Mardi 29 avril 2008

- Présidence commune de MM. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. -

Union européenne - Concurrence - Audition de Mme Neelie Kroes, commissaire européen en charge de la concurrence

La commission a procédé, conjointement avec la commission des finances et la délégation pour l'Union européenne, à l'audition de Mme Neelie Kroes, commissaire européen en charge de la concurrence.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, l'a remerciée de venir exposer sa vision de la politique européenne de la concurrence et a évoqué les nombreuses questions liées à cette politique : sa compatibilité avec l'émergence, ou la réémergence, du thème de la politique industrielle en Europe, la politique des concentrations, la notion de marché pertinent, les aides d'Etat, les sujets sectoriels comme ceux de l'énergie, des services postaux ou du transport ferroviaire. Il a également rappelé que, lors de sa récente audition, M. Andris Piebalgs, commissaire européen chargé de l'énergie, avait souhaité laisser le soin à Mme Neelie Kroes de répondre à certaines questions portant sur les aspects concurrentiels de la politique de l'énergie.

Mme Neelie Kroes a noté que la France, qui se donnait pour ambition d'entreprendre, de créer, d'innover, de « travailler plus pour gagner plus », semblait quelquefois avoir peur de la concurrence et de la politique européenne de la concurrence. Pourtant, elle a besoin d'une saine concurrence pour moderniser son économie, favoriser sa croissance, améliorer le pouvoir d'achat de ses citoyens.

De même, la France semble parfois avoir peur de la mondialisation. Elle compte pourtant un grand nombre de « champions mondiaux » et profite de l'ouverture des marchés et de la demande des pays émergents.

Pour Mme Neelie Kroes, il faut combattre les préjugés contre la concurrence, qui est un instrument de politique économique susceptible de dynamiser encore l'économie française, afin de permettre à la France de continuer à tenir son rang dans un monde en mutation.

Relevant que la richesse d'un pays venait des entreprises, du talent des hommes et des femmes au service de projets économiques, elle a remarqué qu'il fallait que le marché soit libre et ouvert pour que chacun puisse entreprendre et être récompensé de son travail et de ses mérites : pour cela, une politique de la concurrence est essentielle. Pourtant, en France, la concurrence est trop souvent associée à des faillites, des délocalisations, des pertes d'emplois. On donne l'impression que le marché sanctionne les plus faibles et que l'Etat est le seul recours. Il s'agit là d'une mythologie éloignée de la réalité : il faut regarder le réel et se garder de la naïveté comme de l'idéologie aveugle. La concurrence favorise la croissance et la confiance permet de saisir les opportunités. Mme Neelie Kroes a considéré que ses effets bénéfiques étaient révélés a contrario des situations où elle n'existait pas, mentionnant les Etats membres qui avaient vécu pendant 40 années sous l'influence de l'économie soviétique.

Elle a affirmé que le modèle économique européen était fondé sur le postulat qu'entre la « jungle et la tyrannie » existe l'économie sociale de marché. La politique de la concurrence en est un des instruments de régulation : l'idée n'est en effet pas de promouvoir le laisser-faire mais la libre entreprise et l'efficacité. A cet égard, Mme Neelie Kroes a dit partager l'opinion exprimée par M. Daniel Cohn-Bendit qui affirmait préférer voir, dans une économie de marché, une concurrence non faussée plutôt que la confiscation, à son avantage exclusif, du pouvoir économique par un monopole.

Indiquant que la Commission avait essayé de mesurer l'impact de la politique de concurrence européenne, Mme Neelie Kroes a souligné que les économies directes réalisées par les consommateurs en 2007 grâce aux actions menées dans les domaines du contrôle des ententes, des abus de position dominante, des concentrations et de la libéralisation pouvaient être évaluées à 13,8 milliards d'euros, soit un montant supérieur au coût du « paquet fiscal » adopté l'été 2007 en France.

Elle a donc estimé que pour augmenter sa croissance, la France devait développer la concurrence, gage de baisse des prix, de meilleurs choix offerts aux consommateurs, et qui constitue une assurance contre les défis de la mondialisation, comme en témoignent les résultats obtenus dans les secteurs des télécommunications, du transport aérien, de l'électronique. Selon l'OCDE, a-t-elle ajouté, la généralisation dans toute l'Europe des politiques les plus favorables à la concurrence permettrait d'augmenter de 3 % le PNB par habitant.

Récusant tout clivage artificiel entre politique de la concurrence et politique industrielle, Mme Neelie Kroes a jugé qu'elles étaient, au contraire, complémentaires, pouvaient concourir à accroître le potentiel économique européen dans son ensemble et constituer des investissements pour notre avenir à long terme.

La concurrence stimule la croissance et l'innovation et des conditions de concurrence équitables peuvent apparaître comme une expression moderne des principes d'égalité et de fraternité, en permettant aussi de donner sa chance à chacun, dans un esprit de « fair-play » et de sportivité. Affirmant faire clairement le choix de la concurrence contre celui du protectionnisme, Mme Neelie Kroes a précisé qu'elle défendait la concurrence équitable et la liberté d'entreprendre, mais non le laisser-faire.

Remarquant que des conditions de concurrence équitables n'empêchaient pas la réciprocité, Mme Neelie Kroes a annoncé qu'en août 2008 les autorités chinoises mettraient en oeuvre des règles de concurrence inspirées des règles européennes : l'Europe a soutenu la Chine et celle-ci lui rend la pareille en prenant part au dialogue international. L'Union européenne a également obtenu des avancées dans le domaine de la propriété intellectuelle et compte demander la réciprocité en matière de normes environnementales et de gouvernance : la stratégie d'accès au marché de l'énergie en est une preuve, comme les projets de code de bonne conduite pour les fonds souverains. Refuser le protectionnisme signifie, en effet, vouloir appliquer les mêmes règles à tous.

Mme Neelie Kroes a également noté que des conditions de concurrence équitables ne faisaient pas obstacle aux choix économiques et sociaux nationaux, comme le montrent les exemples suédois ou finlandais, mais des niveaux élevés de protection sociale ne sont possibles que sur une base économique solide.

Enfin, elle a observé que des conditions de concurrence équitables étaient un facteur d'efficacité et offraient le moyen de baisser les prix et de répondre aux préoccupations croissantes des citoyens en matière de pouvoir d'achat, se félicitant que le gouvernement français semble partager ce jugement en proposant de renforcer la concurrence et le rôle de l'autorité nationale compétente en matière de contrôle de la concurrence.

En ce qui concerne les aides d'Etat, Mme Neelie Kroes a déclaré qu'elles pouvaient créer des distorsions de concurrence, mais que la Commission européenne admettait aussi, dans certains cas, leurs bienfaits. Elle a par exemple autorisé des régimes d'aides très généreux en faveur des PME, de la recherche ou de préservation de l'environnement. Elle a ainsi permis aux PME de disposer de davantage d'aides, plus rapidement et dans de plus nombreux domaines, tels que les zones franches urbaines, les aides aux jeunes entreprises innovantes, aux pôles de compétitivité, ou aux énergies renouvelables.

Evoquant les concentrations, elle a souligné que la Commission ne se montrait pas « dogmatique » et bloquait moins de 1 % des opérations proposées, notant que les entreprises françaises avaient bénéficié de cette politique, qu'elle les autorisait à procéder à des acquisitions, telle celle de KLM par Air France, ou les protégeait de la création de positions dominantes, telle celle qui aurait résulté de la fusion Ryanair - Aer Lingus.

Mme Neelie Kroes a ensuite insisté sur le fait que la France avait des raisons d'aborder avec confiance la libre concurrence et l'ouverture de la concurrence à l'économie mondiale :

- elle est dans une situation démographique favorable, avec un taux de fécondité en progression favorisant l'accroissement de sa population active, alors que beaucoup de pays sont confrontés à la contraction de leur main-d'oeuvre ;

- la France dispose de leaders mondiaux qui tirent profit de la mondialisation. De l'industrie du luxe (LVMH) à la grande distribution et aux services de restauration (Carrefour et Sodexho) en passant par les transports (Alstom, Airbus), l'énergie (Total, Areva), la construction (Lafarge, Saint-Gobain, Bouygues), les entreprises de services à l'environnement (Suez), les cosmétiques (L'Oréal) ou l'hôtellerie (Accor), les entreprises françaises sont omniprésentes, et ce succès s'explique par une attitude commune : ne pas envisager l'avenir avec appréhension, mais avec audace, esprit d'entreprise et en sachant saisir les opportunités ;

- le spectre des délocalisations est « une erreur statistique ». S'il faut aider certaines entreprises à se réorienter, et assurer un accompagnement social du changement, les chiffres sont formels : les délocalisations représentent moins de 8 % des pertes d'emplois en Europe, moins de 4 % en France. Par comparaison, la mondialisation crée des centaines de milliers d'emplois et l'on estime que les économies résultant du commerce mondial pourraient rapporter à chaque ménage plus de 5.000 euros par an.

