Mercredi 30 janvier 2008

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président.

Bureau de la commission - Communication

M. Josselin de Rohan, président, a tout d'abord informé la commission des orientations arrêtées par son bureau lors de sa réunion du 23 janvier.

S'agissant des conditions de fonctionnement de la commission, le bureau a décidé de demander à M. le président du Sénat d'envisager une étude permettant le regroupement du secrétariat de la commission et des moyens de réunion et de travail qui sont mis à sa disposition, dans l'immeuble du 46, rue de Vaugirard. Ce regroupement est apparu d'autant plus nécessaire qu'il est envisagé que les effectifs d'administrateurs puissent être augmentés de manière significative.

Le président a ensuite fait le point sur les moyens budgétaires dont la commission dispose pour ses déplacements, en soulignant que la vocation même de la commission devait naturellement la conduire à se rendre plus fréquemment à l'étranger.

Le bureau a confirmé le choix d'effectuer deux missions d'information dans les Balkans et en Russie. Toutefois, il a été proposé que la première mission soit scindée en deux parties, chaque délégation comportant trois membres de la commission, qui visiteraient deux pays de la zone pour une durée de cinq jours.

Par ailleurs, la proposition qui avait été faite par le président de la commission, le 16 janvier, d'effectuer des déplacements courts sur les principaux théâtres d'opérations extérieures, où les forces françaises sont engagées dans des interventions de maintien de la paix ou de prévention des conflits, a reçu un accueil très favorable de la part du ministre de la défense et du chef d'état-major des armées. Ces missions seront composées de deux sénateurs représentant la majorité et l'opposition. En coordination avec l'état-major, et en profitant de la relève, des missions pourront être effectuées principalement au Liban, en Afghanistan, en Côte d'ivoire, au Tchad et en Centrafrique. Les missions qui seront effectuées dans les Balkans occidentaux permettront de visiter les troupes françaises stationnées au Kosovo et en Bosnie-Herzégovine.

Le président a ensuite rappelé la mission qu'effectue chaque année une délégation du Sénat à New-York, à l'occasion de l'Assemblée générale de l'ONU. Il a souhaité que cette délégation soit composée, en totalité, par des membres de la commission, à la proportionnelle des groupes.

S'agissant des déplacements de la commission pour visiter un certain nombre d'unités militaires en France, le bureau a décidé d'organiser, en priorité, deux visites : la première, au Mont-Valérien, pour rencontrer l'état-major de l'EUFOR, et, la seconde à Bordeaux, pour voir les installations du laser mégajoule. D'autres déplacements seront également effectuées, en particulier dans les centres d'opérations, ainsi qu'auprès d'acteurs industriels de la défense.

S'agissant des groupes de suivi institués au sein de la commission, le président a souhaité un développement de leurs activités, notamment en matière de suivi de la politique européenne de la France et de la présidence française de l'Union européenne. La commission organisera un certain nombre d'auditions en liaison directe avec les priorités définies par la France pour la présidence de l'Union européenne au second semestre 2008.

Il a rappelé que le groupe de travail sur l'« ONU » se rendrait à Genève, les 25 et 26 février, sur le thème des droits de l'homme, et qu'une audition conjointe avec la délégation à l'Union européenne permettrait d'entendre, le 13 février prochain, M. Alain Leroy, ambassadeur, chargé du processus de l'Union méditerranéenne.

Le groupe de travail sur la gendarmerie devra rendre ses conclusions au mois d'avril prochain. Ce rapport sera une contribution importante du Sénat à la préparation de la loi sur la gendarmerie, qui traitera, en particulier, de la réforme de son statut.

M. Josselin de Rohan, président, a ensuite rappelé la participation active du Sénat au contrôle trimestriel du budget de la défense et, conjointement avec la commission de la défense de l'Assemblée nationale, à la préparation des universités d'été de la défense, qui se tiendront au début du mois de septembre à Saint-Malo.

Il a précisé qu'à ce programme de travail s'ajouteront naturellement l'examen des projets de loi portant ratification de conventions internationales et l'examen de la loi de programmation militaire, actuellement préparée par l'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité, dont la commission sera saisie avant sa remise au Président de la République.

