et son articulation possible avec la future loi de programmation militaire.

Le Général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, a indiqué, en préambule, que l'année 2008 devrait marquer une transition pour le budget de la gendarmerie. Elle s'insèrera, en effet, entre la fin d'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI), adoptée en 2002, et dont l'exécution s'est poursuivie jusqu'en 2007, et le début de la mise en oeuvre de la loi de programmation et de performance pour la sécurité intérieure (LOPPSI), annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Le projet de loi de finances pour 2008 répond aux grandes orientations données par le Président de la République. Il se caractérise par la recherche d'un équilibre entre deux priorités bien identifiées : le maintien de l'effort entrepris pour améliorer la sécurité des Français et la participation significative à la politique volontariste conduite par le gouvernement concernant la maîtrise des dépenses budgétaires et la réduction des déficits.

Avant de présenter les grandes lignes du projet de budget de la gendarmerie pour 2008, le Général Guy Parayre a souhaité présenter les résultats obtenus par la gendarmerie ces dernières années.

Ces résultats ont confirmé les tendances positives observées depuis 2002.

Tant en ce qui concerne la lutte contre la délinquance que la lutte contre l'insécurité routière, c'est un véritable travail de fond qui est conduit dans la durée. Après cinq années de progrès constants, les marges d'amélioration se réduisent. Il faut donc être encore plus imaginatif et développer de nouvelles armes, techniques et juridiques, pour accroître la performance de la gendarmerie. Ce sera l'essentiel du travail entrepris, en concertation étroite avec la police nationale, dans le cadre de la préparation de la future LOPPSI.

La baisse de la délinquance s'est confirmée en 2006 avec une réduction de 1,27 % de la délinquance générale et de 5,77 % de la délinquance de voie publique. Cette diminution constante est à mettre en parallèle avec l'augmentation régulière des indicateurs et, en particulier, de la hausse du taux global d'élucidation des crimes et délits, qui est passé de 40,62 à 41,47 % pour la délinquance générale et de 14,69 % à 15,58 % en ce qui concerne la délinquance de voie publique. Ces résultats témoignent de la forte mobilisation des gendarmes, tous grades et unités confondus.

La priorité accordée à la lutte contre l'immigration irrégulière s'est, par ailleurs, traduite, en 2006, par une augmentation de 49,94 % du nombre des personnes mises en cause. Il s'agit d'un investissement très lourd, mais la mobilisation importante de moyens humains et matériels a pu s'effectuer, jusqu'à présent, sans obérer la capacité des unités à remplir leurs autres missions. Cet effort devrait être poursuivi en 2008.

Autre axe majeur de la politique gouvernementale, la sécurité routière a également confirmé les progrès constatés au cours des dernières années : le nombre des accidents a baissé de 10, 6 % en 2006 par rapport à 2005, le nombre de tués a diminué de 11 % et le nombre de blessés de 9,8 %. L'action des gendarmes y a sans doute contribué de manière significative. Il appartient aujourd'hui à la gendarmerie de capitaliser ces progrès et de veiller à ce que la répression, qui reste indispensable, soit orientée avec tout le discernement nécessaire pour que l'adhésion des citoyens à cette politique soit entière.

Au-delà des bons résultats opérationnels obtenus par la gendarmerie, l'institution a poursuivi son évolution en 2006 et 2007. Outre les grandes réformes structurelles, comme la réforme du commandement territorial et la mise en oeuvre des communautés de brigades, il s'agit de poursuivre l'effort d'adaptation de la gendarmerie aux évolutions de la société et de la délinquance.

La gendarmerie a ainsi engagé, en étroite liaison avec la police nationale, une réflexion pour améliorer son efficacité dans le cadre de l'élaboration de la prochaine LOPPSI. Cette réflexion s'inscrit également dans le cadre des travaux du Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui déboucheront sans doute sur une évolution importante de l'architecture de notre système de sécurité et de défense, et dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, qui doit permettre d'aboutir à des réformes profondes du fonctionnement de l'Etat dans le sens d'une plus grande rationalité.

Les observations rendues au Président de la République, au début de l'année 2007, par le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire ont suscité une forte attente au sein de la gendarmerie du fait du décalage constaté entre la progression de la condition des militaires et celle des fonctionnaires civils en tenue. Les corrections annoncées seront étalées dans le temps mais il était important que les premières mesures viennent marquer l'attention portée à cette question. Dans l'attente des mesures à venir, la gendarmerie mettra en oeuvre dès 2008 des dispositions destinées à accélérer les carrières afin de valoriser davantage l'investissement personnel.

Abordant le budget de la gendarmerie dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008, le Général Guy Parayre a indiqué que l'exécution de la LOPSI de 2002 se poursuivra encore en 2008, puisque 475 emplois, correspondant à l'extension en année pleine des 950 postes créés en 2007, seront financés.

En ce qui concerne les rémunérations et les charges sociales (RCS), les effectifs moyens réalisés seront maintenus au niveau de 2007 alors qu'ils tendent à diminuer dans la plupart des corps de la fonction publique : l'extension en année pleine des 950 créations d'emploi de 2007, soit 475 emplois temps plein travaillé (ETP), correspond, en effet, au non-remplacement d'une partie des départs à la retraite, soit 475 postes. Au total, le plafond d'emploi s'élèvera à 101 136 emplois temps plein travaillé.

Les RCS hors pensions augmentent de 24,1 millions d'euros, en raison notamment de l'augmentation du point d'indice et des mesures catégorielles. Parmi ces dernières, la quatrième annuité du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) mérite une attention particulière. Au terme de cet exercice, plus de 3 000 postes d'officier auront été créés. La poursuite de ce plan revêt une grande importance car l'évolution de la condition des militaires de la gendarmerie n'est pas seulement une affaire de grille indiciaire. En effet, le pyramidage des corps et le rythme des carrières jouent également un rôle important.