Relevant que l'on pouvait multiplier les exemples de réussite française dans la mondialisation - France 24, nouvel acteur de l'actualité internationale, Renault-Nissan, constructeur automobile rentable, les 2 500 entreprises françaises qui se sont implantées aux Etats-Unis - et invoquant sa propre expérience professionnelle des entreprises françaises, Mme Neelie Kroes a établi, à cet égard, un parallèle avec son pays, les Pays-Bas, qui après avoir connu son « âge d'or » financier et commercial au XVIIe siècle, faisait aujourd'hui un « retour en force ».

Remarquant que cet esprit d'entreprise était le « véritable visage de la mondialisation », elle a souligné que la France et l'Europe « tiraient leur épingle du jeu » même dans des secteurs où on ne les attendait pas : ainsi la France est-elle exportateur net de services commerciaux et l'Europe maintient-elle, en dépit de la concurrence à bas prix, sa part de la production manufacturière mondiale.

Affirmant sa conviction que la France, consciente de son rôle moteur, réagirait comme une grande nation aux défis et aux potentialités issues de la concurrence mondiale, elle a déclaré que « tourner le dos » à la mondialisation et aux marchés concurrentiels serait « tourner le dos » à la vie, et à l'avenir de l'Europe. En imprimant sa marque à ces marchés, l'Europe assurerait sa prospérité pour les années à venir.

Citant la formule de Jean Monnet, « nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes », elle a espéré que se rejoignent les visions européenne et française de l'économie de marché, et réaffirmé que la politique de la concurrence était un atout pour l'Europe et pour la France.

Cet exposé a été suivi d'un large débat.

Donnant acte à Mme Neelie Kroes de son « acte de foi » dans la concurrence, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé que « le diable est souvent dans les détails » et qu'il fallait mesurer tous les enjeux de la mondialisation. Convenant que les phénomènes de délocalisations s'estompaient, il a relevé qu'il fallait en revanche se préoccuper désormais des « non-localisations » : au terme du premier cycle de leur développement, les entreprises amorçaient un nouveau cycle hors du territoire national ou même européen.

Au sujet de la politique de l'énergie et de la « séparation patrimoniale », M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, évoquant les grandes entreprises françaises du secteur de l'énergie, a souhaité savoir si un compromis sur « la troisième voie » était envisageable. En matière de transports ferroviaires, il a demandé si un premier bilan de la libéralisation du transport de fret dans des pays comme la France avait été établi, si la Commission poursuivait l'objectif d'une libéralisation totale du trafic des passagers et à quelle échéance.

Mme Neelie Kroes a rappelé que le commissaire Andris Piebalgs avait exposé la philosophie du « troisième paquet » de libéralisation du marché de l'énergie. Elle a indiqué que lorsqu'elle avait succédé au commissaire Mario Monti, la Commission européenne avait procédé à une étude du secteur de l'énergie dans les 25 Etats membres composant alors l'Union européenne, étude qui avait révélé certains obstacles à une concurrence équitable, et permis de constater qu'un certain nombre de grandes entreprises ne s'étaient pas comportées comme elles l'auraient dû. La Commission avait donc souhaité s'attaquer à ces obstacles. Soulignant que l'énergie était un sujet important pour les particuliers, mais aussi pour les entreprises des secteurs industriels et de l'énergie, elle a relevé que le principal problème tenait au fait que les mêmes personnes maîtrisaient la fourniture et les infrastructures de distribution de l'énergie. Dans certains cas, cela avait entraîné de véritables abus de position dominante et donc le lancement de procédures en manquement.

Mme Neelie Kroes a indiqué, en particulier, que l'entreprise allemande E-ON avait largement abusé de sa position dominante en empêchant l'entrée sur le marché de nouveaux acteurs qui n'avaient pas accès aux réseaux.

C'est pourquoi la Commission a estimé que la meilleure garantie était la séparation patrimoniale. Mme Neelie Kroes a remarqué que la « troisième voie » n'irait pas sans poser quelques problèmes, raison pour laquelle la Commission n'y était pas fondamentalement favorable : elle a néanmoins souligné qu'elle aborderait cette question de façon ouverte, l'essentiel étant de parvenir à offrir un égal accès au marché et de prévenir les abus de position dominante au détriment des consommateurs. Rappelant qu'E-ON avait proposé de s'engager à se séparer de son réseau de distribution, Mme Neelie Kroes a souligné que cette solution pouvait offrir des opportunités très positives, par exemple pour l'amélioration du réseau. Elle a noté que la distribution pourrait être placée sous le contrôle d'un opérateur national, mais que des fusions « transfrontalières » pouvaient également être envisagées si elles étaient conformes à la réglementation communautaire, ce qui irait dans le sens de la constitution d'un véritable marché unique.

Elle a par ailleurs rendu hommage au travail accompli dans le secteur des transports par le commissaire Jacques Barrot, lorsqu'il était en charge de ce secteur.

Après avoir rappelé que la politique de l'énergie était un enjeu majeur pour l'avenir de l'Union européenne et compterait parmi les sujets importants qui seraient examinés pendant la présidence française, et sans doute au-delà, M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, s'est inquiété des fortes réticences de la Commission européenne à l'encontre des contrats d'approvisionnement à long terme ou de la constitution de groupements d'achats, au motif qu'ils pouvaient favoriser les opérateurs historiques et jouer au détriment des nouveaux opérateurs.

Estimant comme Mme Neelie Kroes qu'il fallait se garder de toute naïveté, il a fait observer que le marché de l'énergie n'était pas un marché de concurrence pure et parfaite et que le secteur de la production était dominé par des oligopoles jouissant d'un pouvoir de négociation considérable. Il a donc demandé si les contrats à long terme ne pouvaient pas être un moyen d'assurer un certain équilibre entre vendeurs et acheteurs.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a demandé à ce propos quelle serait la juridiction compétente en cas d'entente entre deux vendeurs étrangers, tels Gasprom et les producteurs algériens.

Mme Neelie Kroes a précisé que la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) serait compétente, puis a confirmé l'importance pour l'Europe de la question de l'énergie et de la dépendance de l'Europe à l'égard de sources d'énergie situées hors d'Europe.

Estimant que Gasprom ne devrait pas être autorisé à être à la fois fournisseur et détenteur des infrastructures de distribution, elle est convenue avec M. Hubert Haenel de la nécessité de construire des entreprises fortes dans le secteur de l'énergie. Cependant, les grandes entreprises doivent aussi se conformer à des règles égales pour tous, et le jeu n'est plus équitable si les contrats à long terme, qui peuvent être avantageux pour ceux qui les signent, sont un obstacle pour d'autres, comme l'a montré l'exemple de la Belgique. C'est pourquoi la Commission a attaqué ces contrats et pris une décision dans le cas de la Belgique, estimant qu'il fallait chercher à trouver un équilibre sur le marché de l'énergie en recourant à la fois aux contrats à court et à long terme.

Evoquant le consortium Exeltium, qui réunit 35 sociétés électro-intensives liées au producteur EdF par un contrat d'approvisionnement de très long terme, Mme Neelie Kroes a indiqué qu'elle s'interrogeait sur la compatibilité de l'échéance de ce contrat, supérieure à 24 ans, avec les règles européennes de concurrence, et que d'intenses discussions étaient en cours avec EdF et le gouvernement français pour raccourcir éventuellement cette durée. Elle a ajouté que la Commission européenne reconnaissait l'importance du positionnement mondial des industriels concernés, et dès lors l'utilité de disposer d'approvisionnements pérennes, mais qu'il n'en était pas moins nécessaire de respecter le cadre communautaire de la concurrence. Ce constat ne s'appliquait d'ailleurs pas au seul consortium Exeltium.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que les propos de Mme Neelie Kroes tendaient à illustrer une position selon laquelle la concurrence serait une fin en soi, alors qu'il s'agissait plutôt d'un moyen permettant d'atteindre un certain optimum économique. Abordant la question des tarifs de l'énergie, il a indiqué que son traitement par la Commission avait suscité de nombreux débats et causé un certain trouble dans les esprits. Il a rappelé que la France avait investi massivement pour garantir l'autonomie de ses approvisionnements énergétiques, et avait mieux réussi que certains de ses partenaires européens. Il a déclaré ressentir une impression de réelle incompréhension, de la part de la Commission européenne, s'agissant du modèle français de tarification des usagers domestiques et industriels. Compte tenu des réponses trop souvent floues apportées par la Commission ou la Cour de justice des communautés européennes, il s'est demandé si les tarifs réglementés français étaient condamnés et si la Commission s'était forgé une réelle doctrine.