Le président a souhaité qu'une communication soit faite par ceux des membres de la commission qui effectuent des déplacements à l'étranger quand leurs thèmes ou leur objet sont susceptibles d'intéresser l'ensemble de la commission.

Enfin, le bureau a souhaité l'organisation, chaque année, de deux débats de politique étrangère générale, permettant au Sénat et au Gouvernement de discuter des grandes orientations de la politique étrangère française.

A la suite de cette communication, M. André Dulait a jugé opportun de conclure le rapport du groupe de travail sur la gendarmerie avant la remise du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, de manière à prendre en compte ses analyses et ses propositions sur le volet «sécurité nationale».

M. Jean-Pierre Fourcade a souligné l'intérêt, pour la commission, des visites de sites industriels liés à la défense, en particulier en ce qui concerne les missiles.

M. Jacques Blanc a noté l'importance des questions posées par le projet d'Union méditerranéenne pour la future présidence française de l'Union européenne.

Répondant à M. André Boyer, qui l'interrogeait sur le mode de désignation de la délégation du Sénat à l'assemblée parlementaire de l'OTAN, le président de Rohan a indiqué qu'à chaque renouvellement du Sénat la délégation était désignée sur proposition des groupes politiques et qu'elle était composée de sept titulaires et de sept suppléants.

Rapports d'information - Désignation de rapporteurs

Le Président a proposé également que deux rapports d'information soient préparés par la commission au cours du premier semestre de 2008. Le premier, sur proposition de M. Philippe Nogrix, qui en sera le rapporteur, portera sur la question des communications du champ de bataille au satellite. Le second sera consacré au thème de la cyberdéfense. M. Roger Romani a été désigné comme rapporteur.

Nomination d'un rapporteur

La commission a ensuite nommé M. Jean François-Poncet rapporteur sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission).

Traités et conventions - Tunnel routier sous le Mont-Blanc - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jacques Blanc sur le projet de loi n° 84 (2007-2008) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne relative au tunnel routier sous le Mont-Blanc.

M. Jacques Blanc, rapporteur, a indiqué que la convention franco-italienne signée le 24 novembre 2006 constituait l'une des conséquences des réflexions engagées à la suite du dramatique accident survenu dans le tunnel du Mont-Blanc le 24 mars 1999.

Au-delà des importants travaux de mise en sécurité du tunnel réalisés durant les trois années ayant précédé sa réouverture, en mars 2002, les autorités françaises et italiennes ont engagé une révision du cadre juridique et institutionnel régissant l'exploitation de l'ouvrage, afin de mettre fin à un bicéphalisme qui n'avait pas favorisé la meilleure prise en compte des questions de sécurité.

La convention de 1953 avait confié la construction du tunnel à deux sociétés concessionnaires, l'une française et l'autre italienne, mais elle avait également prévu que ces deux sociétés constituent une société unique pour l'exploitation du tunnel après son ouverture. Or cette société unique n'a jamais vu le jour, en raison de difficultés juridiques, un avenant à la convention ayant maintenu, « à titre provisoire », l'exploitation de la concession par deux sociétés distinctes. Il a fallu attendre l'accident de 1999 pour que soit constitué, l'année suivante, entre ces deux sociétés, un groupement européen d'intérêt économique (GEIE) qui assure désormais l'entretien, l'exploitation et la sécurité du tunnel, ainsi que la maîtrise d'ouvrage de tous les travaux d'entretien, de grosses réparations et d'amélioration.

La convention du 24 novembre 2006 établit le nouveau cadre juridique d'exploitation du tunnel et remplace la convention de 1953 ainsi que les différents avenants qui l'avaient complétée.

Elle consacre le principe de l'unicité d'exploitation du tunnel du Mont-Blanc, en confiant à l'exploitant, structure unique dotée de la capacité juridique et constituée par les deux sociétés concessionnaires, la responsabilité de l'exploitation, de l'entretien, du renouvellement et de la modernisation de l'ouvrage.

Elle proroge de 15 ans la durée de la concession, qui prendra fin en 2050 au lieu de 2035, afin de compenser la perte de recettes enregistrée par les sociétés concessionnaires durant les trois années de fermeture du tunnel et le coût des investissements qu'elles ont réalisés pour sa mise en sécurité.

