Mercredi 11 mars 2009

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président, et de M. Robert del Picchia, vice-président -

Accord entre la France et l'Espagne sur des dispositifs de l'enseignement scolaire - Examen du rapport

La commission a d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Robert del Picchia sur le projet de loi n° 498 (2007-2008) autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne sur les dispositifs éducatifs, linguistiques et culturels dans les établissements de l'enseignement scolaire des deux Etats.

M. Robert del Picchia, rapporteur, a tout d'abord rappelé l'état de la coopération linguistique et éducative franco-espagnole.

Il a indiqué que, bien que le français soit la seconde langue vivante étrangère enseignée en Espagne, la position de notre langue y demeurait fragile dans la mesure où il n'existe pas en Espagne d'obligation d'apprendre une deuxième langue étrangère au niveau national, même si une deuxième langue vivante optionnelle a été introduite en 1996.

Ainsi, dans le secondaire, 98,5 % des élèves espagnols apprennent l'anglais, contre seulement 38 % le français et 2,5 % l'allemand.

Par ailleurs, il a souligné que le transfert des compétences éducatives aux dix-sept communautés autonomes espagnoles, libres de définir les contenus d'enseignement, donnait un cadre particulier à notre coopération éducative.

Alors que la politique de promotion de l'enseignement des langues vivantes en Andalousie est exemplaire, avec 90 % des élèves apprenant le français, paradoxalement, les taux d'apprentissage de la langue française les plus bas s'observent au Pays basque (6,6 %) et en Catalogne (8,7 %), qui sont pourtant des communautés frontalières.

En revanche, il existe une forte demande française pour l'apprentissage de l'espagnol, deuxième langue étrangère enseignée après l'anglais. Aujourd'hui, 60 % des élèves français scolarisés dans l'enseignement secondaire apprennent l'espagnol.

Le fait que le français ne soit plus la première langue enseignée en Espagne a entraîné un déclin des départements d'Etudes françaises et de l'enseignement du français dans l'enseignement supérieur, a indiqué M. Robert del Picchia, rapporteur.

La France reste toutefois la quatrième destination des étudiants espagnols, avec environ 5 000 étudiants espagnols inscrits dans une institution d'enseignement supérieur en France.

Dans le cadre du programme Erasmus, la France est, après l'Italie, la deuxième destination des étudiants Erasmus espagnols (3 412 étudiants), alors que l'Espagne est la première destination des étudiants Erasmus français (4 400 étudiants).

M. Robert del Picchia, rapporteur, a ensuite présenté l'accord-cadre signé entre la France et l'Espagne le 16 mai 2005, qui vise à renforcer la coopération entre les deux Etats dans le secteur de l'éducation et de l'enseignement des langues.

Son préambule souligne « l'importance que revêtent pour chacun des deux pays, la connaissance de la langue et de la culture de l'autre et leur volonté de garantir la promotion de celles-ci sur leurs territoires respectifs ».

Il comprend deux principaux volets.

Tout d'abord, cet accord donne un cadre légal aux accords passés ou en cours entre l'ambassade de France ou les rectorats d'académie et les communautés autonomes en matière de coopération éducative et linguistique.

M. Robert del Picchia, rapporteur, a souligné que l'objectif était d'aboutir à un texte suffisamment général pour satisfaire la volonté du gouvernement central espagnol de marquer sa légitimité en tant que « pilote » de la politique éducative au plan international, tout en conservant la souplesse nécessaire vis-à-vis des communautés autonomes, qui restent les véritables partenaires de la France en la matière.

En effet, depuis 1998, des sections bilingues francophones, sur le modèle des sections européennes d'espagnol en France, ont été mises en place dans certaines communautés autonomes, comme l'Andalousie, grâce à des accords passés avec l'ambassade de France ou les rectorats d'académie.

Ce dispositif concerne, en 2009, 261 sections bilingues de français qui scolarisent plus de 20 000 élèves et l'accord devrait permettre l'ouverture d'une cinquantaine de sections bilingues supplémentaires.

Cet accord permettra également de développer les sections internationales et européennes de langue espagnole, qui concernent près de 35 000 élèves en France et qui représentent pour le ministère espagnol de l'éducation un effort et un investissement importants, a souligné M. Robert del Picchia, rapporteur.

Enfin, l'accord prévoit la mise en place d'un double diplôme, dit « Bachi-Bac », délivré à l'issue de l'enseignement secondaire, qui consisterait en une double délivrance du baccalauréat et du bachillerato espagnol, a indiqué M. Robert del Picchia, rapporteur.

L'objectif est de favoriser la mobilité des étudiants en permettant l'accès de droit des diplômés aux établissements supérieurs des deux pays.

Les ministres français et espagnol de l'éducation ont d'ailleurs signé le 10 janvier 2008, à l'occasion du XXe Sommet franco-espagnol, un accord sur les programmes et les modalités de délivrance du « Bachi-Bac ».

A la suite de cette présentation, un débat s'est engagé au sein de la commission.

M. Jean-Paul Alduy a regretté le très faible nombre d'élèves apprenant le français en Catalogne et dans le Pays basque, qui s'expliquerait en partie, d'après lui, par la politique française à l'égard des langues régionales, comme le catalan ou le basque.

Il a estimé que si la France voulait faire un effort en matière d'apprentissage des langues régionales dans l'enseignement scolaire, comme le catalan ou le basque, en particulier dans les zones frontalières, la position du français pourrait en sortir renforcée à l'extérieur du territoire, notamment dans les communautés autonomes espagnoles du Pays basque et de la Catalogne.

Il s'est ainsi prononcé en faveur de la création d'espaces culturels et linguistiques transfrontaliers au sein de l'Union européenne.

M. Robert Badinter a contesté cette approche en faisant valoir qu'on ne pouvait pas mettre sur le même plan les langues nationales, comme le français et l'espagnol, et les langues régionales, comme le catalan ou le basque.

Estimant nécessaire un renforcement de l'apprentissage des langues étrangères dans l'enseignement scolaire français, notamment dans les zones frontalières, il a considéré que les accords conclus avec des pays tiers ne pouvaient porter que sur les langues nationales, comme l'espagnol ou l'allemand, étant donné que le statut des langues régionales relève de la compétence exclusive de chaque Etat.

M. Robert del Picchia, rapporteur, a précisé que, si l'accord-cadre reconnaissait les accords conclus entre la France et les communautés autonomes dans le domaine de l'enseignement scolaire, il ne portait que sur le développement des langues nationales française et espagnole et qu'il ne concernait pas les langues régionales, comme le catalan ou le basque.

M. Jean-Paul Alduy a rappelé que le catalan était parlé par plus de douze millions de locuteurs en Europe, soit beaucoup plus que le danois, l'estonien ou le maltais, qu'il avait le statut de langue officielle en Catalogne, de même que le basque au Pays basque espagnol, aux côtés du castillan.

M. Joseph Kergueris a considéré que les grandes différences en matière d'organisation territoriale entre la France, où la tradition centralisée jacobine reste forte, et l'Espagne, pays fortement décentralisé où les communautés autonomes disposent de larges compétences, ne devraient pas constituer un obstacle au renforcement des échanges culturels et linguistiques. Il s'est félicité des accords conclus avec les communautés autonomes et, estimant qu'il fallait se montrer pragmatique dans ce domaine, il s'est prononcé en faveur d'un modus vivendi à propos des langues régionales.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a également regretté le recul de l'apprentissage du français, qui a perdu sa première place de langue étrangère au profit de l'anglais, dans l'enseignement scolaire en Espagne.

Elle s'est prononcée en faveur d'une politique volontariste d'encouragement de l'apprentissage du français dans l'enseignement scolaire, notamment par la création de sections bilingues, à l'image de la coopération exemplaire nouée avec l'Andalousie.

Elle a également regretté l'absence en France de véritable politique en faveur de l'apprentissage des langues étrangères, notamment dans les zones frontalières, en citant l'exemple de l'allemand en Alsace et de l'italien en Rhône-Alpes.

M. Robert del Picchia, rapporteur, a indiqué que cet accord devrait précisément permettre le développement des sections bilingues dans les deux pays.

M. Christian Poncelet a regretté le recul du français au niveau international et européen, y compris dans des pays traditionnellement considérés comme francophones, à l'image du Vietnam. Il a estimé que les responsables politiques français avaient une responsabilité particulière pour encourager et défendre le statut et la place du français, notamment au sein de l'Union européenne.

La commission, suivant les recommandations du rapporteur, a alors adopté le projet de loi, en prévoyant son examen en séance publique sous forme simplifiée.

Rejets et transferts de polluants - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. René Beaumont sur le projet de loi n° 175 (2008-2009) autorisant l'approbation du protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants se rapportant à la convention de 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public à la prise de décision et l'accès à la justice dans le domaine de l'environnement.

M. René Beaumont, rapporteur, a indiqué, en préambule, que la protection de l'environnement et, plus précisément, l'information des citoyens sur les questions environnementales, était une préoccupation relativement récente au niveau international.

La Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement durable, adoptée par les Nations Unies en juin 1992, a posé le principe selon lequel « la meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens ». A la suite de cette déclaration, une convention internationale a été négociée dans le cadre de la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies, et signée à Aarhus, au Danemark, en juin 1998. Cette convention comporte notamment des dispositions permettant d'assurer l'accès du public à l'information sur l'environnement, de favoriser la participation du public et d'étendre les conditions d'accès à la justice en matière d'environnement. La convention d'Aarhus compte actuellement quarante-deux parties signataires, dont la France.

M. René Beaumont, rapporteur, a indiqué que le protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants, élaboré en application de la convention d'Aarhus, avait été adopté le 21 mai 2003 à Kiev, en Ukraine.

L'objet de ce protocole est de promouvoir l'accès du public à l'information par la création, à l'échelle nationale, de registres de rejets et transferts de polluants des principales activités industrielles et d'élevage.

Il vise ainsi à faciliter la participation du public au processus décisionnel en matière d'environnement et à contribuer à la prévention et à la réduction de la pollution de l'environnement.

Ce registre doit être renseigné à partir des déclarations transmises par les exploitants des installations répondant à certains critères, en fonction du type d'activité et de différents seuils.

Cela concerne notamment les stations d'épurations industrielles et urbaines, les raffineries de pétrole et de gaz ou encore les installations destinées à l'élevage intensif de volailles ou de porcs, a précisé M.  René Beaumont, rapporteur.

Les données concernent les émissions de quatre-vingt-six polluants rejetés par ces établissements ainsi que les transferts de déchets. Il tient compte des différents milieux récepteurs (eau/air/sol).

Ce registre est mis à jour chaque année et les données sont conservées pendant une période de cinq ans.

Signé par trente-neuf Etats, ce protocole compte à ce jour douze ratifications. Il pourra entrer en vigueur à partir de la seizième ratification. Ce protocole a été approuvé par la Communauté européenne et un registre européen des rejets et transferts de polluants a été mis en place, géré par l'agence européenne de l'environnement.

M. René Beaumont, rapporteur, s'est enfin interrogé sur les implications de ce protocole pour notre pays.

Il a rappelé que la France disposait déjà d'une législation ancienne et très complète en matière de protection de l'environnement et d'information des citoyens.

La loi Barnier du 2 février 1995 consacre un principe général de « participation selon lequel chaque citoyen doit avoir accès aux informations relatives à l'environnement ».

En 1991, notre pays s'est doté d'un organisme spécifique, l'Institut français de l'environnement (l'IFEN), qui a pour vocation de rassembler, de diffuser et de valider les données sur l'environnement. Celui-ci a été intégré en juillet 2008 au sein du Commissariat général du développement durable du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Depuis 1987, la France réalise des inventaires annuels des émissions polluantes dans l'air et l'eau. Un registre français des émissions polluantes est ainsi consultable sur Internet.

Le « Grenelle de l'environnement », organisé en juillet 2007, va même encore plus loin en promouvant le concept de « démocratie écologique » qui devrait se traduire par un renforcement de l'information et de la participation des citoyens en matière d'environnement, notamment par des débats publics et la réforme des enquêtes publiques.

Ainsi, la ratification de ce protocole ne nécessitera pas de mesures législatives ou réglementaires, la législation française prévoyant déjà la mise à la disposition du public d'informations et la tenue d'un registre sur les rejets et transferts de polluants, a indiqué M. René Beaumont, rapporteur.

M. Christian Poncelet s'étant interrogé au sujet de la réalité des sanctions en cas de non respect des normes environnementales par d'autres pays au regard du risque de « dumping écologique », y compris par certains Etats membres de l'Union européenne, M. René Beaumont, rapporteur, a confirmé que ce risque était réel, bien que le respect des normes environnementales s'impose à tous les Etats membres de l'Union européenne, et qu'il est étroitement contrôlé par la Cour de justice des communautés européennes, qui peut imposer des sanctions pécuniaires aux Etats qui ne respectent pas ces normes.

En réponse à M. Daniel Reiner, qui souhaitait savoir si ce registre concernait également les déchets nucléaires, le rapporteur a répondu par la négative en se référant à l'annexe 1 du protocole.

Suivant les recommandations du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi, en prévoyant son examen en séance publique sous forme simplifiée.

Nomination de rapporteurs

La commission a nommé rapporteurs sur les projets de loi, en cours d'examen à l'Assemblée nationale :

- M. Bernard Piras sur le projet de loi n° 1135 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ;

- M. Joseph Kergueris sur le projet de loi n° 1431 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation de l'accord de coopération administrative pour la lutte contre le travail illégal et le respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas ;

- M. Roger Romani sur le projet de loi n° 1432 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation du protocole à l'accord du 3 juillet 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn relatif aux services aériens ;

- M. Robert del Picchia sur le projet de loi n° 1491 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ;

- M. Jacques Berthou sur le projet de loi n° 1492 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Seychelles sur la promotion et la protection réciproques des investissements.

Mission au Moyen-Orient - Communication

La commission a entendu la communication de M. Jean François-Poncet et Mme Monique Cerisier-ben Guiga sur la mission effectuée au Moyen-Orient - troisième déplacement (Egypte), du 22 au 27 février 2009.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a fait part de son inquiétude quant à la situation politique en Egypte. Même si le régime tient la situation intérieure d'une main de fer, le fait pour le Gouvernement égyptien d'avoir tenu une ligne diplomatique conciliante envers Israël lors de la guerre menée à Gaza a renforcé l'impopularité du régime, cela au moment où la situation économique s'aggrave et dans un jeu politique interne qui exclut, plus que jamais, toute hypothèse d'alternance.

L'image qui domine est celle d'une société bloquée. En dépit de ces tensions qui se traduisent par un retour important du religieux, d'une part, et des risques terroristes accrus d'autre part, le contrôle du régime sur la société civile reste fort, à l'approche de la succession du Président Hosni Moubarak.

Dans un pays de 80 millions d'habitants, dont 600 000 jeunes prêts à entrer sur le marché du travail chaque année, la situation économique est alarmante. Selon les indications fournies sur place par M. Youssef Boutros Ghali, ministre des Finances, 16 % de la population vivrait en dessous du seuil de pauvreté. Toutefois, le PNUD indique que 58 % de la population vivrait avec un revenu inférieur à deux dollars par jour.

Cette situation est appelée à se dégrader encore du fait de la crise économique mondiale. Selon le ministre des Finances, les trois « rentes » de l'économie égyptienne vont se réduire considérablement en 2009 :

- le tourisme -principale source de revenus avec 11 milliards de dollars par an- devrait voir ses recettes diminuer de 40 % ;

- les exportations de pétrole et de gaz devraient se réduire également de 40 % ;

- enfin les revenus du Canal de Suez devraient baisser de 25 %.

Au total, la croissance du PIB devrait passer de 7 % en 2008 à 4 %, voire 2 % en 2009, alors qu'un taux de 5 % est nécessaire pour assurer l'insertion des nouveaux entrants sur le marché du travail. Des troubles sociaux se produisent déjà en dépit de la répression : grèves, manifestations de groupes professionnels et le ministre des Finances s'attend à les voir augmenter.

Dans ce contexte, aucune hypothèse d'alternance politique ne semble possible.

Les Frères musulmans ne font pas l'unanimité et déclarent eux mêmes qu'ils ne sont pas prêts à prendre le pouvoir. Le responsable du bloc parlementaire des Frères musulmans, rencontré par la mission, a donné l'image d'un parti « raisonnablement » d'opposition, comparable en beaucoup de points à ce que fut la démocratie chrétienne en France et en Europe. C'est l'image d'un parti soucieux de conquérir l'opinion, par un programme social actif, plutôt que de remporter les élections, de crainte de susciter une réaction de l'armée et de la communauté internationale.

Entre le parti national démocratique, parti du pouvoir d'un côté, et les Frères musulmans de l'autre, les partis du centre sont fragmentés et leurs chefs emprisonnés. De plus, certaines formations centristes, comme Al-Wasat, sont interdites d'activité. Par ailleurs, les responsables charismatiques des partis du centre, tels que M. Ayman Nour, dirigeant du parti Al-Ghad, ont été emprisonnés. M. Ayman Nour a été condamné à cinq ans de prison ferme le 24 décembre 2005 pour faux et usage de faux dans la procédure de reconnaissance des statuts de son nouveau parti, un parti libéral créé en octobre 2004. Chacun comprend en fait qu'il a été condamné pour avoir été le principal rival du Président Moubarak aux dernières élections présidentielles de septembre 2005, où il avait obtenu 7,3 % des voix, ce qui est énorme dans un pays où la participation est très faible (de l'ordre de 10 %). Sa libération récente serait le résultat de pressions américaines fortes à la veille de la venue de Mme Hillary Clinton à Sharm El Cheick.

Enfin, la politique étrangère de l'Egypte suscite l'incompréhension et l'opposition silencieuse des Egyptiens.

Pendant les événements de Gaza, la population égyptienne a vibré en sympathie avec les souffrances des Palestiniens de Gaza. Par contraste, la gestion de cette crise par le Gouvernement Moubarak a été considérée comme très conciliante avec Israël. Sa rencontre avec Mme Tzipi Livni, l'avant-veille du déclenchement du bombardement, a donné le sentiment, à tort ou à raison, que le président Moubarak « était dans le coup ». Les autorités égyptiennes ont limité les manifestations et empêché les grands rassemblements. Le Gouvernement n'a pas laissé entrer à Gaza l'aide qui a été apportée par la population égyptienne (médicaments, nourriture...) ou, quand il l'a fait, c'était trop tard. Enfin, le Gouvernement a paru bloquer le point de passage de Rafah, ce qui a été très mal compris par la population qui ignore le rôle déterminant joué par Israël sur le contrôle de ce point de passage, dans le cadre des accords de 2005.

