Mardi 5 février 2008

- Présidence de M. François Trucy, secrétaire, puis de M. Jean Arthuis, président.

Cour des comptes - Systèmes d'information du ministère des affaires étrangères - Audition de suivi d'un référé

La commission a procédé à une audition de MM. Alain Pichon, président de la 4e chambre de la Cour des comptes, Jean-Loup Kuhn-Delforge, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères, Nicolas Warnery, directeur des systèmes d'information du ministère des affaires étrangères, Francis Etienne, directeur de l'immigration du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, ancien directeur des systèmes d'information du ministère des affaires étrangères, et Alain Catta, directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France du ministère des affaires étrangères, sur le suivi d'un référé de la Cour des comptes relatif aux systèmes d'information du ministère des affaires étrangères.

M. François Trucy, président, a indiqué que la commission, dans le cadre de sa volonté de faire du contrôle la « seconde nature » du Sénat et donc d'en diversifier les modes d'exercice par les rapporteurs spéciaux, avait souhaité procéder à une audition sur un référé qui avait reçu une réponse du secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères le 14 février 2007.

Cette audition, suggérée par M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », était, eu égard à son objet même, ouverte aux membres de la commission des affaires étrangères.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé qu'il avait rendu public, en 2004, au nom de la commission, un rapport sur la question des systèmes d'information. Il y invitait l'Etat à investir « plus et mieux » dans son informatique et notait la faiblesse de l'investissement informatique de certains ministères (1,2 % de ses crédits dans le cas du Quai d'Orsay), tout en relevant, dans une logique de comptabilité analytique, la connaissance limitée qu'avaient les administrations des coûts réels de leurs systèmes d'information. Le référé semblait indiquer que le ministère adoptait encore « une approche restrictive des potentialités de l'outil informatique » et n'investissait pas suffisamment dans ce domaine. En matière d'équipement, le référé précisait que « le ministère a choisi de fixer à trois ans la durée de l'amortissement des matériels informatiques, mais il n'a pas atteint cet objectif, puisqu'en réalité le rythme de renouvellement actuel est quadriennal ».

Dans le même temps, il a relevé le paradoxe d'une sous-consommation en exécution des crédits informatiques par le ministère. Il a souhaité que la commission dispose, chiffres à l'appui, et le cas échéant au moyen de comparaisons internationales, de précisions sur le sujet crucial du volume de l'investissement informatique. Il s'est interrogé sur le niveau de retour sur investissement, remarquant que les termes du référé, selon lesquels la « dynamique de changement est insuffisante » au ministère, semblaient induire l'idée d'une efficience encore trop limitée de la politique informatique du Quai d'Orsay.

Il s'est ensuite interrogé sur la cohérence dans la gestion interministérielle des crédits informatiques, l'efficacité de l'informatisation des administrations étant souvent mise à mal par un éclatement dans le pilotage et la gestion des projets. Aucun ministère n'est propriétaire de ses crédits, et l'intérêt général doit guider l'action de l'ensemble des gestionnaires publics : il faut donc connaître les raisons pour lesquelles le ministère préférait conserver une gestion autonome de ses crédits informatiques relatifs aux visas, plutôt que de laisser piloter, par le nouveau ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, l'ensemble des systèmes d'information consacrés aux ressortissants étrangers. Il a souligné que ce ministère de l'immigration s'était vu transférer les crédits informatiques des autres ministères - intérieur pour les cartes de séjour, et justice, pour les naturalisations - sauf ceux du Quai d'Orsay.

Enfin, il a souhaité obtenir des précisions sur les termes du référé selon lesquels « les manquements aux règles fixées par le code des marchés publics sont trop souvent notoires au ministère des affaires étrangères », notant qu'il y avait là un sujet de préoccupation pour la commission.

M. Alain Pichon, président de la 4e chambre de la Cour des comptes, a observé que le contrôle de la Cour des comptes reposait sur des faits établis au cours de l'année 2005, et que les choses avaient pu évoluer depuis, la Cour n'ayant pas, depuis la transmission du référé, procédé à des investigations supplémentaires. La 4e chambre a réalisé des travaux de même nature en ce qui concerne le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice, à l'occasion desquels certaines défaillances avaient pu être constatées.

S'agissant du ministère des affaires étrangères, le référé reproche un défaut de vision globale et une absence de connaissance des besoins des utilisateurs, notant par ailleurs que le Quai d'Orsay a renoncé à un schéma directeur pour opter en faveur d'une trajectoire d'évolution du système d'information triennale sans aucune présentation de la stratégie du ministère en matière de systèmes d'information et de communication à moyen terme.

Il a souligné la lenteur et le manque de convivialité de la messagerie électronique. Avec l'aide d'un service spécialisé du secrétariat général de la défense nationale (SGDN), la Cour des comptes a cherché à mesurer la fiabilité des systèmes d'information et observé que les risques liés au risque d'inondation des équipements informatiques du Quai d'Orsay seraient résolus par le déménagement des services concernés dans les nouveaux locaux de la rue de la Convention, et que la sensibilisation des agents aux questions de sécurité s'était améliorée.

S'agissant des moyens, il a considéré que l'effort financier réalisé par le ministère restait encore limité par rapport à celui consenti dans d'autres pays étrangers, évoquant par ailleurs la question du recours croissant aux agents contractuels. Enfin, il a noté avoir relevé, au cours du contrôle, certains cas de mise en concurrence insuffisante dans la passation des marchés publics et de laxisme comptable.

M. Jean-Loup Kuhn-Delforge, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères, a jugé la critique de la Cour des comptes quant à une « absence de stratégie » sévère, et même « injuste ». Il a ainsi cité la mise en oeuvre des recommandations de l'audit réalisé par l'inspection générale des affaires étrangères, appuyée par la société Cap Gemini, qui avait débouché sur un schéma directeur, puis sur un plan d'action. Il a également souligné l'introduction d'une nouvelle organisation, avec la création d'une direction des systèmes d'information, dont 70 % de l'activité étaient externalisés à des prestataires privés.

Il a jugé que le Quai d'Orsay avait enregistré des progrès importants, citant la diminution des coûts de maintenance et la reconnaissance par la communauté informatique de sa filière du logiciel libre.

En ce qui concerne la critique de la Cour des comptes, quant à une « médiocre attention » réservée aux utilisateurs, cette observation lui paraissait désormais relever du passé, avec la création de la nouvelle direction des systèmes d'information orientée vers les directions et les « responsables de programmes LOLF » du ministère qui, désormais, définissaient eux-mêmes leurs besoins informatiques. Il a précisé que des enquêtes de satisfaction des agents étaient menées chaque trimestre depuis août 2006, 5.000 utilisateurs étant à chaque fois tirés au sort pour se prononcer sur la qualité des services rendus. Il a souligné que l'indice de satisfaction moyen approchait sept sur dix. S'agissant des insuffisances relevées au sujet de l'application informatique développée pour la comptabilité des postes à l'étranger (COREGE), il a reconnu des difficultés de départ, prises en compte par un dispositif spécial « SOS Compta » afin d'aider les utilisateurs à passer le cap des premiers temps d'utilisation. Il a fait valoir que les qualités de COREGE lui avaient valu d'être retenue comme « tête de pont » à l'étranger de la future application informatique comptable Chorus.

