Mardi 6 mai 2008

- Présidence de M. Jean Arthuis, président

Solidarité - Gestion du RMI et mise en place du RSA - Audition de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

La commission a procédé à l'audition de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que cette audition, ouverte aux membres de la commission des affaires sociales, devait permettre de faire le point sur deux sujets :

- d'une part, les modalités de gestion du revenu minimum d'insertion, la commission devant examiner le lendemain le rapport de M. Auguste Cazalet sur la proposition de loi de M. Michel Mercier renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion (RMI) ;

- d'autre part, la mise en place du revenu de solidarité active (RSA), dont le président de la République a annoncé la généralisation en 2009.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que les départements avaient besoin d'informations complémentaires à celles qui leur sont aujourd'hui transmises par les caisses d'allocations familiales, afin de mieux piloter la dépense liée au RMI. Il a observé que la mise en place du RSA impliquait donc, au préalable, une gestion satisfaisante du RMI.

M. Martin Hirsch a indiqué que le RMI, dont on fêtait le vingtième anniversaire, avait connu trois périodes :

- une première phase au cours de laquelle ce dispositif avait permis d'accorder un revenu minimum à des personnes qui ne pouvaient pas travailler et qui n'avaient pas de ressources. Il était ainsi monté en charge conformément aux prévisions initiales pour bénéficier à quelques centaines de milliers de personnes ;

- une deuxième période durant laquelle le nombre de bénéficiaires du RMI avait crû, globalement, de manière importante. Cette prestation avait également été accordée à des personnes capables de travailler, pour lesquelles elle n'avait pas été conçue à l'origine, à la suite notamment de périodes de chômage. Ceci reflétait certains dysfonctionnements économiques et sociaux, notamment du marché du travail ;

- une troisième période, entamée en 2003, marquée par la décentralisation aux conseils généraux de la responsabilité de la gestion du RMI, les caisses d'allocations familiales (CAF) continuant à servir la prestation.

M. Martin Hirsch a observé que ces réformes avaient été absorbées rapidement et n'avaient pas posé de problèmes majeurs en termes de gestion, les acteurs ayant su répondre aux défis auxquels ils étaient confrontés.

En revanche, il a noté que deux démarches complémentaires étaient aujourd'hui menées :

- d'une part, le souci, traduit dans la proposition de loi présentée par M. Michel Mercier, de tirer des enseignements des relations entre les CAF et les conseils généraux et d'assurer une plus grande transparence ainsi qu'une meilleure information sur la gestion du RMI ;

- d'autre part, le projet de mise en oeuvre du RSA, dont une préfiguration était actuellement expérimentée par certains départements.

M. Martin Hirsch a déclaré partager les objectifs tendant, d'une part, à ce que ces prestations remplissent leur rôle de « sortie par le haut » vers le marché du travail, permettant d'atteindre un équilibre dans lequel les revenus du travail constituent la majeure partie des revenus et, d'autre part, à ce que les prestations soient financées et contrôlées conformément aux principes de gestion rigoureuse des finances publiques. Il s'est dit en accord avec les orientations de la proposition de loi présentée par M. Michel Mercier, même s'il s'est interrogé sur le calendrier de mise en oeuvre de ces dispositions et sur la manière de les instaurer, compte tenu de la perspective de généralisation du RSA en 2009.

Il a indiqué que deux chantiers étaient en cours :

- le renforcement des contrôles, grâce notamment à la récente mise en place d'un fichier national des allocataires, qui devrait être étendu d'ici la fin de l'année 2008 à l'ensemble de leurs ayants droit. Il a précisé que ce renforcement des contrôles s'appuyait également sur des croisements de fichiers, notamment ceux de l'administration fiscale et des organismes d'indemnisation du chômage, et a jugé souhaitable que les fichiers des CAF et des URSSAF soient également rapprochés ;

- la réforme des minima sociaux et la mise en place du RSA, qui se substituerait au RMI, à l'allocation de parent isolé (API), à la prime pour l'emploi (PPE), aux dispositifs d'intéressement ou de primes forfaitaires de retour à l'emploi, afin de définir un ensemble homogène destiné à assurer une croissance régulière des revenus en cas de reprise du travail. Cette réforme aurait un impact important sur les bénéficiaires de ces prestations et sur les acteurs impliqués dans leur gestion. M. Martin Hirsch a ajouté que seraient également refondus les systèmes d'information des CAF, afin notamment de tenir compte des expériences actuelles et du besoin d'informations complémentaires en matière de gestion des prestations. Cela le conduisait à porter une attention particulière à la question du calendrier de mise en oeuvre des dispositions de la proposition de loi présentée par M. Michel Mercier.

M. Martin Hirsch a précisé que la version future du RSA serait plus large que la version en cours d'expérimentation dans certains départements et a souligné deux différences notables :

- la nouvelle version du RSA engloberait les travailleurs pauvres, alors que la version actuelle est limitée aux allocataires du RMI et de l'API ;

- elle serait plus simple que la version actuelle, qui se conjugue avec d'autres prestations ou dispositifs existants comme la prime pour l'emploi (PPE), dans la mesure où le RSA aurait vocation à s'y substituer.

Le coût du RSA devrait correspondre à la somme des dépenses liées au RMI (6 milliards d'euros), à l'API (un milliard d'euros), à la prime de retour à l'emploi et aux dispositifs d'intéressement (quelques centaines de millions d'euros), à la prime pour l'emploi (4,5 milliards d'euros), à laquelle s'ajouterait 1,5 milliard d'euros supplémentaires mobilisés à l'occasion de cette réforme. Au total, le nouveau dispositif devrait être plus juste, plus progressif et permettre d'éviter les trappes à inactivité et à pauvreté.

Il a précisé que le coût supplémentaire provenait de l'intégration, dans le dispositif, des personnes aux revenus faibles, afin d'assurer une égalité de traitement en cas de situation équivalente. En outre, il a indiqué que la mise en place du RSA serait l'occasion de revoir le régime des droits connexes, afin qu'ils soient fonction des ressources et non plus des statuts liés au bénéfice de telle ou telle prestation.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si l'allocation de solidarité spécifique (ASS) serait intégrée dans le dispositif du RSA.

