Mardi 10 février 2009

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président, et de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances -

Conditions de mise en oeuvre du programme A400M - Communication

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission des affaires étrangères et la commission des finances ont entendu une communication conjointe de MM. Jean-Pierre Masseret, membre de la commission des finances, co-rapporteur spécial de la mission « Défense », et Jacques Gautier, membre de la commission des affaires étrangères, sur les conditions financières et industrielles de mise en oeuvre du programme d'avion de transport tactique A400M.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a souligné que le Parlement, chargé non seulement de voter la loi, mais aussi de contrôler et d'évaluer les politiques publiques, est dans son rôle en examinant le programme A400M. Le présent rapport d'information est le premier réalisé conjointement par la commission des finances et la commission des affaires étrangères.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, a insisté sur le fait que les rapporteurs représentant l'un la majorité, l'autre l'opposition, ont travaillé dans un délai très court, et entendu les principaux responsables concernés. Il a jugé le rapport d'information équilibré et objectif.

M. Jean-Pierre Masseret, co-rapporteur, a estimé que les approches des deux commissions sont complémentaires, la commission des affaires étrangères s'intéressant particulièrement aux questions capacitaires, alors que la commission des finances a mis en particulier l'accent sur les problématiques financières. Le rapport d'information affirme la nécessité de mener le programme à son terme. Les rapporteurs ont réalisé de nombreuses auditions, au cours des mois de décembre et janvier.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Jacques Gautier, co-rapporteur, a déclaré qu'il avait été difficile d'obtenir tous les documents relatifs au contrat, dans la mesure où la plupart d'entre eux sont soumis à une clause de confidentialité commerciale.

Il a ensuite présenté les grandes lignes du programme A400M. Cet appareil doit remplacer les avions de transport tactique C160 Transall et Lockheed C130 Hercules. Retraçant l'historique de l'opération, il a indiqué que le programme trouvait son origine en France dans une « fiche programme » de 1984 et, au niveau des états-majors européens, dans le projet de « future large aircraft » (FLA), dont les spécifications répondaient aux besoins opérationnels des armées européennes.

Les Etats européens ont réussi à se mettre d'accord sur la façon de conduire ce programme selon une approche dite « commerciale », c'est-à-dire avec une phase unique ne distinguant pas le développement et la production, à des prix fermes et à des échéances fixes. Sous le nom de « work allocation » (répartition du travail), les Etats se sont efforcés d'interpréter intelligemment le principe du « juste retour », selon lequel le retour industriel de chaque Etat doit être proportionnel au nombre de ses commandes. En 1998, la validité de cette approche a été confirmée, pour la France, par un rapport de M. Pierre Lelong, alors président de chambre à la Cour des comptes.

En septembre 1997, sur la base des spécifications définies en commun, les Etats parties au programme ont demandé une proposition commerciale à Airbus.

Pour gérer en particulier les relations avec le prestataire, les Etats européens ont créé en 2001 l'OCCAr (Organisation commune de coopération en matière d'armement).

Après de longues négociations commerciales et une mise en concurrence, c'est finalement l'offre d'Airbus military, filiale d'Airbus, qui a été retenue en 2003.

Conformément au souhait des Etats, la construction du moteur a été confiée à un consortium européen de motoristes. Celui-ci, Europrop International (EPI), est constitué de l'anglais Rolls Royce, du français Snecma (appartenant au groupe Safran), de l'allemand MTU et de l'espagnol ITP.

Parmi les nombreux obstacles rencontrés par le programme, les difficultés à obtenir la certification du logiciel du système numérique de régulation des moteurs (FADEC) sont la cause apparente du retard de la première livraison. Celui-ci est estimé à environ 3 ans, ce qui conduirait celle-ci à 2012. Cependant, compte tenu du fait que l'industriel n'exclut pas, par prudence, un rythme de production beaucoup plus lent que prévu, le véritable retard serait de l'ordre de 4 ans, ce qui reporterait la livraison d'un nombre significatif d'appareils à 2013 ou 2014.

Par ailleurs, certaines spécifications pourraient devoir être revues à la baisse, concernant en particulier le vol masqué à basse altitude, ou la navigation à l'aide de la cartographie, qui ne sont pas réalisables en l'état des technologies.

Ce retard a de graves conséquences pour l'armée de l'air, qui risque de connaître une situation de « rupture capacitaire » plus importante que prévu, en particulier pour le transport tactique, ainsi que pour les industriels.

M. Jacques Gautier a ensuite précisé les raisons des problèmes rencontrés.

Les Etats, tirant les leçons des retards constatés dans les programmes militaires et compte tenu des besoins de remplacement de leur flotte de transport, notamment en Grande-Bretagne, ont mis une forte pression sur l'industriel, auquel ils ont demandé de réaliser un programme technologiquement ambitieux et innovant, dans un calendrier très serré et à des prix contraints. De son côté, l'industriel a sous-estimé le pari technologique et surestimé ses connaissances et ses compétences dans un segment du marché - le transport militaire logistique - sur lequel il n'avait pas ou peu d'expérience. Trois défis technologiques ont été cumulés, concernant la cellule, le moteur et une partie de l'avionique. Ce cumul de défis, sans étude approfondie de réduction des risques en amont, est l'une des causes principales des difficultés que connaît le programme. La provision pour risque a été insuffisante. En outre, le recours à un contrat commercial rendant difficile le dialogue entre les industriels et les Etats, de même que l'absence d'Etat leader du programme et la faible capacité décisionnelle de l'OCCAr, se sont traduits par un suivi défaillant, tant du côté des Etats que de celui des industriels.

M. Jacques Gautier a considéré que l'impact sur le retard du programme du choix d'un moteur européen turbopropulseur de 11 000 ch, souhaité par les Etats, doit être relativisé, et que si la certification civile est une contrainte lourde, celle-ci est nécessaire.

Enfin, le recours à un contrat de type commercial ne doit pas être rejeté. Ce n'est en effet pas le recours à un tel contrat qui a été nuisible, mais l'absence de dialogue entre l'industriel et les Etats. Le fait de responsabiliser l'industriel sur des délais et des calendriers, et les Etats sur le nombre de leurs commandes, ne peut être considéré comme négatif.

M. Jacques Gautier a ensuite envisagé trois scénarios.

Le premier, qu'il a qualifié de « scénario du pire », consisterait à abandonner le programme. Il ne résoudrait pas le problème de la rupture capacitaire pour les armées, compte tenu du délai nécessaire à l'acquisition « sur étagères » d'autres types d'appareils. Cet abandon serait en outre très dommageable pour l'industrie aéronautique européenne, qui perdrait des emplois et des savoir-faire. Il constituerait par ailleurs un grave revers pour la politique européenne de défense.

Le deuxième scénario, reposant sur une application rigide du contrat, conduirait à fragiliser EADS, alors même que le gouvernement fédéral américain aide massivement les constructeurs aéronautiques, Boeing en particulier.

Les deux rapporteurs plaident donc pour une troisième solution, équilibrée, consistant à renégocier le contrat afin de trouver une solution acceptable par tous.

Enfin, s'agissant des leçons à tirer des difficultés rencontrées, il paraît nécessaire d'abandonner la règle du juste retour, comme l'a souhaité le Président de la République au Bourget; de créer les conditions d'un dialogue mature entre les Etats et les industriels ; enfin, de mieux gérer les risques grâce à des programmes d'études en amont permettant d'évaluer et de réduire les risques technologiques.