S'agissant de la sécurité, M. Jean-Loup Kuhn-Delforge a observé qu'il s'agissait d'un sujet essentiel qui mobilisait tous les efforts de son ministère. De manière générale, le Quai d'Orsay travaille en liaison étroite avec le SGDN qui se livre régulièrement à des tests sur la fiabilité de ses systèmes informatiques. Ainsi l'architecture de la future application « Schuman » de télégrammes diplomatiques présente des avancées majeures du point de vue de la sécurité.

S'agissant des moyens, il a reconnu être dans une situation inconfortable, s'agissant du recours à des agents contractuels : le marché est très concurrentiel, et son ministère ne peut proposer que des rémunérations inférieures à celles du marché. S'agissant des autorisations d'engagement, elles sont passées de 37 millions d'euros en 2005 à 137 millions d'euros en 2007. Les crédits de paiement avaient également progressé, passant de 37 millions d'euros en 2005 à 59 millions d'euros en 2007. La loi de finances initiale pour 2008 maintenait un niveau élevé de crédits en faveur de l'informatique, avec 42 millions d'euros en autorisations d'engagement et 54 millions d'euros en crédits de paiement. La part relative de l'informatique dans le budget de fonctionnement du ministère avait également connu une forte augmentation.

L'effort ainsi accompli s'accompagne d'une bonne exécution budgétaire, avec des taux très convenables de consommation des crédits informatiques (94,9 % en 2006). Néanmoins, la moins bonne consommation de l'année 2007 s'expliquait par un taux de rotation des agents exceptionnellement élevé, et des retards de passation de marchés liés.

Concernant la passation des marchés informatiques, le nombre de contentieux affectant les marchés de son ministère reste marginal : sur environ 280 marchés annuels, on enregistre seulement 2 procédures contentieuses par an. Les conclusions du référé, selon lesquelles « les manquements aux règles du code des marchés publics sont très souvent notoires au ministère des affaires étrangères », ne paraissent pas correspondre à la réalité actuelle. Il a rappelé, en outre, qu'il n'y avait guère plus de deux ou trois entreprises capables de répondre aux appels d'offres pour les marchés les plus importants.

Il a déclaré adhérer à l'objectif visant à unifier et intégrer les systèmes d'information des préfectures et des consulats, en précisant que le ministère de l'immigration et le ministère des affaires étrangères avaient créé un comité de pilotage commun. Il a néanmoins rappelé que le ministère des affaires étrangères était seul responsable de l'organisation, du fonctionnement et de l'allocation des moyens des consulats.

M. Nicolas Warnery, directeur des systèmes d'information du ministère des affaires étrangères, a précisé par ailleurs que le taux d'amortissement des matériels informatiques était bien de quatre ans, et non pas de trois ans.

M. Francis Etienne, directeur de l'immigration du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, ancien directeur des systèmes d'information du ministère des affaires étrangères, a fait valoir que le Quai d'Orsay disposait d'un meilleur système d'information qu'en 2004, sans avoir la politique informatique dont cette administration avait besoin. En comparaison, le budget informatique du Foreign Office britannique est de 120 à 125 millions d'euros par an. Entre 2004 et 2008 le nombre des projets informatiques a crû de 40 %, mais les effectifs ont diminué de 8 %. En ce qui concerne le suivi des projets, un tableau de bord est consultable en permanence sur le site intranet du ministère par les responsables de programme LOLF.

Concernant la compétence sur l'informatique relative aux visas, il a remarqué que les ministères de l'immigration et des affaires étrangères partageaient le pilotage de la politique des visas. En termes de maîtrise d'oeuvre, la localisation des crédits est indifférente, et reste confiée à la direction des systèmes d'information du Quai d'Orsay. En revanche, la maîtrise d'ouvrage est du ressort du ministère de l'immigration. Il y aurait donc une logique à un transfert de crédits budgétaires vers l'administration responsable de la maîtrise d'ouvrage. Néanmoins, on devra raisonner à l'avenir en termes d'agences interministérielles pour l'informatique, par grand secteur de l'action de l'Etat, afin que celles-ci disposent d'une masse critique plus importante et puissent ainsi recruter davantage de ressources humaines de haut niveau.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », a rappelé que la distinction faite entre maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'oeuvre validait l'amendement, déposé dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, relatif au transfert des crédits informatiques des visas au ministère de l'immigration. Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, la notion de « base budgétaire » n'a plus de raison d'être, puisqu'on raisonne désormais au « premier euro », et non plus dans une logique de « services votés ».

Rappelant que le contrat de modernisation signé entre le ministre du budget et le ministre des affaires étrangères, pour la période 2006-2008, prévoyait la mesure de la performance du système d'information, il a souhaité connaître le tableau de bord du ministère. Il a pris deux exemples : celui du projet « Schuman », relatif à la modernisation de l'application informatique des télégrammes diplomatiques, dont le cahier des charges était visiblement prêt dès 2004, et le projet d'administration électronique des Français de l'étranger, dont il a souhaité connaître le budget prévisionnel et le budget réévalué.

Il a exprimé, par ailleurs, dans le cas des centres des études en France (qui permettent aux étudiants étrangers de procéder à l'ensemble de leurs formalités en ligne dans les universités françaises), le sentiment que la stratégie du ministère des affaires étrangères avait évolué « au fil de l'eau ». Un outil informatique avait d'abord été développé par une société privée, puis, devant les critiques des utilisateurs, le choix avait été fait d'une réalisation pilotée par le ministère des affaires étrangères, avec l'assistance d'un cabinet extérieur. A cette occasion, dans le cahier des charges, ce cabinet Kleegroup avait parlé d'une société « présélectionnée ». La Cour des comptes appelant à juste titre l'attention sur le nécessaire respect des conditions de mise en concurrence et de transparence, il s'est demandé comment cette société avait été retenue. Il a précisé avoir constaté des dysfonctionnements dans la mise en place, en 2007, des nouveaux centres des études en France.

M. Nicolas Warnery a reconnu que le projet « Schuman » avait pris du retard, les marchés publics ayant été renégociés. Il a indiqué que le déploiement de l'application avait débuté en 2007, et devrait être achevé en 2009. S'agissant des centres des études en France, il a également reconnu des dysfonctionnements, en raison de modifications techniques, les utilisateurs ayant eu des difficultés avec le logiciel à l'automne 2007 et au début 2008.

M. Alain Catta, directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France du ministère des affaires étrangères, a évoqué le partage des rôles entre son ministère et le ministère de l'immigration s'agissant des visas, reconnaissant que l'exercice de la compétence partagée n'était pas « simple » au quotidien. Il a plaidé pour un gestionnaire unique en ce qui concernait les crédits des visas, qui devait être le Quai d'Orsay, celui-ci étant responsable du fonctionnement des consulats. Il souhaitait oeuvrer de concert avec le ministère de l'immigration dans la définition des orientations à donner aux crédits informatiques relatifs aux visas. S'agissant du projet « Racine » d'administration électronique des ressortissants français à l'étranger, il a indiqué qu'il avait été lancé en 2005 et introduit progressivement dans les consulats en 2007. Il a remarqué que les difficultés de fonctionnement tenaient au réseau, les liaisons par satellite utilisées dans certains pays étant moins performantes que la fibre optique à laquelle on avait recours dans d'autres postes.