Evoquant les nombreux dispositifs d'aide concernés par le règlement de minimis, il s'est également interrogé sur les moyens que la Commission mettait en oeuvre pour en assurer le respect, à moins que ce contrôle fût du ressort des autorités nationales.

Mme Neelie Kroes a affirmé avoir toujours exprimé clairement sa perception de la concurrence qu'elle concevait comme un instrument et non comme un objectif en soi. C'est une condition nécessaire de la réussite de l'Agenda de Lisbonne et de la mise en place de l'égalité des conditions de jeu. Etablissant une analogie avec le football, elle a décrit son rôle comme celui d'un arbitre susceptible de décider des sanctions, le non-respect des règles du jeu étant préjudiciable à l'ensemble des parties, en particulier pour les consommateurs, assimilables aux spectateurs.

Concernant les tarifs réglementés, elle a reconnu que la France avait fait preuve de courage en misant sur le nucléaire pour assurer son indépendance énergétique et en tirer aujourd'hui un réel profit, et que les ménages et opérateurs économiques avaient un même intérêt à disposer d'une énergie sûre et abordable. Elle se devait néanmoins de veiller à éviter toute concurrence déloyale, les tarifs réglementés pouvant constituer, à l'instar des consortiums, une barrière à l'entrée par la fixation d'un prix bas et inférieur au prix de revient d'un opérateur, EdF, majoritairement détenu par l'Etat. Si elle admettait la pratique des tarifs réglementés pour les ménages et les petites et moyennes entreprises, elle a estimé qu'elle était plus contestable à l'égard des grandes entreprises.

Puis, en réponse à M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, qui rappelait que sur un marché libre le prix de revient correspondait au coût marginal du dernier kilowatt-heure produit par une centrale thermique polluante, elle a considéré que les tarifs réglementés bénéficiaient à tous, sans distinction de situation, et dès lors avantageaient finalement les plus gros consommateurs, et que la preuve n'avait pas été apportée que de tels tarifs aboutissaient à des conditions aussi favorables que celles d'un marché libre.

Concernant l'application du règlement de minimis, elle a indiqué que le contrôle de son respect était décentralisé auprès des Etats, et qu'elle préférait faire d'abord confiance à ce système avant d'envisager une action de la Commission en cas de dérapage.

Se référant à la décision de la Commission européenne du 10 mai 2007 relative à la banalisation de la distribution du Livret A, et à l'argumentation développée par Mme Neelie Kroes, Mme Nicole Bricq a contesté le caractère urgent des dispositions du projet de loi de modernisation de l'économie, décidées, selon elle, sans réelle concertation avec les acteurs concernés et qui n'étaient pas rendues nécessaires par une injonction ou sanction de la Commission.

Précisant que le groupe de travail du Sénat sur ce projet de loi avait permis de mieux appréhender les enjeux de cette libéralisation, elle s'est interrogée sur la conformité aux règles de concurrence de l'absence de comptabilité distincte et de la compensation, via le taux de rémunération, accordée aux établissements bancaires de manière uniforme et sans considérer leurs obligations différenciées au regard du service public de l'accessibilité bancaire, qui reposerait désormais sur la seule banque postale. Elle a également rappelé que les fonds d'épargne ne seraient plus exclusivement centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations et permettraient aux banques, dans un contexte financier heurté, d'accéder à une nouvelle source de liquidité, et s'est demandé si cet avantage ne présentait pas le risque d'une distorsion de concurrence, susceptible d'être qualifiée d'aide d'Etat.

Mme Neelie Kroes a déclaré être une « admiratrice » du Livret A et que l'ouverture de sa distribution pourrait exercer un impact positif sur le financement du logement social. Elle a exprimé ses doutes sur l'intérêt du maintien de la commercialisation par les trois réseaux historiques, qui ne permettait pas d'établir une égalité des conditions de jeu et considéré qu'il était nécessaire d'offrir aux consommateurs une faculté de choix du distributeur et d'en retirer tous les avantages.

Elle a ajouté qu'il était encore trop tôt pour déterminer si les modalités de cette libéralisation étaient constitutives d'une aide d'Etat, et que ses services étudiaient la conformité des dispositions du projet de loi aux exigences de la Commission européenne.

M. Thierry Repentin a contesté le bien-fondé de la décision de la Commission de mai 2007 et a soutenu la perspective d'un recours juridictionnel. Il a considéré que le régime de distribution exclusive du Livret A n'avait pas causé la faillite des autres banques ni empêché un établissement de capter en France une partie substantielle de l'épargne des ménages. Il a estimé que ce système, et sa contrepartie du droit au compte bancaire pour tous, garantissaient le financement du logement social et l'accessibilité bancaire, d'ailleurs assimilés par la Commission européenne à des services d'intérêt économique général. Rappelant que la Commission européenne n'avait pas exigé la remise en cause de la centralisation intégrale des fonds auprès de la Caisse des dépôts et consignations, il a relevé que le projet de loi de modernisation de l'économie mettait fin à la nécessaire contrepartie que constituait cette centralisation et permettait aux banques d'améliorer leur haut de bilan, ce qui pouvait apparaître comme une distorsion de concurrence.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé que ce débat sur la généralisation de la distribution du Livret A se déroulerait lors de l'examen de ce projet de loi par le Parlement.

Mme Neelie Kroes a indiqué, en tant que commissaire européen, ne faire aucune distinction entre les Etats qui serait notamment de nature à ménager les entreprises néerlandaises et qu'elle se devait de garantir les conditions d'un marché équitable dans le respect des libertés de prestation de service et d'établissement figurant dans le traité. Elle a estimé que les droits spéciaux dont bénéficiaient les trois distributeurs du Livret A et du Livret bleu constituaient un obstacle aux gains de parts de marché par les autres banques. Elle a rappelé que la Commission n'avait aucunement l'intention de remettre en cause le financement du logement social et ne faisait que veiller à ce que ce service public n'introduise pas de biais concurrentiel. Les nouvelles modalités de centralisation des fonds d'épargne font donc partie des points à examiner dans le dialogue entre la Commission et le gouvernement français.

Rappelant qu'en qualité de ministre, il avait contribué à libéraliser le secteur français des télécommunications, M. Gérard Longuet a jugé que l'analyse faite par la Commission européenne du marché français de l'énergie traduisait une « incompréhension totale » et un « fossé culturel ». Il a exposé qu'il n'y avait pas un type de kilowatt-heure mais trois, profondément différents sur les plans technique et économique : celui du développement durable qui était largement subventionné et n'avait pas encore fait ses preuves, celui de la production thermique et celui de la production nucléaire. Le nucléaire s'est révélé non rentable pendant 25 ans, dans un marché qu'il a reconnu comme étant fermé, et mobilise aujourd'hui des investissements élevés, alors que la production thermique est structurellement différente en ce qu'elle dépend exclusivement du cours du pétrole. Le choix du nucléaire fait par la France est sociétal et politique, et a contrario les pays qui n'ont pas fait ce choix doivent en assumer les conséquences et en payer le prix, sans contraindre la France à partager la rente que peut désormais constituer l'énergie nucléaire.

Mme Neelie Kroes a déclaré qu'elle était parfaitement consciente des oppositions d'ordre politique que suscitait le nucléaire, et qu'elle n'entendait pas remettre en cause les tarifs dont bénéficiaient les consommateurs mais ceux des grands industriels, qui ressortissaient aux aides d'Etat, facteur de concurrence déloyale entre les grandes entreprises européennes, en ce qu'ils étaient inférieurs au coût de revient et en partie financés par des taxes parafiscales.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé que le prix de marché reposant sur le coût marginal du kilowatt-heure des centrales fonctionnant à l'énergie fossile était dès lors susceptible d'excéder largement le coût du kilowatt-heure nucléaire. Il en résultait pour EdF une forme de rente, que l'on pouvait à certains égards considérer comme un profit injustifié.