La convention remanie entièrement les dispositions relatives à l'organisation institutionnelle et au contrôle des deux Etats sur la gestion du tunnel. Elle clarifie les compétences de la commission intergouvernementale, dont le rôle général de supervision couvre les investissements, la réglementation et les tarifs des péages. Elle officialise l'existence du comité de sécurité, organe plus technique et spécialisé créé après l'accident de 1999 en vue de suivre de manière permanente les questions de sécurité.

Enfin, la nouvelle convention apporte une novation concernant l'exercice de la police de la circulation dans le tunnel, en permettant à des patrouilles exclusivement nationales, sous certaines conditions, d'interpeller et de verbaliser des contrevenants sur le territoire de l'autre Etat.

En conclusion, le rapporteur a évoqué le rôle majeur joué par le tunnel du Mont-Blanc pour les relations entre la France et le nord de l'Italie. Il a estimé que la nouvelle convention établissait un cadre juridique beaucoup plus adapté pour son exploitation dans les meilleures conditions, notamment en matière de sécurité.

Il a invité la commission à adopter le projet de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Josselin de Rohan, président, a souligné l'ampleur des travaux de sécurité réalisés dans le tunnel du Mont-Blanc préalablement à sa réouverture. Il a estimé que la révision de la convention franco-italienne était, en outre, de nature à améliorer les conditions d'exploitation de l'ouvrage, et donc sa sécurité.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'approbation simplifiée en séance publique.

Union européenne - Traité de Lisbonne - Examen du rapport d'information

Puis la commission a examiné le rapport d'information de M. Jean François-Poncet sur le traité de Lisbonne.

M. Josselin de Rohan, président, a rappelé le calendrier très serré prévu pour l'examen du projet de loi de ratification du traité de Lisbonne. Il a regretté les conditions d'examen de ce traité et, en particulier au Sénat, qui devrait être saisi le jeudi 7 février en fin d'après-midi du projet de loi de ratification pour un examen en séance publique dans la soirée du même jour.

M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que, compte tenu de ces contraintes, la commission avait décidé de procéder en deux étapes, avec l'examen aujourd'hui d'un rapport d'information de M. Jean François-Poncet, rapporteur, sur le traité de Lisbonne et une réunion de la commission le jeudi 7 février, afin de permettre une discussion au sein de la commission sur le projet de loi de ratification.

M. Jean François-Poncet, rapporteur, a ensuite présenté son rapport d'information sur le traité de Lisbonne, qui s'efforce de répondre à trois interrogations. Pourquoi une réforme des institutions européennes était-elle nécessaire ? Quelles sont les principales innovations du traité de Lisbonne ? Quelles sont les éventuelles incertitudes soulevées par sa mise en oeuvre ?

M. Jean François-Poncet, rapporteur, a expliqué que la principale raison de réformer les institutions tenait à l'élargissement de l'Union, de 2004 et de 2007, à douze nouveaux Etats membres.

Cet élargissement a, en effet, entraîné un choc du nombre, puisque des institutions conçues pour six pays ne peuvent pas fonctionner efficacement pour vingt-sept ou trente Etats, a indiqué M. Jean François-Poncet, rapporteur.

Ainsi, la règle de l'unanimité, qui était déjà difficile à appliquer à quinze, devient synonyme de paralysie à vingt-sept.

Le second choc est celui de l'hétérogénéité. Il ne s'agit pas tant ici des disparités économiques ou sociales, qui sont importantes, mais surtout de l'équilibre entre les « grands » pays et les « petits ». En effet, au moment de l'élaboration du traité de Rome, il existait un équilibre au sein de la Communauté économique européenne entre les trois « grands » pays (Allemagne, France Italie) et les trois « petits » (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg).

Cet équilibre se reflétait dans le système de pondération des voix mis en place pour le vote à la majorité qualifiée au Conseil, qui donnait quatre voix aux « grands » pays, deux voix à la Belgique et aux Pays-Bas et une voix au Luxembourg.

Au fil des élargissements successifs, cet équilibre est devenu de plus en plus fragile. En effet, le premier élargissement de 1973 a concerné un « grand » (Royaume-Uni) et deux « petits » (Irlande, Danemark), celui des années 1980 un « grand » (Espagne) et deux « petits » (Portugal, Grèce), et celui des années 1990 trois « petits » (Autriche, Suède, Finlande). Or, la dernière vague d'élargissement de 2004 et 2007 a constitué un véritable bouleversement, puisqu'elle a porté sur un seul « grand » (la Pologne) et onze « petits », dont Chypre et Malte.