M. Francis Etienne a rappelé, s'agissant des centres des études en France, que les établissements culturels à l'étranger constituaient 600 entités distinctes en termes informatiques, dont les projets n'étaient pas nécessairement coordonnés. Il a précisé que les centres des études en France étaient nés au départ d'une initiative locale, qui avait ensuite été généralisée sur la base des services offerts par une société privée. Il s'est félicité de ce que le ministère des affaires étrangères ait ensuite décidé de développer une application informatique généralisable à l'ensemble du réseau, dont le coût était bien moindre que la solution précédente.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rappelant qu'elle était utilisatrice de l'informatique du Quai d'Orsay, a jugé de manière favorable le service offert, en faisant valoir l'informatisation réussie de l'état civil des Français nés à l'étranger, et l'effort de formation considérable au sein des consulats. S'agissant des difficultés à trouver la bonne adéquation entre les projets informatiques et les utilisateurs, elle a souhaité que les agents de catégorie B, qui étaient les utilisateurs effectifs, soient davantage consultés.

M. André Ferrand, rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration », a jugé, s'agissant des questions de compétences sur les crédits informatiques relatifs aux visas, que celles-ci trouveraient une réponse au fur et à mesure du fonctionnement du comité de pilotage évoqué par plusieurs intervenants. Il s'est inquiété du manque de coordination avec les autres systèmes informatiques des consulats des pays de l'espace Schengen. Il a regretté l'éclatement des systèmes informatiques des différentes administrations françaises à l'étranger, qui reposaient, dans certains cas, sur un manque de confiance fait aux systèmes d'information du Quai d'Orsay. Il a souhaité connaître, en termes de coût et de sécurité, le bilan des procédures de vote électronique pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger.

M. Francis Etienne a indiqué que les visas Schengen représentaient un vaste champ possible de coopération. Il a précisé que la France pouvait assumer au titre de la solidarité communautaire une part prépondérante des visas Schengen dans certains pays, et que ceci devait inciter à la mutualisation des moyens avec les autres Etats européens. S'agissant de la multiplicité des systèmes informatiques dans les postes à l'étranger, il a jugé que le décret de 1979 sur les pouvoirs des ambassadeurs n'avait pas trouvé de traduction en matière informatique.

A titre purement personnel, il a exprimé des réserves sur le vote électronique, hors utilisation dans le cadre professionnel, rappelant son coût, en raison des contraintes de sécurité, le tout pour un impact faible sur la participation électorale.

En réponse à une question de M. Yves Fréville, M. Nicolas Warnery a précisé que son ministère entendait avoir recours au système d'information et de ressources humaines interministériel, sous réserve d'adaptations.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », s'est interrogé quant au retour sur investissement des dépenses informatiques. On sait ainsi que la procédure du télégramme diplomatique est utilisée en masse par les postes, notamment pour la transmission d'informations de type administratif. Dans ce contexte, il a souhaité savoir si la réalisation du projet « Schuman » avait modifié en profondeur les modes de communication interne du Quai d'Orsay, ou au contraire si l'on avait « plaqué » le système informatique sur l'existant, sans le rénover au préalable.

M. Nicolas Warnery a indiqué que le retour sur investissement était difficilement chiffrable, mais que certaines applications informatiques permettaient des économies d'emplois, de l'ordre de plusieurs dizaines d'emplois dans le cas du projet « Schuman ». Le télégramme diplomatique, parce qu'il est sécurisé et officiel, reste un mode de communication administratif important au sein du Quai d'Orsay.

M. Jean Arthuis, président, a relevé que les interrogations de la commission s'étaient largement dissipées grâce aux réponses précises fournies par les personnes auditionnées.

Mercredi 6 février 2008

- Présidence commune de M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, et de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

Enseignement - Enseignants - Audition de M. Marcel Pochard, président de la commission sur l'évolution du métier d'enseignant

La commission a procédé conjointement avec la commission des finances à l'audition de M. Marcel Pochard, président de la commission sur l'évolution du métier d'enseignant.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, a tout d'abord souligné l'ampleur de la mission confiée par le ministre de l'éducation nationale à la commission présidée par M. Marcel Pochard. Celle-ci a en effet été chargée de réfléchir aux évolutions de la condition enseignante et de proposer les réformes qui permettront à la fois d'aider les professeurs à surmonter les difficultés nouvelles qui se présentent à eux dans l'exercice de leurs fonctions et d'améliorer la qualité du service public de l'éducation dans son ensemble. L'audition de M. Marcel Pochard permettra donc à la commission des affaires culturelles d'enrichir sa réflexion sur les grandes problématiques de l'enseignement scolaire et de nourrir ainsi ses travaux futurs.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé l'importance budgétaire de la mission « Enseignement scolaire », qui représente près d'un cinquième des dépenses de l'État. Au moment même où il apparaît clairement que la connaissance devient le fondement non seulement de la croissance future, mais aussi du redressement économique de notre pays, il était donc particulièrement essentiel pour la commission des finances d'entendre, conjointement avec la commission des affaires culturelles, M. Marcel Pochard.

Après avoir remercié les deux commissions de leur invitation, M. Marcel Pochard a tout d'abord rappelé que la commission qu'il était chargé de présider était composée de personnalités venues d'horizon divers, qui avaient toujours travaillé en bonne intelligence et manifesté le souci d'arriver à des positions partagées par tous. La démission de M. Michel Rocard, vice-président de la commission, ne doit dès lors pas être prise comme un signe de défiance à l'égard de celle-ci, mais comme une marque du refus de voir les conclusions de la commission durcies, voire déformées, par la restitution médiatique qui en est faite. En tout état de cause, le « Livre vert » qui vient d'être remis au ministre de l'éducation nationale ne formule pas de propositions précises et destinées à être mise en oeuvre telles quelles, mais doit servir de base à une concertation ultérieure avec l'ensemble des partenaires concernés. C'est pourquoi la commission s'est efforcée d'aborder tous les sujets essentiels, y compris ceux qui pouvaient sembler les plus délicats. Cela lui était d'autant plus aisé qu'elle n'explorait pas un terrain vierge, les réflexions de grande qualité sur le sujet étant particulièrement nombreuses.

Abordant la première des questions fondamentales qui s'étaient imposées à la commission, M. Marcel Pochard s'est interrogé sur la nature des responsabilités qui devaient être reconnues aux établissements. Pour l'heure, il n'y a pas de réel échelon intermédiaire entre l'administration centrale et les enseignants, alors même qu'à public comparable, les résultats varient d'un établissement à l'autre, montrant par là qu'il y a bien une influence des équipes éducatives sur la réussite des élèves. Il conviendrait donc de mieux prendre en compte cette dimension, en renforçant les pouvoirs des chefs d'établissement et en associant plus étroitement les collectivités territoriales à la vie des écoles, collèges et les lycées. Cette plus grande responsabilisation devrait cependant avoir pour corollaire naturel le développement de l'évaluation.

M. Marcel Pochard a ensuite abordé la question des évolutions qu'avait connues le métier d'enseignant, en insistant en particulier sur la nécessité de mieux reconnaître le travail collectif. Pour l'heure, celui-ci n'est pas réellement pris en compte dans les obligations de service, qui font uniquement référence au temps passé devant les élèves. Par ailleurs, la rigidité de ces obligations nationales n'est pas toujours compatible avec la nécessité de prendre en compte les besoins propres des élèves et des établissements.