Les crédits de fonctionnement s'élèvent à 911 millions d'euros. A périmètre constant, les moyens nouveaux accordés à la gendarmerie représentent 30 millions d'euros, soit une hausse de 3,4 %. Au regard de la progression du budget de l'Etat, cette augmentation est importante, mais elle demeure, en fait, limitée par rapport aux besoins opérationnels de la gendarmerie.

L'enveloppe budgétaire allouée à la gendarmerie au titre des investissements s'élève en 2008 à 397,95 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 447,2 millions d'euros en crédits de paiement. Elle sera consacrée au renouvellement d'une partie des matériels et au maintien opérationnel des programmes les plus sensibles. 750 voitures opérationnelles, 420 motocyclettes, 8 000 postes informatiques opérationnels et de bureautique, ainsi que des équipements pour les gendarmes mobiles (2 600 casques de maintien de l'ordre), et pour la sécurité du personnel (7 500 gilets pare-balles à port discret) seront commandés. Par ailleurs, 6 millions d'euros sont consacrés à la poursuite du projet Athéna. Pour leur part, les crédits d'infrastructure augmentent légèrement, permettant de lancer plus de 1 000 équivalents unités logement.

L'enveloppe des crédits de paiement s'élève, quant à elle, à 447,2 millions d'euros.

En conclusion, le Général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, a estimé que l'équilibre auquel parvient le projet de budget de la gendarmerie pour 2008 a nécessité d'opérer des choix qui garantissent le maintien de la capacité opérationnelle des formations, même si l'année 2008 sera une année délicate puisqu'elle sera marquée par le lancement d'une politique volontariste de lutte contre les déficits. C'est pourquoi, au-delà du travail budgétaire, de nombreuses réflexions sont actuellement en cours pour poursuivre la rationalisation de la gendarmerie nationale, améliorer ses performances et alléger ses coûts de fonctionnement.

En réponse à la question de M. Robert del Picchia, président, le Général Guy Parayre a estimé que le bilan de l'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) concernant la gendarmerie était contrasté. Si, en ce qui concerne les crédits de fonctionnement, la réalisation est globalement conforme aux prévisions, s'agissant des effectifs, 950 emplois ne seront pas créés, correspondant à un déficit de 14 % des créations attendues sur la période (6 050 ETP créés sur 7 000 prévus).

Enfin, concernant les investissements, le montant global de 1,02 milliard d'euros sur cinq ans ne sera pas atteint, puisque sur le montant restant de 292 millions d'euros 88 millions d'euros sont inscrits au projet de loi de finances pour 2008. Au total, la gendarmerie aura donc bénéficié de 816 millions d'euros sur cinq ans, sur les 1,02 milliard d'euros prévus, soit un écart de 204 millions d'euros.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis des crédits de la gendarmerie, a réaffirmé son attachement à la spécificité de la gendarmerie, force de police à statut militaire, par rapport à la police nationale et a fait part de ses inquiétudes sur des projets éventuels de fusion de ces deux forces. Il a ensuite évoqué la question des rémunérations des gendarmes, qui se plaignent souvent de l'écart grandissant entre leur salaire et celui des policiers.

Il a également interrogé le directeur général de la gendarmerie nationale sur l'état d'avancement de la réorganisation territoriale de la gendarmerie nationale et la mise en oeuvre des communautés de brigades.

Enfin, rappelant qu'il s'était rendu avec le Président Serge Vinçon, en mai dernier, à Vicence, au quartier général de la Force de gendarmerie européenne, il a souhaité avoir des précisions sur l'adoption du traité définissant le statut et les missions de cette force, qui repose actuellement sur une simple déclaration d'intention, sur les perspectives concernant l'adhésion de nouveaux États, comme la Pologne, la Roumanie ou la Turquie, et sur l'envoi éventuel de cette force en opération extérieure, notamment au Tchad ou dans les Balkans.

En réponse, le Général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, a apporté les précisions suivantes :

- en ce qui concerne le statut de la gendarmerie, les directives données par le Président de la République et par le Gouvernement, tant par le ministre de l'intérieur que par le ministre de la défense, sont très claires. Il s'agit de renforcer la coopération entre la gendarmerie et la police, tout en conservant la spécificité de chacune de ces deux forces, l'une militaire, l'autre civile.

Cela passe notamment par un meilleur partage des informations et une répartition plus claire des tâches, notamment sur le plan territorial. Mais le renforcement de la coopération entre les deux ne doit pas aller jusqu'à la fusion, au risque de voir la gendarmerie perdre son statut militaire ;

- concernant les rémunérations, le Général Guy Parayre a souhaité préciser les attentes des gendarmes. Appelés depuis cinq ans à obéir au ministre de l'intérieur et à travailler de façon étroite avec les policiers, il leur avait été alors affirmé, afin de les motiver, qu'ils seraient traités de façon équilibrée par rapport aux personnels de la police nationale. Or le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire a relevé un décalage récurrent et une différence de traitement entre gendarmes et policiers.

Il convient à cet égard de ne pas regarder uniquement les grilles indiciaires, mais aussi de prendre en compte la dynamique propre à l'avancement, c'est-à-dire les effectifs dans chacun des grades et le rythme de progression d'un grade à l'autre.