Ainsi, dans l'Europe à vingt-sept, les « grands » pays sont au nombre de six, alors que les « petits » sont vingt-et-un. Il en résulte un fort déséquilibre tant en ce qui concerne le vote à la majorité qualifiée, qui ne reflète plus les réalités démographiques et qui avantage les « petits pays » au détriment des pays les plus peuplés, que la composition de la Commission européenne. Ce système remet en cause un des fondements de la vie démocratique représentative a estimé M. Jean François-Poncet, rapporteur.

Reprenant le paradoxe cité par le président de la délégation pour l'Union européenne, M. Hubert Haenel, lors du débat en séance publique préalable au Conseil européen, le 12 décembre 2007, il s'est appuyé sur l'exemple de la Yougoslavie. Si elle était demeurée unie, elle aurait eu un seul commissaire et 37 ou 38 sièges au Parlement européen, alors que les sept Etats issus de l'ex-Yougoslavie pèseront sept fois plus au Conseil européen, à la Commission, au Parlement européen et à la Cour de justice : « La division fait la force ».

Un autre aspect qu'il convient de prendre en compte, a souligné M. Jean François-Poncet, rapporteur, tient au traité de Maastricht, qui a eu une grande importance. Ce traité a été le premier traité européen signé par l'Allemagne réunifiée, qui a accepté de sacrifier le deutschemark pour créer une monnaie unique. En contrepartie, l'Allemagne était très attachée à passer d'une Europe économique à une Europe politique.

Ce passage n'a toutefois été possible que grâce à une entorse à la méthode communautaire. En effet, le traité de Maastricht a introduit une construction fondée sur trois « piliers » avec un « premier pilier » à dominante économique et monétaire, fondé sur la méthode communautaire, et deux piliers à caractère intergouvernemental, le « deuxième pilier » consacré à la politique étrangère et de sécurité commune et le « troisième pilier » relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Le maintien de la règle de l'unanimité pour les matières des deuxième et troisième piliers a constitué un frein important a souligné M. Jean François-Poncet, rapporteur.

L'idée d'un indispensable approfondissement pour accompagner l'élargissement, s'est donc imposée. En l'espace de quelques années, deux traités, celui d'Amsterdam et celui de Nice, ont été élaborés. Mais ces traités, s'ils ont comporté quelques progrès, n'ont pas véritablement réformé les institutions pour faire face au défi du nombre et de l'hétérogénéité a estimé M. Jean François-Poncet, rapporteur.

A la suite de ces deux échecs, les chefs d'Etat et de gouvernement ont décidé, à Laeken, en décembre 2001, de convoquer une convention préalablement à une nouvelle conférence intergouvernementale.

Composée de 105 membres, représentant les gouvernements et les parlements nationaux des Etats membres et des pays candidats, ainsi que les représentants de la Commission européenne et du Parlement européen, et présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing, la Convention a réussi le tour de force d'arriver à un consensus sur un projet prévoyant des réformes institutionnelles considérables.

A cet égard, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a rendu hommage à l'action du Président Valéry Giscard d'Estaing, et au rôle joué par les deux représentants du Sénat, M. Hubert Haenel, membre titulaire, et M. Robert Badinter, membre suppléant.

On peut toutefois regretter, a estimé M. Jean François-Poncet, qu'il ait été décidé d'ajouter à la première partie du traité constitutionnel, qui portait sur les institutions, et à la deuxième partie, qui reprenait le texte de la Charte des droits fondamentaux élaborée par une précédente convention, une troisième partie codifiant les stipulations existantes relatives aux politiques, dont l'inclusion est très largement responsable des rejets français et néerlandais.

En effet, si l'inclusion de la troisième partie répondait à une certaine logique, car elle permettait d'avoir un texte unique, elle présentait toutefois l'inconvénient de donner le sentiment aux citoyens de vouloir « constitutionnaliser » l'orientation libérale, pourtant consubstantielle à la construction européenne.