Pour les rendre plus souples, la commission a envisagé d'aligner le temps de travail des professeurs sur celui des salariés et des autres fonctionnaires. Mais cela supposerait de décompter l'ensemble des activités professionnelles des enseignants, y compris la préparation des cours et la correction de copies, ce qui n'a pas grand sens s'agissant de tâches que les enseignants n'accomplissent que peu dans l'enceinte des établissements.

Il paraît donc plus pertinent de conserver des obligations de service adaptées à la nature singulière des fonctions d'enseignant, tout en s'efforçant d'aller vers plus de souplesse. Cela pourrait prendre la forme d'une annualisation des obligations de service, qui permettrait de faire évoluer les emplois du temps de chaque élève, et non plus de répéter pendant trente-six semaines les mêmes séquences. Par ailleurs, cette annualisation offrirait la possibilité de tenir compte des périodes de l'année où certains élèves ne sont pas présents dans l'établissement, soit qu'ils sont en stage, soit qu'ils passent le baccalauréat ou le brevet.

Il resterait toutefois à intégrer dans ces nouveaux horaires le temps consacré au travail collectif, qui viendrait s'ajouter ou se déduire des obligations de service actuelles. Cela pourrait conduire à prendre comme point de référence le temps de présence dans l'établissement, et non plus seulement le temps passé devant les élèves. En tout état de cause, de nouvelles obligations devraient sans doute se traduire par une rémunération supplémentaire.

S'agissant de la formation et du recrutement des enseignants, M. Marcel Pochard a souligné la complexité du sujet, les professeurs étant pour l'heure mal préparés aux situations d'enseignement auxquelles ils sont confrontés. La prise en charge d'une classe doit faire l'objet d'une formation particulière, qui permette de diffuser les bonnes pratiques.

L'intégration des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) dans les universités offre toutefois l'occasion de revoir en profondeur l'entrée dans le métier des personnels enseignants. Un choix s'impose entre deux systèmes : l'un où l'État continue d'assumer les fonctions de formateur et d'employeur, l'autre où la formation est assurée par les universités via la délivrance d'un master professionnel et où le recrutement s'effectue de manière déconcentrée, voire régionalisée.

En tout état de cause, il importe de diversifier et d'ouvrir le corps enseignant, la composition sociologique de celui-ci se trouvant en décalage croissant avec celle de la population française. Pour ce faire, différentes formes de pré-recrutement pourraient être envisagées, sur le modèle de celui qui était effectué par les Instituts de préparation aux enseignements du second degré (IPES) ou par les écoles normales d'instituteurs.

Soulevant enfin la question de la gestion des ressources humaines dans l'éducation nationale, pour l'heure très peu développée, M. Marcel Pochard a mis en avant les difficultés rencontrées par les jeunes enseignants en début de carrière et a appelé à un sursaut collectif afin de ne plus affecter les professeurs débutants dans les établissements où les conditions d'exercice sont les plus difficiles.

Il a de plus souligné la nécessité de mettre en place une véritable formation continue, qui pour l'heure est utilisée comme un simple élément de motivation des enseignants. De ce point de vue, beaucoup reste encore à faire. C'est pourquoi la commission a souhaité développer largement cette question dans le rapport, afin de proposer un ensemble de solutions et d'outils techniques de gestion susceptibles de permettre des progrès significatifs dans la prise en compte des ressources humaines.

En concluant, M. Marcel Pochard a exprimé le souhait que le rapport de la commission ne soit évalué qu'à la seule aune de l'intérêt des élèves et s'est étonné des premières réactions qu'il a suscitées, tant celles-ci peuvent parfois apparaître en décalage par rapport à son ton et à son contenu.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la mission « Enseignement scolaire » au nom de la commission des affaires culturelles, a tout d'abord regretté que l'examen des crédits de cette mission lors des différents projets de loi de finances, ne puisse être l'occasion de débats plus approfondis, alors même que des évolutions devraient nécessairement intervenir dans ce secteur. Il a insisté sur le rôle primordial que jouent les établissements scolaires et les chefs d'établissement qui ne doivent pas être que des gestionnaires administratifs. La proposition de la commission présidée par M. Marcel Pochard, concernant l'attribution de ressources propres aux établissements, à hauteur de 10 % de la dotation globale, n'est pas suffisante pour permettre l'émergence de véritables projets d'établissement, et pour mobiliser de manière satisfaisante les communautés éducatives de ces établissements. Il s'est interrogé sur les moyens de mettre en oeuvre une dynamique collective, notamment dans les petits et moyens établissements, et ce d'autant plus que les chefs d'établissement ne sont pas nécessairement préparés à ce rôle. Il a également fait part de ses interrogations quant à la définition du métier d'enseignant qui ne se résume pas à la seule transmission des connaissances, mais également à la mise en oeuvre d'une pédagogie, ce qui soulève nécessairement la question de la qualité de la formation des enseignants.

Concernant l'autonomie des établissements, M. Marcel Pochard a souligné que la question n'était pas tant d'octroyer des marges d'autonomie que de préserver ces dernières. A ce titre, l'attribution d'une garantie de ressources propres à hauteur de 10 % de la dotation globale serait satisfaisante. Le management de la diversité locale, impliqué par la promotion de l'autonomie des établissements, peut toutefois se révéler compliqué. Il a partagé l'avis de M. Philippe Richert concernant la nécessité d'avoir un engagement réel de la part des équipes éducatives, ce qui suppose, selon lui, de sortir du « non-dit » et de développer une nouvelle relation entre le chef d'établissement et les enseignants, à l'image de certaines pratiques étrangères.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a formulé deux observations : d'une part, il s'est étonné que les postes de direction des écoles soient souvent attribués aux plus jeunes enseignants et, d'autre part, il s'est interrogé sur la qualité du dialogue et des échanges au sein des comités départementaux de l'éducation. Intervenant en remplacement de M. Gérard Longuet, rapporteur spécial, il a ainsi souhaité savoir dans quelle mesure il était possible d'ouvrir, avec l'ensemble des acteurs de l'éducation nationale, un débat serein sur les questions et les propositions dégagées par la commission sur l'évolution du métier d'enseignant. Il est important que la question scolaire puisse faire l'objet de débats constructifs, notamment au sein des assemblées parlementaires. En effet, ces dernières n'ont pas nécessairement l'occasion de s'exprimer régulièrement sur ces problématiques, compte tenu de l'importance des normes infralégislatives (circulaires, règlements) régissant cette matière. Il a également souhaité obtenir des précisions sur l'absence de chiffrage concernant les propositions de la commission. Il a enfin demandé à M. Marcel Pochard de lui indiquer les trois mesures à prendre prioritairement s'agissant de l'évolution du métier d'enseignant.