En tout état de cause, un rattrapage est aujourd'hui nécessaire. Deux voies sont possibles. La première piste, évoquée par Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la défense, consisterait à modifier la grille indiciaire et à travailler sur le volume de chaque grade et le rythme de progression d'un grade à l'autre. L'autre piste, évoquée par M. Nicolas Sarkozy, en tant que candidat à la présidence de la République, consisterait à créer une grille indiciaire particulière à la gendarmerie. Mais cette solution pourrait s'avérer délicate vis-à-vis des armées ;

- en ce qui concerne la réorganisation territoriale et le regroupement en communautés de brigades, le Général Guy Parayre a déclaré avoir fait réaliser un audit, comme il s'y était engagé, sur cette réforme, lancée en 2003. Le bilan est positif, tant au niveau opérationnel que sur le plan de la qualité de vie des gendarmes, les cinq objectifs recherchés ayant été atteints : la présence des gendarmes sur le terrain a été accrue, la réactivité face à l'évènement a augmenté, l'accueil est mieux adapté, les charges sont davantage équilibrées entre les unités et la qualité de vie des gendarmes s'est améliorée, davantage en rapport avec le reste de la société. Il subsiste malgré tout quelques dysfonctionnements qui sont davantage liés à une mauvaise application de la réforme qu'à sa conception. Ainsi, certains commandants de brigade ont mal accepté d'être placés sous le commandement du commandant de communauté de brigades, qui est pourtant le seul patron. Il faut aussi souhaiter une meilleure proximité avec les élus locaux ;

- la force de gendarmerie européenne a été créée en 2004 par une déclaration d'intention, à l'initiative de la France, et elle compte aujourd'hui cinq pays participants (la France, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal). Le traité de création de cette force sera signé le 18 octobre 2007 par les ministres de la défense des cinq pays. Trois pays, la Pologne, qui bénéficie aujourd'hui d'un statut de partenaire, la Roumanie et la Turquie sont candidats pour adhérer à la force, mais l'adhésion de ces pays se heurte à des difficultés en raison des divergences entre les Etats parties concernant l'entrée de tel ou tel pays. En tout état de cause, les demandes d'adhésion à la FGE de la Roumanie et de la Turquie seront examinées en novembre 2007.

De la même manière, tout le monde s'accorde sur la nécessité d'envoyer cette force sur le terrain afin qu'elle puisse faire ses preuves, mais le choix de la zone géographique se heurte à des visions différentes. L'envoi d'un contingent de la force en Bosnie Herzégovine est aujourd'hui planifié dans le cadre de l'opération EUROR/ALTHEA. Il sera composé de 109 gendarmes, dont un fort contingent d'Italiens, et 9 Français.

En réponse à une question de M. André Dulait, qui s'interrogeait sur la politique d'externalisation, le Général Guy Parayre a estimé qu'il s'agissait d'un véritable serpent de mer. Lancée en 2002, l'expérimentation de l'externalisation a soulevé des difficultés juridiques, et sur le plan budgétaire, on s'est rendu compte qu'elle était souvent plus onéreuse que la gestion interne. Ainsi, en matière immobilière, les évaluations font état d'un surcoût de 60 millions d'euros pour l'externalisation par rapport au maintien de la gestion immobilière au sein de la gendarmerie.

M. Didier Boulaud a souhaité que le rapport d'évaluation de la mise en oeuvre des communautés de brigades soit communiqué aux membres de la commission, comme l'avait réclamé à plusieurs reprises M. André Rouvière, sans que cette demande n'ait été suivie d'effet jusqu'à présent. Il a également fait part de sa perplexité concernant les statistiques faisant état d'une baisse de la délinquance, en rappelant que les atteintes aux personnes étaient en forte augmentation ces dernières années.

En réponse à M. Didier Boulaud, le Général Guy Parayre s'est engagé à transmettre aux membres de la commission le rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre des communautés de brigades.

Concernant les statistiques, le Général Guy Parayre a rappelé que depuis 2002 l'outil statistique n'avait pas changé et qu'il avait même été placé dans les mains d'un office indépendant. Il a souligné que les statistiques faisaient état d'une diminution incontestable de la délinquance générale et de la délinquance de voie publique. Certes, les agressions sur les personnes sont en augmentation, mais il faut rappeler qu'elles représentent environ 10 % de la délinquance et qu'elles se décomposent en violences crapuleuses (comme les vols avec violence ou les agressions sexuelles) qui diminuent de 25 % entre 2002 et 2006, et les violences non crapuleuses (constituées principalement par les violences intra familiales et pour quelque 10 % par les escroqueries) qui augmentent, elles, de 25 %. Or, tout le monde s'accorde à reconnaître que les violences intra familiales ressortent davantage d'une action sociale que répressive. On ne peut donc pas contester une diminution de la délinquance depuis 2002, grâce aux efforts accrus des policiers et des gendarmes.

A M. Josselin de Rohan, qui s'interrogeait sur l'existence réelle ou supposée d'un malaise au sein de la gendarmerie nationale, le Général Guy Parayre a répondu qu'il fallait faire preuve de prudence à l'égard de certaines rumeurs sur le malaise supposé au sein de la gendarmerie, notamment celles véhiculées sur Internet, qui s'apparentent à de véritables tentatives de déstabilisation, à l'image du site « gendarmes en colère », dont il est apparu que les principaux animateurs étaient en réalité des syndicalistes policiers agissant à titre personnel, des militants politiques ou des anciens gendarmes ayant fait l'objet de mesures disciplinaires. L'immense majorité des gendarmes exprime leurs attentes dans le cadre des instances de participation et par la voie hiérarchique.

Le Général Guy Parayre a cependant considéré que la question des rémunérations suscitait une véritable attente de la part des gendarmes, compte tenu de l'écart croissant entre les gendarmes et les policiers. Il a donc jugé indispensable de prévoir un rattrapage.

M. Jean-Guy Branger a fait part de son fort attachement au statut spécifique de la gendarmerie, en rendant hommage aux femmes et aux hommes qui la composent pour leur action en faveur de la sécurité des Français. Il a relevé que le statut militaire de la gendarmerie lui permet à la fois, grâce au maillage territorial, d'assurer ses missions dans les territoires les plus reculés de notre pays et d'avoir un contact étroit avec les populations et les élus locaux, particulièrement apprécié en zone rurale. Il a fait part de certaines inquiétudes exprimées par les élus locaux concernant le logement des gendarmes et la mise en oeuvre des communautés de brigades.