La crise institutionnelle qui aura duré plus de deux ans a trouvé son issue lors du Conseil européen de juin 2007. Le compromis a consisté à abandonner la voie constitutionnelle pour élaborer un nouveau traité qui tiendrait compte à la fois du souhait des 18 Etats l'ayant ratifié de conserver les principales avancées du traité constitutionnel et les préoccupations de ceux qui l'avaient rejeté ou qui avaient décidé de surseoir à sa ratification.

Le traité de Lisbonne reprend la quasi-totalité des réformes institutionnelles qui étaient prévues par le traité constitutionnel. En revanche, il ne reprend pas le texte de la Charte des droits fondamentaux, à laquelle il fait uniquement référence, lui donnant valeur obligatoire de même nature que le traité, et il ne contient pas la troisième partie. Enfin, par rapport au traité constitutionnel, le traité de Lisbonne accorde des dérogations supplémentaires à certains pays, comme la Pologne et surtout le Royaume-Uni.

La confirmation de la non-participation du Royaume-Uni à la monnaie unique et à Schengen, l'extension de son régime dérogatoire à l'ensemble de l'espace de liberté, de sécurité et de justice ou l'absence de valeur juridique contraignante de la Charte des droits fondamentaux sont autant d'éléments qui témoignent du statut particulier du Royaume-Uni, qui se place ainsi de plus en plus à l'écart de la construction européenne et dont le statut tend à s'éloigner de celui d'un membre de plein droit pour se rapprocher de celui d'un partenaire privilégié a estimé M. Jean François-Poncet, rapporteur.

M. Jean François-Poncet, rapporteur, a ensuite présenté le contenu du traité de Lisbonne. Tout d'abord, le traité de Lisbonne ne vise pas à se substituer aux traités existants, mais se borne à apporter des amendements au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la communauté européenne, rebaptisé traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

De ce fait, le contenu du texte est difficile à appréhender et on peut saluer à cet égard le travail effectué par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale qui en a réalisé une version consolidée des traités. Dans ce contexte, M. Jean François-Poncet, rapporteur, s'est étonné que certains puissent réclamer un référendum sur un texte de cette nature.

La deuxième innovation tient à la suppression de la construction en « piliers ». Cela ne signifie pas cependant que les matières relevant des deuxième et troisième piliers seront soumises à la méthode communautaire. Le traité de Lisbonne maintient en effet des spécificités dans le domaine de la coopération policière et judiciaire pénale et surtout pour la politique étrangère et de sécurité commune. Ainsi, la Commission européenne ne dispose pas d'un monopole d'initiative dans ces domaines, a-t-il rappelé.

Le troisième changement par rapport au traité constitutionnel tient à la suppression des attributs constitutionnels, comme la référence à la notion de « constitution », les symboles (l'hymne, le drapeau, la devise), les termes de « lois européennes » ou encore le titre de « ministre des affaires étrangères de l'Union », qui est remplacé par celui de « Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ». La suppression de ces symboles, qui ne change rien sur le fond, avait été demandée par certains pays, comme le Royaume-Uni, la République tchèque ou la Pologne, qui y voyaient un signe de fédéralisme.

La quatrième nouveauté tient à la répartition des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres, réclamée notamment par l'Allemagne pour éviter le « glissement » progressif des compétences vers le niveau européen. S'inspirant des systèmes fédéraux, le traité établit une classification en trois catégories de compétences : les compétences exclusives, les compétences partagées et les compétences où l'Union ne peut mener que des actions d'appui.

Bien entendu, l'Union européenne n'exerce que des compétences d'attribution, les Etats ayant la compétence de la compétence a rappelé M. Jean François-Poncet, rapporteur.

Au niveau institutionnel, le traité de Lisbonne apporte de profondes modifications. Il prévoit un Président stable du Conseil européen élu pour un mandat de deux ans et demi renouvelable une fois. Il introduit le système de la double majorité au Conseil, selon lequel une décision doit recueillir l'accord d'au moins 55 % des Etats représentant 65 % de la population, dont l'application est toutefois repoussée jusqu'à 2014, voire 2017 à la demande de la Pologne.

S'il maintient la règle d'un commissaire par Etat jusqu'en 2014, il prévoit qu'à partir de cette date le nombre de commissaires sera égal au deux tiers du nombre d'Etats (soit 18 dans une Europe à 27) selon un système de rotation égalitaire. Chaque Etat sera donc représenté dans deux commissions sur trois.