M. Bertrand Auban a rappelé qu'EADS a connu ces dernières années d'importants problèmes de gouvernance, qui ne concernent pas le seul programme A400M. La gouvernance d'EADS est rendue plus complexe par la présence de l'Etat français dans son capital. Selon lui, EADS était techniquement capable de produire l'avion dans les délais prévus, mais ce sont certains facteurs, comme le manque de coordination des Etats et la règle du « juste retour », qui l'en ont empêchée.

M. Adrien Gouteyron s'est interrogé sur le coût du retard pour les Etats et les industriels, sur l'éventualité d'une sortie du programme par le Royaume-Uni et sur les perspectives de prise en compte des préconisations des rapporteurs.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a considéré que les Etats ont fait preuve d'un « grand moment d'exaltation » en 2003, d'autant plus facilement que les échéances étaient alors lointaines. Il a par ailleurs estimé que l'éventualité d'un remboursement des Etats par l'industriel en cas d'abandon du programme est irréaliste.

M. Jean-Pierre Masseret, co-rapporteur, a souligné l'ampleur du risque pour l'Europe de la défense et pour EADS, qui doit également mener à bien le programme A350. Précisant qu'il s'exprimait à titre personnel et que ces appréciations ne figuraient pas dans le rapport d'information, il a considéré que les Etats savaient dès la signature du contrat que le délai de 6 ans et demi ne serait pas respecté, et que l'exigence de certification civile imposait une contrainte excessive.

M. Jacques Gautier, co-rapporteur, a souligné les problèmes d'organisation d'EADS auxquels cette entreprise avait depuis remédié. Il s'est demandé si un Etat pouvait se retirer individuellement du programme en cas de retard de plus de 14 mois pour le premier vol. Ce point fait l'objet de discussions entre experts juridiques. Le montant des sommes déjà versées par les Etats est de l'ordre de 5 milliards d'euros.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, a indiqué que les rapporteurs poursuivraient leurs travaux aussi longtemps que nécessaire. Il a fait part de son intention de transmettre le présent rapport d'information aux plus hautes autorités de l'Etat et, notamment, au Président de la République.

La commission des finances et la commission des affaires étrangères ont donné acte de leur communication aux rapporteurs et ont décidé d'autoriser la publication de ces travaux sous la forme d'un rapport d'information.

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -

Audition du général David Petraeus, commandant le Central Command des forces armées des Etats-Unis

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition du général David Petraeus, commandant le Central Command des forces armées des Etats-Unis d'Amérique (CENTCOM).

Accueillant le général David Petraeus, M. Josselin de Rohan, président, a rappelé les différentes étapes de sa carrière et indiqué que, dans sa préface à la réédition du livre du colonel Galula, il avait souligné que « toute expérience de guerre non complétée par la réflexion intellectuelle n'est qu'une longue succession d'horreurs absurdes ». Il a souhaité que soit évoquée l'application de cette réflexion aux conflits afghan et iraquien.

Le général David Petraeus a rappelé qu'il avait été formé pour partie en France, à Pau et à Mont-de-Marsan et qu'il avait participé, aux côtés des Forces spéciales françaises, à des opérations militaires en Bosnie. Il a rappelé que son père, néerlandais, avait rejoint la flotte américaine pendant la deuxième guerre mondiale, et qu'il ressentait, à titre personnel, une affinité à l'égard de la France.

Il a indiqué que le centre de commandement (CENTCOM) avait compétence pour l'Irak, l'Afghanistan, le Pakistan et l'Asie centrale, et menait aussi des actions de lutte contre la piraterie au Yémen et de contre-terrorisme. 215 000 soldats sont placés sous ce commandement auxquels s'ajoutent plusieurs dizaines de milliers de civils.

M. Josselin de Rohan, président, a souhaité savoir si les résultats militaires obtenus en Irak donnaient satisfaction alors que la situation semble en voie de règlement. Evoquant la stratégie suivie en Irak et les leçons à en tirer pour le théâtre afghan, il a souhaité savoir comment s'organiserait le retrait des troupes américaines. A propos du Pakistan, il s'est interrogé sur la coordination de l'action de l'armée afghane avec celle de l'armée pakistanaise.

Le général David Petraeus a considéré qu'il y avait eu de gros progrès accomplis en Irak où les attaques quotidiennes sont passées de 80 en juin 2007 à 10 aujourd'hui. Le nombre d'assassinats a baissé de 95 % et est désormais inférieur à celui que connaissent certaines villes américaines. En 2006, près de 55 corps étaient retrouvés chaque jour dans les rues de Bagdad. Cette lutte, très difficile, s'est accompagnée de progrès politiques très encourageants comme en témoigne le bon déroulement des élections locales à la fin du mois de janvier 2009.

Le Président Nicolas Sarkozy a pu constater ces résultats encourageants en se rendant en Irak aujourd'hui même.

La situation reste cependant fragile et marquée par la persistance d'éléments d'Al Qaïda. L'influence de l'Iran, qui continue à armer les milices, est négative.

La clé des progrès n'a pas seulement consisté en une augmentation des forces déployées sur le terrain. Le transfert aux forces irakiennes de responsabilités qu'elles n'étaient pas encore prêtes à assumer a été interrompu et l'armée américaine a quitté ses grandes bases au profit d'un élargissement de sa présence sur 77 sites supplémentaires dans Bagdad où elle est alors présente avec des partenaires irakiens.

La protection de la population locale a été renforcée, notamment par la construction de murs de sécurité. Ce processus a été très difficile et très coûteux mais il a permis aux forces irakiennes de reprendre le dessus et de se concentrer sur le soutien à la population civile. Ces progrès ont permis de priver les éléments d'Al Qaïda du soutien sunnite.

Le développement des moyens militaires et des opérations de contre-insurrection ont accompagné le développement du dialogue politique et la réconciliation nationale. Ces différents leviers d'actions ont été coordonnés avec d'autres outils, comme l'emploi des drones et, plus largement, le renseignement. Les prisons ont été modifiées pour séparer les éléments les plus extrémistes des autres détenus et pour privilégier la réinsertion dans la vie civile.

Avec l'amélioration des services de base et le renforcement de l'état de droit, la population a réappris à travailler et à vivre avec ses voisins.

Evoquant les leçons à tirer de l'expérience irakienne, le général David Petraeus a rappelé que l'Afghanistan n'était pas l'Irak, qu'il n'était pas non plus le Vietnam et qu'il fallait avant tout comprendre ce pays, sa population, son mode de fonctionnement. Il a estimé que la clé de la situation était la population elle-même dont il faut garantir la sécurité alors que, dans un combat conventionnel, le terrain est l'objectif de l'action menée.

Il a estimé qu'il fallait mieux former la police et mieux coordonner les activités des différents services de sécurité et que cela serait très difficile. Le secrétaire à la Défense, M. Robert Gates, a ainsi indiqué qu'il s'agirait d'une tâche très dure et très longue ; quant au vice-président, M. Joseph Biden, il a souligné que la situation allait s'aggraver avant de s'améliorer.

Evoquant ensuite le Pakistan, le général David Petraeus a souligné la nécessité d'une approche régionale. Il a estimé essentiel que les chefs politiques pakistanais et le jeune gouvernement démocratique reconnaissent que la vraie menace est intérieure et ne vient pas de l'Inde. L'armée pakistanaise doit le comprendre aussi, ce qui suppose de refonder tout son manuel de doctrines. Les militaires pakistanais sont concentrés sur l'Inde et sur un éventuel conflit conventionnel alors que la vraie menace existentielle est présentée par les extrémistes, menés par les Taliban.