Par ailleurs, la volonté de l'Occident d'empêcher la réalisation du programme militaire nucléaire iranien aboutit à rendre l'Iran sympathique à la population égyptienne, pour laquelle l'Iran est un pays lointain, et pas nécessairement ami. Néanmoins, le fait qu'il se dresse seul contre l'Occident et l'application par ce dernier d'une politique dite du « double standard » (oui au nucléaire Israélien - non au nucléaire iranien) entraîne un fort sentiment « d'injustice » qui traverse toutes les strates de la population.

La conjugaison de ces trois types de tensions se traduit par un mal-être généralisé dans la population. Les personnes rencontrées, notamment celles issues des milieux artistiques et intellectuels, ont parlé de sentiment de « honte » à cause de leur impuissance individuelle à manifester leur solidarité envers les Gazaouis, en raison de la répression policière. Le peuple égyptien, qui éprouve un vif ressentiment contre le Gouvernement, se sent atteint dans sa fierté nationale... C'est une révolte sourde.

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que cela se traduise par une crispation identitaire et des risques accrus d'attentats. Cette crispation prend en particulier la forme d'une religiosité renforcée.

On parle souvent « d'islamisation » pour décrire ce phénomène, mais c'est oublier que cette société a toujours été profondément musulmane. Il serait plus exact de parler de retour du religieux, celui-ci étant compris comme une affirmation identitaire de distanciation par rapport à l'Occident. Les termes de « désoccidentalisation » ou de rejet de l'Occident -entendus comme englobant tout à la fois Israël, les Etats-Unis d'Amérique et l'Europe- seraient plus exacts. De fait, le port de la barbe islamique, souvent synonyme pour les Occidentaux d'extrémisme, est perçu par la population comme un gage d'honnêteté, de moralité. Ce rejet concerne les valeurs de l'Occident et sa politique au Moyen-Orient, non ses technologies. Les signes extérieurs d'appartenance à l'Islam sont fréquents dans des métiers nécessitant un haut niveau d'études tels que les médecins, les avocats, les ingénieurs ou encore les informaticiens. C'est même dans ces secteurs que les Frères musulmans recrutent leurs cadres et leurs adhérents.

Cette crispation crée des tensions importantes au sein de la société. Les confrontations entre les chrétiens égyptiens et les musulmans ont été particulièrement violentes ces dernières années. Ces confrontations se sont traduites par un affichage délibéré des signes d'appartenance religieuse, en particulier sur les véhicules, ce que le Gouvernement a interdit.

Le retour du religieux se traduit également par une délégitimation du mouvement d'émancipation féminine à l'occidentale à laquelle avait adhéré la bourgeoisie citadine dès les années 1920. Mais les femmes étudient, travaillent, sont très présentes dans l'espace public, voilées, avec beaucoup de coquetterie parfois. Le voile permet aux jeunes femmes des milieux les plus patriarcaux et conservateurs de quitter l'espace familial, d'étudier, de travailler.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a précisé que, d'après les informations fournies sur place, l'attentat du 22 février dernier au Caire a probablement été le fait d'un petit groupe de terroristes improvisés. La bombe était artisanale, d'une puissance explosive faible. L'attentat n'a pas été revendiqué.

L'Egypte a déjà connu ce type d'attentat, en 2005. Il s'agit d'initiatives groupusculaires qui expriment par la violence un malaise général. Cela n'obéit pas, semble-t-il, à une stratégie d'ensemble de déstabilisation du régime comme c'était le cas dans les années 1980.

Les Français étaient-ils visés ? Il paraît probable que la France ait été ciblée, compte tenu de l'amitié proclamée entre le Président Moubarak et le Président Sarkozy et de l'envoi de la frégate Germinal au large de Gaza pour mettre fin à la contrebande par voie de mer. Mais cela ne peut être prouvé, du moins pour l'instant.

La question est de savoir si le régime de M. Moubarak en sort affaibli. La réponse est très certainement négative. Au contraire, la majorité des Égyptiens est ulcérée par ce type d'attentat qui choque l'opinion populaire et met à mal le tourisme, source principale de revenus pour 1 million de salariés égyptiens. Mme Monique Cerisier-ben Guiga a évoqué à cet égard le fait que, même si cela relevait du stéréotype, les Egyptiens étaient des gens gentils, peu enclins à la révolte. Le pays n'a connu que peu de révolutions depuis deux siècles. Celles qui ont eu lieu n'ont duré que quelques jours (1919, 1952). Toutefois, la dureté de la vie quotidienne pourrait induire plus de violence sociale et politique. La répression policière n'explique pas tout. Dans ces conditions, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a préféré parler de la résilience du peuple égyptien, c'est-à-dire de sa capacité à résister à des conditions de vie insupportables avec comme seule arme l'exutoire de son humour.

La société égyptienne est une société très contrôlée. Les services de sécurité sont partout présents et le quadrillage de la population est d'autant plus facile à réaliser que le niveau de vie est bas : tout peut s'acheter et surtout l'information. L'armée et les services de renseignement oeuvrent en étroite symbiose avec le Parti national démocratique (PND) au pouvoir.

Le mouvement des Frères musulmans est divisé en deux courants principaux :

- celui dit des « classiques » qu'on peut qualifier de « radicaux » qui prônent la fusion des autorités religieuses et politiques ;

- et le courant dit des « progressistes » ou « libéraux » qui prônent, au contraire, une stricte séparation des autorités politiques et des autorités religieuses.

En emprisonnant systématiquement les chefs de l'aile progressiste, le Gouvernement Moubarak cherche à laisser le monopole de l'opposition islamique aux Frères musulmans les moins fréquentables, et donc à renforcer leur rôle d'épouvantail.

Par ailleurs, en emprisonnant les dirigeants centristes dès lors qu'ils sont charismatiques, le Gouvernement de M. Moubarak arrive à créer une situation politique telle que ce soit « lui ou le chaos ».

Tout a été préparé pour que M. Gamal Moubarak, le fils du président égyptien, ait un réel pouvoir sur le PND. Très occidentalisé, c'est un homme d'affaire entreprenant. Néanmoins, sa candidature présente beaucoup de handicaps, à commencer par le fait que la désignation du fils par le père n'est pas du tout acceptée dans une population qui rejette le modèle syrien - sous entendant que l'Egypte est une vraie République, pas une monarchie déguisée. Par ailleurs, le fait que ce fils ne soit pas issu des rangs de l'armée ne garantit pas à celle-ci la consolidation de ses avantages et de sa suprématie. Enfin, en tant que fils du Président, une partie de l'impopularité présidentielle retombe sur lui.

En revanche, il est certain que celui qui sera choisi le sera au vu des gages de stabilité qu'il aura été capable de donner. Il semble, selon les procédures constitutionnelles, si elles sont respectées, qu'un petit nombre de personnes au sein du PND soient éligibles à la magistrature suprême et que le choix définitif sera lui-même effectué par un groupe restreint. Ce choix ne devra pas entrer en conflit avec les orientations de l'armée.

Mais la question de savoir qui sera choisi importe peu, en réalité. L'essentiel est que le nouveau président offre des garanties fortes de maintien de l'ordre et de suprématie politique et économique pour l'armée. De ce jeu d'hypothèses, on peut retenir que tout dépendra du moment où se réglera la succession :

- du vivant de Moubarak, son fils Gamal aurait ses chances,

- après son décès, l'armée imposerait son homme.

Au total il faut retenir que, depuis 1952, la seule légitimité reconnue en Egypte est militaire. L'armée est une puissance politique et économique de premier plan. C'est le premier propriétaire foncier du pays, avec ses usines de production militaires et civiles, ses programmes d'investissements touristiques, ses généraux retraités présents au Parlement, dans la diplomatie, comme dans le secteur économique. C'est une société parallèle qui fournit à tous les officiers logements, soins médicaux, centres de vacances, etc... Elle ne se laissera pas écarter du centre du pouvoir.

Dans ces conditions, l'hypothèse la plus vraisemblable paraît être actuellement celle d'une présidence du ministre de la sûreté intérieure, le général Omar Souleiman. C'est du reste l'option retenue par le responsable des Frères musulmans.

En conclusion, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a dit que si la société égyptienne ressemble fort à une marmite sous pression, celle-ci est bien fermée. Il y a la soupape d'une liberté d'expression limitée à des thèmes, à des médias restreints et à une frange de la population. L'explosion semble exclue. Si une déstabilisation devait se produire, il est probable qu'elle viendrait davantage d'un choc externe, d'une crise régionale majeure. L'Egypte reste un pays de référence dans le monde arabe en raison de son poids démographique et de la qualité de ses élites intellectuelles (scientifiques ou diplomatiques, par exemple). Toutefois sa dépendance des Etats-Unis et sa volonté de ne plus entrer en confrontation avec Israël fragilisent sa position au Moyen-Orient. Son influence diplomatique se limite à la question du conflit israélo-palestinien sur lequel elle veut garder la main.