Mme Neelie Kroes a considéré qu'elle n'était pas responsable des profits d'EdF mais devait s'assurer que le prix de marché correspondait au prix coûtant, et a indiqué qu'elle exposerait clairement sa position dans un courrier.

Se fondant sur le pragmatisme dont entendait se prévaloir la Commission européenne, M. Daniel Raoul a considéré que l'examen des faits illustrait que toutes les expériences antérieures de libéralisation totale d'un secteur avaient conduit à une forte augmentation des prix pour tous les consommateurs et à une situation de sous-investissement dans les infrastructures de réseau, que le principe de séparation patrimoniale pourrait aggraver. Il s'est demandé comment la Commission européenne pouvait maintenir sa conception dogmatique de la concurrence, sans apporter la preuve que celle-ci contribue à la sécurité des approvisionnements énergétiques ni satisfaire à l'exigence de proportionnalité qui irrigue le droit communautaire.

Mme Neelie Kroes a rappelé que la politique communautaire de concurrence n'était pas un dogme mais un instrument, le meilleur qui soit, et qu'il pouvait souffrir des exceptions, selon la définition des activités, ainsi qu'en témoignait la notion de service d'intérêt économique général. L'importance du secteur de l'énergie ne justifiait pas, selon elle, que la concurrence y fût entravée, dès lors qu'il demeurait possible, dans tout secteur libéralisé, de tenir compte de certaines spécificités. Elle a ajouté que, si les opérateurs historiques de l'énergie avaient donné l'impression de « jouer le jeu », cela s'était révélé trompeur car reposant sur des ententes et un sous-investissement manifeste, auxquels il était possible de remédier efficacement par la séparation patrimoniale. Elle a ainsi considéré que les consommateurs allemands avaient payé un prix excessif pour conforter le positionnement d'E-ON.

La Commission fonde son analyse sur le marché européen de l'énergie dans sa globalité, qui constitue un échelon plus pertinent que les marchés nationaux pour garantir des approvisionnements de long terme, et que des fusions transfrontalières doivent contribuer à conforter.

Citant l'exemple canadien, M. Gérard Larcher a estimé que la métallurgie électro-intensive disparaîtrait en Europe d'ici à 20 ans si l'on poursuivait la tendance actuelle en matière de politique tarifaire de l'énergie, avec un impact récessif en aval sur un secteur tel que l'aéronautique. Puis il s'est félicité de la création prochaine en France, par le projet de loi de modernisation de l'économie, d'une autorité de la concurrence disposant d'un statut conforme à ce qui était pratiqué dans tous les autres Etats membres. Il a cependant relevé que l'autorité politique conserverait un pouvoir d'appréciation selon des motifs de service public ou des intérêts économiques, et s'est demandé si l'on ne devait pas également, par un « parallélisme des formes », envisager une autorité politique européenne pouvant agir pour des considérations d'intérêt général, plutôt que de s'en remettre au seul recours juridictionnel devant la Cour de justice des communautés européennes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est demandé si le maintien d'un pouvoir de décision politique en France était compatible avec les exigences européennes en matière de concurrence.

En réponse, Mme Neelie Kroes a fait valoir les contacts étroits et quotidiens que la Commission européenne entretenait avec le réseau des autorités nationales de concurrence, qui fonctionnait de manière satisfaisante en distinguant clairement les compétences de la Commission de celles des régulateurs nationaux. Elle a ajouté qu'une grande partie des projets de fusion relevait de ces autorités, bien que celles-ci aient parfois tendance à s'en remettre à la Commission européenne pour régler certaines difficultés. En cas de contentieux, son cabinet s'appuyait sur la jurisprudence du Tribunal de première instance et de la Cour de justice des communautés européennes.

Revenant sur les consortiums électro-intensifs, elle a déclaré avoir bien conscience des enjeux de compétitivité pour les industries concernées, mais qu'en cette matière, il importait de respecter une ligne claire et d'assurer la prévisibilité et la transparence de la réglementation, dans le respect des dispositions du traité.

Evoquant le « principe de réalité », M. Claude Saunier a déploré que la Commission européenne, en dépit de son attachement louable aux principes de concurrence, ne les abordât que sous un angle intra-européen, qui ne reflétait pas l'environnement réel des grands groupes européens. Il s'est, dès lors, demandé comment la Commission articulait la construction européenne en matière de concurrence avec les pratiques avérées de « dumping » - fiscal, bancaire ou environnemental - au plan mondial.

Mme Neelie Kroes a reconnu que ces pratiques constituaient un véritable défi, auquel elle était particulièrement attentive, mais qu'il était nécessaire de recueillir préalablement un assentiment large des Etats membres avant de pouvoir persuader les partenaires extra-européens d'adopter des règles semblables, sur le fondement de la réciprocité. Elle a fait valoir que des échanges fructueux avaient eu lieu avec des pays tels que l'Australie, la Chine et la Russie, ces deux derniers pays ayant adopté une loi inspirée du modèle européen de régulation de la concurrence. Le véritable enjeu réside, cependant, dans la mise en oeuvre concrète de ces nouvelles législations et l'adoption effective de sanctions en cas de manquement.

Rendant hommage au rôle des commissaires Andris Piebalgs et Peter Mandelson dans les négociations commerciales internationales, elle a néanmoins considéré qu'on ne pouvait pas tout attendre de ces négociations ni de l'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce, et qu'une action bilatérale était également indispensable pour promouvoir un traitement équitable et réciproque en matière de concurrence. Citant l'exemple de la Corée du Sud, elle a estimé que ces questions de concurrence devaient pouvoir être traitées dans les conventions bilatérales, de manière souvent plus efficace et aisée que par une négociation multilatérale.

Faisant référence à une récente discussion avec les dirigeants d'une grande société finlandaise, elle a souligné le défi concurrentiel que représentait la Chine, qui dispose désormais d'importants moyens financiers et humains en recherche et développement, lui permettant d'innover et non plus simplement de copier les créations occidentales. Il est nécessaire de relever fortement le niveau de la recherche en Europe et de mettre en place des règles communes de concurrence, le protectionnisme n'étant pas, en tout état de cause, une réponse adéquate.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a évoqué d'autres situations en marge des règles communautaires de concurrence, tel que le renflouement d'une grande banque par l'Etat en cas de risque systémique. Il a fait valoir l'importance de la loyauté dans le commerce international, et a appelé M. Peter Mandelson, commissaire européen en charge du commerce, à mieux en tenir compte. Il a ajouté que le contexte actuel de délocalisations rendait plus difficile la conciliation des aspirations du consommateur - des prix bas et une concurrence efficace - avec celles du salarié - un salaire décent et une bonne couverture sociale.

Mercredi 30 avril 2008

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président, puis de M. Gérard César, vice-président. -

Industrie métallurgique - Audition de MM. Michel Wurth, président-directeur général d'Arcelor Mittal France, et Daniel Soury-Lavergne, directeur général

La commission a procédé à l'audition de MM. Michel Wurth, président-directeur général d'Arcelor Mittal France, et Daniel Soury-Lavergne, directeur général.

M. Jean-Paul Emorine, président, a souhaité la bienvenue au Sénat, au nom de la commission des affaires économiques, à MM. Michel Wurth et Daniel Soury-Lavergne, en indiquant qu'il avait eu le privilège de s'entretenir avec M. Lakshmi Mittal au moment de la perspective de fusion entre Arcelor et Mittal. Il a souligné l'attachement des Français à la dénomination sociale Arcelor, se félicitant de sa préservation pour le nouveau groupe. Après avoir rappelé que les commissions des affaires économiques du Sénat et de l'Assemblée nationale avaient institué un comité de suivi du Grenelle de l'environnement, il a souhaité connaître l'appréciation de l'entreprise sur l'impact des décisions du Grenelle sur le secteur sidérurgique.