M. Martin Hirsch a indiqué que ce point faisait l'objet de discussions. Il a estimé que, dans un souci de simplification, l'ASS pourrait être intégrée dans le RSA, mais il a précisé que cette question devrait être abordée avec les partenaires sociaux et prendre en compte les réflexions en cours sur l'indemnisation du chômage.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est montré très favorable à l'inclusion de l'ASS au sein du RSA, en jugeant inutile d'attendre que la personne se trouve dans une situation plus précaire pour être prise en charge par ce dispositif.

Il a salué la volonté, annoncée par le président de la République, de redéployer une partie de la prime pour l'emploi vers le RSA, en notant qu'elle rejoignait une analyse antérieurement conduite par la commission et devrait permettre une meilleure soutenabilité des finances publiques. Il a toutefois souhaité obtenir des précisions sur les projections de montée en charge du RSA, ainsi que sur les modalités concrètes de redéploiement de la PPE.

M. Martin Hirsch a indiqué que la première étape de la mise en oeuvre du RSA consistait à rassembler l'ensemble des crédits consacrés aux prestations et des publics concernés - bénéficiaires de minima sociaux ; travailleurs pauvres dont la moitié ne bénéficie ni de la prime pour l'emploi, ni du RMI ; personnes gagnant un peu plus que le SMIC - et à ajouter 1,5 milliard d'euros au montant actuel de ces dépenses, afin de constituer l'effort global correspondant au revenu de solidarité active. La question qui se pose ensuite est celle du « centre de gravité » retenu pour la nouvelle prestation. Il a observé qu'une prestation trop diluée, selon l'analyse de la Cour des comptes, n'avait ni effet redistributif, ni effet incitatif et que la solution retenue consisterait donc à recentrer le champ de la PPE sur les plus bas revenus.

M. Martin Hirsch a indiqué, par ailleurs, que la réflexion sur les modalités de recentrage de la PPE sur les personnes les plus modestes, dans le cadre de la mise en place du RSA, se poursuivait, rappelant que l'arbitrage sur le montant consacré au RSA avait été rendu très récemment. Il a précisé que des consultations étaient en cours à ce sujet, notamment avec les partenaires sociaux et l'Assemblée des départements de France. Il a estimé, pour sa part, qu'un recentrage de la PPE, pour un montant pouvant varier entre 100 millions et 2 milliards d'euros, était souhaitable. Jugeant que le RSA serait plus incitatif et plus redistributif que le système actuel, il a fait observer que le retour au travail des bénéficiaires, favorisé par ce nouveau dispositif, permettrait d'en alléger le coût.

M. Auguste Cazalet, rapporteur, a indiqué avoir constaté, au cours de ses déplacements sur place, que les conseils généraux ne disposaient pas des instruments de pilotage nécessaires en matière de gestion du RMI. Il a précisé que le problème résultait en partie des systèmes d'information des caisses d'allocations familiales qui ne permettent pas de fournir des indicateurs de gestion performants. Il a ainsi jugé que la proposition de loi de M. Michel Mercier était opportune et nécessaire dans la perspective de la mise en place du RSA et a demandé à M. Martin Hirsch s'il était prêt à soutenir cette démarche. Il a enfin souligné que les conclusions de la commission sur cette proposition de loi, qu'il présenterait le lendemain, veilleraient à assurer une transition avec le dispositif du RSA.

Sur le fond de la proposition de loi, M. Martin Hirsch a déclaré être à « 100 % favorable » à ce que les relations entre les caisses d'allocations familiales et les conseils généraux soient plus transparentes. Il s'est toutefois déclaré soucieux de l'intégration du dispositif prévu par la proposition de loi dans le chantier général de refonte des minima sociaux.

M. Michel Mercier a remarqué que si l'objectif poursuivi par le RSA était largement consensuel, il convenait toutefois, pour assurer sa réussite, d'apporter au préalable davantage de transparence dans la gestion du RMI. Il a rappelé que la compensation par l'Etat du transfert du RMI aux départements était déficitaire de plusieurs millions d'euros, précisant que cette somme s'élevait à 30 millions d'euros par an dans le département du Rhône. Par ailleurs, il a regretté que l'aide de l'Etat prévue pour participer au financement des contrats d'avenir n'ait jamais été versée. Jugeant que, dans ce contexte, les dépenses de RMI pesaient sur les finances départementales, il a appelé de ses voeux un éclaircissement des engagements de l'Etat sur ces sujets. Enfin, tout en reconnaissant la « bonne volonté » des caisses d'allocations familiales, il a souhaité, pour que le RSA fonctionne, qu'il soit remédié à une situation où le département ne sait pas précisément à quoi correspondent les sommes qu'il verse et prend néanmoins à sa charge les paiements indus.

Sur la question des relations entre les conseils généraux et les caisses d'allocations familiales, M. Martin Hirsch a indiqué prendre en compte la situation des départements et travailler, à ce sujet, en étroite liaison avec certains départements et avec l'Assemblée des départements de France. Il s'est par ailleurs engagé à ce que le RSA produise moins de paiements indus que le RMI. M. Jean Arthuis, président, a demandé si, pour parvenir à cet objectif, une déclaration mensuelle remplacerait l'actuelle déclaration trimestrielle. M. Martin Hirsch a indiqué y être favorable.

Sur la question de la contribution de l'Etat au financement des nouveaux contrats aidés, il a rappelé l'engagement pris par Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, de verser les sommes dues par l'Etat. Au sujet de la compensation par l'Etat aux départements du transfert du RMI, il a fait valoir que l'Etat versait 500 millions d'euros par an aux départements dans le cadre du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI). Enfin, il a souligné que le surcoût du RSA serait financé par l'Etat et non par les départements et qu'un accord était actuellement recherché avec l'Assemblée des départements de France sur la répartition du financement du RSA.

M. Eric Doligé a mis en garde contre une éventuelle généralisation du RSA avant que des solutions n'aient été apportées aux questions soulevées par son expérimentation. Il s'est inquiété des modalités de compensation du coût du RSA pour les départements, indiquant que, dans le Loiret par exemple, ce coût pourrait atteindre 8 millions d'euros. Il a enfin interrogé M. Martin Hirsch sur l'éventuel surcoût résultant du versement du RSA à un grand nombre de travailleurs qui se situent en dessous du seuil de pauvreté.