Pour être efficace, la diplomatie de la France au Moyen-Orient doit tenir compte de la multiplicité des pôles de pouvoir : Egypte, Qatar, Arabie Saoudite. La guerre froide au sein de la Ligue arabe doit inciter à la prudence dans nos alliances et nos prises de position publiques si nous voulons éviter de nous aliéner les uns et les autres.

M. Jean François-Poncet a ensuite formulé trois remarques. En premier lieu, il a déclaré que l'Egypte est un pays où la crise économique va entraîner ou risque d'entraîner un ébranlement profond, même si l'économie égyptienne est peu globalisée. Néanmoins, cette économie a beaucoup progressé. Une décélération très forte est à prévoir et dont l'impact sur la société est inconnu.

En second lieu, il a évoqué la succession de M. Hozni Moubarak, qui est le sujet dont tout le monde parle au Caire. Il a déclaré que la mission n'était pas revenue avec une idée claire sur le sujet. Le fils du président est certes en campagne. Il est bien formé et présente l'image de quelqu'un de moderne mais il n'appartient pas à l'armée. Le sentiment de l'armée vis-à-vis de Gamal est peu clair. Les Frères musulmans disent que le prochain président sera le général Omar Souleimane, ministre de la sécurité, mais âgé de soixante-treize ans. Il est vrai qu'il n'y a pas d'autre leader qui ait son envergure. Son accession au pouvoir pourrait constituer une phase d'intérim entre M. Hozni Moubarak et M. Gamal Moubarak.

Enfin, il a déclaré que, malgré les critiques qu'elle suscite, l'Egypte joue un rôle très important dans le dialogue interpalestinien dont les réunions ont lieu au Caire.

En conclusion, M. Jean François-Poncet a déclaré que l'Egypte était un pays important avec néanmoins deux épées de Damoclès au-dessus de sa tête : la crise économique et la succession de M. Hozni Moubarak.

Situation au Sénégal - Audition de M. Jean-Christophe Rufin, ambassadeur de France au Sénégal

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Christophe Rufin, ambassadeur de France au Sénégal, sur la situation au Sénégal.

M. Josselin de Rohan, président, après avoir rappelé les différents aspects de la carrière de M. Jean-Christophe Rufin, a souligné que l'évolution de la situation au Sénégal, qui entretient avec la France une relation bilatérale particulièrement dense, intéressait la commission à de nombreux titres.

M. Jean-Christophe Rufin a tout d'abord noté que la situation politique du pays présente tous les attributs de la stabilité démocratique. Les institutions politiques sont en place, des élections sont régulièrement organisées, et le Sénat, supprimé après l'arrivée au pouvoir du Président Wade, a été reconstitué il y a un an.

Cependant, le parti au pouvoir détient l'immense majorité des sièges au Parlement tant à l'Assemblée nationale (140 sièges sur 150) qu'au Sénat (99 sièges sur 100 membres, dont 65 sont nommés par le Président). Cette situation tient au fait que l'opposition, qui a contesté la réélection du président Wade en 2007, a refusé de présenter des candidats aux élections législatives, créant ainsi une situation d'absence totale de contrepoids politique qui n'est pas entièrement saine.

Pour autant, des modifications constitutionnelles sont régulièrement effectuées, qui pour certaines semblent obéir surtout à des objectifs politiques : ainsi, par exemple, la réduction de cinq à un an de la durée du mandat du Président de l'Assemblée nationale qui a permis d'écarter le titulaire de la fonction.

Dans ce contexte, les élections locales du 22 mars 2009 revêtiront une forte charge politique non pas tant en raison du pouvoir des élus locaux que du retour dans le jeu de l'opposition légale.

Certaines villes importantes pourraient changer de camp et le parti démocratique sénégalais (PDS) au pouvoir est traversé de courants dont on pourra mieux mesurer le poids relatif au terme de cette consultation.

Sur cette toile de fond, la question de l'avenir politique du fils du Président, M. Karim Wade, est régulièrement évoquée et alimente les conjectures. Il est candidat à la mairie de Dakar, en troisième position sur une liste à la proportionnelle. L'actuel maire de Dakar étant Président du Sénat et, à ce titre, deuxième personnage de l'Etat, cette élection pourrait préparer le terrain à une transition.

L'absence d'une opposition légale solide est en tout cas une vraie source de préoccupation. Dans ce pays à la population très jeune, des mouvements spontanés et violents sont possibles, comme à Kédougou en décembre ou dans la banlieue de Dakar où une fronde a été menée récemment par des imams contre la hausse des tarifs de l'électricité.

Sur le plan économique, le Sénégal a subi de plein fouet en 2008 un choc exogène lié à la forte hausse du coût de l'énergie, compte tenu de la totale dépendance énergétique du pays. De même, la hausse des prix des produits alimentaires a lourdement grevé l'économie en 2008. A l'époque coloniale, le Sénégal a été spécialisé dans la production d'arachide et était destiné à consommer le riz produit au Tonkin. Les habitants ont conservé cette habitude alimentaire et consomment par conséquent du riz pour l'essentiel importé. Il convient cependant de relativiser les mouvements sociaux observés en 2008 face au renchérissement du prix du riz. Il ne s'agissait pas d'émeutes de la faim comme l'a affirmé la presse mais bien plutôt de manifestations contre la hausse des prix, réprimées d'une façon un peu violente. Il n'y a pas eu de famine au Sénégal. Le pouvoir a bien réagi en refusant l'aide alimentaire et en se mobilisant pour l'autosuffisance dans ce domaine par le plan Grande offensive pour la nourriture et l'abondance (GOANA), ce qui a eu le mérite de mobiliser l'attention sur l'agriculture, secteur que les partenaires du développement et, en particulier, la Banque mondiale, avaient trop négligé pendant les décennies précédentes.

En novembre 2007, le Sénégal a conclu un accord très contraignant avec le fonds monétaire international, via l'instrument de soutien à la politique économique (ISPE). Cet accord est utile car il s'inscrit dans une dynamique de soutien à l'économie locale et constitue un cadre indispensable au regard des dérapages intervenus auparavant.

Le FMI ne doit plus être vu comme l'institution qu'il était il y a quinze ans lors des grands plans d'ajustement structurel. Il joue désormais un rôle d'alerte et de soutien pour les bailleurs, mais aussi pour le ministre des finances. Il renforce la position de tous ceux qui, au Sénégal, oeuvrent pour améliorer la gestion des finances publiques et assurer un pilotage transparent et rigoureux de l'économie.

Malgré cela, en décembre 2008, le Sénégal a failli connaître une crise grave à l'occasion de la revue du FMI. Un échec lors de cette revue aurait pu se traduire par le blocage des aides budgétaires dont celle du fonds européen de développement. Or le Sénégal, fin 2008, était confronté à une dette intérieure très importante qu'il était dans l'impossibilité de réduire, même en recourant à des emprunts, faute de liquidités disponibles dans la zone Union économique et monétaire ouest-africaine (UMEOA). La France a décidé de lui accorder un prêt exceptionnel de 82 milliards de francs CFA par l'intermédiaire de l'Agence française de développement (AFD). Cette attribution a été décisive pour éviter la crise et pour préserver le tissu économique privé en contribuant à régler la dette publique.

Depuis le début des années 2000, le Sénégal s'est ouvert à d'autres partenaires, les Etats-Unis d'Amérique, l'Inde, les pays du Golfe, la Libye ou encore la Chine, souvent présentés comme des alternatives au partenariat avec la France. Il semble aujourd'hui que tous ces nouveaux partenariats atteignent leurs limites. De plus, ce que fait la France, aucun autre Etat ne le fait. En décembre 2008, en pleine crise, c'est bien la France qui est intervenue alors que six Etats, dont les Etats-Unis, se sont abstenus au conseil d'administration du FMI. Les promesses des nouveaux partenaires n'ont pas été tenues et l'engouement est un peu retombé, alors que la France, avec ses qualités et ses défauts, a été présente et qu'elle reste porteuse, notamment au sein des institutions européennes d'une conscience africaine plutôt rare.

M. Josselin de Rohan, président, évoquant la mauvaise humeur manifestée par le Président sénégalais sur plusieurs dossiers, s'est interrogé sur la qualité de la relation bilatérale, notamment dans les domaines de la politique migratoire, de la présence militaire et de l'évolution de l'aide française.

M. Jean-Christophe Rufin a rappelé que dans un pays très centralisé, une relation de confiance était indispensable avec le Président de la République. Cette relation de confiance s'est établie au plus haut niveau, entre les Présidents Sarkozy et Wade. Elle se traduit localement par un accès facile et régulier de l'ambassadeur tant auprès du Président que du Premier ministre et des membres du Gouvernement.

Les relations sont empreintes de sincérité et de franchise. Les points de désaccord sont clairement abordés quand ils existent. Ainsi, le Président Wade a manifesté son désaccord récemment sur deux dossiers particuliers. A propos de l'Union pour la Méditerranée, il a fait valoir que, selon lui, ce projet divisait l'Afrique et conduisait à une forme de déclassement de l'Afrique subsaharienne. Mais cette opposition peut aussi être comprise comme une réaction à l'appartenance de la Mauritanie voisine à l'Union pour la Méditerranée dont les limites s'arrêtent au fleuve Sénégal. Un effort d'explication de notre initiative a été entrepris et on voit se dessiner un rapprochement à ce sujet.