En préambule, M. Michel Wurth a indiqué que, si la sidérurgie était un secteur traditionnel, son avenir était encore très prometteur en France. La fusion Arcelor-Mittal a été selon lui un grand succès qui a permis de redéfinir la stratégie du groupe sur le territoire français et dans l'intérêt industriel du pays. Elle a donné naissance à un nouveau groupe mondial efficace et aujourd'hui regardé comme un modèle par ses concurrents. Les synergies, identifiées au moment de ce rapprochement, ont permis d'éviter les doublons, la complémentarité géographique d'implantation des deux entreprises ayant permis au groupe d'être présent sur les continents américain et européen, et la complémentarité industrielle lui permettant de s'illustrer tant dans les produits longs que dans les produits à haute valeur ajoutée. L'alchimie entre les deux entreprises a bien fonctionné et a conduit la nouvelle entité à se placer d'emblée à la pointe de la technologie.

M. Michel Wurth a ensuite présenté la vision du groupe Arcelor-Mittal sur la sidérurgie mondiale. Il a rappelé que le contexte du secteur sidérurgique connaissait, à la différence des années 1970 à 1990 marquées par la crise, une croissance très forte, la demande mondiale de produits sidérurgiques ayant ainsi augmenté de 6 % par an en moyenne depuis 2000, contre 1 % entre 1975 et 2000. Cette croissance s'explique par l'augmentation de la part des pays émergents dans le PIB mondial, pays qui connaissent des besoins lourds en matière d'infrastructures. A titre d'exemple, la Chine, dont la consommation de produits sidérurgiques croît de 15 % par an depuis huit ans, représente aujourd'hui le tiers de la production et de la consommation mondiales d'acier. Par ailleurs, le dynamisme sidérurgique de la Turquie, dont la demande a augmenté de 7 % par an depuis 2000, celui des pays d'Afrique, mais aussi ceux du Golfe et de l'ex-Union soviétique en tant que producteurs pétroliers et gaziers, entraînent une demande soutenue d'acier. A cet égard, les produits sidérurgiques sont bien des produits d'avenir, y compris en Europe, dont les nouveaux Etats membres nourrissent la croissance de la demande d'acier de 5 à 10 % par an.

Puis M. Michel Wurth a exposé les conséquences de cette croissance au niveau mondial, à savoir, en premier lieu, la hausse du prix des matières premières. En effet, même si l'acier est un produit indéfiniment recyclable puisqu'il peut être refondu et réutilisé, la quantité de minerai nécessaire pour répondre à la demande a fortement augmenté (la production mondiale d'acier étant passée de 700 millions de tonnes à 1,4 milliard de tonnes en quinze ans), et il faut aujourd'hui faire face à une pénurie de manière première. En 2008, le prix du minerai de fer va progresser de 80 %, le charbon métallurgique qui nourrit les hauts fourneaux augmentant quant à lui de 230 %. S'inquiétant de cette dynamique sans précédent d'augmentation des coûts dans la sidérurgie, et de ceux du transport maritime, M. Michel Wurth a expliqué que la contrainte sur ce secteur était aujourd'hui très forte. Pour satisfaire à la demande, l'industrie sidérurgique doit ainsi produire, chaque année, entre 70 et 80 millions de tonnes d'acier supplémentaires, alors même que les producteurs sont confrontés à des difficultés pour réaliser les investissements nécessaires, de telle sorte qu'en définitive, l'offre d'acier a du mal à suivre la demande. Dans ce contexte général, qui fait de l'Europe une zone importatrice, le groupe Arcelor-Mittal entend répondre à ce besoin d'approvisionnement en assumant ses responsabilités de producteur afin d'aider la zone européenne à rester compétitive.

M. Michel Wurth a, en second lieu, présenté la stratégie du groupe au niveau mondial, qui suit plusieurs axes :

- une politique d'intégration en amont pour accompagner la croissance du groupe. En effet, si aujourd'hui 45 % des besoins sont couverts en autosuffisance interne, l'ambition de l'entreprise est de passer à plus de 75 % en développant des projets de développement minier en Afrique centrale et de l'Ouest : Libéria, Sénégal, Mauritanie ;

- une stratégie de croissance : une croissance externe d'abord, à travers une politique de fusion-acquisition ; une croissance sur de nouveaux sites ensuite, par des projets d'implantation dans des régions à forte demande, où le groupe Arcelor-Mittal reste peu implanté : Russie, Arabie saoudite, Mozambique ; une croissance sur des sites existants enfin, notamment dans l'Union européenne où Arcelor-Mittal est chef de file dans la quasi totalité des Etats et déploie des plans de développement dans les pays de l'Est (Roumanie et Pologne notamment), avec une stratégie d'orientation de leurs productions vers les marchés locaux. S'agissant plus particulièrement de la France, M. Michel Wurth a indiqué que le groupe Arcelor-Mittal n'entendait pas arrêter son activité en Lorraine, précisément pour répondre aux besoins européens. Il a exprimé le souhait de voir pérenniser la phase liquide des fourneaux dans cette région, l'objectif étant de spécialiser les sites européens sur les produits à haute valeur ajoutée comme l'inox ou l'acier plein revêtu, notamment pour ce qui concerne les usines françaises du Creusot, de Fos et de Dunkerque. Précisant les intentions du groupe Arcelor-Mittal à moyen terme, il a fait valoir qu'un plan d'investissement d'un milliard d'euros serait déployé en France, ce qui en fait l'un des plus importants plans d'investissements du groupe au niveau mondial, et que l'activité du site de Gandrange serait progressivement recentrée vers l'usine de Florange ;

- le renforcement de la recherche et le développement (R&D), qui constitue un axe prioritaire de développement dans la stratégie de l'entreprise, celle-ci étant la première entreprise sidérurgiste au monde en matière de R&D. La moitié de cet effort global est réalisée en France tant sur le plan de la recherche-produit que sur celui de la recherche-procédé, l'impact de celle-ci étant important en matière d'environnement.

A propos du volet environnemental de la stratégie du groupe, M. Michel Wurth a estimé qu'il s'agissait là d'une exigence naturelle pour une entreprise moderne et que, dans ce domaine, l'entreprise Arcelor-Mittal entendait assumer sa responsabilité sociétale selon trois axes, qu'il a appelé « les trois P » :

- les personnels : le groupe investit pour remédier aux problèmes de qualification et faire face à ses besoins de recrutement de jeunes qualifiés (ingénieurs, managers) alors que la pyramide des âges de l'entreprise vieillit. Le groupe investit également sur la sécurité des personnels sur le lieu de travail, M. Michel Wurth faisant à cet égard observer que l'entreprise a enregistré une réduction constante du taux d'accident sur ses différents sites ;

- les partenaires : les clients et les collectivités sont prioritairement associés aux plans de développement du groupe ;

- la planète : si le groupe est convaincu que l'acier offre une partie de la solution aux problèmes environnementaux, M. Michel Wurth a reconnu que l'industrie sidérurgique restait un grand émetteur de CO2, la production d'une tonne d'acier engendrant l'émission de deux tonnes de CO2. Il a toutefois relativisé l'impact négatif de l'activité du groupe sidérurgique sur l'environnement en mettant en avant les efforts réalisés par Arcelor-Mittal pour diminuer l'intensité énergétique de ses activités : ainsi, la réduction de 20 % des émissions de CO2 de l'entreprise depuis quatre ans dépasse les objectifs de Kyoto, qui fixent à 8 % la diminution des émissions de CO2. En outre, les activités de recherche développées pour produire des aciers plus légers et plus résistants participent à cet effort environnemental. Enfin, le groupe étudie actuellement des projets pilotes en matière de captation et de stockage souterrain du CO2.

M. Michel Wurth a conclu en rappelant le défi auquel devait faire face l'entreprise Arcelor-Mittal, à savoir gérer la croissance de l'acier dans un contexte économique morose avec un euro fort qui pénalise sa compétitivité.

Un large débat a suivi cet exposé.

M. Jean-Paul Emorine, président, s'est demandé quelle était l'importance des activités de recyclage d'Arcelor-Mittal.

M. Michel Wurth a indiqué que l'entreprise était le premier recycleur d'acier en Europe avec 14 millions de tonnes par an, soit l'équivalent de la production française d'acier.