Rappelant l'important travail effectué par la commission, M. Marcel Pochard a regretté les réactions qu'il a suscitées. Il est nécessaire de redonner un sens au dialogue social au sein de l'éducation nationale afin que celui-ci soit désormais davantage guidé par les objectifs du service public de l'éducation. Toutefois, un certain consensus s'est dégagé autour de la nécessité de mettre en place une « dynamique du collectif », ce qui ouvre de nombreuses possibilités de discussion. S'agissant du chiffrage, la commission sur l'évolution du métier d'enseignant a, d'une part, essayé de dégager des pistes qui n'étaient pas les modes opératoires habituels et d'autre part, réfléchi globalement à « budget constant ». A titre personnel, trois mesures lui semblent prioritaires : le développement de la responsabilité des établissements, avec la création notamment d'établissements publics dans le primaire ; le développement d'une gestion de proximité des enseignants ; et la mise en place d'un temps de présence obligatoire des enseignants dans l'établissement scolaire.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin s'est étonnée de la « discrétion » du rapport sur l'enseignement professionnel et l'enseignement du premier degré par rapport à l'enseignement du second degré. Elle plaide pour la tenue d'un débat avec l'ensemble des interlocuteurs afin de dégager une vision globale, cohérente sur le système d'enseignement français. Elle a estimé que le séquençage des réformes était à l'origine de nombreuses inquiétudes, notamment dans un cadre budgétaire contraint. Elle a souhaité savoir dans quelle mesure l'organisation de l'enseignement agricole, plusieurs fois citée en tant que référence par le rapport, pouvait être transposable aux autres types d'enseignement.

M. Marcel Pochard a souligné que l'enseignement professionnel tout comme l'enseignement agricole bénéficiaient de spécificités qui étaient, selon la commission qu'il avait présidée, de bonnes pratiques, telles que l'exercice de la bivalence ou la concertation avec le monde économique extérieur. Malgré la difficulté de traiter de manière équivalente l'enseignement du premier degré et l'enseignement du second degré, le rapport présente un certain nombre de mesures concernant l'enseignement primaire. Il a partagé l'avis de Mme Brigitte Gonthier-Maurin concernant les inquiétudes suscitées par la succession des réformes concernant un corps de métier possédant une forte identité professionnelle.

M. Yannick Bodin s'est félicité des questions posées par le rapport de la commission sur l'évolution des métiers d'enseignant. Il a souhaité avoir des précisions sur plusieurs points, et notamment l'existence ou non d'une évaluation du travail réalisé par les enseignants bivalents, l'avenir et l'utilité des corps d'inspection, la légitimité du chef d'établissement, les rigidités qui pouvaient découler de l'application du barème dans l'exercice d'affectation des enseignants.

L'acte d'enseigner nécessite une préparation de qualité. A ce titre, il est réservé quant à la formation dispensée par les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), et s'interroge sur la place de l'orientation dans l'exercice du métier d'enseignant. Enfin, il a précisé que les partenariats avec les collectivités territoriales étaient importants et pouvaient interagir avec les politiques mises en place par le ministère. Ainsi, par exemple, l'instauration d'un temps de présence obligatoire dans les établissements pose nécessairement une question matérielle d'accueil des enseignants au sein de ces derniers.

M. Ivan Renar a souligné que l'éducation nationale représentait un « bloc » s'étendant de l'enseignement primaire jusqu'à l'université. Il s'est interrogé sur les risques d'une transposition des méthodes de management d'entreprise au sein de l'éducation nationale.

Toute réforme suppose des partenariats et la définition d'un ensemble de droits et de devoirs pour chacun. La reconnaissance du travail des enseignants est donc primordiale.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, a estimé que l'obligation de résultat mise à la charge du dispositif éducatif concernait l'ensemble des élèves. A cet égard, l'éducation nationale, à la différence d'une entreprise, se trouve dans une position particulière car elle ne peut pas choisir son public. La performance du système scolaire et sa gestion peuvent tendre ou s'inspirer du management d'entreprise, mais les contraintes particulières de l'éducation nationale ne sauraient être ignorées.

Puis il s'est interrogé sur le rôle de l'inspection générale de l'éducation nationale (IGEN), qui, malgré les qualités indéniables des membres qui la composent, ne semble pas toujours parfaitement au fait de la réalité des classes.

Il s'est également déclaré « nostalgique », comme beaucoup, des dispositifs remarquables que constituaient les Indicateurs pour le pilotage des établissements du second degré (IPES) et les écoles normales d'instituteurs. De fait, les IUFM ne semblent pas avoir permis de recruter et de former de jeunes étudiants aussi motivés par l'exercice des fonctions d'enseignant que l'étaient les élèves de ces instituts et de ces écoles.

M. Pierre Martin a rappelé que si tous les jeunes n'étaient pas égaux, tous avaient des possibilités et qu'il revenait au système scolaire d'être capable de les déceler et de les valoriser. Pour atteindre cet objectif, il faut que la communauté éducative dans son ensemble se mobilise pour prendre en charge tous les élèves sans se résigner à l'échec, ce qui suppose l'institution d'une vraie logique d'établissement.

Par ailleurs, il conviendrait d'évaluer réellement les capacités pédagogiques ainsi que la motivation des futurs enseignants dès le stade du recrutement. De ce point de vue, il conviendrait de tirer enfin les leçons des échecs passés.

M. Yves Fréville a mis l'accent à son tour sur la question du recrutement. Dans les années à venir, le corps enseignant va être largement renouvelé. Il est donc indispensable que les nouveaux professeurs soient parfaitement formés et qu'en amont, les étudiants puissent avoir une idée relativement claire du nombre d'enseignants dont l'État aura besoin dans les cinq années à venir.

Il a également indiqué que les faiblesses des IUFM tenaient à leur nature ambivalente, puisque ce ne sont ni de vraies facultés d'éducation comme il en existe dans d'autres pays, notamment au Canada, ni de vraies formations disciplinaires. Elles conjuguent donc les inconvénients des unes et des autres.

M. Adrien Gouteyron s'est déclaré convaincu qu'il était nécessaire, pour parvenir à réformer nos politiques éducatives, de trouver avant toute chose le mode opératoire qui permettrait de lever les éventuelles suspicions et de surmonter tous les blocages.

Il a également regretté la prise en charge horizontale des élèves qui prévaut dans le système scolaire. Il conviendrait bien au contraire de tenir compte de leurs besoins qui sont différents selon les niveaux et les filières.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a souhaité que le Sénat et l'Assemblée nationale puissent s'approprier pleinement ce rapport et en tirer toutes les conséquences, en particulier lors de l'examen de la loi de règlement.

Les syndicats doivent se montrer prêts à faire évoluer de manière constructive un système scolaire dont, pour une part au moins, ils prennent en charge la gestion.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, a souligné l'intérêt que de telles auditions revêtaient pour la commission. Elles lui permettent en effet de rester pleinement informée des questions les plus délicates et de formuler à son tour des propositions.