Un Haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité remplace à la fois le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et le commissaire européen chargé des relations extérieures. Il préside le Conseil « affaires étrangères » tout en étant vice-président de droit de la commission où il coordonne les différents aspects de l'action extérieure. Ce Haut représentant disposera d'un service européen pour l'action extérieure qui sera composé de fonctionnaires du Conseil de la Commission européenne et de diplomates nationaux détachés par les Etats membres.

Les pouvoirs du Parlement européen seront très largement renforcés tant en matière législative, avec la généralisation de la procédure de codécision, où il est placé sur un pied d'égalité avec le Conseil, qu'en matière budgétaire avec la suppression de la distinction entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires a indiqué M. Jean François-Poncet, rapporteur.

Les Parlements nationaux se voient également reconnaître de nouvelles prérogatives, en particulier en matière de contrôle du principe de subsidiarité.

Enfin, si le traité de Lisbonne prévoit une présidence stable du Conseil européen, il ne met pas un terme à la présidence tournante qui continuera à s'appliquer pour les formations spécialisées du Conseil des ministres. L'Union européenne disposera donc à l'avenir de plusieurs figures avec notamment le Président du Conseil européen, le Président de la Commission européenne, le chef d'Etat ou de gouvernement de la présidence tournante, ou le Haut représentant a rappelé M. Jean François-Poncet, rapporteur.

Enfin, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a posé les principales interrogations concernant la mise en oeuvre du traité de Lisbonne.

La première interrogation concerne le rôle du président du Conseil européen. Les prérogatives du Président du Conseil européen sont assez encadrées par le traité de Lisbonne a estimé M. Jean François-Poncet, rapporteur. Il reprend en effet les attributions de la présidence en exercice du Conseil européen. Le traité ne prévoit pas la création d'un service spécifique qui sera mis à la disposition du Président du Conseil européen, en se bornant à indiquer que celui-ci est « assisté » par le secrétariat général du Conseil. Il risque donc fort d'être un « général sans armée ».

De manière schématique, deux modèles sont possibles : un président « chairman », dont le rôle se bornerait à celui de « facilitateur » de compromis ou un Président fort, qui incarnerait l'Union aux yeux des citoyens et fixerait les grandes orientations, a estimé M. Jean François-Poncet, rapporteur.

La personnalité du premier titulaire de cette charge sera sans doute décisive pour en préciser les contours, a-t-il estimé.

Après avoir rappelé l'augmentation des pouvoirs et de la légitimité du président élu de la Commission, M. Jean François-Poncet a indiqué que la principale incertitude porte sur le plafonnement de la Commission européenne. Le plafonnement de la Commission, qui a été une constante de la diplomatie française, permet de préserver son caractère collégial et son efficacité. Toutefois, le système retenu par le traité de Lisbonne à partir de 2014 risque de ne pas être tenable, a estimé le rapporteur, car il est problématique à la fois pour les « petits » pays et pour les « grands ». Il est contesté par les « petits » pays qui voudraient être représentés au sein du collège et il l'est également par les « grands » car le système de la rotation égalitaire aboutit à les placer sur le même plan que les « petits », alors qu'ils représentent 74 % de la population. Comment sera reçue en Allemagne, par exemple, une décision importante en matière de concurrence touchant à l'industrie allemande qui serait prise par une Commission ne comportant aucun commissaire allemand s'est demandé M. Jean François-Poncet, rapporteur. De même, comment serait perçue en France une décision de la Commission de lancer une procédure de recours en manquement à l'encontre de notre pays si aucun Français n'est membre du collège ?

A cet égard, il a fait observer que le traité de Lisbonne permet au Conseil européen à l'unanimité de modifier le nombre de commissaires européens sans passer par une révision des traités. En rester au système d'un commissaire par Etat membre après 2014 constituerait toutefois un recul, a estimé le rapporteur.