Soulignant l'ampleur des défis dans la région, le général David Petraeus a rappelé que le Président Obama avait nommé M. Richard Holbrooke comme envoyé spécial pour cette région et qu'il avait entamé un dialogue approfondi avec les responsables pakistanais. Parallèlement, un soutien très fort, tout à fait nécessaire, est accordé au gouvernement pakistanais, soit 2 milliards de dollars d'aides sous diverses formes et 1,5 milliard par an consacré au développement économique.

Evoquant ensuite les échanges à la Wehrkunde de Munich, qui a vu la première déclaration officielle du vice-président Biden sur la politique étrangère américaine, le général David Petraeus a expliqué que les forces supplémentaires apportées dans la région devaient s'accompagner de concepts sous-tendant l'apport de ces forces. Il faut que les Afghans les voient comme un soutien.

M. Didier Boulaud, évoquant les propos du Président Obama, s'est interrogé sur la possibilité de mettre en oeuvre le plan de retrait des troupes américaines d'Irak en seize mois. Il a regretté que les alliés ne soient pas associés à l'évaluation globale de la situation en Afghanistan actuellement conduite par les Américains et dont les conclusions ne devraient être présentées qu'au prochain sommet de l'OTAN. Soulignant que le programme nucléaire iranien restait une préoccupation majeure, il s'est interrogé sur la réalité de la dangerosité militaire de l'Iran.

Le général David Petraeus a indiqué que la revue stratégique actuellement en cours avait pour but de vérifier la validité des objectifs. L'Afghanistan ne doit pas devenir un sanctuaire extrémiste. Il faut pour cela des progrès dans toute une série de domaines : le soutien à la sécurité, la lutte contre la corruption, le développement de la responsabilité politique et le renforcement de l'état de droit. Cette revue stratégique a été réalisée par différents acteurs et elle devrait être remise fin mars, dans la perspective du sommet de l'OTAN qui sera codirigé par la France et l'Allemagne. Dans l'immédiat, il faut davantage d'effectifs sur le terrain. Une requête dans ce sens a été formulée auprès de l'OTAN et la France doit être impliquée dans cette démarche. Si l'on souhaite assurer le bon déroulement des élections du 20 août prochain en Afghanistan, ces effectifs doivent être déployés avant cette date, ce qui suppose de prendre les décisions aujourd'hui. Le Gouvernement américain devrait d'ailleurs faire prochainement des annonces en ce sens.

En Irak, le nombre de brigades déployées est passé de 20 à 14, un nombre qui devrait encore diminuer avec le transfert de responsabilités aux Irakiens.

A propos de l'Iran, le vice-président Biden a affirmé la volonté de dialogue des Etats-Unis en déclarant que l'Amérique tendait la main à ceux qui ne tendaient pas le poing. Les négociations sont conditionnées à la cessation du programme nucléaire et du soutien aux groupes extrémistes. La candidature de M. Mohammed Khatami à l'élection présidentielle constitue un élément intéressant.

Certes, le Gouvernement américain est, certes, préoccupé par le développement des capacités balistiques iraniennes, confirmées par la récente mise en orbite d'un satellite. L'aide apportée par l'Iran au Hezbollah libanais, comme à certains des insurgés en Irak, est également source d'inquiétudes, car elle se traduit par la livraison à ces mouvements de roquettes dont la portée ne cesse de croître. Par ailleurs, les difficultés engendrées par le durcissement du conflit israélo-palestinien risque d'affaiblir les Gouvernements modérés de la région, dont l'Egypte ; c'est pourquoi la désignation par le Président Obama du sénateur Mitchell comme son envoyé spécial au Moyen-Orient constitue une initiative à la hauteur des enjeux.

M. Jean François-Poncet a souhaité savoir si la coalition présente en Afghanistan pouvait aspirer à réussir, sans que soit préalablement éradiquée la culture du pavot.

En réponse, le général David Petraeus a apporté les précisions suivantes :

- la production illégale de pavot et l'industrie des narcotiques qui en découle procurent des ressources financières considérables aux taliban ; c'est pourquoi le secrétaire d'Etat à la défense, M. Robert Gates, comme l'état-major de l'OTAN, ont donné aux troupes présentes en Afghanistan la possibilité de mener des opérations contre les producteurs et les trafiquants d'opium. Mais ces actions répressives doivent être accompagnées de la proposition, faite aux paysans afghans, de cultures alternatives. Ainsi, une réduction drastique de la production de pavot a été obtenue, ces derniers mois, dans la région de Jalalabad, privant ainsi les taliban d'importants moyens financiers. Une stratégie analogue a déjà été menée en Irak où Al Qaïda se finançait par le racket des industries pétrolières, du bâtiment ou des télécommunications. Une répression ciblée a privé ce mouvement de ses ressources en provenance du pays lui-même, et a donc contribué à l'affaiblir notablement.

M. Jean-Louis Carrère s'est interrogé sur l'efficacité réelle des actions menées contre la culture du pavot, dont il n'a guère constaté de résultat lors de son déplacement en Afghanistan, en juin 2008. S'accordant avec le général Petraeus sur la nécessité d'une approche régionale des problèmes afghans, comme sur la nécessité de mieux prendre en compte les attentes de la population civile, il s'est interrogé sur l'opportunité de modifier cette approche politique avant d'envisager un renforcement militaire de la coalition.

En réponse, le général David Petraeus a apporté les précisions suivantes :

- le combat contre-insurrectionnel doit s'appuyer sur une bonne compréhension des conditions de vie de la population civile ; c'est pourquoi de profondes modifications ont été apportées aux modalités de préparation des troupes envoyées en Afghanistan, avec l'accent mis sur la connaissance de la région où les unités seront déployées, ainsi que sur l'observation des comportements des troupes alliées déjà présentes sur le terrain. La contre-insurrection ne procède pas de la force pure, mais d'un effort de long terme mêlant actions militaires et civiles ;

- ces modalités d'intervention préfigurent probablement les combats de l'avenir qui seront, pour l'essentiel, asymétriques ; la stratégie américaine en Afghanistan a ainsi beaucoup évolué, prenant en compte l'impérieuse nécessité d'informer la population civile de la réalité de la situation sur le terrain sans en dissimuler les difficultés. Cette stratégie de vérité et de transparence permettra à la coalition d'emporter l'adhésion de la population, privant ainsi les insurgés d'une propagande facile.

M. André Dulait a fait état du projet américain d'un retrait d'Irak d'ici à trois ans, et s'est enquis de la probabilité que ce pays reste ou non uni dans cette perspective.

En réponse, le général David Petraeus a précisé que :

- cet échéancier de trois ans couvre le délai nécessaire pour stabiliser les autorités irakiennes, qui pourront éventuellement solliciter une prolongation de la présence américaine si elles l'estiment nécessaire ;

- il y a un bon espoir que l'Irak demeure un Etat nation, avec une région kurde dotée d'un gouvernement spécifique. Il existe, certes, des différences de conception entre sunnites, chiites, Kurdes et Turkmènes sur les « frontières » internes entre provinces, mais le sentiment national semble l'emporter sur les velléités de partition. Il faut souligner que l'Irak est devenu le pays le plus démocratique de sa zone : les récentes élections provinciales seront suivies d'un référendum prévu pour l'été 2009 sur les accords de sécurité puis d'élections législatives à la fin 2009. Ces dernières élections devraient conduire les différents partis à former une coalition pour diriger le pays. Dès aujourd'hui, le trio au pouvoir composé d'un président kurde et de deux vice-présidents, chiite et sunnite, doit s'accorder pour prendre les principales décisions. La région kurde, initialement tentée par la partition, a réalisé que son intérêt bien compris résidait dans son maintien au sein de l'Etat irakien. Cette maturité politique croissante, ajoutée à une reconstruction massive des infrastructures, conforte le sentiment national irakien, qui s'illustre, par exemple, dans les réjouissances unanimes qui ont salué la victoire de l'équipe nationale de football lors de la coupe d'Asie centrale. De plus, les revenus pétroliers sont distribués par le Gouvernement central.