Le Général Guy Parayre a considéré que la question du logement était cruciale pour les gendarmes. Il a rappelé que le logement par nécessité absolue de service ne peut être considéré comme un avantage. Il permet simplement de disposer de gendarmes et d'une capacité d'intervention immédiate sur l'ensemble du territoire. Il a indiqué que, en raison de la forte hausse des loyers, les crédits consacrés au logement, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008, représentaient plus de 322 millions d'euros, soit une part importante des dépenses de fonctionnement qui s'élèvent au total à 910 millions d'euros.

Malgré cette hausse des crédits, le parc domanial dont dispose la gendarmerie et dont plus de 70 % a plus de 25 ans, a atteint un niveau inquiétant de vétusté. L'externalisation n'est cependant pas toujours la solution idéale, étant donné qu'elle est souvent plus coûteuse.

Concernant les communautés de brigades, le Général Guy Parayre a admis que le regroupement des brigades avait parfois créé des difficultés, notamment en zone de montagne, où les temps d'intervention peuvent être plus longs, mais que globalement cette réforme avait été un succès et qu'il n'y avait pas d'alternative, compte tenu des contraintes budgétaires. En revanche, en réponse à M. André Boyer, le Général Guy Parayre a souligné l'importance du contact de la gendarmerie avec les élus locaux et la population.

M. Philippe Nogrix s'est interrogé sur l'interopérabilité du nouveau système de communication Athena avec celui de la police nationale.

En réponse, le Général Guy Parayre a rappelé qu'à l'origine les deux systèmes informatiques de base de la police (Acropole) et de la gendarmerie (Rubis) avaient été développés indépendamment, tout d'abord Rubis, puis Acropole. Par la suite, l'interopérabilité entre les deux systèmes a été développée puisqu'aujourd'hui il existe des passerelles entre les deux réseaux qui fonctionnent, soit de manière permanente, comme dans certaines régions comme la Corse ou la région parisienne, soit de manière temporaire dès que le besoin opérationnel s'en fait ressentir.

Enfin, sur le terrain, il n'est pas rare que policiers et gendarmes s'échangent mutuellement des postes radio sur des opérations où les deux forces de sécurité sont parties prenantes.

Bien qu'il soit dans l'air du temps de considérer que l'idéal serait un système où « tout le monde écoute tout le monde », le Général Guy Parayre ne s'est pas déclaré, à titre personnel, convaincu de la nécessité de rechercher systématiquement le même matériel. En effet, il a considéré qu'il y avait parfois des avantages à avoir des systèmes distincts et que des difficultés ne manqueraient pas d'apparaître, notamment dans le suivi de l'écoute (risque de saturation) ou le traitement des interventions. Par ailleurs, les salles de commandement des deux forces sont en capacité de communiquer entre elles en temps réel. A terme, toutefois, les évolutions technologiques permettront sans doute de disposer d'un nouveau système de communication plus intégré pouvant fonctionner en vase clos ou bien en mode ouvert, à l'horizon 2015-2020.

M. Robert del Picchia, président, a souhaité avoir des précisions sur le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale, que le Président de la République a évoqué dans la lettre de mission qu'il a adressée au ministre de l'Intérieur. Il a également interrogé le directeur général de la gendarmerie nationale sur les attentes de la gendarmerie concernant le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Le Général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, a répondu que la direction générale de la gendarmerie nationale avait commencé à travailler sur un avant-projet de loi relatif à la gendarmerie nationale. A ce stade, il s'agirait plutôt d'élaborer une loi de principe, comprenant quelques articles seulement, par exemple en consacrant le caractère de force de police à statut militaire de la gendarmerie. Ce projet de loi pourrait être soumis au parlement au cours de l'année 2008.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale devrait consacrer une part importante aux questions de sécurité, étant donné les nouvelles menaces et le lien désormais étroit entre sécurité intérieure et extérieure. Or, la gendarmerie dispose de nombreux atouts, puisqu'elle a précisément vocation à agir sur tout le spectre d'une crise, de la paix à la guerre, tant sur le territoire national que sur un théâtre extérieur, et pour faire face à différentes menaces. La gendarmerie a donc des atouts à faire valoir dans la nouvelle architecture de sécurité et de défense qui résultera du Livre blanc.

Audition de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux droits de l'Homme

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de Mme Rama Yade, secrétaire d'État aux affaires étrangères et aux droits de l'Homme.

En introduction, M. Robert del Picchia a rappelé que le Président de la République a fait de la défense des droits de l'homme l'une des deux priorités de l'action diplomatique de la France dans le monde. Il a constaté que, si cette orientation n'avait jamais été absente de notre diplomatie, le fait de la considérer comme une priorité en changeait la nature et la dimension.

Il a souhaité des éclaircissements sur les conséquences que cette priorité devait avoir en termes de méthode, d'organisation, notamment au niveau de l'administration du ministère des affaires étrangères, et sur les directives données à nos postes diplomatiques. Il a enfin interrogé la secrétaire d'État sur l'action que pourrait avoir la diplomatie parlementaire dans ce domaine en s'appuyant en particulier sur l'exemple de la Birmanie. Il a souligné le souhait de la commission d'accompagner une délégation ministérielle dans ce pays pour contribuer à l'évolution démocratique.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État aux affaires étrangères et aux droits de l'Homme, a souligné le rôle important que pouvait jouer le Parlement, et notamment le Sénat, en matière diplomatique par l'intermédiaire des groupes d'amitié, de l'envoi de délégations à l'étranger, comme cela est envisagé en ce moment en Birmanie, de l'action des commissions ou de la coopération technique parlementaire. Les parlementaires étant les représentants du peuple français, elle a estimé qu'ils étaient bien placés pour parler au nom de la France et quelquefois même jouer le rôle de « facilitateurs ». Elle a expliqué que c'est pour cette raison qu'elle souhaitait être accompagnée de parlementaires lors de ses déplacements.