En réponse aux intervenants, M. Marcel Pochard a apporté les précisions suivantes :

- accorder plus de responsabilité aux équipes éducatives et aux établissements suppose de leur donner également plus de souplesse dans la gestion des personnels et des crédits. La  flexibilisation est donc loin d'être recherchée pour elle-même, mais doit toujours être rapportée à un projet pédagogique bien défini ;

- la reconnaissance du mérite individuel est au coeur du droit de la fonction publique depuis 1946 et se traduit, s'agissant du corps enseignant, par un rythme d'avancement différencié. Au demeurant, l'exigence de performance s'impose aussi bien aux entreprises privées qu'aux services publics, à condition toutefois d'identifier des critères de mesure pertinents pour les activités d'intérêt général ;

- si l'on souhaitait aller plus loin encore dans la reconnaissance du mérite, il faudrait sans aucun doute prendre pour référence la performance des équipes et non celle des individus. Il est en effet fort difficile d'apprécier la contribution d'un seul enseignant à la réussite d'une classe ;

- la bivalence est pratiquée dans l'ensemble des Etats européens, à l'exception de l'Espagne. Certes, aucune étude ne démontre avec une absolue certitude ses bienfaits, mais il ne fait aucun doute qu'un enseignant connaît mieux ses élèves lorsqu'il porte à plusieurs titres un regard sur eux. Il est dès lors plus facile pour lui de les aider. En tout état de cause, il conviendrait sans doute de commencer par pratiquer des expérimentations et d'en tirer le moment venu tous les enseignements ;

- s'agissant des chefs d'établissement, il est vrai qu'ils souffrent parfois d'un manque de légitimité et de formation. Il serait donc sans doute bon d'ouvrir largement le corps à d'autres agents que les seuls enseignants. Cela étant, comme M. Michel Rocard a eu régulièrement l'occasion de le rappeler aux autres commissaires, il faut sans doute commencer par leur donner de vraies responsabilités. Les profils recrutés changeront alors d'eux-mêmes ;

- à l'évidence, les enseignants débutants ne doivent plus être affectés sur les postes les plus difficiles. Dans ces conditions, certains resteront vacants. Pour les pourvoir, il suffirait alors d'y affecter des enseignants volontaires et motivés, repérés auparavant, à charge de passer avec eux un contrat très clair qui préciserait les formations auxquelles ils auront droit, les responsabilités qui seront les leurs, la rémunération supplémentaire qui leur sera accordée et les postes auxquels ils pourront prétendre lorsqu'ils changeront à nouveau d'affectation ;

- l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) ne semble pas garantir aujourd'hui que les élèves bénéficient d'un véritable accompagnement, nul ne venant encadrer ou contrôler l'exercice effectif de ce suivi et de cette orientation ;

- il est particulièrement étonnant que dans les écoles primaires, les classes de cours préparatoire (CP) soient presque systématiquement confiées aux débutants. Il y a là une forme de sous-optimum auquel tous semblent se résigner, ce qui n'est pourtant pas souhaitable ;

- le métier d'enseignant reste attractif, comme le montre le sondage commandé par la commission, puisque 87 % des enseignants du second degré se disent satisfaits de leur métier, contre 89 % dans le primaire. Par ailleurs, 65 % des professeurs déclarent qu'ils choisiraient d'exercer les mêmes fonctions si la possibilité de choisir une nouvelle profession leur était offerte ;

- il est certain que pour déceler l'aptitude pleine et entière des jeunes professeurs à l'enseignement, il serait bon de prévoir une période de trois ans pendant laquelle les nouveaux personnels recrutés ne seraient pas encore titulaires ;

- l'articulation du primaire et du secondaire reste difficile, les élèves étant souvent surpris, voire décontenancés par le passage en 6e et le fait d'avoir affaire à une équipe d'enseignants et non plus à un seul ;

- aux yeux de la commission, la France peut avoir confiance dans ses enseignants, leur implication et leur volonté ne faisant aucun doute. Ils souffrent simplement d'être mal gérés et souvent peu reconnus. Dans ces conditions, nul doute que les possibilités de réforme seraient grandement facilitées si elles pouvaient s'appuyer sur un geste fort à leur endroit, afin de faire renaître la confiance.

Groupe de travail intercommissions sur la modernisation de l'économie - Désignation de membres

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a tout d'abord désigné Mmes Marie-France Beaufils, Nicole Bricq, MM. Marc Massion, Christian Gaudin, Serge Dassault, Eric Doligé, Gérard Longuet et Philippe Marini, comme membres appelés à représenter la commission au sein du groupe de travail intercommissions consacré à la modernisation de l'économie.

Logement social - Financement - Audition de MM. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, et Michel Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France

La commission a ensuite procédé à l'audition ouverte à tous les sénateurs de MM. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, et Michel Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France, sur le livret A et le financement du logement social.

M. Jean Arthuis, président, a souligné l'attention constante de la commission aux grands sujets d'actualité et, particulièrement, aux résultats et aux orientations prises par la Caisse des dépôts et consignations.

Il a rappelé que le débat sur l'avenir du livret A et ses conséquences sur le financement du logement social avait fait l'objet d'une proposition de résolution, présentée par le groupe socialiste, visant à la création d'une commission d'enquête sur l'avenir de la Caisse des dépôts et consignations. Il a été relancé par la remise au Premier ministre, en décembre 2007, d'un rapport, élaboré par une commission présidée par M. Michel Camdessus, à la suite d'une mission sur le contentieux qui oppose, depuis plusieurs années, la France et la Commission européenne sur la mise en concurrence de la distribution du livret A.

Il a observé que des oppositions s'étaient fait entendre contre les orientations proposées, provenant notamment de l'Union sociale de l'Habitat (USH) qui s'inquiétait d'une réforme conçue dans la « précipitation » et des associations d'élus locaux, mais aussi, de manière plus feutrée, du sein même de la Caisse des dépôts et consignations

Il a souhaité que l'exposé des différentes prises de position alimente la réflexion, avant le débat parlementaire qui pourrait s'ouvrir rapidement à l'occasion de l'examen prochain du projet de loi de modernisation de l'économie.

M. Jean Arthuis, président, a résumé ensuite les éléments du débat sur les conséquences de la banalisation de la distribution du livret A quant à l'accessibilité bancaire, la nécessité de conserver le principe d'une centralisation des fonds à la Caisse des dépôts et consignations, la capacité de garantir des ressources suffisantes pour le financement de l'effort de construction de logements sociaux, le rôle et les priorités que l'on entend confier à la Caisse des dépôts et consignations et, enfin, sur sa gouvernance et la séparation institutionnelle de ses diverses missions.

M. Michel Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France, a rappelé que le mandat qu'il avait reçu en juin 2007, du Premier ministre, de remettre un rapport sur la « modernisation de la distribution du livret A et des circuits de financement du logement social », s'inscrivait dans le contexte du rappel des réticences de l'Union européenne face à l'oligopole de la distribution du livret A. Compte tenu des chances très réduites de voir aboutir le recours français, l'obligation de généraliser la distribution doit être utilisée comme une occasion de moderniser le financement du logement social en garantissant, d'une part, l'affectation des fonds au logement le plus social et, d'autre part, en élargissant encore le service de l'accessibilité bancaire.

Il a considéré que la réforme du financement était indispensable au vu des échecs de la politique du logement social, marquée par la persistance d'un nombre élevé de mal-logés et la décroissance régulière de la part du livret A dans le patrimoine des Français. Notant que le gouvernement avait fixé l'objectif de doublement du rythme de construction d'ici à 2010, il a alerté sur le risque de besoins de financement non satisfaits par le système actuel dès 2012-2013 et sur la tension qui affecte la trésorerie des organismes d'HLM.

Il a estimé que les nouvelles marges financières ne pourraient provenir, ni d'une augmentation des subventions publiques, ni d'une hausse des loyers, mais bien de la réduction du coût de la ressource grâce à un élargissement de la palette des financements accessibles au logement social. Il a considéré parallèlement que la charge de l'accessibilité bancaire ne devait plus reposer sur les seuls réseaux mutualistes.