M. Aymeri de Montesquiou s'est réjoui de l'évolution politique observée en Irak. Il a souhaité savoir pourquoi les Etats-Unis tenaient tant à intégrer l'Ukraine et la Géorgie au sein de l'OTAN, ce qui manifeste une certaine incompréhension du fait que la Russie d'aujourd'hui n'est plus l'URSS d'hier. Il a estimé que les forces armées occidentales combattant en Afghanistan suscitaient, par leur seule présence, un sentiment antioccidental au sein de la population, sentiment encore renforcé par les évolutions du conflit entre Israël et la Palestine. Il s'est, enfin, interrogé sur le non-recours, par les troupes occidentales, dans leur combat contre la drogue, aux méthodes désormais bien maîtrisées de défoliation des cultures.

En réponse, le général David Petraeus a précisé que :

- lors du récent sommet tenu à Munich, le vice-président Joseph Biden a évoqué la nécessité de refonder la politique américaine envers la Russie, notamment par un partenariat qui permettrait de juguler l'instabilité croissante en Asie centrale ;

- l'amélioration de la situation militaire en Irak a été permise par une véritable révolution culturelle dans les modalités d'action des forces américaines : l'accent n'a plus été mis sur la seule offensive, mais sur la nécessité d'opérations exhaustives visant à instaurer la stabilité grâce à une bonne compréhension de la situation sur le terrain. Le comportement des troupes américaines a évolué pour être perçues comme pourvoyeuses de sécurité par les populations civiles irakiennes ;

- la lutte contre la culture des substances illicites ne pourra être efficacement menée qu'en fournissant aux agriculteurs afghans des compensations se substituant aux importants revenus tirés de la culture du pavot ;

- comme pour l'évolution éventuelle de la politique américaine vis-à-vis d'Israël, les initiatives prises pour un éventuel élargissement de l'OTAN ne relèvent pas de sa compétence de simple soldat.

M. Jean-Pierre Chevènement a estimé que la stabilisation observée en Irak découlait d'accords passés entre les forces américaines et les milices sunnites et chiites ; il s'est interrogé sur la possibilité de transposer ce modèle en Afghanistan, projet que semblent indiquer les négociations entreprises entre le président Karzaï et les taliban « modérés », sous l'égide de l'Arabie saoudite.

Renvoyant au discours qu'il avait prononcé à Madrid récemment, le général David Petraeus a apporté les précisions suivantes :

- la réconciliation opérée en Irak entre les différentes factions s'est fondée sur la recherche de l'adhésion de toutes les parties intéressées, en isolant les quelques éléments qui y étaient radicalement hostiles afin de les éliminer. Ainsi les sunnites irakiens ont-ils reçu une certaine légitimité de la fonction de sécurisation des populations qui leur a été confiée dans des régions ou des quartiers dans lesquels il n'y avait pas de pouvoir légal. Quant aux chiites, leur principale milice, l'armée du Mahdi, animée par Moqtada Al Sadr, a perdu toute base politique lorsque, rompant le cessez-le-feu conclu en 2007, ils ont assassiné deux personnalités politiques sunnites, puis se sont livrés à des violences dans la ville sainte de Kerbala. Repliée dans sa base de Sadr City à Bagdad, cette milice a été vivement combattue par les forces américaines, qui ont pu localiser leurs mortiers grâce aux moyens de surveillance, comme les drones et les hélicoptères. Pas moins de 77 foyers de tir ont ainsi été détruits, contraignant les dirigeants à l'exil et dispersant leurs membres. Cette victoire a permis au Gouvernement irakien d'amorcer un processus de réconciliation en position de force, mais il ne faut pas se dissimuler que la situation en Irak reste fragile, et susceptible de retournement imprévu ;

- les négociations entreprises en Afghanistan devront, en toute hypothèse, écarter le mollah Omar, avec lequel il ne semble pas y avoir de point d'entente possible.

Mercredi 11 février 2009

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -

Perspectives de l'OTAN et révision de son concept stratégique - Audition de MM. Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, Benoît d'Aboville, Représentant permanent à l'OTAN et Etienne de Durand, directeur du Centre des études de sécurité de l'Institut français des relations internationales

La commission a procédé à l'audition de MM. Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), Benoît d'Aboville, conseiller-maître à la Cour des comptes, ancien ambassadeur et Représentant permanent à l'OTAN, et Etienne de Durand, directeur du Centre des études de sécurité de l'Institut français des relations internationales (IFRI), sur les perspectives de l'OTAN et la révision de son concept stratégique.

M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que, lors du sommet de Strasbourg et Kehl, les 3 et 4 avril prochains, l'OTAN devrait lancer le processus de révision de son concept stratégique. Il a souligné la nécessité pour la France de faire valoir, dans ce débat, sa propre vision du rôle de l'Alliance, de son fonctionnement et de son avenir dans un environnement international et sécuritaire très évolutif.

Il a remercié de leur présence MM. Camille Grand, Benoît d'Aboville et Etienne de Durand qui ont participé, au cours de l'automne dernier, à un cycle de séminaires organisé à Washington par quatre « think tanks » américains et destiné à alimenter la réflexion sur les perspectives de l'OTAN. Il a souhaité qu'ils exposent devant la commission les principaux enjeux de la révision du concept stratégique de l'Alliance, notamment en ce qui concerne les missions de l'organisation, ses règles de fonctionnement interne, la politique d'élargissement, les relations OTAN-Union européenne et le partenariat avec la Russie.

M. Camille Grand a indiqué que le cycle de conférences organisé cet automne à Washington par la National Defence University, l'Université John Hopkins, l'Atlantic Council et le Center for Strategic and International Studies (CSIS), bien que se situant en amont du lancement de la révision du concept stratégique de l'OTAN, avant même la mise en place de la nouvelle administration américaine, était apparu comme un élément important dans la perspective des débats à venir. C'est pourquoi plusieurs pays européens, dont la France, avaient souhaité pouvoir y être associés, à travers la participation de certains de leurs experts.

Au cours de ces réunions, un très large consensus s'est établi sur la nécessité de réviser le concept stratégique de l'OTAN. Le document actuel, qui fixe la doctrine politico-militaire de l'Alliance, a été élaboré en 1999 avant l'intervention au Kosovo. Les événements du 11 septembre 2001, l'opération en Afghanistan et l'élargissement de l'Alliance sont autant de raisons qui militent pour son actualisation. Cela ne signifie pas pour autant qu'il sera facile d'accorder les visions parfois différentes des Etats membres. A l'approche « révisionniste », qui plaide pour une profonde refonte du concept stratégique s'oppose une approche « conservatrice » qui considère que le document actuel reste globalement d'actualité et ne mérite que des ajustements limités.