M. Roland du Luart a souligné son intérêt pour le RSA, qui devrait permettre de remplacer plusieurs allocations par une prestation unique. Il a toutefois manifesté des craintes quant à la complexité du futur dispositif. Il a rappelé, en accord avec les déclarations de MM. Michel Mercier et Eric Doligé, le manque de compensation par l'Etat du transfert du RMI aux départements, évaluant ce manque à 24 millions d'euros dans la Sarthe. Il a déclaré être favorable au RSA, souhaitant néanmoins, au préalable, que la proposition de loi de M. Michel Mercier soit adoptée et que soit mise en place une forme de solidarité interdépartementale.

Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur l'éventuel impact du RSA sur l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Elle a, par ailleurs, demandé si la compensation des écarts territoriaux, prévue dans le Livre vert relatif au RSA, était incluse dans le montant de 12 milliards d'euros prévu pour son financement.

M. Serge Dassault a regretté, en qualité de rapporteur des crédits de la mission « Travail et emploi », que de nouvelles dépenses soient prévues, au lieu de poursuivre l'objectif de retour à l'équilibre budgétaire, et que davantage d'aide publique soit nécessaire pour inciter les chômeurs à la reprise d'activité.

M. Claude Belot a fait état du succès de l'expérimentation du RSA en Charente-Maritime, tout en précisant ne disposer que d'un recul de quatre mois depuis sa mise en place. Il a appelé de ses voeux une vision dynamique du RSA, jugeant qu'il permettrait de réintégrer davantage de bénéficiaires des minima sociaux au sein du marché du travail. Il a ainsi estimé que les départements gagneraient à mettre en place ce nouveau dispositif, qui favorise la diminution du nombre d'allocataires.

M. Bernard Cazeau, constatant que le système déclaratif actuel du RMI était générateur d'indus, s'est interrogé sur son évolution dans le cadre de l'instauration du RSA. Estimant que le principe du RSA était une bonne chose, il s'est toutefois inquiété de sa charge financière, qui avant d'être évaluée à 1,5 milliard d'euros l'avait été à 3 milliards d'euros.

M. Jean Arthuis, président, a enfin demandé si les crédits de la « prime de Noël » seraient ajoutés aux 12 milliards d'euros prévus pour le RSA.

En réponse à M. Eric Doligé, M. Martin Hirsch a indiqué que le RSA n'entrainerait pas de charges supplémentaires pour le département du fait de l'intégration à son dispositif des « travailleurs pauvres », puisque l'éventuel surcoût par rapport à la prime pour l'emploi serait compensé par l'Etat.

En réponse à M. Roland du Luart, M. Martin Hirsch a reconnu que davantage de transparence était nécessaire entre l'Etat et les départements, dans le cadre d'un « contrat de confiance », et que les départements avaient besoin de meilleurs outils de pilotage du RMI. Il a souligné que le RSA permettait déjà, là où il était expérimenté, d'obtenir de meilleures informations sur la situation des allocataires. Revenant sur la question d'une éventuelle péréquation financière entre les départements, il s'y est déclaré favorable, tout en reconnaissant que cette question dépassait le cadre de la mise en place du RSA.

Répondant à Mme Nicole Bricq, M. Martin Hirsch a indiqué qu'en l'état actuel du projet, il n'était pas prévu d'intégrer l'AAH dans le RSA, du fait des spécificités importantes de cette allocation.

M. Martin Hirsch a remercié M. Claude Belot pour son implication dans l'expérimentation du RSA. Il s'est par ailleurs félicité que, dans le cadre de cette expérimentation, les deux tiers des retours à l'emploi se fassent vers le secteur marchand.

En réponse à M. Bernard Cazeau, M. Martin Hirsch a rappelé sa volonté que le RSA mette fin au système « archaïque » de déclaration trimestrielle de ressources. Il a proposé, par ailleurs, de prendre en compte les insatisfactions actuelles des départements en matière de financement du RMI pour trouver un accord entre l'Etat et l'Assemblée des départements de France dans le cadre du RSA. Il a enfin souligné que l'objectif poursuivi par le RSA de faire accéder au marché du travail les bénéficiaires de minima sociaux était partagé par l'ensemble des acteurs.

Répondant à M. Serge Dassault, M. Martin Hirsch a fait valoir que le système du RSA permettrait une transition entre l'allocation minimale et les revenus du travail. Il a jugé souhaitable que la France participe au mouvement de nombreux pays, notamment européens, vers la mise en place de systèmes de solidarité active similaires au RSA.

Enfin, en réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Martin Hirsch a relevé que la « prime de Noël » était un système inégalitaire du fait de son caractère ponctuel, car il exclut les allocataires sortis du dispositif au moment de son versement. Il a affirmé sa volonté de corriger cet effet pervers.

Groupe de travail - Moyens des universités - Désignation des membres

La commission a ensuite procédé à la désignation des sénateurs devant participer au groupe de travail commun avec la commission des affaires culturelles sur la réforme de l'allocation des moyens par l'Etat aux universités (révision du système « San Remo »). Ont été nommés MM. Philippe Adnot, Christian Gaudin et Gérard Longuet, en leur qualité respectivement, de rapporteurs spéciaux des missions « Recherche et enseignement supérieur » et « Enseignement scolaire ».

Mercredi 7 mai 2008

- Présidence de M. Jean Arthuis, président

Contrôle du RMI - Examen du rapport

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Auguste Cazalet sur la proposition de loi n° 212 (2007-2008) renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion (RMI).

M. Auguste Cazalet, rapporteur, a indiqué que le renvoi en commission de la proposition de loi de M. Michel Mercier renforçant le contrôle comptable du RMI, décidé par le Sénat le 26 mars 2008, lui avait permis de mener des investigations complémentaires sur pièces et sur place et, notamment, de se rendre dans trois départements.

Après avoir salué le travail effectué à la fois par les caisses d'allocations familiales, les caisses de mutualité sociale agricole et les départements dans le domaine de la gestion du RMI, il a observé que les informations dont disposaient les conseils généraux pour piloter cette dépense étaient aujourd'hui insuffisantes.

La loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (RMA) faisant des départements les pilotes du dispositif du RMI, M. Auguste Cazalet, rapporteur, a jugé indispensable qu'ils puissent disposer de tous les éléments leur permettant de connaître les bénéficiaires du RMI ainsi que les montants versés et d'opérer les contrôles nécessaires. Il a donc estimé que, malgré la qualité du travail des caisses d'allocations familiales (CAF) et des caisses de mutualité sociale agricole, certaines améliorations législatives étaient nécessaires. Il a également souligné le besoin de renforcer aujourd'hui les synergies entre les différents acteurs impliqués dans la gestion du RMI.

En outre, il a relevé que le dispositif du revenu de solidarité active (RSA), qui devrait être généralisé en 2009, serait d'une complexité supérieure à celle du RMI. Dès lors, il a indiqué que la clarification des relations entre les organismes payeurs et les conseils généraux lui apparaissait être un préalable à la mise en place du RSA, les départements devant être en mesure de gérer de manière satisfaisante le RMI pour pouvoir prendre en charge ce nouveau dispositif. Il a donc estimé que la proposition de loi présentée par M. Michel Mercier n'en était que plus légitime et sa mise en oeuvre, plus urgente.

Puis M. Auguste Cazalet, rapporteur, a commenté les six articles contenus dans ses conclusions, qui s'inscrivaient dans la philosophie générale du texte initial.

Il a indiqué que le premier article prévoyait l'amélioration de l'information des conseils généraux sur l'acompte qui leur était demandé par les organismes payeurs au titre du RMI et de la prime forfaitaire, cette disposition entrant en vigueur le 1er janvier 2009.

Il a noté que le deuxième article, qui ne figurait pas dans le texte initial, rendait obligatoire l'information du président du conseil général lors de la reprise des versements faisant suite à une décision de suspension des droits.

Il a expliqué que le troisième article tendait à préciser les informations que l'organisme payeur devait transmettre au conseil général s'agissant des paiements indus, en complétant les dispositions législatives actuelles afin d'apporter, en particulier, deux modifications :

- la première vise à ne transférer les indus au département que lorsque le droit au RMI ou à la prime forfaitaire a cessé, c'est-à-dire après quatre mois d'absence de recouvrement, contre trois aujourd'hui ;

- la seconde vise à s'assurer que l'organisme payeur, lorsqu'il transmet au département un indu, fournit bien, outre le nom du bénéficiaire du paiement indu et les sommes en cause, le motif précis rendant ce versement indu.

M. Auguste Cazalet, rapporteur, a indiqué que le quatrième article, suivant la philosophie générale du texte initial de la proposition de loi, tendait à permettre aux conseils généraux qui le souhaitaient de demander une modification de la convention passée avec l'organisme payeur afin d'y inclure les éléments suivants :

- les modalités d'échanges de données entre les partenaires, notamment au regard de l'obligation de détailler l'acompte mensuel posée par l'article 1er ;

- les modalités d'information du président du conseil général lors de la reprise des versements après une période de suspension de l'allocation ;

- le degré de précision du motif des indus transférés au département ;

- enfin, les engagements de qualité de service et de contrôle, pris par l'organisme payeur, notamment en vue de limiter les paiements indus.

Le cinquième article, qui reprend, en les aménageant, les dispositions de l'article 3 du texte initial, précise les règles applicables en matière de croisement des données des organismes payeurs avec celles dont disposent les organismes d'indemnisation du chômage et l'administration fiscale, mais également avec les URSSAF, en visant :

- d'abord, à renforcer le contrôle par croisement de données avec ces organismes, en augmentant leur fréquence ;

- ensuite, à améliorer l'information dont les présidents de conseils généraux disposent à l'issue de ces croisements ;

- enfin, à prévoir la transmission mensuelle aux services du conseil général de la liste nominative des personnes contrôlées par les CAF, en précisant la nature du contrôle effectué, et ce, afin d'assurer une bonne coordination entre les contrôles exercés par les CAF et la politique de suivi des allocataires dont le département a la charge.

La mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions nécessitant très vraisemblablement des adaptations des systèmes d'information, M. Auguste Cazalet, rapporteur, a précisé que leur entrée en vigueur serait fixée au 1er janvier 2009, afin de laisser aux organismes concernés le temps nécessaire pour les mettre en oeuvre de manière satisfaisante.

Puis il a indiqué que le dernier article précisait les dates d'entrée en vigueur de certaines mesures et prévoyait une articulation entre les dispositions de cette proposition de loi et la mise en place du RSA.

Enfin, il a estimé que ces conclusions, dont le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté avait déclaré partager les objectifs la veille devant la commission, paraissaient équilibrées et de nature à résoudre certaines des difficultés rencontrées aujourd'hui.

M. Jean Arthuis, président, s'est félicité des investigations ainsi menées et a souligné que la mise en place du RSA devait prendre appui sur un pilotage effectif et irréprochable du RMI.

M. Michel Mercier a remercié le rapporteur pour ses travaux et a rappelé que sa proposition de loi ne remettait nullement en cause le RMI, mais était destinée à permettre aux conseils généraux d'avoir une connaissance précise de leurs charges. Puis il a fait état de l'évolution du nombre de bénéficiaires du RMI dans le département du Rhône, en observant que leur diminution ne s'était pas traduite par une baisse identique et concomitante de l'acompte demandé au conseil général. Il a également souligné l'importance des paiements indus, qui représentaient près de 18 millions d'euros.

Notant l'accord du haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté avec les objectifs de la proposition de loi et ses réserves s'agissant du calendrier retenu pour son application, il a souligné que la généralisation du RSA, qui se traduirait par une extension très importante du nombre de personnes couvertes par ce nouveau dispositif, ne pourrait être menée que si les conseils généraux disposaient des outils de suivi et de pilotage adaptés. A cet égard, il a fait part de son souhait de voir les dispositions de la proposition de loi entrer en vigueur aussitôt que possible.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la mise en place du RSA entraînerait une modification des systèmes d'information des CAF, ce qui avait conduit le rapporteur à proposer que certaines dispositions n'entrent en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2009, afin de veiller à la cohérence des réformes entreprises.