On pourrait aussi imaginer de s'inspirer du système existant au Conseil de sécurité des Nations unies ou de celui des avocats généraux auprès de la Cour de justice, avec six commissaires permanents désignés par les six « grands » pays et douze commissaires désignés par rotation par les « petits », mais il est peu probable que les « petits » pays acceptent un tel système. Dès lors, pourquoi ne pas envisager, s'est interrogé M. Jean François-Poncet, rapporteur, de confier à terme au Président de la Commission européenne le soin de fixer lui-même le nombre de commissaires et la composition du collège, en tenant compte de l'éventail démographique et géographique de l'Union européenne, sous le contrôle du Parlement européen chargé de l'investir ?

Enfin, la dernière interrogation concerne le positionnement du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité remplace le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et le Commissaire européen chargé des relations extérieures.

La fusion de ces deux postes vise à renforcer la cohérence de l'action extérieure en permettant au Haut représentant de mobiliser les moyens considérables dont dispose la Commission européenne, première puissance commerciale et premier fournisseur d'aide publique au développement au service de la politique étrangère et de sécurité commune.

En plus de conduire la politique étrangère de l'Union, le Haut représentant présidera le Conseil « Affaires étrangères », une fonction qui revenait jusqu'ici au ministre des Affaires étrangères du pays exerçant la présidence tournante. Il sera, de plus, vice-président de droit de la Commission européenne, où il prend le contrôle des « responsabilités qui incombent à cette dernière dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l'action extérieure de l'Union », a rappelé M. Jean François-Poncet, rapporteur. Ce rôle de coordination sera particulièrement délicat à mettre en place puisqu'il n'existe pas de hiérarchie entre les commissaires et que le poste de vice-président est purement honorifique.

L'étendue de ses prérogatives reste toutefois incertaine en particulier pour des domaines comme la politique commerciale, l'élargissement ou encore l'aide au développement, qui relèvent du portefeuille d'autres commissaires.

Compte tenu du maintien de la règle d'un commissaire par Etat membre jusqu'en 2014, il est probable que le Haut représentant ne reprendra pas l'ensemble de ces attributions, afin de conserver des portefeuilles pour les autres commissaires, a estimé M. Jean François-Poncet, rapporteur.

Ce sera sans doute le cas de la politique commerciale, mais c'est plus incertain en ce qui concerne l'élargissement, la politique de voisinage ou l'aide au développement.

Paradoxalement, le fait de lui accorder des prérogatives dans ces domaines pourrait faire pencher la balance du côté de la Commission européenne, au détriment du Conseil, étant donné qu'il s'agit de matières « communautaires ».

En définitive, la « double casquette »  du Haut représentant rend son statut complexe puisqu'il sera responsable à la fois devant le Conseil européen et le Président de la Commission européenne.

A cela s'ajoute le fait que, en tant que membre du collège de la Commission, le Haut représentant sera soumis à un vote d'approbation du Parlement européen et responsable devant lui (dans le cadre du collège).

Cela devrait renforcer l'influence du Parlement européen, qui aura également à sa disposition l'arme du budget a estimé M. Jean François-Poncet, rapporteur.

Le Haut représentant et le service européen pour l'action extérieure représentent des avancées pour la politique étrangère. Pour autant, cette politique reste du domaine intergouvernemental et se caractérise par le maintien de l'unanimité. Chaque Etat conservera sa propre diplomatie, mais le traité de Lisbonne permettra de renforcer la cohérence de l'action extérieure de l'Union.

En conclusion, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a considéré que le traité de Lisbonne représentait un grand pas en avant. Ce traité contient un certain nombre d'incertitudes qui sont autant de potentialités qu'il appartiendra aux institutions et aux Etats membres de faire vivre. A cet égard, la France, qui exercera la présidence de l'Union européenne au deuxième semestre de l'année 2008, aura un rôle important à jouer pour préparer la mise en place des innovations du traité de Lisbonne.

A l'issue de cette présentation, un débat s'est engagé au sein de la commission.

M. Louis Mermaz s'étant interrogé sur les conséquences d'un éventuel référendum négatif en Irlande, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a rappelé que l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne était subordonnée à sa ratification par les vingt-sept Etats membres. Si juridiquement les conséquences d'un rejet du traité sont identiques quel que soit l'Etat concerné, politiquement l'impact n'est pas le même, a toutefois indiqué M. Jean François-Poncet, rapporteur, en citant les précédents danois du traité de Maastricht et irlandais du traité de Nice.