M. Camille Grand a indiqué que indépendamment des décisions qu'elle prendrait concernant sa position dans l'OTAN, la France serait appelée à participer à l'élaboration du nouveau concept stratégique, comme elle l'avait fait en 1999.

Il a estimé que les réunions de Washington avaient démontré la profondeur du débat aux Etats-Unis d'Amérique, aucune question n'étant écartée a priori, notamment sur la pertinence de l'Alliance et son utilité pour la politique américaine. Il s'est néanmoins déclaré frappé par l'expression d'une forte volonté américaine de renouer avec l'Europe et de renforcer le lien transatlantique. La nouvelle administration paraît déterminée à s'investir dans une relation structurée avec les Européens, y compris hors du strict cadre de l'OTAN, sous la forme de relations directes entre les Etats-Unis et l'Union européenne.

M. Camille Grand a estimé que les réunions de Washington avaient témoigné d'une réflexion dense et fertile quoiqu'encore largement inaboutie. Une réelle opportunité s'offre donc aux Européens pour influer sur un processus qui prendra vraisemblablement dix-huit mois à deux ans. L'ambition affichée est de parvenir à un texte de nature politique redéfinissant le message que l'Alliance entend adresser au reste du monde et à ses propres membres. Les partisans d'une révision a minima voudront éviter de rouvrir l'ensemble des sujets et se limiter à tenir compte des dernières évolutions, notamment les opérations en Afghanistan. Les tenants d'une approche plus ambitieuse soutiendront une OTAN au rôle plus global s'impliquant, par exemple, dans la prise en compte des nouvelles menaces comme la rupture des approvisionnements énergétiques ou les cyber attaques. Il importera, pour la France, d'être attentive et vigilante quant aux propositions qui seront émises, mais également d'être elle-même en mesure de peser sur l'élaboration de ce nouveau concept stratégique, ce qui suppose au préalable qu'elle se dote d'une vision claire du rôle qu'elle souhaite pour l'OTAN.

M. Camille Grand a ensuite cité les principales questions qui devraient être au centre des débats sur le futur concept stratégique.

L'OTAN devra s'interroger sur la nature et le degré de difficulté des opérations qu'elle entend être capable de conduire.

Elle devra définir ses relations avec l'Union européenne, la politique européenne de sécurité et de défense ne soulevant pratiquement plus d'objection aujourd'hui aux Etats-Unis.

Il faudra trouver un équilibre sur la question du voisinage proche, qui donne lieu à des divergences entre alliés européens, certains continuant de percevoir la Russie comme une menace alors que d'autres, comme la France et l'Allemagne, soutiennent une approche plus coopérative.

La signification de l'article 5 du traité de Washington, qui traduit la solidarité entre Etats membres en cas d'agression, pourrait faire l'objet de discussions, certains alliés souhaitant en faire préciser la portée.

La nécessité de réformer l'Alliance sera préconisée par les pays tels que le Royaume-Uni, la France, le Danemark ou les Pays-Bas, désireux d'alléger une organisation beaucoup trop bureaucratique à leurs yeux.

Enfin, la révision du concept stratégique sera l'occasion de s'interroger sur la doctrine nucléaire de l'Alliance et sur le stationnement d'armes nucléaires américaines en Europe. Ce débat pourrait avoir des incidences indirectes pour la France, bien qu'elle ne participe pas à la politique nucléaire de l'OTAN.

M. Benoît d'Aboville a évoqué à son tour les différentes questions dominantes au moment où s'ouvre la révision du concept stratégique de l'OTAN, en soulignant qu'elles étaient en grande partie liées entre elles.

La première porte sur la poursuite de la politique d'élargissement, qui a été engagée dès la fin de la guerre froide et a contribué à stabiliser l'Europe centrale et orientale. L'article 10 du traité de Washington limite l'adhésion de nouveaux membres aux Etats européens, mais on peut se demander si les difficultés suscitées par les candidatures de la Géorgie et de l'Ukraine ne conduiront pas à rechercher une formule plus souple d'élargissement, au travers du développement des partenariats. Ces partenariats associent actuellement des acteurs aussi divers que les pays neutres européens, les pays d'Asie centrale, de la rive sud de la Méditerranée ou du Golfe, ou encore le Japon, la Corée ou la Nouvelle-Zélande. Ils contribuent utilement à promouvoir l'interopérabilité et des coopérations concrètes, par exemple pour la facilitation du transit aérien. Il faudra cependant veiller à ce que la multiplication des partenariats n'encourage pas la dérive vers une « Alliance globale » qui se poserait en « Communauté des démocraties » et risquerait d'accentuer les clivages avec les pays du sud ou la Chine, tout en affaiblissant la spécificité de la politique européenne de sécurité et de défense.

Le rétablissement d'une relation confiante avec la Russie constituera un second enjeu. L'Alliance dispose à cet effet, avec le Conseil OTAN-Russie, d'un instrument qui a relativement bien fonctionné jusqu'à la crise géorgienne.

En ce qui concerne l'organisation interne de l'Alliance, dont la réforme devrait conduire à un allégement et à un aménagement de structures aujourd'hui reconnues comme obèses, l'assouplissement de la règle du consensus avait été évoqué par certains à Washington. Le Shape souhaiterait notamment être en mesure de contourner certains blocages dans le processus de décision. Il est toutefois peu probable qu'un accord se dégage au sein de l'Alliance pour remettre en cause les règles actuelles. En tout état de cause, il paraît essentiel de garantir le contrôle des nations sur les décisions, y compris celles relatives aux dépenses communes, ayant un impact sur leur contribution financière.

Le débat sur la relation OTAN-Union européenne porte moins sur l'existence d'une politique européenne de sécurité et de défense, qui est aujourd'hui pleinement acceptée et peut s'appuyer sur les accords « Berlin plus », que sur la coordination, dans les opérations de stabilisation, entre l'action militaire de l'Alliance et les éventuelles contributions de l'Union européenne, notamment en matière de stabilisation, de reconstruction et de développement. Il s'agit d'assurer cette coordination au niveau et de la manière appropriés pour éviter que l'Union européenne, à travers les fonds de la Commission, soit reléguée au rôle de simple agence civile au service de l'OTAN.

S'agissant de la doctrine nucléaire de l'OTAN, M. Benoît d'Aboville a estimé qu'il n'existait guère d'appétence au sein de l'OTAN pour ouvrir le débat sur cette question, en dehors de la question d'un possible retrait de celles des armes nucléaires américaines encore stationnées chez quelques alliés. Le problème ne concerne pas directement la France. Le rôle de sa force de dissuasion indépendante à l'égard de la sécurité de l'Alliance a été reconnu par la déclaration d'Ottawa en 1974 et dans le concept stratégique de 1999. Toutefois, les débats sur le nucléaire militaire en général pourraient être influencés par la préparation de la prochaine conférence d'examen du traité de non prolifération, en 2010. Certains alliés entendent s'y montrer actifs, notamment l'Allemagne.