Le deuxième point de controverse a concerné la politique migratoire européenne. Le Président Wade adhère totalement au concept français de gestion concertée des flux migratoires. Le premier accord de ce type a été signé avec le Sénégal en septembre 2006. Il ouvre la possibilité de filières légales d'immigration économique. Cependant, le Président Wade s'est élevé contre le pacte européen sur l'immigration et l'asile, considérant qu'il aurait fallu en discuter les termes avec les Africains avant de le conclure entre Européens. Pourtant, ce pacte avait comme premier objectif l'harmonisation des législations des Etats membres, ce qui a été dûment expliqué et finalement compris.

Le Président Wade est toujours ouvert à la discussion. Il reste incontestablement un fidèle ami de la France.

Puis un débat s'est instauré avec les commissaires.

M. Jean François-Poncet s'est interrogé sur la situation de la langue française au Sénégal.

M. Didier Boulaud a souhaité connaître l'évolution du conflit en Casamance et s'est interrogé sur le risque d'extension des interventions dans la bande sahélienne d'Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité savoir si le Sénégal avait souffert de la diminution des crédits d'aide au développement et d'action culturelle.

M. Christian Cambon s'est interrogé sur l'efficacité de l'aide multilatérale apportée au Sénégal.

M. Jean-Christophe Rufin a indiqué que la Casamance était dans une situation de « ni paix, ni guerre ». Après une période plutôt calme, les maquis s'agitent de nouveau sous la forme de barrages de route notamment. On observe une inquiétante criminalisation de certains mouvements armés.

La situation en Guinée Bissau, où le Président et le chef d'état-major bissau-guinéens ont été récemment assassinés, suscite des inquiétudes pour la Casamance voisine.

La situation politique locale pourrait également évoluer, le secrétaire général de la présidence étant candidat à la mairie de Ziguinchor contre M. Robert Sagna l'actuel titulaire de ce mandat, homme fort de la région.

En ce qui concerne l'AQMI, les assassins des touristes français en Mauritanie ont fui par le Sénégal et ont été arrêtés à Bissau. Cet épisode a été l'occasion de vérifier que le Sénégal n'est pas un pays actif en matière de terrorisme même s'il peut être utilisé comme lieu de transit pour des mouvements radicaux opérant dans les pays voisins. La structure confrérique de l'Islam sénégalais reste à cet égard une protection. Les deux principales confréries, les Mourides et les Tidianes, sont des éléments efficaces de contrôle social.

Pour ce qui concerne l'aide multilatérale, les Sénégalais ignorent trop souvent que la France contribue pour un quart au fonds européen de développement. C'est à la France de le leur rappeler. Quant au fonds mondial pour le sida, le paludisme et la tuberculose, c'est une véritable réussite qui a le mérite de multilatéraliser notre action. Planter le drapeau français partout n'est pas toujours productif et il est souvent préférable de jouer le jeu européen. L'aide multilatérale présente également le mérite d'être intégrée. En matière de réseau de transports, par exemple, les bailleurs multilatéraux raisonnent à l'échelle régionale.

La diminution des crédits de la coopération classique de l'ambassade de France a été plus que compensée par l'augmentation des crédits de développement solidaire pour des projets qui associent des migrants.

Pour ce qui concerne le réseau culturel, la fusion des instituts dans un établissement unique, réalisée au Sénégal, est une très bonne chose. L'expérience s'est arrêtée à ce stade pour l'instant, c'est-à-dire avant la fusion avec le service de coopération et d'action culturelle (SCAC).

Le Sénégal est dans une position particulière à l'égard de la langue française. Elle reste la langue officielle du pays qui possède une autre langue véhiculaire, le wolof. Cette dernière ne peut toutefois pas devenir langue officielle en raison de la concurrence d'autres langues locales comme le peul. Cependant, pour le français, il y a un chantier immense auprès des nouvelles générations. Il faut maintenir l'effort français en direction des établissements scolaires et les ouvrir plus, en particulier le lycée Mermoz, aux élèves sénégalais. Est encouragé aussi le développement d'écoles privées en langue française et la France apporte un appui à l'enseignement public sénégalais par le biais de sa coopération. Les bourses et la coopération universitaire sont également des moyens très utilisés.

Du point de vue de l'offre culturelle, nous devons certainement mener une réflexion sur les outils de la France. Dakar est une ville qui a changé de géographie. Le Dakar colonial du Plateau n'est plus le seul centre de la ville. Elle a tendance à se déplacer aujourd'hui vers le quartier de l'université et les Almadies. Certains ont même avancé l'idée de vendre les bâtiments du centre culturel pour le transférer dans cette zone. Mais, pour l'instant, aucune décision n'a été prise dans ce sens. Quoiqu'il en soit, il faudra renforcer l'offre de formation en langue française. Jusqu'ici le pays est considéré comme francophone, ce qui n'est plus totalement le cas, en particulier chez les jeunes et il devient légitime de proposer des cours de français langue étrangère.

M. Jean-Louis Carrère, évoquant la renégociation de l'accord de défense, s'est interrogé sur l'intérêt de forces prépositionnées au Sénégal.

M. Jean-Christophe Rufin a rappelé que les forces prépositionnées sur le continent africain avaient été réparties dans les quatre sous-régions de l'Union africaine. La renégociation était particulièrement nécessaire au Sénégal dans la mesure où l'accord de 1974 était purement bilatéral et ne correspondait plus à l'emploi actuel des Forces françaises du Cap-Vert. L'essentiel de leur activité est en effet le soutien à la brigade ouest-africaine de la communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Elles s'inscrivent pleinement dans le projet euro-RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix).

Il est difficile pour l'instant de dire ce que sera la position sénégalaise face à la proposition d'un nouveau texte d'esprit plus régional.

Pour la renégociation de l'accord de défense, le rôle de l'ambassadeur consiste essentiellement en un travail d'explication préparatoire. Un premier accord est en voie de finalisation avec le Togo. Il devra être adapté au Sénégal et discuté avec les autorités du pays.

M. Jean-Pierre Chevènement a souhaité savoir si une comparaison avait été réalisée entre le Sénégal et le Gabon quant à leurs intérêts respectifs pour l'accueil de forces prépositionnées.

M. Jean-Christophe Rufin a rappelé que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale s'était prononcé en faveur de la réduction des forces à une base par façade maritime. Mais le choix de cette base unique s'avère très difficile. Les Forces françaises à Libreville ne couvrent pas la zone de l'Afrique de l'Ouest, où se trouvent de nombreux foyers d'instabilité, et où résident des communautés françaises nombreuses. Les Forces françaises du Cap-Vert constituent pour elles un élément de sécurité fondamental et elles rayonnent bien au-delà de Dakar, sur toute la région. Leur connaissance du pays reste indispensable et il est difficilement envisageable de leur substituer l'intervention ponctuelle de bâtiments de la marine comme les transports de chalands de débarquement. Des adaptations en termes de format des forces stationnées peuvent sans doute être envisagées, mais le principe d'une présence militaire française à Dakar semble, quant à lui, pouvoir être défendu avec de solides arguments.

Jeudi 12 mars 2009

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président, et de M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles -

Action culturelle extérieure de la France - Audition de M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance

La commission a procédé, conjointement avec la commission des affaires culturelles, à l'audition de M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a tout d'abord rappelé que la commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères s'étaient mobilisées, dans la période récente, en faveur d'un sursaut de notre politique culturelle extérieure. Dans ce contexte, elles ont choisi d'organiser ensemble une série d'auditions consacrées à la réforme de l'action culturelle extérieure de la France. L'audition de M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, est ainsi l'occasion de faire le point sur les perspectives d'évolution statutaire de l'association CulturesFrance pour lui donner les moyens juridiques et financiers de redynamiser la politique de rayonnement culturel de la France. A ce titre, il a précisé que la commission des affaires culturelles s'est de longue date intéressée au sort de CulturesFrance : une proposition de loi, présentée par M. Louis Duvernois, prévoyant sa transformation en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), a ainsi été adoptée à l'unanimité en première lecture par le Sénat le 13 février 2007.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a indiqué, en préambule, que CulturesFrance était une association régie par la loi du 1er juillet 1901, issue de la fusion, opérée le 22 juin 2006, de deux associations : l'Association française d'action artistique (AFAA) et l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADFP), créées respectivement en 1922 et 1946. Chargée de la promotion de la création artistique contemporaine française à l'étranger, elle se caractérise par un vaste champ d'intervention, comprenant les arts visuels, les arts de la scène, l'architecture et le patrimoine, l'écrit et l'ingénierie culturelle, et qui s'est élargi au cinéma à la suite du transfert, le 1er janvier 2009, de compétences auparavant assumées par la direction de l'audiovisuel extérieur du ministère des affaires étrangères.