Un rejet de ce traité par l'Irlande serait d'autant plus paradoxal, a-t-il indiqué, que ce pays a beaucoup bénéficié de son entrée dans la communauté, notamment en termes de financements communautaires.

Mme Josette Durrieu s'est déclarée préoccupée par les conséquences des innovations du traité de Lisbonne sur le fonctionnement institutionnel de l'Union, à la lumière des interrogations soulevées par le rapporteur, qui l'incitent plutôt à se montrer réservée au sujet de sa ratification. Elle a considéré, en effet, que le traité de Lisbonne se traduira par un net renforcement des pouvoirs de la Commission européenne et du Parlement européen et qu'il fera naître une confusion au plus haut niveau entre le Président du Conseil européen, le Président de la Commission européenne et le Haut représentant. A cet égard, elle s'est déclarée opposée à l'idée de donner de nouveaux pouvoirs au Président de la Commission européenne, comme celui de désigner lui-même les membres du collège. Elle s'est donc interrogée sur le fait de savoir si ce traité permettra réellement l'émergence d'une véritable Europe politique et de renforcer le rôle de l'Union européenne sur la scène internationale.

En réponse, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué que les incertitudes concernant sa mise en oeuvre n'enlevaient rien aux avancées très importantes et positives du traité de Lisbonne, rendant les institutions européennes plus légitimes et plus efficaces dans une Europe à vingt-sept ou trente Etats membres.

Il a fait remarquer que les pouvoirs de la Commission n'étaient pas modifiés. Seuls l'ont été ceux du Président et du Haut représentant.

Il a aussi fait valoir que l'idée de confier au Président de la Commission européenne le soin de fixer lui-même le nombre et la composition du collège s'inscrivait dans la continuité des précédentes réformes qui ont renforcé le rôle du Président de la Commission européenne et son autorité sur les autres membres du collège, notamment en lui accordant le pouvoir de repartir lui-même les portefeuilles des commissaires ou de demander la démission d'un commissaire.

M. Jean François-Poncet, rapporteur, a également indiqué que la coexistence du Président du Conseil européen et du Président de la Commission n'était pas source de confusion, dans la mesure où leurs pouvoirs étaient bien délimités même si on ne peut exclure à terme que la question de l'éventuelle fusion du poste de Président du Conseil européen et de Président de la Commission européenne, telle qu'elle avait été évoquée notamment par le Président de la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale, M. Pierre Lequiller, puisse se poser.

Enfin, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a considéré que les évolutions de la situation internationale favoriseraient l'évolution de l'Europe dans son ensemble, en citant l'exemple de la monnaie unique et de l'euro, qui s'est largement construite en réponse à la politique monétaire américaine.

M. Jacques Blanc s'est félicité des avancées contenues dans le traité de Lisbonne. Il a rappelé que ce traité reconnaissait notamment la cohésion territoriale parmi les objectifs de l'Union, qu'il renforçait les prérogatives des Parlements nationaux, du comité des régions et qu'il facilitait le recours au mécanisme des « coopérations renforcées ». Il a également souligné la réussite de l'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale, libérés du joug soviétique, qui a permis la réunification du continent.

En réponse, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a déclaré que l'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale s'il était nécessaire et inévitable, n'était pas le sujet du traité de Lisbonne.

Au sujet des « coopérations renforcées », M. Jean François-Poncet, rapporteur, a rappelé que ce mécanisme, introduit par le traité d'Amsterdam, n'avait jamais été utilisé jusqu'à présent en raison des fortes contraintes qui l'encadrent. Les seules coopérations à plusieurs ont été mises en place par les traités eux-mêmes, comme la monnaie unique ou Schengen.

Si le traité de Lisbonne assouplit le recours à ce mécanisme, notamment en matière de coopération policière et judiciaire pénale ou en matière de défense, avec la « coopération structurée permanente », dans les autres domaines les conditions restent assez contraignantes, puisqu'elles sont soumises à l'accord de la Commission et du Parlement européens, qui disposent d'un droit de veto et qui participent, avec tous leurs membres, à leur mise en oeuvre.

En réponse à M. Jean-Pierre Plancade, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué que son rapport se ferait l'écho des avancées du traité de Lisbonne.

La commission a autorisé la publication sous forme de rapport d'information de la présentation de M. Jean François-Poncet.