Elle a relevé le caractère original de son secrétariat d'État qui cumule pour la première fois les deux domaines relatifs aux affaires étrangères et aux droits de l'homme. La contradiction qui pourrait apparaître entre ces deux objectifs n'est qu'apparente et il n'y a pas lieu d'opposer les valeurs et les intérêts mais au contraire de rechercher un équilibre. La France est ainsi une puissance, ce qui suppose la défense des intérêts nationaux, mais aussi la patrie des droits de l'homme. Pour autant, les droits de l'Homme ne peuvent à eux seuls fonder une politique extérieure. La France doit également protéger sa souveraineté, assurer sa sécurité et défendre ses intérêts économiques. La naïveté pas plus que le cynisme ne doivent guider l'action diplomatique. À cet égard, l'exemple de l'action menée par le Président de la République en faveur de la libération des infirmières bulgares et du médecin bulgare d'origine palestinienne n'est nullement incompatible avec l'intensification de relations commerciales avec la Libye. On ne doit pas confondre la défense de droits de l'Homme et le « droitdelhommisme ».

Mme Rama Yade a ensuite indiqué les priorités de son action. En matière d'affaires étrangères, elles concerneront l'humanitaire et l'adoption internationale, en plus de l'activité diplomatique traditionnelle de représentation de notre pays dans les institutions internationales. En matière de droits de l'Homme, son action s'articulera autour de trois axes : les femmes et les enfants, la liberté d'expression et, en particulier, la liberté de la presse et la justice pénale internationale.

Elle a souligné que la France, patrie des droits de l'Homme, avait un devoir vis-à-vis de l'histoire. Elle devait savoir défendre ses intérêts tout en parlant de droits de l'Homme.

Citant l'exemple de la Chine, elle s'est affirmée convaincue que la tenue des Jeux olympiques à Pékin constitue une opportunité pour obtenir de ce pays de réelles améliorations en matière des droits de l'Homme, comme la ratification du pacte sur les droits civils et politiques, la libération des prisonniers politiques, la diminution du recours à la peine de mort, la liberté de la presse, etc.

Elle a ensuite décrit la méthode de son action qui doit évoluer, selon les cas, entre la discrétion et la médiatisation.

Expliquant que la discrétion était quelquefois un préalable nécessaire à la conduite des négociations tout en évitant d'humilier des peuples, elle a indiqué que cela n'excluait pas la fermeté ni, dans un second temps, la prise à témoin de l'opinion lorsque les dites négociations n'aboutissent pas.

Mme Rama Yade a jugé que la méthode devait également allier fermeté dans l'affirmation des principes et pragmatisme dans l'action. La fermeté suppose de ne pas céder sur nos valeurs face au relativisme culturel qui met en avant les traditions d'un pays notamment en ce qui concerne les femmes, plutôt que l'universalité des droits humains.

Elle a enfin souhaité que des contacts permanents soient établis avec les défenseurs des droits de l'Homme dans le monde, en particulier au niveau de nos ambassades, pour qu'elles deviennent des « maisons des droits de l'Homme » et les avant-postes de leur défense. Répondant à la question de M. Robert del Picchia, elle a indiqué que le ministère des Affaires étrangères avait, à cet égard mis au point un système de directives à l'intention de nos postes diplomatiques afin de les guider dans leurs démarches de promotion des droits de l'Homme. Des circulaires sur les directives de l'Union européenne, dont certaines ont été initiées par la France, sont diffusées. Une instruction a été envoyée à notre réseau diplomatique demandant de porter une attention particulière à la question des droits de l'Homme de manière générale et notamment dans la programmation des actions de coopération. En outre, lors de la conférence des ambassadeurs, la secrétaire d'Etat a demandé que les ambassades soient des « maisons de droits de l'Homme ».

Dans ce contexte elle s'est affirmée convaincu que le Parlement a un rôle primordial à jouer, et en particulier le Sénat, défenseur par tradition des libertés publiques, mais également les collectivités territoriales, par le biais de la coopération décentralisée.

En conclusion, elle a souhaité redonner une nouvelle force au message de la France auprès de nos partenaires européens. Pour cela en 2008, deux événements permettront de faire le point sur la situation des droits de l'Homme dans le monde : le 60e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'Homme et la présidence française de l'Union européenne.

M. Robert Hue est intervenu pour souligner que le discours du Président de la République à Dakar avait eu des répercussions négatives en Afrique en donnant l'image d'une France, donneuse de leçons. Il s'est également interrogé sur l'évolution des négociations qui pourraient permettre une libération de Mme Ingrid Bétancourt détenue par les FARC.

Mme Rama Yade a indiqué qu'elle ne croyait pas que la France était arrogante, mais qu'elle voulait simplement être à la hauteur de son histoire. S'agissant du discours de Dakar, elle a regretté que la mise en exergue d'un extrait surmédiatisé ait occulté la force et le caractère inédit du message présidentiel. Le Président de la République a souligné l'universalité de l'homme africain, la condamnation de l'esclavage comme crime contre l'humanité, l'affirmation du rôle particulier de la jeunesse africaine dans le renouvellement des valeurs universelles.

S'agissant de la libération de Mme Ingrid Bétancourt, elle a relevé l'engagement fort de la diplomatie française, qui notamment par le biais d'un rapprochement avec les autorités vénézuéliennes, multiplie les efforts pour obtenir une preuve qu'Ingrid Bétancourt est toujours en vie.

M. Jean-Pierre Raffarin s'est appuyé sur les exemples de la Birmanie, avec l'éventualité de l'envoi d'une délégation parlementaire pluraliste, et de la Chine pour souhaiter que la commission ait un échange spécifique sur la stratégie qu'il conviendrait d'adopter vis-à-vis de ces pays.