CulturesFrance dispose d'un budget évalué à 30 millions d'euros, reposant majoritairement sur une subvention du ministère des affaires étrangères de l'ordre de vingt millions d'euros ; le ministère de la culture y contribue à hauteur de deux millions d'euros, le reste de ses ressources consistant en des financements obtenus auprès des collectivités territoriales et de partenaires privés. Son action s'oriente selon trois axes principaux :

- l'exportation et la mise en valeur à l'étranger de la création culturelle française dans toute sa diversité ;

- l'accueil et la diffusion des cultures étrangères en France, à travers l'organisation de « saisons culturelles » permettant à des pays partenaires d'exposer leur culture sur le territoire national ;

- le développement culturel via la mise en oeuvre de programmes de soutien à la création d'industries culturelles dans les zones de solidarité prioritaire, en particulier en Afrique et dans les Caraïbes.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a souligné la très grande multiplicité des acteurs de l'action culturelle extérieure de la France. CulturesFrance n'est ainsi qu'un opérateur parmi tant d'autres, désignés sous des appellations différentes, parmi lesquelles on peut citer les centres et instituts culturels français à l'étranger, les services de coopération artistique et culturelle des ambassades, et les organismes de promotion à caractère professionnel à l'image d'Unifrance dans le domaine du cinéma. L'extrême dispersion du réseau culturel français, particulièrement dommageable à la cohérence et à la lisibilité de la politique culturelle extérieure, tranche singulièrement avec le modèle rationalisé du British Council pour le Royaume-Uni ou du Goethe Institut pour l'Allemagne.

À ce morcellement du dispositif de l'action culturelle extérieure française, s'ajoutent des carences significatives en moyens de fonctionnement, tant en termes de personnels que d'infrastructures, dénoncées dès 2001 par M. Yves Dauge dans un rapport d'information consacré au réseau culturel français à l'étranger.

Déplorant l'absence d'un opérateur unique en charge de l'action culturelle extérieure, M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a plaidé en faveur de la création, à partir de CulturesFrance, d'une grande agence du rayonnement culturel dont la structure et le fonctionnement s'inspireraient, idéalement, de l'ancienne direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des affaires étrangères. Il s'agit d'envisager l'action culturelle extérieure dans une logique transversale en y incluant l'action éducative et de coopération universitaire et l'action linguistique. Aussi a-t-il suggéré de regrouper, sous une même enseigne, les opérateurs préexistants en charge de la mobilité universitaire (CampusFrance), des échanges éducatifs et scientifiques (le Centre français pour l'accueil et les échanges internationaux - EGIDE) ainsi que les établissements culturels à l'étranger. Dans une logique de labellisation de notre action culturelle extérieure, cette future agence culturelle devrait disposer à l'étranger de bureaux dénommés « Instituts français ».

M. Oliver Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a invité les pouvoirs publics à « sanctuariser » les crédits dévolus à l'action culturelle extérieure, soulignant à ce titre qu'il s'agissait là d'un enjeu crucial en termes de « soft power ».

Un large débat s'est ensuite engagé.

M. Josselin de Rohan, président, a observé que la diplomatie culturelle française se caractérisait par des phénomènes préoccupants de dispersion et d'attrition qui appellent une réforme structurelle d'envergure. Estimant que la politique culturelle extérieure était une composante essentielle de la diplomatie française, et qu'elle devait à ce titre continuer de relever du ministère des affaires étrangères pour la définition de ses orientations stratégiques, il s'est interrogé au sujet de la tutelle sur la nouvelle agence et au sujet de la place du ministère de la culture et du ministère de l'éducation nationale.

Il s'est également interrogé sur la marge d'autonomie qui serait réservée à la future grande agence en charge de l'influence culturelle française à l'étranger vis-à-vis de ses tutelles ministérielles.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a estimé que le Quai d'Orsay était l'autorité la mieux placée pour exercer le pilotage principal en matière d'action culturelle extérieure, mais qu'il ne pouvait faire l'économie d'une coopération étroite dans ce domaine avec les ministères de la culture et de l'éducation nationale. Il a considéré qu'un grand établissement public culturel, doté de l'autonomie financière et responsable de sa gestion, constituait le format le plus approprié, en s'appuyant sur l'exemple de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est interrogée, tout d'abord, sur le statut juridique d'une grande agence culturelle et a souhaité savoir dans quelle mesure celui-ci s'inspirerait du modèle de l'AEFE. Elle a sollicité des précisions sur la responsabilité de la future agence en matière de recrutement et de gestion des personnels en charge de l'action culturelle extérieure. A cet égard, elle a déploré la rotation trop rapide des agents du réseau culturel français à l'étranger, dont l'évolution des parcours professionnels n'obéit que très insuffisamment à des critères de compétences. Elle a également interpellé le directeur de CulturesFrance sur le type de relations que l'agence compte entretenir avec les alliances françaises et a estimé que ces relations pourraient, le cas échéant, s'inspirer des liens conventionnels que l'AEFE établit avec les lycées d'enseignement français de la Mission laïque. Elle s'est enfin inquiétée d'une absorption par la future agence culturelle de CampusFrance : cette dernière structure s'investit efficacement dans la mutualisation des moyens des universités françaises dans la conduite de leurs relations extérieures ; sa fusion éventuelle au sein de CulturesFrance risquerait de briser cette dynamique.

En réponse à ces interrogations, M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a formulé les observations suivantes :

- la transformation de CulturesFrance en une grande agence dotée d'un statut d'établissement public à caractère industriel et commercial s'inspirera très certainement du modèle de l'AEFE, dans le cadre d'une tutelle principale exercée par la future direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères. Le ministère de la culture sera associé au pilotage de cette agence comme le ministère de l'éducation nationale l'est à celui de l'AEFE ;

- le projet d'une grande agence culturelle vise à réunir au sein d'un même ensemble financier et juridique tous les acteurs de l'action culturelle extérieure travaillant aussi bien à Paris que dans le réseau culturel français à l'étranger. CulturesFrance sera ainsi responsable du recrutement, de la gestion et de la formation des professionnels de l'action culturelle extérieure, en préservant un équilibre entre les diplomates et les spécialistes des différents secteurs d'activités de l'Agence ;

- le système de partenariats et de conventions entre l'AEFE et les lycées de la Mission laïque pourra servir de modèle aux relations entre CulturesFrance et les alliances françaises ;

- l'action culturelle au sein des établissements culturels français à l'étranger doit être entendue dans son acception la plus large possible : cela suppose d'y inclure la promotion de l'enseignement supérieur français et la coopération linguistique afin de ne pas cantonner CulturesFrance à la mise en valeur de la seule création artistique. La fusion de CampusFrance au sein d'une grande agence culturelle serait probablement mieux accueillie par nos partenaires que la création d'un guichet unique de la mobilité universitaire internationale qui regrouperait les groupements d'intérêt public que sont France Coopération Internationale (FCI), CampusFrance et EGIDE.

Souscrivant à un scénario qui confierait à CulturesFrance le champ d'intervention le plus large possible, M. Yves Dauge a demandé des précisions sur le statut de ses personnels, notamment dans les pays d'accueil. Il a appelé à un renforcement de l'effort de professionnalisation en leur faveur. Il s'est ensuite interrogé sur les relations entre CulturesFrance et les collectivités territoriales investies dans la coopération décentralisée et des universités de plus en plus autonomes. Ces acteurs ont vocation à s'investir de façon croissante dans l'action culturelle extérieure, il serait donc pertinent qu'ils disposent de représentants au conseil d'administration de CulturesFrance.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a reconnu que la gestion des personnels devait être au coeur de la création d'un grand établissement public vecteur de l'influence culturelle française à l'étranger. Afin que l'ensemble des personnels se retrouvent et adhèrent aux projets de l'agence, le recrutement d'agents locaux doit s'opérer par étapes, sur une durée transitoire pouvant aller de trois à quatre ans. Dans un premier temps, l'effort portera principalement sur la professionnalisation des personnels, jusqu'ici ressentie comme insuffisante. Il a ajouté que CulturesFrance accorde déjà une grande importance à la coopération avec les collectivités territoriales. En outre, son conseil d'administration comprend un représentant du milieu universitaire. Il s'est prononcé en faveur de conseils d'orientation placés auprès des ambassades qui incluraient notamment des représentants des universités et des experts du tissu local afin de mettre en valeur le caractère transversal de l'action culturelle extérieure.

M. Robert del Picchia s'est inquiété de la multiplication d'initiatives non coordonnées en matière d'action culturelle extérieure qui instaurent la plus grande confusion auprès de nos partenaires étrangers, à la différence de structures telles que le British Council ou le Goethe Institut qui jouissent d'une notoriété exceptionnelle à l'étranger. Il a émis des doutes quant à la capacité d'une future grande agence à rendre plus lisible une politique culturelle extérieure dont les moyens demeurent très insuffisants.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, s'est déclaré convaincu de la nécessité de redonner de la visibilité à un réseau culturel à l'étranger morcelé, en faisant émerger un label de l'action culturelle extérieure de la France. Il a regretté que la politique de coopération culturelle et linguistique soit le seul domaine de l'action publique qui fasse l'objet de restrictions budgétaires aussi conséquentes. A cet égard, il a déploré que le transfert de la compétence en matière de promotion du cinéma français à CulturesFrance n'ait pas été accompagné des crédits correspondants.