M. Benoît d'Aboville a ensuite abordé les interrogations concernant l'article 5 du traité de Washington et la place de la défense collective au sein de l'Alliance. Il a rappelé que l'article 5 n'induisait aucune automaticité, qu'il avait été invoqué pour la première fois par les alliés européens au lendemain des attaques du 11 septembre 2001 et que les Etats-Unis n'avaient donné suite à ce qui fut essentiellement un geste de solidarité politique que quelques jours plus tard seulement. Il a estimé que la crise géorgienne avait toutefois soulevé la question du niveau de garantie susceptible d'être apporté par l'Alliance par une extension de nature politique du concept de l'article 5, certains semblant considérer qu'il pourrait implicitement s'étendre aux pays partenaires, comme on l'avait vu au moment de la crise de Géorgie. De même, il convient de se demander s'il est possible et souhaitable d'inclure dans la garantie de défense collective des menaces telles que celles intéressant la protection civile, les catastrophes climatiques, les cyber attaques ou la rupture des approvisionnements énergétiques. Une telle extension du champ de compétences de l'OTAN, actuellement dépourvue de capacités dans ces domaines, ne manquerait pas de provoquer des chevauchements avec d'autres organisations, notamment l'Union européenne.

D'une manière générale il existait un risque, par extension du champ des débats de l'Alliance, de transformer celle-ci en un forum politique sans prolongements concrets, voire une « Alliance à deux vitesses » dans laquelle seuls quelques Etats assumeraient un rôle militaire.

En conclusion, M. Benoît d'Aboville a estimé qu'une implication pleine et entière de la France dans l'OTAN y renforcerait son poids politique, même si elle dispose déjà des moyens de peser sur l'orientation du futur concept stratégique.

M. Etienne de Durand a rappelé le contexte dans lequel avait été élaboré le concept stratégique de 1999. L'Alliance venait de s'engager dans le conflit yougoslave. Elle avait en grande partie démantelé les structures mises en place durant la guerre froide, notamment les grandes unités permanentes positionnées sur le théâtre européen, et voyait son nouveau rôle comme celui d'une « boîte à outils » militaire pour des opérations de stabilisation. Elle s'apprêtait à accueillir les pays d'Europe centrale et orientale qui, de manière quelque peu paradoxale, étaient quant à eux essentiellement motivés par leur expérience de la guerre froide et la garantie de défense collective. Les esprits étaient fortement préoccupés par les risques de découplage et de « gap » technologique avec les Etats-Unis. Ces derniers n'acceptaient que du bout des lèvres une identité européenne de défense et de sécurité au sein de l'OTAN.

La situation est aujourd'hui très différente. Les événements du 11 septembre 2001 ont changé les perceptions de la menace. L'Alliance s'est élargie et le conflit russo-géorgien ravive les préoccupations liées à la défense territoriale. L'affaiblissement relatif des Etats-Unis sur la scène internationale les encourage à un plus grand réalisme stratégique sur le plan militaire et à une approche plus multilatérale sur le plan politique. La politique européenne de sécurité et de défense est aujourd'hui pleinement acceptée à Washington. Une véritable opportunité se présente pour redéfinir le concept stratégique de l'OTAN.

M. Etienne de Durand a considéré que le futur concept stratégique ne devrait pas remettre en cause la double nature, politique et militaire, de l'Alliance. S'agissant de son périmètre géographique, il lui a paru opportun de continuer de le limiter à la seule zone euro-atlantique, faute de quoi la garantie de sécurité représentée par l'article 5 perdrait en crédibilité. Toutefois, cette garantie concerne les attaques contre un Etat membre, d'où qu'elles viennent, sans se limiter à l'hypothèse « historique » d'une invasion armée. De fait, pour rester utile aux yeux des Etats-Unis, l'OTAN ne peut se limiter à la seule défense territoriale de ses membres, et le principe de l'intervention hors zone a déjà été largement avalisé au cours de la dernière décennie, avec les opérations en Bosnie, au Kosovo et surtout en Afghanistan.

En ce qui concerne l'élargissement de l'Alliance, M. Etienne de Durand a estimé que sa poursuite en direction de l'Ukraine et de la Géorgie paraissait, en l'état actuel de la situation de ces pays, inopportune et risquée. Ce sujet divise les Alliés et il convient d'éviter que l'incorporation de nouveaux membres ne s'opère au détriment de la crédibilité de l'engagement de défense collective.

S'agissant du périmètre fonctionnel de l'Alliance, M. Etienne de Durand a estimé que celle-ci ne pouvait se limiter aux seules opérations militaires. Sans aller jusqu'à conduire des activités civiles, elle devra sans doute accentuer son implication dans les activités de formation des forces armées, à l'image des OMLT (Operational Mentor and Liaison Team) en Afghanistan, et réfléchir au recours à des forces de sécurité à statut militaire comme la gendarmerie. La tentation de développer des capacités civiles sera d'autant moins forte que l'Union européenne parviendra à optimiser ses interventions en la matière. Actuellement, l'Union européenne dépense fort mal son argent sur les théâtres d'opération, car ses instruments sont conçus pour des pays pacifiés. Se pose en outre la question des « niveaux d'ambition » (Levels of Ambition). Selon les documents actuels, l'OTAN devrait être théoriquement capable de conduire simultanément deux opérations majeures et six opérations de moindre importance, ce qui semble très au-delà de ses capacités réelles. Le futur concept stratégique devra préserver la valeur ajoutée de l'OTAN sur le plan militaire, tout en fixant des objectifs transparents et plus réalistes.

M. Etienne de Durand a ensuite indiqué que la réforme de l'Alliance constituerait également un enjeu important pour les années à venir. Beaucoup a déjà été fait dans l'adaptation des structures. Le nombre d'états-majors a été ramené de 65 à 11. Toutefois, aucun d'entre eux n'est déployable en opération et l'organisation reste marquée par une certaine obésité, nombre d'Etats membres étant réticents à remettre en cause une logique de répartition des postes inspirée par la gestion de carrière de leurs officiers. La poursuite de ces réformes amènera à s'interroger sur le développement de capacités collectives et sur l'avenir de la NRF (Nato Response Force) qui paraît étroitement corrélé avec le maintien de la crédibilité de l'article 5. Une refonte doctrinale semble également s'imposer, l'OTAN s'étant largement contentée jusqu'ici de retranscrire, souvent avec plusieurs années de décalage, les conceptions venues de l'armée américaine. De ce point de vue, l'attribution à un officier français du commandement pour la transformation (Allied Command Transformation - ACT) de Norfolk, évoquée dans la presse, représenterait une réelle opportunité.

En conclusion, M. Etienne de Durand a considéré qu'aucune révision ambitieuse du concept stratégique de l'Alliance n'était envisageable sans une implication forte des Etats-Unis. Ceux-ci pourraient cependant être tentés de privilégier leur préoccupation immédiate qui est l'Afghanistan. Il appartient donc aux autres pays, et en premier lieu à la France, de se mobiliser dans le sens de la réforme.

Il a également souligné que tous les pays européens avaient fait le choix du multilatéralisme en matière militaire, un clivage de plus en plus net apparaissant toutefois entre contributeurs actifs aux opérations et non-contributeurs passifs. L'Alliance comme la politique européenne de sécurité et de défense étaient, de ce point de vue, confrontées aux mêmes difficultés résultant du sous-investissement européen en matière de défense au cours des dernières années.

A la suite de ces interventions, M. Josselin de Rohan, président, s'est interrogé sur la possibilité de concilier les progrès de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) et le rôle de l'Alliance atlantique, comme l'avait souhaité le Président de la République. Il a notamment évoqué les réticences britanniques à tout développement important de la PESD, cette tendance pouvant s'accentuer en cas de victoire des conservateurs aux prochaines élections. Par ailleurs, il a souhaité savoir dans quelle mesure la dissuasion nucléaire française pourrait être concernée par les débats à venir sur la doctrine nucléaire de l'OTAN.