M. Philippe Leroy a estimé que la fusion Arcelor-Mittal avait été une bonne nouvelle pour la Lorraine, dans la mesure où Arcelor avait indiqué qu'il fermerait aux alentours de 2010 la filière liquide dans cette région, ce qui aurait conduit à la disparition de plusieurs milliers d'emplois. Puis, revenant sur les projets d'investissements du groupe Arcelor-Mittal, il a souhaité savoir si le montant, avancé dans les médias, de 300 millions d'euros, avec une première tranche de 60 millions d'euros pour prolonger l'activité des hauts fourneaux, était exact. Il a également interrogé M. Michel Wurth sur les intentions de son groupe s'agissant du site de Gandrange, après l'annonce de la fermeture partielle de cette filière de production d'acier. Il a rappelé son attachement au maintien du potentiel industriel lorrain et s'est interrogé sur les rumeurs selon lesquelles le groupe sidérurgique refusait de vendre ce site, alors même que des opérateurs semblaient être très intéressés par son rachat. Soulignant par ailleurs les grands espoirs que suscitent actuellement la capture et le stockage du CO2, M. Philippe Leroy a voulu savoir où en était l'entreprise dans ce domaine, si des études avaient été réalisées sur un ou plusieurs sites en France, et si les collectivités étaient susceptibles de participer à leur développement. Enfin, faisant part de sa volonté de voir le groupe Arcelor-Mittal devenir un partenaire privilégié de la Lorraine par la déclinaison d'un plan de dynamisation locale, il a rappelé que l'entreprise avait annoncé un plan d'investissements de 10 millions d'euros pour le développement local et territorial et a fait savoir que l'Etat et les collectivités pourraient y participer pour un montant équivalent.

M. Daniel Reiner a pour sa part souligné l'attachement des Lorrains aux mines de fer et à la sidérurgie en général, ce secteur constituant à nouveau une opportunité économique majeure pour la région après une période historique de croissance puis de crise du secteur jusqu'à la fin des années 1990. Rappelant qu'au moment de la prise de contrôle de l'entreprise Arcelor, la direction de Mittal avait pris des engagements clairs pour répondre aux inquiétudes quant à la fermeture de sites et la destruction d'emplois, il a voulu savoir ce qu'il en était aujourd'hui des intentions du groupe sidérurgique. Il a également voulu savoir pourquoi Arcelor-Mittal ne souhaitait pas donner toute sa place à la filière électrique de production d'acier en Lorraine, et pour quels motifs l'entreprise refusait de vendre son aciérie électrique à des acheteurs potentiels, notamment italiens. Il a, par ailleurs, voulu connaître l'état de la concurrence entre les producteurs sidérurgiques, considérant que la concentration industrielle dans ce secteur empêchait, toutes choses égales par ailleurs, de faire baisser les prix. Enfin, il s'est interrogé sur l'avenir de l'acier en France, faisant remarquer que ce produit stratégique avait longtemps constitué, historiquement, un instrument de puissance des Etats.

M. Jean-Marc Todeschini a fait part de sa convergence de vue avec ses collègues lorrains, estimant que la sidérurgie constituait un élément structurant pour la région. Il s'est en outre interrogé sur l'évolution des déclarations du groupe Arcelor-Mittal concernant l'avenir du site de Gandrange et des garanties pour ses salariés.

Leur répondant, M. Michel Wurth a apporté les éléments de précision suivants :

- s'agissant de l'avenir du site de Florange et de la filière intégrée, il a annoncé son intention de maintenir la filière liquide dans cette région au moins jusqu'en 2012, ce qui nécessitera un investissement de 60 millions d'euros, précisant toutefois qu'au-delà de cette date, la stratégie de l'entreprise était plus incertaine compte tenu de l'augmentation des coûts liés aux émissions de CO2, qui pourrait handicaper le maintien de l'activité ;

- sur l'avenir du site de Gandrange et le plan de reconversion mis en oeuvre, il a réitéré l'engagement de l'entreprise de ne pas licencier : de nombreux projets en commun avec les collectivités territoriales sont actuellement à l'étude et l'entreprise souhaite contribuer à développer le tissu économique et industriel local ;

- en ce qui concerne la concurrence dans le secteur sidérurgique, la bataille de la compétitivité est menée sur deux secteurs : la production de produits longs destinés à la construction, qui est difficilement délocalisable, et la production de produits plats (voitures, réfrigérateurs...) qui, elle, est susceptible d'être délocalisée pour des raisons de coûts ; compte tenu des coûts de production élevés en Europe (environnementaux, salariaux, monétaires), l'avenir des régions sidérurgiques passe par une augmentation importante de la productivité.

M. Daniel Soury-Lavergne, directeur général, a ensuite apporté quelques précisions. Il a d'abord rappelé qu'il était paradoxal de constater que, dans un contexte économique de croissance de la demande d'acier, le site de Gandrange était déficitaire et enregistrait une perte de 40.000 euros par an et par salarié. Cette situation ne résulte pas d'un problème de filière, puisque l'usine de Gandrange fabrique des produits de qualité et les vend au prix de marché, mais de difficultés en amont, l'outil de production n'étant pas performant. Cette situation entraînant des coûts de production et de maintenance trop élevés, le groupe Arcelor-Mittal souhaite conserver la force commerciale de ce site en alimentant l'usine de Gandrange avec des intrants issus d'usines extérieures plus compétitives.

S'agissant des annonces contradictoires qui ont pu être faites dans les médias sur l'avenir de ce site, M. Daniel Soury-Lavergne a regretté que les personnels aient été les premiers à souffrir de ces incertitudes et précisé que le groupe Arcelor-Mittal entendait maintenir ses objectifs d'investissements et de créations d'emplois sur la filière en amont ainsi qu'en matière de formation et de qualification en direction des baccalauréats professionnels et des formations en alternance.

Concernant la captation et le stockage du CO2, il a reconnu que le secteur devait faire face à des obstacles technologiques et que l'entreprise Arcelor-Mittal avait commandé des études de faisabilité sur les possibilités de séquestration en sous-sol sur les sites lorrains. Soulignant le caractère crucial des infrastructures dans le développement de ces technologies, il a indiqué qu'une rencontre commune avec des équipes du ministère de l'environnement et du développement durable ainsi que du ministère de l'économie et de l'industrie était programmée, pour en évaluer la faisabilité et le coût.

Enfin, s'agissant des mesures d'accompagnement des sites en reconversion, qui doivent faire l'objet d'un dialogue avec les collectivités territoriales concernées, il a indiqué qu'un accord avec Poweo avait été signé pour l'installation de centrales à cycle combiné pour alimenter le sillon lorrain.

M. Jean-Paul Emorine, président, a proposé aux deux orateurs d'être entendus à nouveau par la commission des affaires économiques, à la fois dans le cadre du groupe de travail sur le paquet énergie-climat et dans celui du Grenelle de l'environnement.

S'interrogeant sur la question du captage et de la séquestration du CO2, M. Jean Bizet a demandé si le groupe Arcelor-Mittal avait conclu des partenariats avec des entreprises disposant des technologies nécessaires à ces opérations. Il a également fait remarquer qu'il existait une certaine contradiction dans la stratégie du groupe qui privilégie le maintien d'usines fonctionnant au charbon et s'apprête à vendre une aciérie fonctionnant à l'électricité, alors même que le coût de cette énergie reste faible en France grâce au secteur nucléaire.

M. René Beaumont a souhaité savoir si des projets d'investissements étaient actuellement envisagés pour moderniser les sites du Creusot et de Gueugnon, qui pouvaient être considérés, selon lui, comme des orphelins géographiques. Il a précisé que si le site du Creusot avait connu un certain regain d'activité avec l'installation d'Areva à Chalon-sur-Saône, la situation de celui de Gueugnon était plus inquiétante, dans la mesure où il était dépourvu de voies de communication de bonne qualité. Il s'est demandé où en était le projet de création d'une liaison ferroviaire entre Digoin et Gueugnon ainsi que celui d'une usine d'incinération d'ordures ménagères, permettant de produire de la vapeur d'eau et de l'énergie en économisant de l'électricité.

M. Claude Biwer s'est inquiété de l'impact des plans de reconversion des sites lorrains d'Arcelor-Mittal sur le département de la Meuse et souhaité savoir si celui-ci n'allait pas être victime d'une compensation d'activités dans le cadre du processus de reconversion partenariale.