En réponse, Mme Rama Yade a affirmé à nouveau que l'envoi d'une délégation parlementaire en Birmanie est souhaitable. Elle a par ailleurs relevé l'efficacité de la procédure des « caucus » au sein du congrès américain qui permettent à un petit groupe de parlementaires de se saisir d'une question internationale et de la suivre jusqu'à son terme. S'agissant de la Chine, elle a indiqué que la période des Jeux olympiques était particulièrement propice à une accélération du dialogue. Elle en veut pour preuve l'inflexion de la position chinoise vis-à-vis de la Birmanie. La Chine ne s'est en effet pas opposée à l'adoption de la déclaration récente du Conseil de sécurité et a joué un rôle important pour faciliter la venue en Birmanie de l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies.

M. Charles Pasqua est alors intervenu pour faire remarquer qu'il fallait, avant de discuter d'une stratégie, faire un important travail de documentation.

Mme Maryse Bergé-Lavigne s'est appuyée sur les développements récents de la politique d'immigration française et sur la question de l'accès des plus démunis à la santé pour constater un certain ternissement de l'image de la France en Afrique. Elle a également souligné qu'en matière de liberté de la presse le classement 2007 de Reporters sans frontières plaçait la France au 31e rang.

Mme Rama Yade a rappelé que l'originalité de son secrétariat d'État était de rapprocher les affaires étrangères et les droits de l'Homme. Son domaine d'action concerne bien les droits de l'Homme à l'étranger, même si la question des droits de l'Homme en France est importante pour crédibiliser notre message universel dans le monde. Elle peut avoir un rôle d'alerte mais ne dispose pas des moyens et des services pour intervenir sur ces questions dans notre pays.

M. Yves Pozzo di Borgo est intervenu pour souligner les dangers d'une médiatisation hâtive ou excessive en matière de droits de l'Homme. Il a appuyé la suggestion que la commission se penche sur une certaine évaluation des stratégies en matière de droits de l'Homme.

S'appuyant sur l'exemple du Darfour, pour lequel un bon nombre de personnalités médiatiques mondiales se sont mobilisées, Mme Rama Yade a indiqué que cette hyper médiatisation ne devait pas occulter d'autres crises comme la situation des réfugiés ou des personnes déplacées au Tchad et en Centrafrique. Il en va de même pour la Birmanie qui connaît aujourd'hui un certain regain d'intérêt alors que la mobilisation aurait dû être organisée depuis que la junte birmane s'est installée dans ce pays.

Ces exemples montrent la nécessité de définir une doctrine qui puisse sous-tendre notre politique étrangère en matière des droits de l'Homme. Un colloque sera prochainement organisé par son secrétariat d'Etat pour faire le point sur la question.

M. Charles Pasqua est intervenu pour souligner que la notion des droits de l'Homme n'avait pas la même signification partout dans le monde. Il a rappelé que la France, patrie des droits de l'Homme, a derrière elle une histoire de plus de deux siècles en la matière. Il convient, sur ce sujet, de ne pas tomber dans l'intégrisme. L'un des premiers droits de l'Homme est le droit à la nourriture comme le font remarquer un certain nombre de dirigeants des pays en développement. Il a suggéré que le colloque organisé par Mme Yade ne se cantonne pas à une dimension franco-française.

Mme Rama Yade a rappelé la valeur universelle des droits de l'Homme. La promotion de cette idée d'universalité doit naturellement se faire avec méthode et respect.

M. Philippe Nogrix a relevé que la France devait commencer par être exemplaire et a regretté l'absence de condamnation de la disposition du projet de loi relatif à l'immigration refusant le droit à être hébergé aux sans-papiers.

Sur ce point, Mme Rama Yade a rappelé que l'exclusion des sans-papiers de l'hébergement d'urgence était une proposition d'origine parlementaire sur laquelle elle avait déjà donné son opinion. Elle a ajouté que le président de la République était rapidement intervenu pour que cette disposition soit retirée du projet de loi.

Projet de loi de finances pour 2008 - Défense - Audition de M. François Lureau, délégué général pour l'armement

Puis la commission a procédé à l'audition de M. François Lureau, délégué général pour l'armement, sur le projet de loi de finances pour 2008 (mission « Défense »).

M. François Lureau a rappelé qu'il co-pilotait le programme 146 « Equipement des forces » conjointement avec le chef d'état-major des armées, et qu'il intervenait sur plusieurs actions, relatives notamment à la recherche, au sein du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ».

Evoquant le déroulement du programme « Equipement des forces » au cours de l'année 2007, il a précisé que l'objectif d'engagement initial de 10,1 milliards d'euros avait été ramené à 7,8 milliards d'euros dans l'attente des décisions à prendre dans le cadre du Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationales puis de la prochaine loi de programmation. L'objectif de paiement s'établissait pour sa part à 10,9 milliards d'euros mais l'incertitude sur la norme de paiement pourrait amener à ne pas tout dépenser, et le report de charges en fin d'année pourrait atteindre 1,5 milliard d'euros, soit l'équivalent des reports de crédits. Comme l'année précédente, la Délégation générale pour l'armement (DGA) veillera tout particulièrement à traiter en priorité les factures présentées par les PME-PMI, qui sont les plus sensibles aux délais de paiement.

Puis M. François Lureau a passé en revue les indicateurs de performances du programme 146 : s'agissant de la maîtrise des délais par les industriels, il a rappelé que l'objectif était de limiter leur évolution annuelle au-dessous de 2,5 mois. En matière de maîtrise des coûts, la dérive est, pour la deuxième année consécutive, inférieure à 0,2 %, ce qui constitue un résultat très satisfaisant. Enfin, le niveau des intérêts moratoires s'élevait, à la fin du mois de septembre 2007, à 0,23 % des dépenses, soit 15 millions d'euros (18 millions fin 2007), ce chiffre découlant d'un fort report de charges qui a pesé sur le début de l'année 2007.