M. Michel Camdessus a ensuite évoqué les différentes mesures préconisées, parmi lesquelles figurent la réforme du calcul de la rémunération du livret A, garantissant un quart de point au-delà du taux de l'inflation, ce qui constitue la meilleure rémunération pour l'épargne la plus liquide, et la diminution du niveau de commissionnement des réseaux distributeurs. Il a chiffré à 2 milliards d'euros, soit 75 % de l'ensemble des aides annuelles à la pierre, les économies susceptibles d'être ainsi réalisées.

Il a jugé que le niveau de la collecte serait garanti par un taux de centralisation des fonds du livret A et du livret de développement durable de 70 % qui préserverait de l'effet tant redouté, mais à tort selon lui, de « cannibalisation ». Il a fait valoir également que la directive européenne « Marchés d'instruments financiers » (MIF) garantissait une information complète et objective en cas de vente d'instruments financiers et que face à la perspective d'une diminution de la collecte, la Caisse des dépôts et consignations devait pouvoir recourir à tout moment au marché obligataire.

M. Michel Camdessus a indiqué que pour préserver l'équilibre financier des réseaux collecteurs, une période d'adaptation était nécessaire, qu'il a évaluée à 5 ans pour la banque postale et à 2 ans pour le réseau des caisses d'épargne. Enfin, il a appelé de ses voeux la création d'un observatoire de l'accessibilité bancaire.

M. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, a précisé la position de la commission de surveillance sur le rapport présenté par M. Michel Camdessus, tout en indiquant que M. Philippe Marini, qui y siège au titre du Sénat, ne l'avait pas soutenue. Il a indiqué que cette position de la commission de surveillance ne remettait pas en cause son attachement, précédemment exprimé, au dispositif actuel.

Il a également rappelé les conditions fixées par le Président de la République le 11 décembre 2007, à l'élargissement de la distribution du livret A : qu'elle ne mette pas en danger la collecte, qu'elle se traduise par la diminution de la rémunération des réseaux distributeurs (et donc par un financement moins coûteux pour le logement social), et qu'elle ne bouleverse pas l'équilibre économique des réseaux qui distribuent aujourd'hui le livret A.

S'agissant des observations et recommandations du rapport, il a considéré que certaines affirmations étaient discutables, comme l'établissement d'un lien direct entre le déficit de logements sociaux, le « mal-logement » et le mode de financement. Il a rappelé que d'autres facteurs entraient en compte, comme les mutations du monde du logement depuis les 20 dernières années ou le prix et la rareté du foncier.

Il s'est ensuite clairement déclaré en désaccord avec la création d'un établissement public ad hoc destiné à gérer les fonds d'épargne, relevant que ceux-ci sont déjà clairement identifiés, d'un point de vue comptable, dans les écritures de la Caisse des dépôts et consignations et qu'ils sont établis, audités et présentés séparément. Il a noté aussi qu'un comité des fonds d'épargne spécifique avait été constitué à la suite du rapport « Nasse-Noyer » et considéré que la création d'un établissement public ad hoc aurait pour conséquence, d'une part, de soustraire les fonds d'épargne au contrôle de la commission de surveillance où le Parlement est représenté et, d'autre part, d'accroître inutilement la complexité du dispositif.

En conclusion, M. Michel Bouvard a rappelé l'attachement de la commission de surveillance aux trois points majeurs que sont la pérennité d'une ressource suffisante pour faire face aux besoins du logement social, le coût le plus modéré possible de la ressource des fonds d'épargne et le rôle central de la Caisse des dépôts et consignations, grâce à sa capacité de transformation de l'épargne liquide en emplois à long terme et son aptitude à assurer un rôle de veille et de conseil auprès des organismes HLM.

M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, a indiqué qu'en matière de financement du logement social, la Caisse des dépôts et consignations était mandataire pour le compte de l'Etat et que sa mission était de centraliser les fonds, de prêter et de conseiller dans l'objectif d'un financement optimum du logement social.

Il a exprimé son accord avec les orientations du rapport quant à la volonté de diminuer le coût de la ressource et il a rejoint l'opinion exprimée par M. Michel Bouvard sur l'absence de causalité entre les difficultés du logement social et la gestion du livret A.

Il a ensuite fait valoir un certain nombre de divergences avec les conclusions exposées par M. Michel Camdessus, en soulignant la souplesse du dispositif actuel, qui a permis une progression très rapide du montant des prêts consentis annuellement de 4 milliards d'euros en 2005 à 7,5 milliards d'euros en 2008. Il a considéré de manière moins pessimiste l'évolution prévisible de la ressource en 2012, avant même l'utilisation des possibilités de relèvement du plafond du livret A, d'accroissement du taux de centralisation, de recours au livret d'épargne populaire (LEP) ou d'utilisation de ressources obligataires.

S'agissant du recours aux fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations pour la bonification des prêts, il a rappelé qu'il était la conséquence de la question non résolue des taux de commissionnement.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a observé un consensus sur ce point, estimant que le choix était d'aider, soit le logement social, soit les réseaux collecteurs.

M. Augustin de Romanet s'est prononcé en faveur d'une fixation, par la loi, d'un taux de centralisation élevé et contre la réservation, a priori, des financements sur LEP à d'autres emplois que le logement social. Rejetant l'idée que la Caisse des dépôts et consignations serait guidée par une « logique de pouvoir », il a affirmé que sa mission était de prêter au taux le plus bas dans le respect d'une obligation de neutralité.

S'agissant de la gouvernance des fonds d'épargne, il a précisé que la Cour des comptes avait indiqué que les exigences posées dans le cadre de la certification des comptes de l'Etat pourraient être satisfaites en classant les fonds d'épargne, comme le reste de la Caisse des dépôts, dans la catégorie comptable des « entités non contrôlées », sans qu'il soit besoin de créer une entité séparée.

Il a insisté sur la nécessité d'une organisation de la « déliaison » entre avantages fiscaux et prêts de la Caisse des dépôts et consignations, en soulignant le risque d'une discrimination entre les bailleurs sociaux. Il a rappelé à cet égard que les organismes pouvaient d'ores et déjà recourir à hauteur de 50 % aux prêts bancaires et que l'enjeu était plutôt de donner à la Caisse des dépôts et consignations une plus grande liberté pour faire évoluer sa gamme de prêts.

Il a noté qu'il existait bien, à long terme, un risque réel de décentralisation de la collecte du livret A, comme l'avait démontré l'évolution du livret de développement durable, dont le taux de centralisation est revenu de plus de 90 % à 9 %.

M. Michel Bouvard a fait observer que les ressources des fonds d'épargne n'étaient pas concernées par d'éventuelles modifications des autres missions de la Caisse des dépôts et consignations.

M. Jean Arthuis, président, a considéré qu'il ne lui paraissait pas exister des divergences de vues insurmontables sur les grandes orientations d'une réforme.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé qu'il ne s'était jamais associé à des « manoeuvres d'arrière-garde » et a regretté que l'on mette sur le compte de l'Europe des réformes qui auraient dû être réalisées antérieurement. Il a salué la qualité des propositions formulées par le rapport présenté par M. Michel Camdessus et observé que ses objectifs étaient d'assurer le financement du logement social et de réaliser 2 milliards d'euros d'économies. Il s'est inquiété des risques d'augmentation de la dépense fiscale résultant d'un éventuel accroissement de la collecte lié à la banalisation de la distribution.