M. Louis Duvernois a estimé que la création d'un établissement public culturel à caractère industriel et commercial a vocation à fédérer sous une même enseigne des actions dispersées et insuffisamment coordonnées, et non pas à se superposer aux structures existantes. Il a insisté sur la nécessité de respecter le sens des recommandations issues de la révision générale des politiques publiques (RGPP) en matière de rationalisation de l'action culturelle extérieure, en prenant soin de ne pas dissocier action éducative extérieure et rayonnement culturel : cela suppose une concertation renforcée entre CulturesFrance et l'AEFE. Enfin, le périmètre des responsabilités ministérielles dans le pilotage de CulturesFrance doit être clairement défini. A ce titre, il a indiqué que la proposition de loi relative à la création de l'établissement public CulturesFrance qu'il a défendue au Sénat en 2007 prévoyait explicitement de placer CulturesFrance sous la tutelle conjointe du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de la culture.

M. Oliver Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a reconnu qu'il convenait d'établir une coopération étroite entre CulturesFrance et l'AEFE en matière d'échanges éducatifs. Il a également appelé à rompre avec le Yalta qui tend à réserver au ministère de la culture la culture en France et au ministère des affaires étrangères la culture à l'étranger.

Mme Catherine Tasca a fait observer que le contrat d'objectifs et de moyens entre CulturesFrance et l'État, qui constitue le principal outil de dialogue entre l'opérateur en charge de l'action culturelle extérieure et le ministère des affaires étrangères, devrait être le lieu de la concertation interministérielle dans ce domaine. Si elle a reconnu le manque criant de lisibilité de la politique française de coopération culturelle et linguistique, elle a cependant redouté qu'un pessimisme excessif ne conduise à occulter les points positifs du bilan de l'action du réseau culturel français à l'étranger. Elle a relevé que la politique du livre à l'étranger serait désormais gérée par CulturesFrance, regrettant au passage que la revue Esprit ne dispose plus du financement que lui consentait jusqu'à maintenant le Centre national du livre. Elle a dénoncé l'absence d'une direction générale spécifiquement en charge des affaires culturelles extérieures au Quai d'Orsay, doutant que la future direction générale de la mondialisation soit le cadre pertinent pour appréhender ces questions. En outre, elle a souhaité mettre l'accent sur l'importance des perspectives de carrière pour les personnels du réseau culturel à l'étranger, considérablement négligées par l'administration. Enfin, elle a mis en garde contre le risque de se cantonner à une simple politique d'exportation de la culture française à l'étranger, qui ne prendrait pas en compte la mise en valeur de la culture des pays d'accueil.

En réponse à ces remarques, M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a apporté les précisions suivantes :

- le contrat d'objectifs et de moyens constitue une plateforme de discussion stratégique essentielle ;

- l'action culturelle extérieure doit être au service non seulement de l'exportation et de la promotion de la création artistique française, mais également du dialogue interculturel. À ce titre, les lettres de mission transmises aux directeurs d'établissements culturels à l'étranger devront impérativement mentionner la nécessité de valoriser la création artistique locale ;

- les perspectives de carrière sont effectivement inexistantes pour la plupart des agents du réseau culturel à l'étranger, ce qui tend à démobiliser les personnels ;

- l'augmentation des ressources budgétaires de la politique culturelle extérieure française passe nécessairement par un redéploiement des crédits. La pression financière qui s'exerce sur l'action de CulturesFrance va croissant dès lors que ses frais de fonctionnement ont augmenté de près de 10 % en dix ans.

Mme Bernadette Bourzai a observé que l'exportation de la culture française à l'étranger devait s'appuyer sur la promotion de la culture francophone. A ce titre, elle s'est étonnée que le Festival international des Francophonies en Limousin ne soit pas assuré de continuer à bénéficier d'une aide de la part du ministère des affaires étrangères.

M. Oliver Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a reconnu que le transfert de la compétence en matière de soutien aux festivals internationaux à CulturesFrance ne s'est pas accompagné des crédits correspondants.

Mme Nathalie Goulet s'est interrogée sur la méthode qui préside à la réflexion sur la réforme de l'action culturelle extérieure ; elle a souhaité savoir si un état des lieux précis et actualisé de la situation était disponible. Elle a souligné la nécessité de définir des objectifs qui tiennent compte des spécificités des différentes zones géographiques concernées.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a indiqué que de nombreux rapports d'information avaient été rédigés sur la question de l'avenir du réseau culturel français à l'étranger. Il a reconnu qu'il était impératif de ne pas penser la réforme de l'action culturelle extérieure depuis Paris. Dans cette logique, le Quai d'Orsay doit avoir toute sa place dans le pilotage stratégique de la politique culturelle extérieure dès lors que les personnels du réseau culturel à l'étranger sont les mieux à même de relayer les besoins exprimés localement. L'amélioration de la lisibilité de l'action culturelle extérieure française est fondamentale dans la perspective d'un renforcement de son financement via le mécénat d'entreprises.

M. Jack Ralite s'est déclaré préoccupé par la volonté affichée de l'entreprise culturelle unique qui semble répondre à l'obsession de l'idéologie de la marque. Il s'est ému du recul du réseau culturel français à l'étranger, en particulier en Europe où plus de la moitié des centres culturels devraient être supprimés, sans pour autant s'accompagner d'un redéploiement vers des pays émergents comme la Chine. Il a déploré l'insuffisante prise en compte, dans l'élaboration de la diplomatie culturelle de la France, de l'expérience de terrain des artistes et des industries créatives. Il s'est inquiété du risque de « désintégration » que la création d'une agence culturelle unique ferait peser sur l'identité culturelle et la fidélité de la France vis-à-vis de ses partenaires.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a fait observer que, face à des budgets en constant déclin, il est impossible de faire l'impasse sur la création d'une grande agence culturelle qui garantirait la visibilité nécessaire auprès de nos investisseurs publics et privés dans les pays d'accueil.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a souligné que l'extrême gravité de la situation du réseau culturel français à l'étranger appelle des réformes urgentes, trop longtemps différées. Réaffirmant son attachement à la création d'un grand établissement public culturel, il a, en outre, jugé indispensable la création d'un secrétariat d'État aux relations culturelles extérieures et à la francophonie, auprès du ministre des affaires étrangères, afin de regrouper, sous une même autorité, ces deux aspects fondamentaux de la diplomatie française d'influence culturelle et intellectuelle.

Action culturelle extérieure de la France - Audition de MM. Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris, et Berthold Franke, directeur de l'Institut Goethe de Paris

La commission a procédé, conjointement avec la commission des affaires culturelles, à l'audition de MM. Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris, et Berthold Franke, directeur de l'Institut Goethe de Paris.

M. Josselin de Rohan, président, a remercié M. Paul de Quincey et M. Berthold Franke d'avoir accepté de venir présenter devant les deux commissions le statut, l'organisation et le fonctionnement du British Council et de l'Institut Goethe.

M. Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris, a rappelé que le British Council avait été créé en 1934 et que le premier centre en France avait été fondé à Paris au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Bien que le statut du British Council soit celui d'une organisation d'utilité publique à but non lucratif (« Registered Charity ») et qu'il soit indépendant du Gouvernement, il travaille toutefois en relation étroite avec le ministère des affaires étrangères britannique. Ainsi, le directeur du British Council de Paris est également le conseiller culturel de l'ambassade du Royaume-Uni en France.

Le budget du British Council s'élève à près de 627 millions d'euros pour l'année 2008-2009, dont 35 % proviennent de subventions du ministère des affaires étrangères britannique. Le taux d'autofinancement est donc de 65 %. Les revenus propres du British Council proviennent des cours de langue ou de la délivrance des diplômes (277 millions d'euros) et de financements publics et privés, comme l'administration des projets pour tierces parties et le mécénat (127 millions d'euros).

Le British Council dispose d'environ 220 implantations dans 109 pays. La tendance actuelle est une réorganisation du réseau à l'intérieur des onze grandes régions, avec une diminution du nombre des sites en Europe et un redéploiement en Asie et au Proche-Orient

En 2005, le British Council a publié un document sur ses objectifs et la stratégie qu'il compte mettre en oeuvre pour les réaliser, intitulé « Making a world of difference - Cultural relations in 2010 ». Ce document fixe trois grandes priorités : le dialogue interculturel, l'économie de la connaissance et le changement climatique.

Les priorités géographiques font l'objet, chaque année, de discussions avec le ministère des affaires étrangères. Le directeur d'un British Council rend compte de son programme à la direction régionale dont il relève ou à un directeur adjoint de Londres. Les ambassadeurs des pays concernés sont simplement consultés.

Le British Council met également en oeuvre des projets multilatéraux, par exemple sur les relations transatlantiques ou les communautés musulmanes en Europe.

Les centres du British Council sont exclusivement consacrés aux cours de langue. Aucune programmation culturelle n'y est organisée. Toutes les expositions, tous les spectacles, toutes les conférences sont organisées en partenariat avec des institutions françaises et se déroulent « hors les murs ».

M. Berthold Franke, directeur de l'Institut Goethe de Paris, a indiqué que l'Institut Goethe avait été fondé dans les années 1950.

Il s'agit d'un établissement à but non lucratif, qui est totalement indépendant du Gouvernement allemand.

M. Berthold Franke a rappelé que, en raison du passé, l'Allemagne était très réticente à l'idée d'une politique culturelle menée au niveau central et que la culture et l'éducation étaient des compétences exercées en priorité par les länder et les municipalités. L'Etat fédéral dispose toutefois d'une compétence en ce qui concerne l'action culturelle à l'étranger qu'il délègue à l'Institut Goethe.