M. Michel Mercier a souhaité que M. Auguste Cazalet, en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », puisse s'assurer, par le biais de contrôles, que les CAF se préparent effectivement à répondre aux exigences posées par cette proposition de loi dès le 1er janvier 2009.

Il a ensuite mis en évidence les enjeux que représenteraient en 2009, pour les conseils généraux, le cadre de gestion des tutelles issu de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs ainsi que la mise en place du RSA.

M. Jean Arthuis, président, a constaté que le pilotage du RMI avait longtemps été déficient et que les systèmes d'information utilisés par les CAF, essentiellement destinés à assurer un traitement de masse des prestations, en étaient le reflet. Il a mis en évidence, de manière plus générale, la nécessité de renforcer le pilotage des dispositifs sociaux et d'opérer davantage de contrôles dans ce domaine.

M. Auguste Cazalet, rapporteur, a observé que les insuffisances des systèmes d'information actuels des CAF expliquent une large part des difficultés rencontrées par les conseils généraux dans leur pilotage du RMI.

M. Roland du Luart, après avoir remercié MM. Michel Mercier et Auguste Cazalet pour leurs travaux, a souligné l'importance de la question abordée par cette proposition de loi. La mise en place de ces dispositions lui apparaît ainsi être un préalable à la mise en oeuvre du RSA, dont il a souligné le coût potentiellement élevé pour les départements. Il a estimé que ces derniers devaient donc disposer au plus vite des outils de pilotage adéquats.

M. Jean Arthuis, président, a relevé que les systèmes d'information étaient au coeur de la réforme de l'Etat.

M. Claude Haut a indiqué que les conseils généraux rencontraient tous les mêmes difficultés et a approuvé sur le fond les orientations de la proposition de loi présentée par M. Michel Mercier. Il a toutefois observé que les difficultés de financement du RMI, essentielles à ses yeux, ne trouvaient pas de réponse dans ce cadre. Il a souligné l'importance de la question de la compensation aux départements des charges qui leur sont transférées, notamment dans la perspective de la généralisation du RSA.

M. Jean Arthuis, président, a relevé que la proposition de loi ne comportait pas de dispositions relatives au financement du RMI, son objet étant de permettre aux départements de disposer des instruments de pilotage adéquats.

M. Michel Moreigne a mis en évidence la nécessité de clarifier cette question du financement préalablement à la mise en place du RSA. Il s'est également interrogé sur les risques encourus par les payeurs départementaux à raison de paiements indus, en cas de mise en cause de leur responsabilité.

M. Michel Mercier, prenant comme exemple la situation du département du Rhône en matière d'indus, a indiqué que le payeur départemental n'était pas en cause, puisque ce sont les CAF qui servent le RMI.

M. Jean Arthuis, président, a observé que nombre d'indus découlent directement du régime déclaratif du RMI. A cet égard, il a noté que le souhait, exprimé par le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté lors de son audition devant la commission le 6 mai 2008, de passer d'une déclaration trimestrielle de revenus à une déclaration mensuelle devrait contribuer à limiter ces indus.

M. Claude Belot a rappelé la réussite de l'expérimentation du RSA dans le département de la Charente-Maritime, qui permet d'augmenter le nombre d'allocataires qui sortent du dispositif des minima sociaux « par le haut », vers le marché du travail. Au sujet des relations avec la CAF, il a indiqué que tous les conseils généraux avaient connu des problèmes similaires. Il a insisté sur la nécessité de disposer des outils appropriés pour opérer des contrôles sur les bénéficiaires afin de prévenir les paiements indus, ceux-ci s'avérant par la suite difficilement récupérables. Enfin, il s'est interrogé sur la perspective d'un renforcement de l'autorité des conseils généraux sur les CAF.

Mme Marie-France Beaufils a remercié M. Claude Belot pour son intervention, indiquant partager son souci de prévenir les indus, qu'elle a jugés très préjudiciables pour les bénéficiaires, qui doivent par la suite les rembourser. Elle a souligné deux enjeux principaux : celui de l'accompagnement des bénéficiaires pour leur permettre de sortir du dispositif d'allocations et celui du financement futur du RSA. Elle a regretté qu'il faille recourir à la loi pour améliorer les relations entre les CAF et les conseils généraux et a rappelé que M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, avait émis des doutes sur l'opportunité de la proposition de loi présentée par M. Michel Mercier dans le contexte de la mise en place du RSA. Elle a souhaité que les bénéficiaires du RMI ne soient pas « stigmatisés ». Enfin, elle s'est interrogée sur la pertinence de l'attribution aux CAF du rôle de paiement du RMI.

M. Michel Mercier a précisé que le seul objectif de la proposition de loi qu'il avait présentée était de produire moins de paiements indus, arguant que ces sommes pourraient être utilisées utilement par ailleurs.

M. Jean Arthuis, président, a réaffirmé que la proposition de loi n'allait pas à l'encontre de l'intérêt des bénéficiaires du RMI, mais se contentait d'améliorer les instruments de pilotage du dispositif pour le rendre plus transparent.

M. Gérard Miquel a estimé que la proposition de loi pourrait permettre de verser le RMI de façon plus juste et équitable. Puis il s'est interrogé sur la mise en commun des fichiers entre les différentes CAF, notamment pour les départements limitrophes.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que cette mise en commun semblait être en cours et que le gouvernement pourrait être utilement interrogé à ce sujet lors de l'examen, en séance publique, des conclusions de la commission sur la proposition de loi.

M. Gérard Miquel a regretté qu'après vingt ans de mise en oeuvre du RMI cette coordination entre les CAF ne soit toujours pas effective. Il s'est par ailleurs déclaré convaincu que la gestion du RMI et de l'éventuel RSA serait, à terme, intégralement confiée aux départements, ce qui rendrait le dispositif plus lisible pour ses bénéficiaires.