Leur répondant, M. Michel Wurth a reconnu que la France disposait en effet, grâce à son parc nucléaire, d'un avantage comparatif dont l'industrie pouvait tirer partie dans la fourniture d'électricité, afin de la rendre plus compétitive et moins émettrice de CO2. Il a par ailleurs indiqué qu'Arcelor-Mittal était effectivement présent sur d'autres sites que la Lorraine, à savoir Fos, Dunkerque, Le Creusot ou Gueugnon, et que si aucun plan de fermeture de ces sites n'était aujourd'hui à l'étude, l'enjeu était de les rendre plus compétitifs à long terme. S'agissant plus particulièrement du département de la Meuse, il a expliqué qu'une bonne politique industrielle ne devrait pas avoir pour objectif de préserver des équilibres politico-géographiques, mais plutôt de répondre aux besoins industriels : en d'autres termes, si des difficultés apparaissaient dans les sites de ce département, il faudrait qu'elles se règlent par le dialogue avec les pouvoirs publics.

M. Daniel Soury-Lavergne a précisé que le groupe Arcelor-Mittal avait l'intention d'investir 10 millions d'euros avec l'aide de l'Etat afin d'assurer les investissements nécessaires au démarrage de nouvelles solutions acier. Puis, soulignant l'importance de ces financements dans le développement du dispositif des pôles de compétitivité, il a rappelé que l'objectif était de favoriser la recherche appliquée. S'agissant enfin du site de Gueugnon, il a fait valoir que la dispersion des outils industriels n'était jamais favorable et qu'il était absolument nécessaire de maintenir sa compétitivité en compensant le handicap de la distance.

Chasse - Amélioration et simplification du droit - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Ladislas Poniatowski sur la proposition de loi n° 269 (2006-2007) pour l'amélioration et la simplification du droit de la chasse.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a rappelé que cette proposition de loi, déposée en février 2007, était le résultat d'un travail réalisé avec l'ensemble des acteurs du monde de la chasse, et particulièrement avec les chasseurs, en amont de l'élection présidentielle.

Il a ensuite précisé que ce texte poursuivait un double objectif :

- d'une part, combler les vides juridiques ou lever les incertitudes ponctuelles laissés par la loi « Chasse » du 30 juillet 2003 et par la loi de développement des territoires ruraux du 23 février 2005 ;

- et d'autre part, simplifier autant que possible le cadre juridique des activités de chasse.

Il a ajouté qu'en qualité de rapporteur de la commission sur cette proposition, il s'était efforcé de l'enrichir et de l'améliorer, tout en restant fidèle au double objectif du texte. Il a en outre précisé qu'il n'avait pas souhaité aborder dans ce texte certains « grands » sujets relatifs à l'équilibre entre chasse et non-chasse, estimant que le cadre de la Table ronde gouvernementale qui débutera dans quelques jours serait sans doute propice à un échange constructif entre tous les acteurs.

Puis il a présenté le contenu des conclusions proposées à la commission.

Il a débuté sa présentation du chapitre Ier relatif aux schémas départementaux de gestion cynégétique en rappelant que ceux-ci, institués en 2005, en étaient à des stades d'évolution très inégaux selon les départements. Il a ensuite détaillé les trois articles composant ce chapitre.

S'agissant de l'article 1er relatif aux mesures de sécurité, il a précisé que la loi de 2005 imposait aux schémas l'obligation de contenir notamment les mesures de sécurité pour les chasseurs et non-chasseurs, mais que celle-ci n'était pas respectée aujourd'hui dans tous les départements. Il a fait valoir que si la rédaction de l'article 1er de la proposition de loi exprimait plus clairement cette obligation, elle pouvait en revanche laisser entendre que seul le schéma pouvait prévoir des mesures de sécurité privant ainsi le préfet de ses attributions, alors même que tel n'est pas l'objectif poursuivi.

C'est pourquoi, il a été conduit à proposer une nouvelle rédaction de l'article 1er du texte initial à la fois claire sur le caractère obligatoire des mesures de sécurité dans le schéma, mais sans remettre en cause les attributions du préfet.

S'agissant de l'article 2 relatif à la suppression du renvoi à un décret en Conseil d'Etat, il a souligné que le décret en Conseil d'Etat prévu en 2000 et devant fixer les mesures de sécurité n'avait jamais été pris, ce qui a pu expliquer l'hésitation des fédérations demeurées, dans l'attente du décret, à prendre des mesures de sécurité dans leurs schémas. Il a d'ailleurs estimé que le niveau local était le plus adapté pour la fixation de ce type de mesures, expliquant ainsi que l'article 2 des conclusions (identiques à l'article 2 de la proposition de loi) supprimait le renvoi à un décret en Conseil d'Etat.

Puis, en réponse à une interrogation de M. Gérard César, président, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a confirmé que le préfet disposait d'un double pouvoir en matière de police : d'une part, celui d'approuver les schémas et d'autre part, celui de prendre toutes les mesures de sécurité aussi bien pour la chasse que pour les battues.

S'agissant de l'article 3 relatif aux violations du schéma, il a indiqué que l'objectif poursuivi était de sanctionner de contraventions de la première à la quatrième classe les infractions aux schémas, alors qu'aujourd'hui elles ne correspondent qu'à des contraventions de première classe, dans la mesure où elles sont regardées comme de simples inobservations de l'arrêté préfectoral approuvant le schéma.

S'agissant de l'article 4 relatif à la baisse de 50 % du prix du timbre, il a précisé qu'elle concernait le titre permanent du permis de chasser des jeunes de seize à dix-huit ans.

S'agissant de l'article 5 relatif à la baisse de 50 % de la redevance versée à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) pour la première validation annuelle, il a fait valoir que les 450.000 euros que coûte cette mesure ne représentent que 0,6 % des 72 millions d'euros de redevances encaissés chaque année par l'Office. Il en outre indiqué que la rédaction proposée pour cet article permettrait d'éviter les risques de contournement du dispositif, une précaution identique étant prise à l'article 6.

S'agissant précisément de cet article 6 relatif à la diminution de la cotisation fédérale sur les validations annuelles, il a précisé que le montant de la baisse n'était pas fixé dans le texte afin de laisser une marge d'appréciation à la fédération nationale et éventuellement aux fédérations départementales des chasseurs.

S'agissant de l'article 7 relatif au prix unique du permis pour lutter contre le nomadisme des permis nationaux, il a estimé que ce phénomène d'arbitrage entre différentes fédération d'affiliation en fonction du coût du permis concernait environ 11.000 chasseurs sur les 120.000 détenteurs d'un permis national et qu'il était facilité par l'existence d'un guichet unique de validation et par la possibilité de valider son permis par correspondance. Il a en outre considéré que le système proposé initialement dans la proposition de loi risquait d'être trop complexe à mettre en oeuvre, ce qui l'avait amené à proposer à la commission d'instaurer un prix unique du permis national fixé chaque année par la fédération nationale.

Répondant à l'interrogation de M. Gérard César, président, quant à l'accueil de cette proposition par les différentes fédérations départementales, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, s'est déclaré satisfait d'avoir constaté l'existence d'un accord quasi-unanime sur ce projet, tout en convenant néanmoins que deux fédérations de chasseurs, dont celle de Paris, s'étaient déclarées réticentes.

S'agissant de l'article 8 relatif à l'audition par le juge dans le cadre d'une demande de restitution d'un permis suspendu, il a rappelé qu'il s'agissait de se conformer à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et qu'il proposait de conserver la rédaction de l'article 8 de la proposition de loi.

S'agissant de l'article 9 relatif au pouvoir de saisie des gardes particuliers et des agents de développement, il a indiqué qu'il proposait de compléter le texte de la proposition de loi afin d'indiquer que le gibier saisi devait être remis à un établissement de bienfaisance ou détruit, toute en notant que cette première hypothèse était de plus en plus rare pour des raisons d'hygiène et de santé.

S'agissant de l'article 10 relatif à la rectification de transcription de la loi quant aux circonstances aggravantes de certaines infractions au droit de la chasse, il a rappelé que l'objectif de cet article était d'appliquer des circonstances aggravantes à une série d'infractions au droit de la chasse, mais que le texte adopté ne réservait en fait l'aggravation de la peine qu'à une seule de ces infractions.