Evoquant ensuite les perspectives pour 2008, le délégué général pour l'armement a indiqué que les ressources prévues en autorisations d'engagement s'élèveraient à 11,7 milliards d'euros, dont 8,9 milliards d'euros inscrits en loi de finances initiale et 2,9 milliards d'euros de reports escomptés. Ces ressources permettront de passer les commandes principales prévues pour 2008 : deuxième porte-avions, 8 Rafale, dont 6 pour l'armée de l'air et 2 pour la marine, 116 VBCI (véhicule blindé de combat de l'infanterie), et 22 hélicoptères NH 90, qui seront répartis entre 2007 et 2008. Les ressources prévues en crédits de paiements, incluant un report escompté de l'ordre de 1,5 milliard d'euros, s'élèveront à 10,9 milliards d'euros.

S'agissant du programme 144, M. François Lureau a rappelé que la délégation générale pour l'armement (DGA) était responsable d'un budget opérationnel représentant 80 % des crédits de ce programme et que plus de 95 % des crédits de ce budget opérationnel de programme étaient destinés aux études-amont et aux subventions au bénéfice des industriels et des opérateurs de l'Etat. Il a rappelé que la France consacrait globalement 3,5 milliards d'euros à la recherche et au développement, ce qui la place à un niveau comparable à celui de la Grande-Bretagne. En ce qui concerne spécifiquement les études-amont, les commandes notifiées à l'industrie sont passées de 447 millions d'euros en 2004, à 645 millions d'euros en 2008, ce qui constitue un effort considérable, d'ailleurs perçu comme tel par les industriels. Les priorités en matière de recherche de défense concernent en particulier le maintien de la crédibilité de la dissuasion, avec le lancement de la deuxième tranche du démonstrateur de la partie haute du missile balistique M 51, la protection des forces et la maîtrise de l'information, notamment en matière d'écoute spatiale. L'efficacité de ces programmes de recherche est mesurée par le taux de progression des capacités technologiques de la France, taux qui est calculé par des experts indépendants. Ce taux est ainsi passé de 47 % en 2006 à 52 % en 2007, et devrait atteindre 56 % en 2008 et 64 % en 2009.

Abordant la poursuite de la modernisation des équipements, il a estimé que l'accroissement des besoins financiers s'explique par l'entrée en fabrication de matériels comme prévu, la loi de programmation militaire actuelle étant marquée par le développement de matériels nouveaux. Il a rappelé que la loi de programmation militaire 2003-2008 avait permis le lancement ou la poursuite de programmes majeurs comme les frégates FREMM (frégates européennes multimissions) et le sous-marin BARRACUDA, l'A 400 M, les systèmes de défense sol-air et le Rafale. La future LPM verra la livraison d'équipements majeurs, comme le VBCI ou le FELIN (fantassin à équipements et liaisons intégrés) et se caractérisera par des renouvellements d'une ampleur inégalée, notamment pour la marine, ce qui engendrera un niveau plus élevé de besoins financiers. Ces financements ne devront pas se faire au détriment de l'effort de recherche, qui doit être maintenu et, si possible, accru à hauteur de 1 milliard d'euros. Dans ce domaine, une réflexion sur l'opportunité de coopération avec les pays européens doit être approfondie. L'objectif est d'affecter 25 % de l'effort de recherche à des programmes en coopération. La coopération européenne est en effet une dimension à prendre en compte, sans que cela ne constitue un dogme, au moins dans trois domaines : la mutualisation des forces (au niveau opérationnel et en matière de soutien), la recherche et l'espace (domaine dans lequel il existe déjà une culture européenne forte). La réflexion sur l'opportunité de la coopération doit être menée lors de la phase de préparation de ces programmes.

A la suite de cette présentation, M. André Boyer, co-rapporteur du programme 146 « Equipement des forces », a demandé des précisions sur le déroulement du programme d'hélicoptères NH-90, tant dans sa version navale, qui prend du retard en raison de difficultés industrielles, que dans sa version terrestre. Il a notamment souhaité savoir si la commande des 12 premiers appareils pour l'armée de terre pourrait être passée en 2007 et si, compte tenu de la commande de 22 autres hélicoptères prévue en 2008, le programme pourrait bien se poursuivre dans le respect des coûts et des délais de fabrication initiaux, avec une date d'entrée en service maintenue en 2011. Il a également demandé comment s'était déroulée l'arrivée du NH-90 dans l'armée allemande l'an dernier.

M. Philippe Nogrix, co-rapporteur du programme 146 « Equipement des forces », a évoqué les diverses lacunes capacitaires dont souffrait l'armée française, en matière de transport stratégique, d'hélicoptères, de ravitaillement en vol ou encore de reconnaissance du champ de bataille. Il a souhaité savoir si cette situation était imputable à une insuffisante anticipation des besoins dans les différentes programmations des équipements.

M. François Lureau a apporté les précisions suivantes :

- le NH-90 naval connaîtra quatre années de retard par rapport au calendrier initial ; les directeurs nationaux d'armement des pays parties au programme ont très fermement signifié aux trois entreprises concernées - Eurocopter, Agusta et Fokker - que cette mauvaise performance liée à une organisation industrielle inefficace était inacceptable ; des mesures ont été prises pour conduire les industriels à remédier à ces défauts d'organisation qui ne remettent pas en cause l'excellence de l'hélicoptère, unanimement reconnue, comme en témoigne son succès commercial ;

- le NH-90 terrestre allemand a quant à lui subi trois années de retard ; son intégration dans l'armée allemande s'est effectuée de manière très satisfaisante ; s'agissant de la France, la négociation portant sur les 34 premiers appareils, dont il avait été décidé l'an dernier de répartir la commande entre les budgets de 2007 et de 2008, est désormais achevée ; ces commandes s'effectueront dans des conditions satisfaisantes pour une livraison toujours prévue en 2011 ;

- les lacunes capacitaires concernant le transport stratégique et l'aéromobilité (hélicoptères) sont identifiées de longue date et assumées par les utilisateurs, la DGA n'ayant par ailleurs pas de responsabilité dans la programmation militaire. Ces lacunes sont notamment liées au lancement tardif du programme A400M et aux contraintes financières ; en matière de transport stratégique, le contrat opérationnel n'est aujourd'hui tenu qu'à 40 % ; en matière de ravitaillement en vol, il n'y a pas de lacune capacitaire, les ravitailleurs C135, certes très anciens et coûteux en entretien, permettant d'honorer le contrat opérationnel ; il faut également rappeler que le programme de ravitailleurs multi-rôles MRTT n'était pas inscrit dans l'actuelle loi de programmation, ce qui n'a pas empêché d'engager les premières études voici deux ans.