M. Philippe Adnot, tout en indiquant entretenir dans le département de l'Aube de très bonnes relations avec la CAF, a jugé que l'avantage de la proposition de loi était d'éviter que la bonne gestion du RMI ne soit dépendante de circonstances locales. Il a, par ailleurs, regretté que le délai prévu pour l'entrée en vigueur de certaines dispositions de la proposition de loi soit fixé au 1er janvier 2009, estimant que les conditions étaient réunies pour sa mise en oeuvre immédiate. Enfin, il s'est inquiété de la perspective de généralisation du RSA, en l'absence d'analyse des résultats des expérimentations, et a demandé à M. Jean Arthuis, président, s'il disposait de davantage d'informations à ce sujet.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué ne pas disposer d'informations précises sur les résultats des expérimentations et a souhaité que davantage d'éléments soient transmis à la commission lorsque les leçons des expérimentations pourraient être tirées.

La commission a alors adopté les conclusions présentées par son rapporteur sur la proposition de loi n° 212 (2007-2008) renforçant le contrôle du revenu minimum d'insertion, le groupe socialiste s'abstenant et le groupe communiste républicain et citoyen votant contre.

Défense - Insertion des jeunes en difficulté - Saisine pour avis - Nomination du rapporteur pour avis - Examen du rapport pour avis

Puis la commission a décidé de se saisir pour avis du projet de loi n° 270 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 relative à la mise en place au sein des institutions de la défense d'un dispositif d'accompagnement à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté, et l'ordonnance n° 2007-465 du 29 mars 2007 relative au personnel militaire modifiant et complétant la partie législative du code de la défense et le code civil, et portant diverses dispositions relatives à la défense. Elle a désigné M. François Trucy, rapporteur pour avis, puis elle a procédé à l'examen pour avis du projet de loi.

M. François Trucy, rapporteur pour avis, a rappelé qu'il avait fait, à ce sujet, une communication le 16 avril 2008 devant la commission, en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Défense », communication qui avait été suivie de la publication d'un rapport d'information.

M. François Trucy a indiqué qu'il avait mené, en effet, de 2006 à 2008, un contrôle budgétaire sur pièces et sur place, en application de l'article 57 de la LOLF, portant sur le service militaire adapté (SMA) et sur le dispositif « Défense deuxième chance », géré par l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDe). Ces deux dispositifs ont pour objet de favoriser l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Le SMA, mis en place en 1961, concerne les départements et collectivités d'outre-mer, et le dispositif « Défense deuxième chance », instauré en 2005, concerne les jeunes de métropole.

A l'issue de ce contrôle, il a défini neuf propositions, qui vont du maintien d'un niveau suffisant d'encadrement et d'investissement pour préserver le SMA à la stabilisation des ressources de l'EPIDe. Il propose également de doter l'établissement public d'un budget d'investissement et d'adapter la carte des implantations de l'EPIDe, afin de localiser les centres à proximité des entreprises qui recrutent.

Il a estimé que son intervention en séance publique, en qualité de rapporteur pour avis, permettra de donner plus de poids aux recommandations de son rapport d'information.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

Finances publiques - Mise en place d'un budget pluriannuel - Audition de M. Philippe Josse, directeur du budget

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, M. Jean Arthuis, président, a souligné l'importance, pour les finances publiques, de l'élaboration d'un budget triennal pour la période allant de 2009 à 2011. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, la commission avait insisté sur l'intérêt d'aller au-delà du strict cadre de l'annualité budgétaire, afin de parvenir à un retour à l'équilibre. Il a estimé qu'une loi de programmation des finances publiques renforcerait le respect des pouvoirs du Parlement. Il a considéré, enfin, que si la mise en place d'un budget triennal s'accompagnait d'une modification de la maquette budgétaire, le Parlement devrait être étroitement associé à cet exercice. Cela justifiait donc l'ouverture de cette audition à tous les sénateurs.

M. Philippe Josse, directeur du budget, a rappelé que le cheminement vers un budget pluriannuel pour la période allant de 2009 à 2011 avait été initié par le rapport remis en octobre 2006 par MM. Alain Lambert et Didier Migaud sur la mise en oeuvre de la LOLF, puis poursuivi, à l'initiative de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, grâce au rapport en vue du débat d'orientation budgétaire de juillet 2007. Il a insisté, par ailleurs, sur le premier Conseil de modernisation des politiques publiques présidé par le Président de la République, le 12 décembre 2007, à l'occasion duquel la décision de principe du passage à la budgétisation pluriannuelle a été prise. Il a indiqué, en outre, que la circulaire du Premier ministre, en date du 11 février 2008, avait confirmé le lancement de la procédure visant à mettre en place un budget pluriannuel sur trois ans comportant une programmation par mission.

M. Philippe Josse a exposé l'architecture générale du budget pluriannuel qui concerne l'ensemble des dépenses de l'Etat avec une norme de progression de la dépense élargie, comme en projet de loi de finances pour 2008, aux prélèvements sur recettes et aux affectations de recettes. Il a expliqué que la maille de programmation sera la mission, ce qui implique des enveloppes suffisamment larges pour permettre d'atteindre un compromis entre logique de gestion et logique d'identification de chaque politique publique au sein d'une mission.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, il a indiqué que la programmation portera sur les plafonds des missions, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, pour les trois années suivantes. Il a précisé qu'une période de trois ans correspondait à une durée classique de programmation financière et était cohérente avec la durée de mise en oeuvre des réformes engagées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Il a ajouté que la programmation budgétaire ne sera pas révisée chaque année, mais qu'elle aura un degré de fermeté différent selon les exercices.

Il a souligné que cette programmation sera fondée sur un principe d'auto-assurance pouvant se définir comme le respect des plafonds au sein de chaque mission en exécution. Par ailleurs, une réserve de budgétisation permettra de procéder à des ajustements limités pour les deuxième et troisième années du budget pluriannuel, afin de prendre en compte les aléas.

M. Philippe Josse a estimé que l'évolution vers la pluriannualité ne nécessitait pas de révision constitutionnelle ou organique, et que les pouvoirs du Parlement, notamment le droit d'amendement, seraient respectés, voire renforcés dans la mesure où ils s'appliqueraient à des missions plus vastes facilitant donc les modifications entre programmes d'une même mission.

Il a précisé que la mise en place de la pluriannualité impliquait, en effet, des modifications de la maquette budgétaire afin de clarifier les périmètres de responsabilité, de limiter les missions interministérielles et les missions ne présentant pas une taille critique suffisante. Il faudra enfin assurer la stabilité de cette maquette sur la durée de la programmation.