Il a considéré que si la Caisse des dépôts et consignations acceptait de s'adapter, elle confirmerait qu'elle est un établissement indispensable. S'agissant de la gestion des fonds d'épargne, il a reconnu que son organisation était parfaitement sectorisée, ce qui modérait le caractère novateur de la proposition de créer un établissement public ad hoc.

Il a mis sur le compte du souhait de conserver l'intégrité de ses moyens, et d'une certaine « crispation », l'opposition de la Caisse des dépôts et consignations à la création d'un établissement distinct.

M. Thierry Repentin s'est félicité de l'ouverture de l'audition à l'ensemble des sénateurs. Il s'est déclaré surpris par l'axe central du rapport qui présente une palette de propositions pour le développement du logement social et semble s'éloigner de la lettre de mission initiale. Il a regretté l'absence des représentants des organismes HLM et rappelé que les opérations de construction n'étaient jamais bloquées par les modes de financement, mais par d'autres facteurs, comme la rareté du foncier, les prix de la construction et la diminution des subventions de l'Etat.

Sur la question du commissionnement, il a observé qu'elle aurait pu être traitée en dehors du contexte du recours de la France devant les instances communautaires européennes. Il s'est interrogé sur les modalités de fixation du taux et sur les écarts de taux qui peuvent exister entre les réseaux, d'une part, et en fonction du montant déposé sur les livrets, d'autre part.

Il a fait part de ses doutes sur les réactions positives des banques quant à la fixation d'obligations contractuelles de résultat de collecte sur les livrets A qu'elles distribueraient.

Il s'est déclaré favorable à la réévaluation du montant du plafond du livret A, actuellement 15.300 euros, observant l'ampleur de l'écart entre celui-ci et les plafonds des livrets rémunérés proposés par certaines banques et s'est inquiété du risque de discrimination entre les organismes HLM, résultant de la réforme du système de financement.

M. Jean Arthuis, président, a noté que, seul, le livret A bénéficiait de l'avantage fiscal d'exonération totale de tout prélèvement.

M. Michel Camdessus a indiqué qu'il ne formulait aucune critique sur la gestion des fonds d'épargne, qu'il souhaitait maintenir une égalité de traitement entre les organismes HLM et que la Caisse des dépôts et consignations devait poursuivre sa mission d'audit et d'alerte sur les organismes. Il a reconnu que l'échec du logement social avait d'autres causes que son financement. Il a pris acte des dernières observations de la Cour des comptes sur la création d'un établissement public ad hoc, considérant que le point essentiel était la sanctuarisation des fonds d'épargne.

Il a jugé que l'Etat devrait également clarifier sa position sur la rémunération de sa garantie et consentir, sur ce point, à quelques sacrifices.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Michel Bouvard a précisé que les fonds d'épargne n'étaient pas intégrés au bilan de la Caisse des dépôts et consignations, mais identifiés dans une section comptable propre.

M. Michel Camdessus a estimé que le relèvement du plafond du livret A était une faculté dont le coût serait élevé et qu'il profiterait aux détenteurs les plus aisés. Il a indiqué que le rapport qu'il avait remis n'avait pas pour but de proposer des arguments nouveaux en faveur du recours de la France devant la Commission européenne mais, plutôt, « de faire, de nécessité, vertu » en utilisant cette occasion pour améliorer le financement du logement social. Il a précisé qu'il avait auditionné les bailleurs sociaux.

S'agissant de la question de la « déliaison », il s'est déclaré défavorable à l'enfermement des organismes dans la règle des 50 %, alors que de nouvelles formules de prêts peuvent être proposées par le secteur privé et qu'il n'y voyait pas de risque majeur.

M. Augustin de Romanet a fait observer les limites de l'application de la directive MIF et les risques potentiels encourus par certains organismes qui empruntent à taux variable auprès des banques. Il s'est prononcé pour une évolution prudente de la règle des 50 % et l'institution d'une phase de transition. Il a souhaité que la Caisse des dépôts et consignations soit en mesure de conserver son rôle de conseil auprès des organismes, tout en considérant de façon positive sa mise en concurrence par le secteur privé.

Il a observé que le respect de la règle de neutralité par la Caisse des dépôts et consignations présentait aussi des avantages certains.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'origine de la règle de la liaison entre les avantages fiscaux accordés et le respect d'un montant minimum de l'opération financé par des prêts de la Caisse des dépôts et consignations, des subventions publiques ou des fonds propres.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que la liaison entre la nature du financement et l'octroi des avantages fiscaux faisait jouer un mécanisme de dépense publique appelant une autre dépense publique, qu'il a qualifié de « para-soviétique ». Il convenait donc d'en sortir d'urgence.

M. Jean Arthuis, président, a observé que la négociation avec la Caisse des dépôts et consignations pouvait être aussi difficile qu'avec une banque du secteur privé.

M. Michel Camdessus a réitéré son attachement à l'assouplissement de la limite des 50 % s'agissant de la « déliaison ». Sur le commissionnement, il a observé l'obscurité totale des coûts réels et modalités d'établissement des taux, qui sont actuellement d'1,30 % pour la banque postale et d'1 % pour les caisses d'épargne. Considérant que les banques avaient accepté sans difficulté un taux de 0,50 % pour le livret d'épargne populaire, il a estimé raisonnable un taux de 0,4 % pour le nouveau livret.

Mme Nicole Bricq a jugé très utile l'ouverture du débat, l'examen d'un dispositif législatif étant susceptible d'intervenir rapidement. Elle a rendu hommage aux travaux de la commission présidée par M. Michel Camdessus, qu'elle a cependant replacés dans un contexte où la banalisation du livret A pourrait constituer le premier acte d'une déstabilisation de la Caisse des dépôts et consignations. Elle a regretté de n'avoir pas entendu la direction générale du Trésor et de la politique économique et elle a fait part de ses craintes que les collectivités territoriales ne soient fortement sollicitées par la réforme envisagée.

Elle s'est interrogée sur l'existence de projections et de simulations sur le montant des encours et le nombre de logements construits grâce aux modifications proposées pour le financement du logement social, ainsi que sur la persistance de taux de rémunération différents selon les réseaux distributeurs et sur le versement qui serait effectué en 2008 au titre des fonds d'épargne au profit du budget de l'Etat.

M. Michel Camdessus a confirmé que son objectif était de stabiliser durablement le financement du logement social, via la Caisse des dépôts et consignations. Il a estimé que les collectivités territoriales et l'Etat devraient assumer leurs responsabilités, invitant l'Etat à réduire le taux de rémunération de sa garantie. Il a précisé qu'il n'avait pas été en mesure de réaliser des projections et des simulations économétriques, en raison du manque d'informations disponibles. Il s'est déclaré favorable, non à la fixation proprement dite, mais à l'organisation par la loi du taux de centralisation de la ressource et à une période de transition pour l'entrée en vigueur des nouvelles règles, dans les réseaux de la banque postale et des caisses d'épargne.

M. Michel Bouvard a précisé que le versement des fonds d'épargne au budget de l'Etat atteindrait 743 millions d'euros en 2008.

M. Jean Arthuis, président, s'est préoccupé de l'existence de dispositifs de contrôle du non-cumul des livrets par une même personne.