M. Didier Boulaud a demandé si le retard de livraison annoncé pour l'A400M aurait des conséquences financières. Il a souhaité connaître l'appréciation du délégué général pour l'armement sur le reproche fait à certains de nos matériels d'être trop sophistiqués et de s'en trouver handicapés pour l'exportation. Il a également demandé des précisions sur les développements en cours au sein de l'Agence européenne de défense, et notamment sur les programmes européens en matière de recherche. Enfin, il s'est interrogé sur les perspectives d'évolution de l'industrie française de la chimie de la propulsion solide. Deux hypothèses semblent envisagées pour l'avenir de ce domaine dont la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) possède actuellement le savoir-faire : l'une, qui semble privilégiée, viserait à transférer cette activité au groupe Safran, alors que l'autre consisterait à conserver une structure autonome à laquelle seraient associés les grands groupes industriels intéressés.

M. François Lureau a précisé que le retard du programme A400M était essentiellement imputable au développement du moteur et à d'autres équipements. Le contrat, géré par l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) prévoit des pénalités en cas de retards de livraison et ces pénalités seront bien entendu appliquées si ces retards sont avérés.

S'agissant de la sophistication des équipements militaires, M. François Lureau a souligné que la DGA veillait, dès le stade de conception du programme, à ce que les spécifications répondent bien à la juste satisfaction du besoin opérationnel, en résistant à la tentation de nouveaux développements technologiques. Les officiers de cohérence opérationnelle de l'état-major des armées et les architectes de systèmes de forces de la DGA jouent un rôle fondamental pour proposer à l'autorité politique le bon compromis entre le niveau technologique et les nécessités opérationnelles. S'agissant du Rafale en particulier, M. François Lureau a souligné que la marine et l'armée de l'air étaient très satisfaites de ses performances.

A propos de l'Agence européenne de défense, M. François Lureau a fait état de progrès substantiels dans la coopération européenne. Il a évoqué les discussions entre les partenaires des programmes d'observation spatiale Helios, Cosmo-Skymed et Sar-Lupe sur la prochaine génération de satellites, dans le cadre du projet MUSIS, ainsi que le projet franco-allemand sur un futur hélicoptère lourd. Le programme de recherche sur la protection des forces en milieu urbain est quant à lui directement géré par l'Agence. Il s'agit d'un projet dit « de catégorie A », c'est-à-dire ouvert à tous les Etats parties à l'Agence. De fait, 20 des 24 Etats parties participent à ce programme qui mobilise 55 millions d'euros et pour lequel les appels d'offres ont été lancés. Pour 2008, la France a contribué à formuler trois propositions portant sur les technologies amont, la surveillance maritime et les robots de champ de bataille. L'Agence gère également des projets dits « de catégorie B », portés par un groupe de pays. C'est le cas du projet de radio logicielle auquel la France participe avec quatre autres pays. Il est à noter que le Royaume-Uni témoigne d'une évolution positive quant au rôle de l'Agence en matière de recherche.

S'agissant du secteur industriel de la propulsion solide, et donc de l'avenir de la SNPE, M. François Lureau a indiqué qu'aucune solution n'était arrêtée. Estimant que le statut quo n'était pas viable, il a indiqué que la DGA jugerait de l'acceptabilité de la solution industrielle en fonction de sa simplicité, de sa pérennité et de sa compatibilité avec une consolidation européenne du secteur.

M. Yves Pozzo di Borgo s'est interrogé sur la capacité de l'exécutif et du Parlement à bien évaluer les coûts industriels des programmes d'armement. Il a demandé si la DGA disposait de l'expertise nécessaire pour juger de la pertinence des prix demandés par les industriels.

M. François Lureau a répondu que la DGA avait précisément pour mission de veiller à ce que les fonds publics soient investis dans les meilleures conditions possibles. Sa politique de ressources humaines vise à la doter des capacités d'expertise indispensables pour conduire, en liaison avec les utilisateurs, un dialogue ferme avec les industriels au moment de la conception des futurs systèmes, afin d'éviter une sophistication technologique inutile ou des risques technologiques exagérés. La mise en concurrence de plusieurs fournisseurs est également un gage d'efficacité économique : cette mise en concurrence doit désormais se concevoir au niveau européen chaque fois que cela est possible. Il est également judicieux de chercher à utiliser, autant que possible, les technologies et les matériels utilisés dans le secteur civil. L'achat sur étagères peut également être envisagé pour satisfaire le besoin au meilleur coût. Enfin, il convient de rester vigilant sur le coût du soutien des équipements, qui représente une part importante des coûts des programmes.

Désignation d'un rapporteur

La commission a désigné rapporteur M. André Dulait sur les projets de loi suivants :

- le projet de loi n° 41 (2007-2008) autorisant la ratification de l'accord modifiant l'accord de partenariat, signé à Cotonou le 23 juin 2000, entre les membres du groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et la Communauté européenne et ses États membres ;

- le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord interne entre les représentants des Gouvernements des Etats membres, réunis au sein du Conseil, relatif au financement des aides de la Communauté au titre du cadre financier pluriannuel pour la période 2008-2013 conformément à l'accord de partenariat ACP-CE et à l'affectation des aides financières destinées aux pays et territoires d'outre-mer auxquels s'appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité CE (sous réserve de son dépôt sur le bureau du Sénat).