M. Benoît d'Aboville a estimé que dans la perspective de la prochaine conférence d'examen du Traité de Non Prolifération (TNP), la France pourrait être confrontée à des pressions en faveur du désarmement nucléaire. Toutefois, le débat devrait se dérouler essentiellement hors de l'enceinte de l'Alliance. S'agissant de l'avenir de la PESD, le fait que la France envisage de reprendre toute sa place au sein de l'OTAN est un signal politique très important pour ses partenaires européens, en permettant de lever la suspicion dont la France a été souvent l'objet en étant accusée de faire entrer la défense européenne en concurrence avec l'OTAN. Il reste en revanche à améliorer la coopération entre l'Alliance et l'Union européenne dans les opérations de stabilisation. A cet égard, il ne serait pas acceptable pour l'Union européenne de laisser la gestion de ses moyens civils sous la responsabilité de l'OTAN. La seule option qui s'ouvre pour garantir une véritable complémentarité entre l'OTAN et l'Union européenne est de doter cette dernière de structures aptes à devenir un véritable interlocuteur pour l'OTAN. En ce sens, la mise en place d'un centre de planification et de conduite d'opérations au sein de l'Union européenne devrait finir par s'imposer, y compris aux Britanniques.

M. Camille Grand a estimé que les avancées de la PESD au cours de ces dernières années étaient significatives, d'autant qu'il fallait les apprécier au regard d'une évolution d'à peine dix années depuis la déclaration de Saint-Malo. Même si ses capacités restent inférieures à celles de l'OTAN, l'Europe est devenue un acteur dans la gestion des crises, notamment dans son voisinage immédiat et en Afrique. L'ouverture nouvelle que la France a manifestée vis-à-vis de l'OTAN a effectivement levé certaines suspicions à son encontre et favorisé une décrispation quant au développement de la PESD. On le constate notamment avec l'implication de plusieurs pays d'Europe centrale et orientale dans des opérations européennes. Un changement de majorité au Royaume-Uni pourrait certes se traduire par une attitude plus fermée à l'encontre de l'Union européenne, mais l'expérience a démontré que c'est encore dans le domaine de la défense que les tendances eurosceptiques se manifestent le moins.

S'agissant du débat sur le désarmement nucléaire, M. Camille Grand a lui aussi estimé qu'il se déroulerait très largement hors de l'OTAN. Si l'administration américaine s'engageait dans une démarche de désarmement de grande ampleur, certaines pressions pourraient s'exercer sur la France pour qu'elle modifie sa posture. Le Président de la République a toutefois déjà annoncé des mesures en ce sens, le 21 mars 2008, dans son discours de Cherbourg qui comporte un important volet sur le désarmement.

M. Jean-Louis Carrère a souligné l'intérêt politique du débat sur la révision du concept stratégique de l'OTAN mais il a regretté que les autorités françaises anticipent sur sa conclusion en envisageant dès à présent une modification de la position de la France dans l'Alliance. Il a précisé qu'il n'était pas a priori hostile à une telle modification, dès lors que le rôle de l'OTAN est préalablement redéfini et que l'existence d'un pilier européen disposant d'une réelle autonomie en matière de défense est explicitement reconnue. Il a cité les propos tenus l'an passé par M. Alain Juppé qui avait insisté sur la nécessité de ne pas dissocier une réintégration du commandement intégré de l'accomplissement de progrès dans l'affirmation des capacités de défense de l'Union européenne et qui, dans l'hypothèse inverse, avait évoqué le risque de conclure un marché de dupes.

M. Benoît d'Aboville a rappelé que la notion d'intégration avait pratiquement disparu avec la fin de la guerre froide et l'existence de grandes unités militaires prépositionnées face aux forces du Pacte de Varsovie. Il ne subsistait de l'intégration militaire que des états-majors ainsi qu'une organisation de la planification de défense, à laquelle certains Etats demeurent attachés, bien que son rôle soit aujourd'hui des plus réduits. Depuis le sommet de Prague en 2002, l'OTAN a mis l'accent sur sa vocation expéditionnaire et, s'agissant donc d'interventions sur des théâtres extérieurs, les contributions militaires fournies par chaque nation sont décidées au cas par cas sur la base du volontariat et réexaminées tous les six mois. Les principales incidences concrètes d'une participation pleine et entière de la France aux structures de l'OTAN porteraient sur la contribution française à certains budgets auxquels la France avait jusqu'ici, de par son absence de participation aux structures intégrées, décidé de ne pas contribuer et sur une implication plus forte de sa part dans les postes de commandement (la France dispose actuellement de 400 officiers au sein de l'OTAN). De ce fait, la position politique de la France dans l'Alliance se trouverait également renforcée.

Mme Nathalie Goulet a souhaité savoir si les réflexions préliminaires sur la révision du concept stratégique de l'OTAN avaient porté sur l'impact des évolutions démographiques et de la crise financière sur les politiques de défense des Etats membres. Elle s'est par ailleurs demandé si l'initiative de coopération d'Istanbul (ICI) lancée par l'OTAN en direction des pays du Golfe visait à contrecarrer l'influence de l'Iran.

M. Benoît d'Aboville a précisé que l'initiative de coopération d'Istanbul avait été initiée dans le contexte des projets de l'ancienne administration américaine pour la démocratisation du « grand Moyen-Orient ». Ce partenariat reste aujourd'hui modeste, d'autant que certains Etats membres comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont établi des relations bilatérales étroites avec les pays du Golfe. S'agissant de la crise financière, elle touche bien évidemment les budgets des Etats membres mais l'impact sur les budgets de défense devrait rester limité, compte tenu de leur contribution directe au soutien de l'activité économique.

M. Benoît d'Aboville a ajouté que l'un des enjeux d'avenir les plus importants pour l'OTAN résidait dans les enseignements qu'elle voudra tirer de la difficile expérience afghane. L'Alliance sera-t-elle prête à rééditer ce type d'opération très exigeante, alors même que beaucoup de pays émergents d'Afrique ou d'Asie sont extrêmement réticents vis-à-vis d'interventions extérieures sur leur continent ? Ce constat pourrait militer pour des formes d'intervention moins directes, à travers la formation et le conseil aux armées locales ou des concepts de type « Recamp » (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix).

M. Etienne de Durand a souligné la nécessité d'un rééquilibrage entre la capacité à assurer la mission de défense collective et les opérations expéditionnaires. La France comme le Royaume-Uni ont donné la priorité aux forces projetables en réduisant fortement le volume de leur armée qui se trouve désormais très réduit pour faire face à d'éventuelles menaces de haute intensité comme aux besoins en matière de contrôle de zone dans le cadre d'opérations de stabilisation.

M. Benoît d'Aboville a insisté sur la nécessité du maintien de la vocation militaire de l'OTAN, qui correspondait à son coeur de métier. Une dérive vers les missions civiles de stabilisation pourrait accentuer la disparité des capacités militaires des Etats membres, seuls certains d'entre eux, comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, demeurant capables de mener des opérations de haute intensité.

M. Didier Boulaud s'est demandé si le déploiement en Europe d'éléments du système de défense antimissile américain et l'association éventuelle de l'OTAN à ce système pouvaient entraîner un certain affaiblissement du rôle de la dissuasion nucléaire.