Il a considéré que les enveloppes du budget pluriannuel pourraient être présentées à l'occasion du prochain débat d'orientation budgétaire, mais que l'option la plus satisfaisante résidait dans une présentation de ces enveloppes dans le cadre d'un projet de loi de programmation des finances publiques.

M. Philippe Josse a indiqué que le budget pluriannuel comportera des éléments faisant l'objet d'une programmation ferme, non révisable les années suivantes, et des éléments faisant l'objet d'une programmation indicative pouvant être revue. Il a précisé que le plafond global de dépense, accompagné d'une norme de dépense annuelle, figurera dans la première catégorie, tandis que les plafonds par mission seront fermes pour les deux premières années mais révisables la troisième année, et que la répartition par programme sera ferme la première année mais indicative pour les deux années suivantes.

Il a ajouté que, selon ce schéma, la répartition des plafonds par mission n'aura donc lieu qu'une année sur deux et que la dernière année du budget pluriannuel constituera le socle de la programmation suivante. Il a, en outre, indiqué que cet enchaînement budgétaire s'intégrait pleinement dans le calendrier politique résultant du quinquennat.

Il a considéré que, dans ce dispositif, la prise en compte des aléas sera rendue possible par l'existence de la réserve de budgétisation. Une charte d'utilisation sera définie pour que cette réserve ne soit utilisée que pour faire face à des aléas strictement imprévisibles au moment de l'élaboration du budget pluriannuel.

Afin d'illustrer les bénéfices à attendre de la généralisation de la pluriannualité, M. Philippe Josse a rappelé que les éléments actuels de pluriannualité étaient insuffisants, en particulier parce que le programme de stabilité transmis chaque année à la Commission européenne et au Conseil européen constituait un cadrage glissant, très global et peu contraignant. Il a ajouté que les contrats pluriannuels actuellement passés avec certaines administrations, telles que les services de l'équipement ou le ministère des affaires étrangères et européennes, ne couvraient qu'une faible part des crédits et des effectifs.

Il a souligné, en outre, que les lois de programmation actuelles -qui constituent une pluriannualité « à la hausse »- ne concernent que 20 % des crédits du budget de l'Etat et ne donnaient de la visibilité qu'aux administrations dont les autorisations de dépense augmentent, sans donner de perspectives à celles devant procéder à des ajustements à la baisse.

Il a estimé que la mise en oeuvre du budget pluriannuel permettrait, au total, de regagner des marges de manoeuvre et des capacités d'ajustement.

M. Philippe Josse a considéré qu'un autre intérêt de la programmation résidait dans la meilleure visibilité accordée aux gestionnaires, tant au niveau des programmes que des budgets opérationnels de programme ou encore des opérateurs, pour autant que les ministres décident de décliner la pluriannualité au plus près de la gestion de terrain.

Il a par ailleurs indiqué que le passage à la pluriannualité impliquera une évolution de la maquette budgétaire, qui comporte actuellement un tiers de missions interministérielles représentant 50 % des crédits du budget général, et est composée de missions très hétérogènes, tant dans leur taille que dans la nature de leurs crédits.

Il a estimé que cette évolution de la maquette ne devait pas remettre en cause les principes de la LOLF, notamment la prééminence de la nomenclature par destination.

Citant le rattachement du programme « Gendarmerie nationale » au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui a permis une « ministérialisation » de la mission « Sécurité », il a ajouté qu'une responsabilisation accrue passait par la réduction du nombre des missions interministérielles. Il a souligné, en outre, que le principe d'auto-assurance exigeait des missions avec des périmètres suffisamment larges comportant, autant que possible, des dépenses de nature différente, afin d'assurer une bonne capacité d'ajustement aux aléas en cours de gestion.

M. Philippe Josse a estimé que l'évolution de la maquette budgétaire devait prendre en compte les observations faites par le Parlement, notamment via les rapports spéciaux et pour avis ainsi qu'à l'occasion du prochain débat d'orientation budgétaire.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la perspective ouverte par le budget pluriannuel répondait au souhait de la commission d'une meilleure maîtrise des dépenses, et s'inscrivait dans la vision des « pères fondateurs » de la LOLF, MM. Alain Lambert et Didier Migaud.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que si l'annonce d'un budget pluriannuel était la bienvenue, le véritable défi pour les finances publiques revenait à inscrire dans un budget global l'ensemble des crédits relatifs, non seulement au budget de l'Etat, mais également aux organismes divers d'administration centrale ou à la sécurité sociale. Notant à cet égard le succès de « l'agencisation » de l'Etat, qui consiste en la propension de celui-ci à confier des missions de service public à des agences autonomes, il a appelé de ses voeux l'adoption d'une vision globale de l'ensemble des finances publiques au sein de la discussion budgétaire. Il a indiqué que la réserve de budgétisation constituait un élément important en vue d'apporter davantage de crédibilité aux engagements européens de la France pour le respect du pacte de stabilité. S'agissant de l'auto-assurance évoquée dans le cadre de la future loi de programmation triennale, il a cependant fait valoir que l'alternative consistant à voter des minima par mission dotées d'options ajustables en fonction de la réalité économique retenait davantage ses faveurs.

Sur la question de l'instrument juridique à adopter pour mettre en oeuvre la pluriannualité, il a rappelé que la loi d'orientation quinquennale relative à la maîtrise des finances publiques de 1994 constituait un précédent intéressant, même s'il s'inscrivait dans un contexte juridique « pré-lolfien ». A cet égard, il a préféré une solution législative afin que ne se développe pas une programmation par simple circulaire entre le Premier ministre et les ministres. Revenant sur la nature des dépenses à prendre en considération dans le budget, il a souhaité que la norme de dépense soit élargie aux dépenses fiscales.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a regretté de voir réduit le nombre de missions interministérielles dans la mesure où l'esprit originel de la LOLF tendait, au contraire, à favoriser l'interministérialité et à dissocier les moyens des structures en rendant les responsables de programme indépendants. A ce titre, s'il a noté une dissymétrie entre des « macro-missions », s'apparentant parfois à de véritables « boîtes noires », et des « micro-missions » qu'il conviendrait de rassembler, il a souligné qu'il était également nécessaire de scinder certaines des missions les plus importantes dont quatre d'entre elles, relatives à l'enseignement scolaire, aux engagements financiers de l'Etat, à la défense et la recherche et à l'enseignement supérieur, représentent, à elles seules, 60 % des crédits du budget général.

M. Jean Arthuis, président, a souligné l'intérêt de rendre chacun des ministres pleinement responsables de leurs missions respectives.

En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Philippe Josse a souligné que l'exercice de programmation donnerait toute sa crédibilité à la mise en application du pacte de stabilité et que dans cette perspective, l'objectif de réunir au sein d'une même loi de programmation pluriannuelle les dépenses de l'Etat et des autres administrations publiques constituait une perspective très positive. S'agissant de la proposition défendue par le rapporteur général de définir des dotations minimales et des dotations optionnelles en fonction de la conjoncture économique, il a indiqué que le principe d'auto-assurance retenu par le gouvernement et consistant en la possibilité de redéployer des crédits en cours de programmation pour faire face aux imprévus, lui semblait présenter de plus grandes garanties.

Abordant le débat relatif à la qualification juridique de la loi de programmation des finances publiques, il a indiqué que le Conseil d'Etat avait rendu un avis sur la question. En soulignant que le Conseil constitutionnel, dans sa décision relative à la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005, avait rappelé que le domaine des lois de programme demeurait limité à un objet économique et social, il a évoqué la possibilité d'une révision de la Constitution visant à inscrire au sein de l'article 34 les lois relatives aux finances publiques comme susceptibles de faire l'objet d'une programmation.

S'agissant de l'encadrement des dépenses fiscales, il a indiqué que celles-ci, contrairement aux dépenses budgétaires, faisaient l'objet d'évaluations ex-post et que leur maîtrise ne s'inscrivait pas dans un rythme annuel. C'est pourquoi il a proposé qu'une norme afférente aux dépenses fiscales soit envisagée et qu'elle soit distincte de celle relative aux dépenses budgétaires.

S'agissant de la maquette, M. Philippe Josse a souligné que l'existence de missions vastes était moins un problème que le découpage des programmes au sein de celles-ci. A cet égard, il a considéré que le souci de lisibilité exprimé par le rapporteur général pouvait être satisfait par la révision de la répartition en programmes de certaines missions qui comportent, pour certaines, trop de « macro-programmes ».

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, a rappelé que l'article 34 de la Constitution avait pour objet de définir le domaine de la loi et que le problème du caractère contraignant ou non de certaines dispositions relatives aux lois de programmation s'était déjà posé, notamment lors de l'examen de la loi d'orientation pour la sécurité intérieure.

En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, relative à la hiérarchisation entre loi de programme, loi de finances, dispositions fiscales et dispositions sociales votées hors de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale, M. Philippe Josse a souligné que, pour qu'une valeur supérieure soit reconnue au budget pluriannuel, il faudrait lui donner la valeur de loi organique, ce qui n'était pas l'option retenue par le gouvernement. En revanche, il est envisageable que la pluriannualité fasse l'objet d'un engagement fort du gouvernement et donc d'un vote devant le Parlement dans le cadre d'une loi.

En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, M. Philippe Josse a indiqué que, même si ce budget pluriannuel n'avait pas la valeur d'une loi de finances en termes d'autorisations de dépense, sa portée en tant que loi ordinaire suffirait à assurer aux gestionnaires une visibilité budgétaire satisfaisante. Cela constituait bien l'objet de cet exercice de programmation.

En réponse à l'interrogation de M. Philippe Marini, rapporteur général, concernant le calendrier probable d'examen du projet de loi de programmation triennale, M. Philippe Josse a estimé que celui-ci devait être voté avant l'examen du projet de loi de finances pour 2009.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la périodicité biennale de l'examen de la loi de programmation retenue par le gouvernement, préférant une présentation annuelle devant le Parlement, le cas échéant, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire, afin de réajuster chaque année les prévisions triennales. M. Philippe Josse y a vu un risque, à cette occasion, de réouverture systématique du débat budgétaire, préjudiciable à la maîtrise de la dépense.

En réponse à M. Yann Gaillard, il a confirmé que les plafonds en autorisations d'engagement et en crédits de paiement devraient faire l'objet d'une définition et d'une consommation d'autant plus vertueuses et économes que la pluriannualité donnera aux gestionnaires davantage de responsabilités.

M. Alain Lambert a salué le progrès démocratique considérable que représenterait le vote, au travers du budget pluriannuel, sur les engagements européens pris par la France en matière de stabilité budgétaire. Il a appelé de ses voeux une consolidation des comptes publics, intégrant notamment le financement de la sécurité sociale. Il a rappelé que la LOLF ne prévoyait à l'origine qu'un découpage par programmes et que, lors de la création des missions, aucun responsable n'avait été prévu par la LOLF, faisant de la mission un « objet » sans responsable. Enfin, il a appelé de ses voeux la création d'une norme dédiée aux dépenses fiscales, distincte de celle applicable aux dépenses budgétaires.

Mme Nicole Bricq s'est interrogée, d'une part, sur l'application de la future loi de programmation triennale aux opérateurs, en cas de dépassement de leurs plafonds de crédits et d'emplois et, d'autre part, sur les critères qui seraient retenus pour la réorganisation des missions.

M. Philippe Josse a rappelé que, dès la discussion du projet de loi de finances pour 2009, les opérateurs seraient soumis à un plafond d'emplois. D'autre part, leurs contrats d'objectifs intègreront à l'avenir les éléments issus de la pluriannualité. Enfin, la réorganisation des missions devra concilier le critère de la taille critique des missions, permettant d'en assurer une bonne gestion et la mise en oeuvre du principe d'auto-assurance, avec le critère de pertinence politique.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la commission des lois comme la commission des finances préconisaient le regroupement des autorités indépendantes, au sein d'un programme ad hoc, et qu'un groupe de travail avait déjà été constitué à cet effet entre les deux commissions du Sénat avec leurs homologues de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, a indiqué qu'un travail de rationalisation pourrait conduire à supprimer un certain nombre de ces structures.