S'agissant de l'article 11 relatif à la création d'un délit d'entrave et d'empêchement du bon déroulement d'une action normale de chasse, il a rappelé que le "hunt sabotage" était un phénomène en plein développement avec des risques de plus en plus importants, puisqu'il ne se limite plus aux seules chasses à courre, mais concerne désormais aussi les chasses à tir. Aussi a-t-il indiqué qu'il proposait à la commission d'introduire un article nouveau créant une infraction « d'entrave et d'empêchement du bon déroulement d'une action normale de chasse » punie d'une peine prévue pour les contraventions de cinquième classe. Si cette peine demeure relativement légère, il a estimé qu'elle aurait entre autres pour but d'envoyer un message clair aux auteurs de ces actions ainsi qu'aux juges.

Il a en outre tenu à préciser que la plupart des associations de défense des animaux était favorable à cette mesure, notamment parce que les chiens de chasse sont souvent les premières victimes des sabotages.

Puis M. Jean-Marc Pastor s'est demandé s'il ne serait pas aussi utile d'examiner à nouveau la question du périmètre géographique où s'organisent les chasses à courre. Il a évoqué les dégâts provoqués par le gibier, notamment les grands cerfs, chez les riverains lors de chasses à courre dans des massifs forestiers sans doute trop exigus. Convenant de la gravité de ce type d'incident, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur a rappelé que cette question n'entrait pas dans le champ de l'article discuté et il a estimé que les acteurs de la vénerie étaient d'une façon générale de plus de plus vigilants quant au bon déroulement de leur activité.

S'agissant de l'article 12 relatif à l'indemnisation des dégâts de gibier, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a indiqué que le but poursuivi était d'obtenir une participation des propriétaires de territoires non chassés à l'indemnisation des dégâts agricoles, mais il a annoncé qu'il pourrait être amené à renoncer à cet article en séance si le gouvernement lui proposait de reprendre la discussion sur ce point au sein du groupe de travail sur la chasse. M. Jean-Marc Pastor a tenu à s'associer à soutenir la proposition du rapporteur sur cet article 12, lui faisant aussi part de sa volonté de le saisir de demandes précises dans le cadre du groupe de travail annoncé.

Puis MM. François Fortassin, Gérard Bailly, Bruno Sido et Louis Grillot, ont exprimé leur inquiétude face à la multiplication des dégâts de gibier, constatant la double évolution inquiétante caractérisée d'une part, par le vieillissement et la diminution du nombre des chasseurs, et d'autre part, par l'apparition de zones de concentration et de prolifération du gibier. En réponse M. Ladislas Poniatowski, rapporteur a rappelé que de nouvelles règles de chasse pourraient être suivies afin de juguler la prolifération de certaines espèces. Il a également rappelé que cette question ferait certainement l'objet d'un examen particulier par le groupe de travail précité.

Puis, en réponse à Mme Odette Herviaux sur l'existence d'une surface minimale de terrain au-delà de laquelle s'appliquerait le plan de tir institué par le texte, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur a précisé qu'il reviendrait au préfet de déterminer, au cas par cas, si l'attribution d'un plan de tir se justifiait.

Ensuite, en introduction des trois articles -13, 14 et 15- relatifs à l'Alsace et à la Moselle, il a rappelé que le droit local était devenu par certains aspects plus contraignant que le droit national et que l'objet du texte proposé était de mettre fin à ce désavantage.

Il a ainsi présenté l'article 13 relatif au transport et commercialisation du gibier, disposant que ces activités étaient désormais autorisées en Alsace-Moselle, y compris hors des périodes de chasse, c'est-à-dire comme sur le reste du territoire national.

S'agissant de l'article 14 relatif aux contributions au fonds départemental d'indemnisation des dégâts de sangliers, il a rappelé qu'il permettait notamment de faire contribuer de nouveau les terrains militaires.

S'agissant de l'article 15 relatif aux contributions complémentaires au fonds départemental d'indemnisation des dégâts de sangliers, il a souligné, répondant sur ce point à Mme Jacqueline Panis, que le recours au bracelet par sanglier aujourd'hui inexistant en Alsace-Moselle pourrait, constituer une ressource complémentaire pour les fonds départementaux.

S'agissant de l'article 16, il a indiqué qu'il proposait que la loi reconnaisse directement la qualité d'association pour la protection de l'environnement à la fédération nationale des chasseurs ainsi qu'aux fédérations départementales.

S'agissant de l'article 17 relatif à la possibilité de créer des fédérations interdépartementales, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur a tenu à souligner, en réponse à une question de M. Claude Biwer, que les fédérations interdépartementales ne pouvaient être créées que par la volonté unanime des fédérations concernées.

S'agissant de l'article 18 relatif à la délivrance de cartes de chasse temporaires par les associations communales de chasse agréées (ACCA), il a rappelé qu'il s'agissait de confirmer et de préciser l'intention du législateur déjà exprimée en 2005.

S'agissant de l'article 19 relatif à l'autorisation de transport de gibiers, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur a, en réponse à l'interrogation de M. Bruno Sido, confirmé qu'en l'état actuel du droit, il n'est pas possible de procéder au transport des pièces du gibier découpées sans disposer d'un billet spécifique d'identification.

Puis il a présenté l'article 20 relatif à la naturalisation des nuisibles et l'article 21 relatif à l'utilisation du grand duc artificiel.

Enfin, pour l'article 22 relatif aux dispositions financières, il a rappelé qu'il s'agissait de gager la perte de recettes pour l'Etat de 95.000 euros environ engendrée par la baisse du timbre sur le titre permanent prévue à l'article 4, à travers une augmentation des droits sur les tabacs.

A l'issue de cette présentation de conclusions, un débat s'est ouvert.

M. Jean-Marc Pastor s'est demandé s'il ne serait pas intéressant de réfléchir à une généralisation obligatoire des ACCA afin d'une part, d'améliorer la cohérence entre l'organisation locale de la chasse et l'esprit des textes législatifs et d'autre part, de mettre fin aux rivalités entre sociétés de chasse. En réponse, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur , s'est déclaré opposé à une telle proposition invoquant le principe du droit de propriété et de liberté des collectivités de s'organiser ou non en ACCA en particulier en fonction des caractéristiques de leurs territoires.

Après avoir mis l'accent sur la portée de l'article 20 relatif au transport des animaux classés nuisibles, M. Daniel Dubois a évoqué les indemnisations, parfois lourdes, payées par les chasseurs en raison des dégâts causés par le petit gibier.

Enfin, en réponse au souhait exprimé par M. François Fortassin et Mme Jacqueline Panis de voir reconnu le rôle des chasseurs en matière de développement et d'équilibre des milieux naturels, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur a rappelé toute l'importance de l'article 16 de ses conclusions reconnaissant aux fédérations de chasseurs la qualité d'association agréée pour la protection de l'environnement.

Puis la commission des affaires économiques a adopté à l'unanimité les conclusions de M. Ladislas Poniatowski, rapporteur sur la proposition de loi n° 269 pour l'amélioration et la simplification du droit de la chasse.

Union européenne - Réunion interparlementaire des commissions de l'agriculture - Désignation de deux commissaires

La commission a ensuite désigné, outre son président M. Jean-Paul Emorine, M. Jean-Marc Pastor pour représenter la commission à la réunion interparlementaire des présidents des commissions de l'agriculture à Ljubljana, le 2 juin 2008, sur l'avenir de la PAC, la sécurité alimentaire et l'impact du changement climatique sur l'agriculture.

Nomination de rapporteurs

La commission a ensuite désigné :

- M. Pierre Hérisson comme rapporteur de la proposition de résolution n° 295 (2007-2008) qu'il présente en application de l'article 73 bis du Règlement, sur les propositions de directives européennes concernant le secteur des communications électroniques (E-3701, E-3702 et E-3703) et a fixé le délai-limite pour le dépôt des amendements au lundi 19 mai 2008 ;

 M. Ladislas Poniatowski comme rapporteur de la proposition de résolution n° 296 (2007-2008) qu'il présente en application de l'article 73 bis du Règlement, sur les propositions de directives européennes concernant le troisième paquet énergie (E-3642, E-3643, E-3644, E-3645 et E-3646) et a fixé le délai-limite pour le dépôt des amendements au mardi 13 mai 2008.

Groupe de travail « Bilan de santé de la PAC » - Modification de la composition

Enfin, la commission a modifié la composition du groupe de travail « Bilan de santé de la PAC ». M. Jean Bizet a été désigné pour remplacer M. Rémy Pointereau. Sur proposition de M. Jean-Paul Emorine, président, elle a également décidé d'étendre le champ de compétences du groupe de travail aux questions de sécurité et d'approvisionnement alimentaires.