La centrale de l'Institut Goethe, basée à Munich, est liée par un contrat-cadre au ministère des affaires étrangères à Berlin. Celui-ci délègue l'autorité à la centrale de Munich pour la gestion du réseau et la répartition du financement entre les différents instituts.

L'Institut Goethe poursuit trois grandes missions : la diffusion de la langue allemande, les échanges culturels et l'information sur l'Allemagne, la culture et la civilisation allemandes.

L'Institut Goethe est présent sur tous les continents avec, en 2009, 183 implantations dans 83 pays.

Son budget s'élève à 260 millions d'euros pour l'année 2008-2009, dont 17 % sont autofinancés essentiellement grâce aux cours de langue, le reste provenant d'une subvention du ministère des affaires étrangères allemand.

Le fonctionnement du réseau est largement décentralisé avec douze grandes régions et chaque institut dispose d'une très large autonomie de gestion, notamment en matière budgétaire et de personnels.

Chaque directeur d'un institut Goethe est responsable de son programme, conçu néanmoins en accord avec une direction régionale. A la différence du British Council, l'Institut Goethe est entièrement indépendant de l'ambassade d'Allemagne et son directeur n'est pas un diplomate.

En conclusion, M. Berthold Franke a considéré que l'on pouvait s'interroger sur la raison d'être d'un institut culturel en Europe, mais que, d'après lui, cette présence restait indispensable. Certes, le premier contact avec la culture d'un autre pays ne passe généralement pas par les centres culturels, mais par d'autres canaux, comme le cinéma, la télévision ou Internet. Mais, à son avis, la vocation première d'un centre culturel est d'offrir la possibilité à ceux qui le souhaitent d'approfondir leur connaissance de la culture et de la langue d'un autre pays.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a fait part de sa préoccupation au sujet de la tendance actuelle à la réduction des centres et instituts culturels en Europe et au recul du multilinguisme, au regard notamment de l'approfondissement de la construction européenne.

M. Berthold Franke a estimé que si l'anglais était désormais la langue internationale, il était indispensable d'encourager l'apprentissage obligatoire d'au moins une deuxième langue vivante étrangère dans l'enseignement scolaire. Il a cité à cet égard le cas de la Suède où les autorités avaient étudié la possibilité de supprimer l'enseignement obligatoire d'une deuxième langue étrangère vivante dans l'enseignement scolaire, ce qui avait fait naître des inquiétudes en France et en Allemagne.

M. Paul de Quincey a indiqué que le British Council travaillait actuellement avec le ministère de l'éducation britannique afin de renforcer l'enseignement d'une deuxième ou d'une troisième langue vivante étrangère dans l'enseignement scolaire au Royaume-Uni, et également avec le ministère de l'éducation nationale français, afin d'améliorer les méthodes d'apprentissage de la langue anglaise dans les établissements scolaires français.

Estimant que, désormais, l'action culturelle extérieure en Europe reposait moins sur l'implantation physique d'un centre ou d'un institut culturel que sur l'utilisation des nouvelles techniques de communication, notamment Internet, M. Paul de Quincey a indiqué que le British Council avait fortement développé ces dernières années l'offre de service en ligne et la mise à la disposition du public de méthodes d'apprentissage de l'anglais sur Internet.

M. Yves Dauge a souhaité obtenir des précisions sur les relations du British Council et de l'Institut Goethe avec le ministère des affaires étrangères et les ambassades de leurs pays respectifs, ainsi que sur le statut des personnels de ces deux institutions et la gestion des ressources humaines, notamment en matière de recrutement, de déroulement de carrière et de mobilité.

M. Paul de Quincey a indiqué que les relations entre les centres du British Council et les ambassades étaient étroites, même si chaque centre était indépendant. Si, dans environ 60 % des cas, le directeur du British Council est également le conseiller culturel de l'ambassade, il n'existe pas pour autant de relation hiérarchique. En mentionnant sa propre expérience, il a indiqué qu'il participait chaque semaine à une réunion, présidée par l'ambassadeur, des différents chefs de service de l'ambassade.

En ce qui concerne la gestion du personnel, le British Council emploie au total environ 6 500 personnes, qui ne sont pas des diplomates de carrière. Dans leur grande majorité, ces personnels sont recrutés localement et ne sont pas soumis à une obligation de mobilité. Seule une minorité d'environ 250 agents fait l'objet d'une mobilité, chaque agent restant en moyenne de quatre à cinq ans dans un poste. Ainsi, le British Council de Paris emploie environ soixante-dix personnes, dont une quarantaine de professeurs à temps partiel et à contrat à durée indéterminée recrutés localement. Seules deux personnes, dont le directeur, sont des expatriés permanents.

M. Berthold Franke a indiqué que l'Institut Goethe était une institution privée indépendante du Gouvernement allemand et que les relations avec les ambassades étaient en général assez limitées, même si cela variait selon les pays.

Chaque centre dispose d'une très grande autonomie de gestion, en matière budgétaire et de personnels.

M. Robert del Picchia a souhaité obtenir des précisions au sujet du projet de coopération transatlantique mené par le British Council. Il a également regretté la diminution du nombre d'élèves français apprenant l'allemand. Il s'est interrogé au sujet de la coopération entre les différents instituts culturels européens, notamment avec les instituts Cervantès espagnols. Enfin, il a souhaité connaître l'opinion des deux intervenants sur le réseau culturel français à l'étranger.

M. Paul de Quincey a indiqué que le projet de partenariat transatlantique avait été lancé par le British Council afin de renforcer les relations entre les jeunes des deux côtés de l'Atlantique.

M. Berthold Franke a souligné que le renforcement de l'apprentissage de l'allemand dans l'enseignement scolaire en France était l'une de ses priorités et que cela passait notamment par l'amélioration de l'image de la langue allemande mais également par une politique plus volontariste.

Il a indiqué que l'un des obstacles au renforcement de la coopération avec les institutions françaises chargées de la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger tenait à la dispersion des intervenants et à la difficulté d'identifier le bon interlocuteur. Il a cité l'exemple de la gestion, il y a quelques années, par le ministère de la coopération des centres et instituts culturels français en Afrique.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité avoir des précisions sur l'organisation régionale de chacune des deux institutions et sur l'évolution des financements publics destinés à l'action culturelle à l'étranger dans les deux pays.

M. Berthold Franke a estimé que la régionalisation présentait des avantages, notamment en matière de proximité, mais également des inconvénients, en particulier en termes de bureaucratie. Il a indiqué que l'Institut Goethe avait traversé ces dernières années une période difficile marquée par une diminution de ses crédits mais que, récemment, les subventions publiques s'étaient accrues.

M. Paul de Quincey a indiqué pour sa part que la régionalisation fonctionnait assez bien au sein du British Council, même s'il est parfois difficile de concilier les niveaux national, régional et local, les grandes priorités thématiques et les différents secteurs des arts, des sciences ou de l'éducation.

Concernant les financements publics, le British Council a obtenu, au terme d'une convention pluriannuelle avec le ministère des affaires étrangères britannique, une enveloppe financière d'un montant satisfaisant sur trois ans. Toutefois, l'orientation générale étant de faire de l'Asie et du Proche-Orient des régions prioritaires. Il en est résulté, ces deux dernières années, une diminution d'environ 30 % des crédits destinés aux centres du British Council en Europe.

M. Louis Duvernois s'est demandé s'il existait une coopération entre les différents instituts et centres culturels européens et entre ceux-ci et les institutions de l'Union européenne. Il a souhaité également savoir si le British Council et l'Institut Goethe bénéficiaient de subventions de la part de l'Union européenne et s'ils menaient des actions de formation linguistique auprès des fonctionnaires communautaires.

M. Paul de Quincey a répondu qu'il existait localement diverses formes de coopération entre les centres et instituts culturels des différents pays membres de l'Union européenne, notamment en matière de co-localisation, c'est-à-dire de partage d'un même bâtiment entre deux instituts, à l'image du centre culturel commun au Royaume-Uni et à l'Allemagne en Ukraine. Il a également mentionné l'existence d'un réseau global des centres et instituts culturels, l'European Union National Institutes of Culture, EUNIC.

Il a ajouté que l'EUNIC bénéficiait de fonds communautaires pour le financement de certains projets multilatéraux. Enfin, il a indiqué que le British Council de Bruxelles offrait des cours d'anglais aux fonctionnaires communautaires.

M. Berthold Franke a indiqué qu'il avait eu lui-même l'occasion de diriger un institut Goethe partageant ses locaux avec un institut Cervantès espagnol. Il a également cité l'exemple des centres culturels franco-allemands de Ramallah et de Glasgow et il a mentionné le projet d'un centre culturel franco-allemand à Moscou.

Il a souligné que l'Institut Goethe bénéficiait également de fonds européens pour certains projets multinationaux, mais que la lourdeur administrative imposée par la Commission européenne constituait un sérieux obstacle à ce mode de financement.

Enfin, il a indiqué que l'Institut Goethe s'était porté candidat à un appel d'offre de l'Union européenne pour l'enseignement de l'allemand aux fonctionnaires communautaires, mais qu'une entreprise privée anglaise avait remporté cet appel d'offre.