M. Camille Grand a rappelé que l'on avait longtemps considéré en France que la défense antimissile était antinomique avec la dissuasion nucléaire, dont elle fragilisait la crédibilité. Ce débat est aujourd'hui dépassé. D'une part, la nécessité de protéger les forces déployées contre les missiles balistiques de théâtre n'est pas contestée. D'autre part, il existe un consensus pour considérer que la défense antimissile du territoire, telle que la conçoivent les Etats-Unis, ne modifie pas le rapport de dissuasion entre les grandes puissances nucléaires et se limite à la protection vis-à-vis d'arsenaux balistiques réduits, de l'ordre de quelques unités à une ou deux dizaines. Le président Chirac en 2006 comme le président Sarkozy en 2008 ont entériné cette évolution des esprits en déclarant que la défense antimissile pouvait utilement compléter la dissuasion nucléaire sans toutefois s'y substituer. Il serait difficile à l'OTAN de ne pas prendre en compte le développement de la prolifération balistique. Une approche coopérative avec la Russie est souhaitable et pourrait se concrétiser par des développements communs en matière d'alerte avancée et certaines mesures de confiance et de transparence sur les installations en Europe.

Par ailleurs, M. Camille Grand a jugé probable que le futur concept stratégique réaffirme le rôle des armes nucléaires dans la protection du territoire européen. La position française ne pourrait que s'en trouver confortée.

M. Etienne de Durand a ajouté que les experts s'accordent à considérer que le déploiement d'un troisième site antimissile américain en Europe ne menacerait en rien la Russie sur un plan technique et militaire. Il paraît en revanche clair qu'à travers l'installation sur leur sol d'éléments de ce système, les pays concernés recherchent avant tout une garantie politique de sécurité américaine face à la Russie ; c'est précisément ce « couplage » politique, concrétisé par le déploiement de systèmes et de personnels américains, que la Russie refuse.

M. Jean-Pierre Chevènement a évoqué la perspective de discussions entre les Etats-Unis et la Russie sur l'élimination des armes nucléaires tactiques. Il a souhaité connaître la position de l'Allemagne sur le stationnement d'armes nucléaires américaines en Europe et il s'est demandé si la France avait intérêt à prendre position sur cette question. Par ailleurs, il a exprimé ses doutes profonds sur l'argument selon lequel une implication renforcée de la France dans l'OTAN lèverait les suspicions de nos partenaires et favoriserait le développement de la PESD. Il a observé que certains officiers français recherchaient dans l'OTAN une reconnaissance de la part des chefs militaires américains et il a souligné le risque, à travers l'intégration, d'un relâchement de l'effort national de défense et d'affaiblissement de notre posture. Enfin, il a souhaité des précisions sur le coût d'une modification de la position de la France dans l'OTAN.

M. Camille Grand a précisé que les Etats-Unis maintenaient quelques centaines d'armes nucléaires en Europe (Allemagne, Italie, Turquie, Royaume-Uni, Pays-Bas). La mission nucléaire est aujourd'hui résiduelle pour l'OTAN mais elle conserve une certaine importance dans la perspective d'une éventuelle remontée en puissance. La recherche d'économies de la part de l'US Air Force et les revendications de certaines forces politiques outre-Rhin pourraient se conjuguer et faire pression en faveur d'un retrait des armes nucléaires américaines d'Allemagne. L'intérêt de la France est que les conséquences à long terme de toute modification du dispositif nucléaire américain en Europe soient soigneusement évaluées.

M. Benoît d'Aboville a estimé que leur participation aux opérations, y compris aux postes de commandement, et leur insertion dans les états-majors, avaient déjà permis aux officiers français de se forger une vision réaliste de l'OTAN, de ses forces et de ses faiblesses. La puissance et la technologie militaire américaines demeuraient certes une référence pour les alliés de l'OTAN, mais contrairement aux années 1960 ou 1970, les Européens étaient à même de se forger leurs propres conceptions. S'agissant de la contribution financière de la France à l'OTAN, il a indiqué qu'elle se décomposait entre la participation au budget civil (y compris celle correspondant à la construction du nouveau siège), aux dépenses d'infrastructure communes et au budget des opérations. Ce dernier ne couvre que certaines dépenses financées en commun, l'essentiel de la charge des opérations étant supporté par chaque nation participante qui finance sa propre contribution en troupes et en matériels.

M. Camille Grand a précisé que, en 2009, la contribution française à l'OTAN, répartie entre les budgets de l'action extérieure et de la défense, s'élevait à 170 millions d'euros. A terme, une participation pleine et entière aux structures de l'Alliance devrait se traduire par un surcoût annuel de l'ordre de 85 millions d'euros, dont environ 80 millions d'euros pour les charges de personnels et le restant pour la participation à des programmes d'investissement actuellement facultatifs.

Mme Josette Durrieu a soulevé la question des frontières de l'OTAN. Elle a souligné que les pays baltes comme les pays d'Europe centrale et orientale demeuraient préoccupés par l'attitude de la Russie, tout comme d'ailleurs la Finlande, non membre de l'OTAN. Elle a estimé qu'avec la persistance des « conflits gelés » en Transnistrie et dans le Caucase, mais également avec les incertitudes sur l'avenir de la Crimée, l'Europe était confrontée à une zone d'insécurité dans son voisinage immédiat.

M. Benoît d'Aboville a rappelé que la problématique des « conflits gelés » dans le Caucase n'avait pas échappé aux pays européens qui avaient, comme la France, déployé une action diplomatique dans le cadre de l'OSCE et du « Groupe de Minsk ». S'agissant des pays baltes, certains alliés, dont la France, ont assuré des missions de surveillance de l'espace aérien au profit de ces pays, dépourvus de forces aériennes. En ce qui concerne la Géorgie, la diplomatie a joué son rôle : la Russie avait accepté, dans le cadre de négociations bilatérales avec Tbilissi, il y a quelques années, de fermer ses bases en Géorgie. En août dernier, c'est l'Union européenne, sous présidence française, qui est intervenue pour faire cesser le conflit.

D'une manière plus générale, l'Union européenne devra inévitablement s'interroger un jour sur le degré de solidarité politique et militaire dont elle est prête à faire preuve à l'égard de ses membres.

M. Etienne de Durand a précisé que s'il lui paraissait actuellement inopportun de hâter l'adhésion à l'OTAN de l'Ukraine et de la Géorgie, il ne considérait cependant pas qu'une telle adhésion devait être nécessairement exclue à moyen et long terme. Il a rappelé que les nouveaux Etats membres exprimaient une attente très forte à l'égard de la garantie de défense collective et de sa crédibilité. Il a estimé d'autant plus nécessaire de conserver à la Nato Response Force (NRF) sa vocation initiale d'instrument rapidement déployable au service d'opérations de haute intensité : les pays d'Europe occidentale ne pouvaient pas à la fois geler l'élargissement et ne rien proposer aux alliés d'Europe orientale pour leur sécurité.

Nomination de rapporteurs

La commission a ensuite nommé rapporteurs :

M. René Beaumont sur le projet de loi n° 175 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants se rapportant à la convention de 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public à la prise de décision et l'accès à la justice dans le domaine de l'environnement ;

Mme Gisèle Gautier sur le projet de loi n° 190 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ;

M. Jacques Berthou sur le projet de loi n° 191 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des investissements ;

M. André Vantomme sur le projet de loi n° 1293 (AN-XIIIe législature) autorisant l'approbation des amendements aux articles 25 et 26 de la convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux ;

M. Didier Boulaud sur le projet de loi n° 1374 (AN-XIIIe législature) autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République du Monténégro, d'autre part ;

M. Robert del Picchia sur le projet de loi n° 1386 (AN-XIIIe législature) autorisant l'approbation de l'accord sur l'enseignement bilingue entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie.