Mardi 7 avril 2009

- Présidence de M. Serge Larcher, président -

Audition de MM. François Lequiller, chef de l'inspection générale, et Philippe Doumergue, inspecteur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)

La mission a procédé à l'audition de MM. François Lequiller, chef de l'inspection générale, et Philippe Doumergue, inspecteur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Après avoir déclaré, en préambule, que la crise à laquelle étaient confrontés les départements d'outre-mer (DOM) illustrait la nécessité d'une véritable évaluation des politiques publiques qui y sont conduites, M. Serge Larcher, président, a estimé qu'une telle évaluation impliquait de disposer d'outils statistiques adaptés et que la mission commune d'information avait donc jugé utile d'entendre les représentants de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Précisant qu'il intervenait en tant que représentant du directeur général de l'Insee, M. Jean-Philippe Cotis, M. François Lequiller, chef de l'inspection générale de l'INSEE, a souligné l'attention apportée par l'Insee au suivi de la situation des DOM, y compris avant la crise récente, avec la production, en juillet 2008, d'un rapport au Conseil national de l'information statistique visant précisément à améliorer l'adaptation des statistiques nationales aux besoins spécifiques de l'outre-mer.

Puis il a relevé le paradoxe tenant à la nécessité pour les quatre DOM, en tant que départements français à part entière, de disposer des mêmes outils de mesure que les départements métropolitains, notamment pour répondre aux exigences imposées par l'Union européenne, tout en bénéficiant de la mise en place d'outils statistiques adaptés à leurs spécificités. Il a estimé que l'accord-cadre conclu avec le secrétariat d'Etat à l'outre-mer en 2007 présentait, de ce point de vue, un bon équilibre, conjuguant une meilleure couverture de ces territoires et une large concertation pour approfondir les enquêtes déjà menées.

Il a par ailleurs indiqué que les directions régionales de l'Insee dans les DOM fonctionnaient de manière similaire à celles de métropole, en collaboration avec l'Etat et les collectivités territoriales, en particulier au travers d'accords-cadres conclus avec les conseils généraux et régionaux. Il a toutefois signalé qu'avec 225 agents sur un total de 3 950, les DOM bénéficiaient de près de 6 % des effectifs totaux des directions régionales de l'Insee, soit une part supérieure à celle représentée par ces départements dans la population nationale. Il a justifié ces effectifs supplémentaires par l'existence de programmes spécifiques propres aux DOM, tels que les comptes nationaux complets de chacun d'eux, ainsi que par la nécessité de dupliquer dans les DOM certains services qui ne pouvaient être centralisés que pour la métropole. Enfin, il a indiqué que l'organisation interrégionale de l'Insee englobant les Antilles et la Guyane fonctionnait de manière satisfaisante et pourrait préfigurer une réorganisation de l'Insee en métropole.

M. Eric Doligé, rapporteur, s'est interrogé sur quatre points : l'existence de mécanismes d'évaluation des politiques publiques dans les DOM, les outils de suivi des prix, les relations de l'Insee avec les observatoires de prix et, enfin, le contenu des enquêtes récemment réalisées par l'Insee dans ces territoires.

En réponse, M. François Lequiller a indiqué que des outils spécifiques d'évaluation des politiques publiques en outre-mer existaient, tels que les comptes nationaux, permettant par exemple de simuler l'impact de l'activité spatiale en Guyane ou d'une réforme de la fiscalité.

Sur la question du suivi des prix, il a fait observer qu'un indice temporel des prix existait et permettait, dans chaque DOM, de suivre l'évolution, mois par mois, du niveau des prix. Il a en revanche reconnu que les études portant sur la comparaison des prix entre la métropole et les DOM avaient été irrégulières et étaient aujourd'hui obsolètes, les dernières datant de 1985 et 1992, mais a annoncé la réalisation d'une nouvelle étude, dont les résultats seraient connus dans le courant de l'année 2010. Enfin, il a relevé l'absence d'instrument de suivi et d'analyse du mode de formation des prix.

Après avoir indiqué l'existence d'une enquête annuelle très complète sur le chômage dans les DOM se fondant sur un échantillon six fois plus large que celui utilisé pour la métropole, M. François Lequiller a cité une étude récemment effectuée par l'Insee portant sur la défiscalisation de plein droit ainsi que la vaste enquête « Migration, famille, vieillissement » qui devrait être lancée fin 2009 sur un échantillon de plus de 7 500 foyers dans chaque DOM et dont les résultats seront connus en 2010 ou 2011.

Enfin, M. François Lequiller a souligné que l'Insee participait, en apportant son expertise, aux travaux des observatoires des prix en outre-mer.

En réponse à M. Marc Massion, qui s'interrogeait sur les effets dans les DOM du plan de diminution des effectifs de l'Insee, M. François Lequiller a fait valoir que l'Insee était soumis, comme les autres administrations publiques, à l'impératif de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Il a toutefois précisé que la délocalisation à Metz de 500 postes de statisticiens ne devrait pas affecter les DOM en raison de la nécessité d'un traitement local des données.

Après s'être félicité de la qualité du travail de l'Insee dans les DOM et notamment des études sur l'emploi, M. Jean-Paul Virapoullé a jugé prioritaire la question de la formation en rappelant que le chômage touchait 30 % des jeunes à La Réunion avec un fort besoin de travail qualifié non satisfait. Préconisant une évaluation du système scolaire et universitaire, il s'est interrogé sur la capacité de l'Insee à évaluer, d'une part, l'effort fourni par l'Education nationale en matière de qualification des jeunes dans les DOM et, d'autre part, les lacunes du système d'orientation des étudiants à l'entrée à l'université. Il a rappelé que 30 % des jeunes arrivant au collège ne maîtrisaient pas les fondamentaux et que le taux d'échec s'élevait à 60 % en première année à l'Université de La Réunion.

Tout en soulignant que le coeur de métier de l'Insee était le secteur économique, M. François Lequiller s'est déclaré ouvert à ces suggestions qui pourraient faire l'objet d'un partenariat avec les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l'Etat compétents.

En réponse à M. Serge Larcher, président, qui s'interrogeait sur les modalités de mesure, par l'Insee, de l'inflation ayant résulté du cyclone Dean, M. François Lequiller a rappelé l'existence des indices mensuels des prix tout en constatant un hiatus partiellement inexpliqué, similaire à celui qui a pu être observé au moment du passage à l'euro, entre les mesures réalisées par l'Insee et la perception par la population de l'évolution des prix.

S'étonnant du décalage entre l'importance des effectifs de l'Insee dans les DOM et l'ancienneté des deux dernières études comparatives de prix, datant de 1985 et 1992, M. Jean-Etienne Antoinette a par ailleurs regretté que le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) affecté à certaines communes de Guyane, notamment Saint-Laurent du Maroni, ait été figé, jusqu'en 2006, sur une mesure de la population datant de 1999, alors que le taux de croissance démographique y était particulièrement élevé, atteignant 3,5 % sans prise en compte des flux migratoires. Il s'est enfin interrogé sur l'existence d'outils de mesure de l'économie informelle et des flux économiques transfrontaliers, notamment en Guyane.

M. François Lequiller a souligné que la réalisation d'études de prix comparatives n'était pas en lien avec les effectifs de l'Insee présents dans les DOM puisqu'elles étaient des opérations spécifiques, réalisées par des équipes dédiées. Sur la question de la réévaluation de la DGF, il a signalé que les méthodes de recensement avaient évolué vers un recensement continu, permettant une réévaluation annuelle de la population, ce qui garantirait désormais une meilleure réactivité du système. Il a renvoyé à la direction régionale de Guyane pour l'obtention d'informations plus précises sur la situation spécifique de Saint-Laurent du Maroni.

En réponse à M. Serge Larcher, président, qui s'interrogeait sur le degré d'autonomie des directions régionales par rapport à la direction générale de l'Insee, M. François Lequiller a précisé que les programmes d'études des directions régionales étaient élaborés en partenariat avec les collectivités territoriales concernées et que, par conséquent, les directions régionales jouissaient effectivement d'une certaine autonomie.

Enfin, M. François Lequiller a confirmé à Mme Catherine Procaccia qu'un indice temporel des prix permettait, comme l'avait souhaité à plusieurs reprises les sénateurs, d'évaluer le rythme d'évolution du niveau des prix dans les DOM.

Audition de Mme Anne Bolliet, inspectrice générale des finances

Puis la mission a procédé à l'audition de Mme Anne Bolliet, inspectrice générale des finances.

M. Serge Larcher, président, a rappelé, en préambule, que Mme Anne Bolliet avait participé au cours des dernières années à de nombreuses missions d'audit de modernisation lancées outre-mer, notamment sur la politique du logement social, la politique de résorption de l'habitat insalubre ou encore l'évaluation du dispositif d'exonérations de charges sociales spécifique à l'outre-mer. Il a indiqué qu'elle avait également participé au rapport d'enquête sur l'optimisation de la desserte aérienne des départements d'outre-mer et avait été responsable de l'équipe de la revue générale des politiques publiques (RGPP) sur la modernisation de la politique de l'outre-mer. Il a estimé que cette expérience lui assurait une vision large des politiques menées par l'Etat outre-mer.

Après avoir indiqué que le secrétariat d'Etat à l'outre-mer avait lancé à partir de 2004 de nombreux audits de modernisation, auxquels avait été associé le ministère des finances, Mme Anne Bolliet, inspectrice générale des finances, a souligné l'intérêt de ces opérations, notamment du fait de leur caractère public et de l'appropriation de ces travaux par les parlementaires.

Elle a ainsi exposé l'exemple de la politique de défiscalisation outre-mer en indiquant avoir initialement constaté, à l'occasion des audits, le manque d'informations statistiques disponibles en matière de défiscalisation, notamment pour la partie de l'exonération applicable de plein droit, l'absence de procédure d'agrément rendant toute évaluation impossible. La mission d'audit avait donc préconisé une obligation déclarative, mesure reprise par la loi de finances rectificative pour 2007. Cependant, le défaut d'informatisation des procédures déclaratives empêchant encore aujourd'hui d'exploiter les données collectées, le projet de loi pour le développement économique des outre-mer (PLODEOM) a introduit une disposition visant à rendre obligatoire la transmission des données par voie informatique, y compris pour la défiscalisation réalisée hors agrément, ce qui devrait enfin permettre à l'horizon 2010-2011 une évaluation précise du dispositif de défiscalisation.

M. Eric Doligé, rapporteur, a souhaité savoir si les recommandations des différents rapports auxquels Mme Anne Bolliet avait participé avaient été suivies d'effets. Il a également interrogé cette dernière sur les propositions du rapport rendu par l'Inspection générale des finances sur la question sensible des prix des carburants dans les départements d'outre-mer. Il a enfin souhaité connaître son point de vue sur la mise en place d'une commission d'évaluation des politiques de l'Etat outre-mer prévue par le PLODEOM, ainsi que sur les réformes à mener prioritairement outre-mer.

Mme Anne Bolliet, inspectrice générale des finances, a relevé que les recommandations des missions auxquelles elle avait participé avaient souvent été suivies d'effet. Elle a illustré son propos par l'exemple du PLODEOM qui reprend certaines préconisations formulées en matière de logement social (en l'occurrence la réorientation de la défiscalisation en matière de logement vers le logement social), de réforme de la TVA-non perçue récupérable (TVA-NPR), ou encore d'adaptation du dispositif de défiscalisation. Elle a cité comme autre exemple celui du secrétariat d'Etat à l'outre-mer dont l'évolution vers une « administration de mission », ne gérant plus de crédits, avait été préconisée au titre de la RGPP, en précisant que si les deux directions avaient été remplacées par une délégation interministérielle, il avait été cependant impossible de retirer au ministre son pouvoir de gestion de crédits.

S'agissant du rapport de l'Inspection générale des finances sur le prix des carburants dans les départements d'outre-mer, elle a indiqué qu'il dessinait plusieurs pistes à court comme à moyen terme, telles qu'un rééquilibrage des surcoûts de la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA) aux Antilles et en Guyane, la libéralisation de la distribution de carburant, la fermeture à moyen terme de la SARA ou un transfert aux collectivités territoriales de la fixation des prix.

Elle a estimé que la commission d'évaluation des politiques publiques menées outre-mer pourrait être utile en matière d'appropriation des différents dispositifs en constituant un lieu de discussion mais qu'elle pourrait difficilement effectuer un véritable travail d'évaluation, ne disposant pas des outils nécessaires.

Au rang des réformes prioritaires, Mme Anne Bolliet a placé la question des prix, estimant qu'un travail important d'anticipation était nécessaire sur ce sujet du fait des échéances réglementaires européennes en matière d'octroi de mer ou de défiscalisation.

En réponse à une question de M. Serge Larcher, président, elle a indiqué que, s'agissant de la desserte aérienne des départements d'outre-mer, la mise en place de prix plafond, bien que séduisante, était impossible, du fait de la réglementation européenne notamment.

Mme Catherine Procaccia a indiqué qu'elle avait pu constater lors d'un déplacement aux Antilles que les prix des carburants étaient légèrement inférieurs à ceux pratiqués en Île-de-France et a observé que la fermeture de la SARA aurait des conséquences sociales désastreuses.

Mme Anne Bolliet a confirmé que jusqu'à l'été 2008, les départements d'outre-mer, à l'exception de la Guyane, connaissaient des prix des carburants plutôt inférieurs à ceux pratiqués en métropole, notamment du fait d'une fiscalité moins lourde. Elle a expliqué que l'administration des prix conduisait à un décalage entre leur évolution et celle des cours, source d'incompréhension dans les opinions locales au moment de l'effondrement des cours du brut, la poursuite de l'évolution à la hausse en Guyane ayant été aggravée par l'obligation de mise aux normes du carburant distribué, à l'origine d'un surcoût de 20 à 30 centimes par litre.

Elle a indiqué que la mission avait évalué à 17 centimes d'euro par litre le surcoût induit par l'intervention de la SARA, l'absence d'automatisation du système de distribution dans les DOM contribuant également à un renchérissement.

Après avoir relevé que les élus faisaient souvent davantage confiance aux missions d'information parlementaires qu'aux missions interministérielles, M. Jean-Etienne Antoinette a dénoncé le fait que, dans un système de prix administrés, les actionnaires de la SARA puissent néanmoins fixer un taux de rentabilité les majorant. Il a regretté que le rapport de l'inspection générale soit muet sur cette question. Il s'est également interrogé sur la possibilité pour la Guyane de déroger aux normes européennes en matière de carburants.

Mme Anne Bolliet a indiqué qu'en matière de normes des carburants, la mission avait procédé à de nombreuses consultations et qu'aucune possibilité de prorogation de la dérogation pour la Guyane n'avait paru envisageable. Après avoir rappelé la totale indépendance de la mission menée par l'inspection générale, elle a souligné que la SARA était une entreprise privée et qu'il n'était donc pas anormal que ses actionnaires fixent des objectifs de rentabilité. Elle a également souligné que l'Agence des Participations de l'Etat (APE) exigeait souvent des entreprises publiques qu'elle gérait un taux de rentabilité supérieur à 10 %, le taux de rentabilité de la SARA étant d'environ 9 %.

En réponse à Mme Catherine Procaccia qui estimait que la concurrence pourrait permettre de faire baisser les prix en matière de desserte aérienne, Mme Anne Bolliet a indiqué que dans les départements d'outre-mer, à l'exception de la Guyane, les prix restaient élevés en dépit de l'absence de situation monopolistique, la puissance de l'entreprise Air France empêchant toute tentative de concurrence vertueuse en la matière ; elle a précisé qu'aujourd'hui Air Caraïbes et Air Austral pratiquaient des prix seulement très légèrement inférieurs à ceux d'Air France. Elle a complété son analyse par le double constat de prix poussés à la hausse par le faible nombre de places à haut rendement sur les destinations concernées et la pratique des congés bonifiés. Elle a rappelé qu'en matière de desserte aérienne, l'inspection générale avait préconisé la modification des obligations de service public.

Après avoir souligné que le secrétaire d'Etat à l'outre-mer avait affirmé que les départements d'outre-mer représentaient 1 % du trafic d'Air France et 14 % de ses bénéfices, M. Serge Larcher, président, s'est interrogé sur l'obligation pour la SARA d'importer du pétrole d'Europe du Nord.

Mme Anne Bolliet a indiqué que la SARA ne disposait pas des technologies nécessaires pour raffiner le pétrole issu de la zone caraïbe.

En réponse à une question de M. Jean-Etienne Antoinette sur la prorogation du délai de remboursement du prêt accordé par l'Agence française de développement (AFD) aux distributeurs de carburant présents en Guyane, Mme Anne Bolliet a indiqué que ce prêt constituait une avance de trésorerie accordée par l'Etat en compensation de l'étalement de l'augmentation du prix du carburant induite par la mise aux normes européennes. Ce prêt devait être initialement remboursé, à l'issue de la période de lissage, par une surtaxe de 2 à 4 centimes payée par le consommateur. Elle a déclaré qu'il était apparu inopportun, dans la situation actuelle, de mettre en place cette surtaxe et a relevé qu'il restait huit mois pour régler la question.

Audition de M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien

La mission a ensuite entendu M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien.

Après avoir rappelé que la mission commune d'information avait entendu la semaine précédente M. Jean-Paul Dumont, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane, sur l'insertion régionale de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, M. Serge Larcher, président, a souhaité que M. Philippe Leyssenne, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, expose l'état actuel et les perspectives de la coopération régionale de la Réunion au sein de l'Océan Indien.

M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a souligné que l'océan Indien était le plus petit des trois océans mais comptait deux milliards d'habitants, soit le tiers de la population mondiale, et était pourvu d'importantes ressources naturelles et halieutiques. Il a précisé qu'il s'agissait d'une zone principalement anglophone avec une prédominance de la religion musulmane. Il a rappelé que la France était présente dans cette région au travers de trois collectivités, la Réunion, Mayotte et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), cette dernière, bien qu'elle ne comporte aucun résident permanent, participant néanmoins à la coopération régionale.

M. Philippe Leyssene a indiqué que l'on pouvait distinguer trois cercles de partenaires potentiels des collectivités françaises dans l'océan Indien :

- le premier cercle se compose des pays membres de la Commission de l'océan Indien, c'est-à-dire Madagascar, l'île Maurice, les Seychelles et les Comores. Il a rappelé qu'il s'agissait d'une organisation à dominante francophone et dont la France est membre à part entière au titre de la Réunion, mais dont Mayotte ne fait pas partie en raison de la revendication des Comores sur ce territoire. Toutefois, la situation actuelle à Madagascar et les relations délicates entre la France et les Comores à propos de Mayotte n'empêchent pas une coopération étroite ; ainsi, la France vient-elle de succéder aux Comores à la présidence de la Commission de l'océan Indien et Madagascar devrait accueillir le prochain Sommet de la francophonie en 2010 ;

- le deuxième cercle est constitué des pays africains riverains de l'océan Indien, c'est-à-dire l'Afrique du Sud, le Mozambique et la Tanzanie ;

- enfin, les autres pays de la région constituent le troisième cercle.

M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a indiqué que, si la Commission de l'océan Indien représentait notre partenaire privilégié dans la région, la coopération régionale était nécessairement à géométrie variable, les partenaires n'étant pas les mêmes selon les sujets. Il a mentionné, à titre d'illustration, la lutte contre la piraterie maritime, qui devait inclure les Etats de la Corne de l'Afrique, ou la lutte contre la pêche illégale, qui devait associer l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Il a ensuite présenté les différentes caractéristiques de la coopération régionale dans l'océan Indien en soulignant tout d'abord sa complexité, étant donné le nombre élevé et la diversité des organisations intervenant dans cette zone. Outre la Commission de l'océan Indien, il existe, en effet, d'autres organisations régionales dont la France n'est pas partie, comme le traité du marché commun d'Afrique orientale et australe (COMESA), au sein duquel la France a un statut d'observateur, l'Association des Etats riverains de l'océan Indien (ARC), dont la France est « partenaire de dialogue », la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) ou encore l'Union africaine.

Il a précisé que d'autres organisations internationales spécialisées étaient également présentes dans la région, comme l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) ou l'Union internationale des télécommunications (UIT), où la question du statut de Mayotte pouvait se poser.

Il a rappelé que, à côté des organisations interétatiques, il existait également des structures originales, issues de la société civile, telles que les organisations sportives régionales ou l'Union des ports de l'océan Indien, qui jouaient souvent un rôle très efficace de relais et de partenaires de la coopération régionale. Il a cité, à cet égard, l'association des radios et télévisions de l'océan Indien, qui tient un rôle important en matière de dialogue interculturel et constitue un outil essentiel pour le développement de la francophonie, ou encore l'Union des chambres de commerce et d'industrie de l'océan Indien, qui présente la particularité de regrouper l'ensemble des pays membres de la Commission de l'océan Indien et Mayotte, où devrait d'ailleurs se tenir son prochain forum.

M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a estimé que le deuxième trait caractéristique de la coopération régionale dans l'océan Indien tenait au statut très différent des Etats appartenant à cette région, puisqu'on y trouve des Etats avec de forts écarts de développement avec des Etats faisant partie des pays les moins avancés (PMA), des pays à revenu intermédiaire (PRI) et des pays développés, des pays membres de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) et des Etats membres de l'Union européenne, et que les trois collectivités françaises se répartissent en une région ultrapériphérique (RUP) et deux pays et territoires d'Outre-mer (PTOM), ce qui soulève la question de l'articulation de la coopération régionale, en particulier pour l'Union européenne.

Citant le cas de Mayotte avec les Comores ou des Terres australes et antarctiques françaises avec l'île Maurice, il a exposé que la troisième particularité de cette région reposait sur le fait que la souveraineté française était parfois mise en question par nos partenaires.

La quatrième caractéristique résulte de l'importance de la coopération décentralisée, en particulier à Madagascar, et la dernière tient à la forte implication des élus locaux.

Constatant que la France, en tant que seul pays membre de l'Union européenne riverain de l'océan Indien, avait une légitimité particulière pour nouer un partenariat étroit avec les Etats de cette région, M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a conclu par la présentation des principales priorités pour le renforcement de la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien :

- il a regretté que l'Union européenne n'ait pas su développer une approche régionale de l'océan Indien, alors que le renforcement de la coopération régionale était une nécessité ;

- il a souligné que la coopération régionale n'allait pas de soi mais devait se traduire par des projets concrets, en distinguant la coopération institutionnelle et la coopération privée, complémentaires, mais dont les objectifs, les modes d'action et de financement sont distincts. Il a mentionné le cas des transports, en citant l'exemple de la liaison entre les Comores et l'île Maurice ;

- il a enfin estimé qu'une meilleure coordination était indispensable, notamment dans la gestion des différents programmes de financement.

M. Eric Doligé, rapporteur, a demandé à M. Philippe Leyssene si la crise actuelle à Madagascar ou l'attitude des Comores à l'égard de Mayotte ne constituaient pas de sérieux obstacles au renforcement de la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien. Il s'est enquis d'exemples concrets de coopération et de l'articulation entre les différents modes de financement nationaux et européens.

M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a reconnu que la crise actuelle à Madagascar ou la situation aux Comores étaient préoccupantes, mais il a considéré que le renforcement du partenariat avec ces pays était néanmoins souhaitable, en particulier avec Madagascar qui, avec une population de dix-huit millions d'habitants, est un partenaire incontournable dans la région. Il a également mentionné d'autres partenaires potentiels, tels que l'Afrique du Sud, où une délégation réunionnaise se rend chaque année.

Concernant les financements, il a jugé que les fonds de coopération régionale à Mayotte et à La Réunion fonctionnaient de manière satisfaisante mais a précisé que, à l'avenir, l'accent serait mis sur le suivi et l'évaluation des projets ayant donné lieu à des subventions afin de mesurer leur impact réel sur le long terme. Il a estimé que le renforcement de la coopération régionale passait par des projets concrets structurants, par exemple dans les domaines de la santé ou de l'éducation.

En revanche, s'agissant des fonds européens, il a regretté le manque d'articulation entre les différents financements, notamment entre les fonds Interreg destinés à La Réunion, qui représentent trente cinq millions d'euros, et les financements au titre du dixième Fonds européen de développement (FED) consacrés à la coopération régionale des pays et territoires d'outre-mer, à hauteur de quarante millions d'euros, ainsi qu'aux pays de la région.

M. Serge Larcher, président, ayant fait observer que la coopération régionale, pour être efficace, devait reposer sur une logique gagnant-gagnant, M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a cité l'exemple de la santé, en mentionnant le projet de créer à La Réunion un pôle régional de santé autour du centre hospitalier universitaire, qui offrirait une offre de santé et de formation pour toute la région de l'océan Indien.

Rappelant qu'il avait soutenu le projet de création d'un pôle régional de santé à La Réunion, une telle initiative pouvait servir de vitrine à la coopération régionale, M. Jean-Paul Virapoullé s'est interrogé au sujet de la réaction des pays de la région à cette proposition. Il s'est également demandé s'il n'y avait pas de contradiction entre la volonté d'établir un partenariat entre les pays de la région et la concurrence que se livrent ces Etats. Enfin, il a souhaité avoir des précisions au sujet des négociations sur les futurs accords de partenariat économique avec les pays de la zone et leur impact sur La Réunion.

M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a estimé qu'aussi bien La Réunion que les pays voisins trouveraient un intérêt au projet de pôle régional de santé. Il a cité l'exemple des jeunes étudiants en médecine originaires des Seychelles qui vont se former en Australie mais ne reviennent pas exercer leur métier dans leur pays. Il a également mentionné le potentiel exceptionnel de La Réunion dans le domaine de la recherche, en rappelant le cas du virus du chikungunya ou la création récente d'une nouvelle variété d'oignon, devant permettre à ce territoire d'être autosuffisant, voire même exportateur de cette denrée.

M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a précisé que la coopération institutionnelle se distinguait de la coopération économique, dans la mesure où elle n'avait pas pour objet d'encourager les entreprises à trouver de nouveaux débouchés, même si le développement des échanges économiques participait aussi au renforcement de l'insertion régionale.

Audition de M. Philippe Van de Maele, président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

Enfin, la mission a procédé à l'audition de M. Philippe Van de Maele, président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

Dans son propos introductif, M. Philippe Van de Maele a indiqué que l'ADEME était très présente outre-mer, en particulier dans les domaines des énergies renouvelables, de la maîtrise de l'énergie et de la gestion des déchets, auxquels s'ajoutent, depuis 2009, les dispositifs prévus par le Grenelle de l'environnement. Cinq fonds sont ainsi mobilisés, notamment en faveur de la recherche (véhicules propres, stockage des énergies intermittentes, réseaux énergétiques dits « intelligents ») ou encore de la dépollution des friches industrielles. Pour mener ses actions, l'ADEME dispose d'une équipe en métropole et de délégations régionales employant une dizaine d'agents chacune.

M. Philippe Van de Maele a expliqué que l'ADEME s'impliquait fortement en matière d'énergie solaire et de traitement des déchets, domaines pour lesquels un rattrapage important restait à effectuer, au moyen d'interventions diversifiées allant du conseil au soutien à la recherche.

A M. Eric Doligé, rapporteur, qui l'interrogeait sur les secteurs les plus prometteurs devant permettre aux DOM de parvenir à l'autosuffisance énergétique et sur l'environnement en tant que potentiel de richesse pour l'outre-mer, M. Philippe Van de Maele a insisté sur la priorité à accorder à la maîtrise de la consommation d'énergie, celle-ci augmentant de manière exponentielle, de 5 à 8 % par an, en raison de la croissance démographique, de la progression du taux d'équipement des ménages (en climatiseurs, par exemple) et de l'évolution des habitudes de consommation. Le développement de l'énergie solaire suppose l'achat des panneaux photovoltaïques et soulève le problème de l'appoint et du stockage, compte tenu de son caractère intermittent. S'il existe une vraie dynamique de l'industrie des panneaux solaires dans les régions concernées, en particulier dans la Caraïbe, et si l'outre-mer peut être à la pointe de la technologie et une zone d'expérimentation en la matière, la principale difficulté réside dans la capacité à finaliser les projets, le taux moyen d'engagement des crédits disponibles étant, en début d'année, de seulement 50 à 60 % .

En réponse à M. Jean-Paul Virapoullé, M. Philippe Van de Maele a aussi évoqué les perspectives concernant les éoliennes en mer, l'énergie marémotrice, l'utilisation de la houle et des gradients de température (à l'exemple de la Polynésie) et les hydroliennes.

M. Jean-Paul Virapoullé a regretté qu'une vaste campagne ne soit pas engagée pour inciter aux économies d'énergie et a souligné l'objectif que s'était fixé La Réunion pour parvenir à l'autosuffisance à l'horizon 2030. Il l'a toutefois tempéré en mentionnant les obstacles que sont les cyclones et le caractère intermittent des nouvelles énergies impliquant de régler la question du stockage, d'où le projet européen mené actuellement à Saint-André de La Réunion.

M. Philippe Van de Maele a présenté quatre axes privilégiés d'action : la maîtrise de l'énergie, la poursuite du développement des énergies renouvelables, le stockage des énergies intermittentes et le développement des réseaux « intelligents » (comme par exemple, des compteurs pour la climatisation ou les chaudières).

Après avoir salué le travail de conseil aux collectivités territoriales réalisé par l'ADEME, M. Jean-Etienne Antoinette a rappelé qu'à la suite du Grenelle I le Gouvernement s'était engagé à explorer différentes pistes telles que l'adaptation des normes de certification dans le secteur de la construction, étant souligné qu'en Guyane est importé du bois du Massif central pour les constructions et que sont bâtis des logements sociaux en béton, ou encore la valorisation de la biodiversité, étant noté que la Guyane contribue largement au respect du plan carbone au niveau national. Il s'est interrogé sur la possibilité de transformer cette contribution en dotations pour les collectivités territoriales guyanaises. Il a par ailleurs dénoncé l'exploitation par de grands groupes pharmaceutiques des ressources naturelles guyanaises sans prévoir de contrepartie pour les collectivités territoriales. Enfin, il a suggéré un meilleur accompagnement de l'ADEME pour le financement de la collecte et du recyclage des déchets.

En réponse, M. Philippe Van de Maele a précisé que :

- un décret est en cours de signature pour adapter les normes de construction en outre-mer ;

- la filière bois en outre-mer constitue un vrai sujet de réflexion notamment dans le secteur de la construction ;

- la biodiversité d'outre-mer contribue pour 90 % à la biodiversité nationale, mais sa valorisation induit des questions juridiques, telles que la prise en compte des réserves naturelles dans le « puits carbone », ou la possibilité de « rémunérer » certains territoires par convention, qui dépassent les compétences de l'ADEME ;

- du fait de la spécificité des besoins, les aides de l'ADEME sont plus importantes en outre-mer qu'en métropole : pour le recyclage des déchets industriels, cela a conduit l'ADEME à constituer un groupe ad hoc ; quant aux déchets ménagers, le problème essentiel réside dans l'organisation de la collecte car le tri sélectif est encore peu pratiqué ;

- il reste beaucoup à faire également dans le domaine des transports, malgré des projets ambitieux, comme le tram-train à La Réunion et la liaison Lamentin-Fort-de-France, la question d'une autorité unique des transports commune aux différents niveaux de collectivités restant posée.

M. Serge Larcher, président, a souligné que l'absence d'une telle autorité était un handicap à la Martinique, y compris pour le développement du tourisme. Enfin, M. Jean-Etienne Antoinette a appelé l'attention sur les nuages de sable en provenance du Sahara et la question de la surveillance spécifique des particules dangereuses.

Mercredi 8 avril 2009

- Présidence de M. Serge Larcher, président -

Audition de M. Patrick Besse, directeur de l'institut d'émission des départements d'outre-mer

La mission a procédé à l'audition de M. Patrick Besse, directeur de l'institut d'émission des départements d'outre-mer.

M. Serge Larcher, président, a rappelé que l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) avait notamment la charge, pour le compte et sous l'autorité de la Banque de France, de la mise en oeuvre des missions de banque centrale dans ces départements et qu'il assurait également un rôle plus général d'observation de leurs économies, en particulier un suivi précis de la situation budgétaire des collectivités territoriales.

M. Eric Doligé, rapporteur, a souhaité disposer d'une analyse des recettes et des dépenses de fonctionnement de chaque strate de collectivités (communes, intercommunalités, départements et régions), avec leurs spécificités, notamment en matière d'octroi de mer ou de dépenses de personnel et d'aide sociale, ainsi que de leurs dépenses d'investissements et de leur niveau d'endettement.

M. Patrick Besse, directeur de l'institut d'émission des départements d'outre-mer, a en premier lieu relevé le poids du secteur public, au sens large, dans les économies locales, évalué à 30 % à 35 % de la valeur ajoutée, les emplois publics représentant 25 % à 30 % des emplois totaux.

Il a ensuite évoqué les spécificités de la fiscalité applicable outre-mer :

- la fiscalité sur les produits pétroliers y est différente, puisque la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) est remplacée par une taxe spéciale sur les carburants dont le produit bénéficie non pas à l'Etat mais aux collectivités locales, principalement à la région ;

- un droit de consommation sur les tabacs abonde les recettes des départements ;

- l'octroi de mer touche à la fois les produits importés et certains produits locaux et représente une part importante des recettes fiscales des collectivités, entre 40 % et 50 % de celles des communes, 27 % et 44 % de celles des régions et 25 % de celles du département de la Guyane, seul département à en percevoir une partie. Son taux varie de 7 % à 12 % selon les communes et le taux régional est plafonné à 2,5 % ;

- la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) fonctionne comme en métropole, mais avec des taux inférieurs : 0 % en Guyane, 8,5 % pour le taux normal dans les autres DOM et 2,1 % pour le taux réduit.

M. Patrick Besse a dressé par la suite un tableau de la situation financière des collectivités locales dans les différents DOM sur la base des comptes administratifs de 2006 :

- en Guadeloupe, la région connaît globalement une situation satisfaisante, malgré une dette importante ; les recettes sont en augmentation sensible et les dépenses sont maîtrisées, si bien que l'autofinancement est élevé. Le département, comme l'ensemble de ses homologues d'outre-mer et de métropole, est dans une situation moins favorable, du fait des transferts de compétences importants de la part de l'Etat, notamment dans le domaine social ; or, ces transferts sont souvent mal compensés. Outre-mer, ces transferts pèsent d'autant plus que la population y est plus jeune et en situation plus défavorisée. Les recettes et les dépenses de fonctionnement augmentent sérieusement, mais la gestion est maîtrisée et la dette limitée. En ce qui concerne les communes, il est important de relativiser l'intérêt des agrégats, car les situations sont très diverses. Pour autant, M. Patrick Besse a indiqué que, si les recettes progressaient, les dépenses de fonctionnement augmentaient parallèlement très fortement sous la pression, en particulier, des charges de personnel ; enfin, en dépit de la progression de la dette des communes, son niveau était bas ;

- en Guyane, les collectivités sont dans une situation beaucoup moins favorable. Pour le conseil régional, la faiblesse relative de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et l'importance d'une population jeune pèsent sur les comptes et posent des problèmes de financement. Le conseil général est également dans une situation financière tendue, avec un taux d'endettement élevé et de forts investissements. Les communes guyanaises voient leurs recettes, notamment fiscales, progresser et les charges de fonctionnement rester raisonnables, à l'exception des dépenses de personnel ; la capacité d'autofinancement des communes est limitée et leur dette élevée, et plusieurs d'entre elles sont sous le contrôle du préfet et de la chambre régionale des comptes ;

- en Martinique, le conseil régional connaît une très bonne situation financière, avec une capacité d'autofinancement importante. Le département est de son côté dans une situation plus dégradée, puisque ses charges augmentent plus vite que ses produits et que sa dette progresse fortement. Les communes sont également sous tension, avec une réduction de leur capacité d'autofinancement : les recettes de fonctionnement sont stables, alors que les charges, notamment de personnel, progressent ;

- à La Réunion, les charges de fonctionnement du conseil régional sont contenues et les recettes progressent, mais un risque financier existe pour l'avenir. Le conseil général, sous la pression des transferts de compétences, a vu ses recettes et ses charges de fonctionnement doubler en quelques années, avec un recours à l'emprunt important, lié à des dépenses d'investissement elles-mêmes soutenues. Pour les communes, la capacité d'autofinancement est bonne malgré des investissements en hausse, mais la part des dépenses de personnel atteint 60 % ; la dette reste à un niveau raisonnable.

Après avoir présenté l'endettement global des collectivités des DOM, qui a progressé en 2006-2007 plus rapidement qu'en métropole, M. Patrick Besse a commenté une série de comparaisons des principaux agrégats financiers exprimés en euros par habitant des collectivités des DOM et de métropole :

- les régions d'outre-mer connaissent des dépenses doubles par rapport à celles des régions de métropole, soit 848 € par habitant contre 420 € en moyenne en 2006 ; cela résulte notamment de l'importance des dépenses d'équipement, qui s'élèvent en moyenne à 375 € par habitant pour les conseils régionaux d'outre-mer, contre 52 € dans l'hexagone ; leur dette se situe en revanche à des niveaux très proches ;

- pour les conseils généraux, les dépenses sont également plus importantes outre-mer, au total 1559 € par habitant contre 1059 € en moyenne en métropole ; cet écart s'explique principalement par le niveau des aides sociales : 911 € par habitant contre 468 € en métropole ; la dette départementale est plus élevée outre-mer et le taux d'épargne plus faible ;

- enfin, pour les communes, les dépenses sont à un niveau plus élevé qu'en métropole, mais l'écart est moins fort que pour les conseils généraux.

Interrogé par M. Eric Doligé, rapporteur, M. Patrick Besse a indiqué qu'il était difficile d'isoler dans les comptes des collectivités territoriales les concours européens, même si l'on disposait des montants globaux dans la programmation pluriannuelle.

M. Eric Doligé, rapporteur, a estimé, d'une part, qu'il fallait prendre garde aux comparaisons, notamment en raison des différences de périmètres dans les compétences exercées par les collectivités d'outre-mer et celles de métropole, et que, d'autre part, il convenait de prendre la mesure des spécificités de chaque DOM. M. Serge Larcher, président, a confirmé que la mission disposerait d'informations et de chiffres plus précis durant ses déplacements.

Estimant que l'établissement de moyennes statistiques pouvait être pertinent en métropole du fait de l'étendue des échantillons, M. Bernard Frimat s'est dit dubitatif sur leur signification pour l'outre-mer du fait de la disparité des situations. Il a d'ailleurs indiqué qu'on avait trop tendance à aborder la question de l'outre-mer en termes de moyennes. Approuvant ce propos, M. Eric Doligé, rapporteur, a relevé que le rôle de la mission était justement d'expliquer les écarts et leurs justifications.

M. Serge Larcher, président, est alors revenu sur plusieurs points de la présentation en s'interrogeant sur la faiblesse de la DGF de la Guyane, alors que les réformes adoptées en 2004 et 2005 avaient créé au sein de la dotation une part liée à la superficie du territoire, sur l'impact de la surrémunération de 40 % dans le niveau élevé des dépenses de personnel des collectivités d'outre-mer et sur l'effet de ciseau que connaissent les collectivités, avec des dépenses de fonctionnement qui augmentent plus vite que les produits. Il a observé que le niveau élevé de l'investissement s'expliquait en partie par la situation géographique et météorologique des DOM : le fait d'être en zone tropicale humide entraîne un renouvellement plus fréquent des investissements du fait de l'usure accéléré des matériaux ; les risques sismiques et les risques cycloniques alourdissent les contraintes techniques sur les équipements.

M. Jean-Etienne Antoinette s'est rallié à l'observation du rapporteur sur le défaut de pertinence des comparaisons et sur la diversité de situation des territoires. Il a cité en exemple la commune de Saint-Laurent du Maroni qui avait connu une augmentation exceptionnelle de sa population (78 %) lors du dernier recensement, ce qui était certainement unique en France.

Il s'est à son tour interrogé sur l'incidence de la prime de vie chère de 40 % sur les budgets locaux et a observé que le degré de titularisation des personnels, très différent d'une capitale régionale à l'autre, avait également une incidence directe et forte sur les budgets locaux. Il a précisé que le conseil régional de Guyane avait décidé de développer des partenariats public-privé, ce qui avait pour effet de modifier la répartition comptable entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement en majorant les premières.

Il a ensuite expliqué que l'attribution d'une part de l'octroi de mer au département de la Guyane résultait d'une décision de l'Etat pour résorber les difficultés financières ponctuelles mais que l'Etat n'avait pas compensé cette perte de recettes pour la région et les communes, soit 27 millions d'euros en 2008. Enfin, concernant la part de la DGF liée au critère de la superficie du territoire, il a regretté l'existence de deux freins à sa juste application : d'une part, son plafonnement pour les communes de Guyane et, d'autre part, le fait qu'elle s'élève à 3,12 € par hectare, comme partout en métropole, sauf dans les zones de montagne où elle est majorée à 5,19 €.

M. Jean-Paul Virapoullé a déploré le quiproquo né de l'acte II de la décentralisation, les transferts de compétences n'ayant pas été accompagnés des transferts financiers suffisants comme le prévoyait pourtant la révision constitutionnelle. Saluant le travail et le rôle de l'IEDOM, il a souhaité obtenir des statistiques plus récentes et insisté sur le nécessaire travail d'analyse que la mission devrait effectuer sur les perspectives financières des collectivités territoriales. Il a également indiqué que, de son point de vue, le bilan financier des partenariats public-privé devait être regardé avec attention, car ils avaient pour effet de décaler dans le temps la charge des dépenses effectuées tout en majorant celles-ci des marges enregistrées par les financeurs.

M. Jean-Etienne Antoinette a enfin souhaité que soit effectuée une analyse de l'évolution des valeurs locatives.

Audition de M. Jérôme Fournel, directeur général des douanes et des droits indirects et de Mme Anne Cornet, chef du bureau de la fiscalité, des transports et des politiques fiscales communautaires

La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Jérôme Fournel, directeur général des douanes et des droits indirects et de Mme Anne Cornet, chef du bureau de la fiscalité, des transports et des politiques fiscales communautaires.

M. Serge Larcher, président, a rappelé en préambule l'importance des ressources fiscales indirectes, notamment de l'octroi de mer, dans les budgets des collectivités territoriales des départements d'outre-mer (DOM).

M. Jérôme Fournel a tout d'abord indiqué que, au-delà de l'octroi de mer, la compétence de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) s'exerçait sur d'autres taxes, portant sur les carburants et sur le tabac, qui constituent également des ressources importantes pour les collectivités territoriales des DOM.

Revenant sur l'historique de l'octroi de mer, il a souligné que cet impôt visait initialement un objectif de protection douanière des productions locales et que ce n'était que tardivement, à partir des années 1980, puis avec la réforme de 2004, que sa justification avait évolué. Il a relevé que, sous la pression de l'Union européenne, l'octroi de mer était devenu une imposition portant à la fois sur les biens importés et sur les productions locales, mais que des exonérations spécifiques permettaient de conserver son caractère protecteur des économies domiennes. Il a signalé que cette évolution résultait d'un « durcissement » de la position de l'Union européenne, exigeant des listes plus limitatives de produits exonérés et un encadrement plus strict des modulations de taux.

M. Jérôme Fournel a par ailleurs fait remarquer que l'accès de Mayotte au statut de DOM poserait, à moyen terme, la question de l'avenir de l'octroi de mer, cet impôt pouvant soit être étendu à cette collectivité soit laisser place à un régime fiscal alternatif. Il a en outre déclaré qu'il n'entrait pas dans les compétences de la DGDDI de juger de l'efficacité économique du dispositif de l'octroi de mer ni de la pertinence des secteurs exonérés.

M. Eric Doligé, rapporteur, a jugé intéressant de faire un point sur l'octroi de mer, à mi-chemin de la période d'application du régime issu de la loi de 2004. Il s'est interrogé sur les pistes d'évolution envisagées, en lien avec Bruxelles, ainsi que sur les effets de l'octroi de mer sur le niveau des prix et son impact sur la préservation des productions locales exonérées.

M. Jérôme Fournel a relevé que, à la différence de la TVA, l'octroi de mer ne pesait que sur les marchandises, non sur les services, et qu'il ne constituait donc pas un impôt général sur l'activité économique. Il a estimé que le produit de l'octroi de mer en 2008, 1,36 milliard d'euros, était considérable et serait difficile à remplacer par une autre imposition et a jugé que l'alternative la plus pertinente à l'octroi de mer serait une hausse de la TVA, alternative qui se heurtait néanmoins à plusieurs problèmes : d'une part, l'absence de TVA en Guyane ; d'autre part, le risque de renchérissement du prix des services de proximité. Il a rappelé que le produit de la TVA outre-mer s'élevait à environ 900 millions d'euros en 2008. Il a par ailleurs estimé qu'il serait plus facile d'obtenir de la Commission européenne le maintien du régime de l'octroi de mer que l'adaptation à l'outre-mer du régime de la TVA. Enfin, il a affirmé qu'aucun élément probant ne permettait de conclure au caractère inflationniste de l'octroi de mer et que, par conséquent, le maintien du régime actuel paraissait la solution la plus pertinente.

Mme Catherine Procaccia est convenue de ce que la complexité de l'adaptation des réglementations européennes à l'outre-mer plaidait pour un maintien en l'état de l'octroi de mer.

M. Jean-Paul Virapoullé a constaté qu'un consensus se dégageait pour le maintien du régime de l'octroi de mer. Il s'est interrogé sur l'inclusion ou non de l'octroi de mer dans le prix sur lequel les commerçants calculaient leur marge, ainsi que sur l'existence d'une directive européenne spécifique relative à l'application de la TVA outre-mer.

M. Jérôme Fournel a rappelé qu'un régime de TVA particulier était effectivement applicable outre-mer mais que cela n'impliquait pas la possibilité de l'aménager librement. Il a relevé que la Commission européenne encadrait strictement la possibilité pour les régions de moduler les taux de taxe intérieure sur les produits pétroliers.

Mme Anne Cornet a précisé que l'octroi de mer s'imputait sur la valeur du produit déclaré en douane, ce qui ne permettait pas de contrôler les marges appliquées par le distributeur final du produit. Elle a ajouté que les exonérations protectrices des productions locales n'avaient pas eu d'effet négatif sur les flux commerciaux ou la concurrence, ce qui constituait un argument pour le maintien de ces exonérations.

M. Jean-Etienne Antoinette s'est félicité du travail des douanes en Guyane. Il s'est toutefois interrogé sur le dispositif douanier prévu pour le futur pont reliant la Guyane au Brésil et, plus largement, sur les moyens humains disponibles. Concernant l'octroi de mer, il a rappelé que Mme Anne Bolliet avait, la veille, conclu à l'absence d'impact de l'octroi de mer sur l'augmentation des prix. Enfin, il s'est interrogé sur la faisabilité d'une taxation spécifique des services en outre-mer ainsi que sur celle des satellites en Guyane.

M. Jérôme Fournel a jugé que, techniquement, ces taxations étaient envisageables et, concernant les satellites, que le problème était davantage politique que technique. Il a par ailleurs souligné que la DGDDI s'investissait pleinement dans la modernisation de l'organisation des douanes. Il a annoncé que vingt à vingt-cinq douaniers seraient affectés au bureau des douanes du pont reliant la Guyane au Brésil. Il s'est félicité de l'efficacité des nouvelles méthodes de contrôle ciblé de la douane, qui avaient permis d'atteindre un montant record de redressements en 2008. Enfin, il a jugé que l'application de la TVA en Guyane était techniquement possible mais qu'elle serait complexe à mettre en oeuvre.

Mme Anne Cornet a précisé que l'octroi de mer était recouvré selon deux modalités : d'une part, l'octroi de mer externe, assis sur la déclaration en douane et, d'autre part, l'octroi de mer interne, portant sur les déclarations trimestrielles des entreprises, dispositif nécessairement plus coûteux pour l'administration fiscale.

En réponse à Mme Catherine Procaccia, qui cherchait une justification à une mention figurant sur une facture d'eau relative à l'octroi de mer, M. Jean-Etienne Antoinette a expliqué que cette ligne devait correspondre à l'impôt applicable aux produits introduits dans l'eau pour assurer sa potabilité.

Sollicité par M. Serge Larcher, président, sur les alternatives envisageables à l'octroi de mer, M. Jérôme Fournel a estimé que l'alternative la plus crédible était une hausse de TVA mais a rappelé qu'une telle hausse serait nécessairement très lourde si elle devait produire un montant équivalent à celui de l'octroi de mer.

Mme Anne-Marie Payet s'est interrogée sur deux points : la possibilité d'expérimenter la TVA sociale dans les DOM et la légitimité des justifications avancées concernant les spécificités ultramarines en matière de taxes sur le tabac.

Concernant la TVA sociale dont l'objectif est la réduction des charges sociales sans pertes de recettes pour rendre l'emploi plus attractif, M. Jérôme Fournel a souligné le risque d'une répercussion violente sur le niveau des prix. Il a par ailleurs rappelé que le monopole de distribution du tabac visait initialement à lutter contre la contrebande, l'objectif de santé publique n'étant apparu que dans un second temps. Jugeant que la fraude en cette matière n'était pas aujourd'hui un sujet majeur outre-mer, il a toutefois reconnu qu'un encadrement plus strict des ventes pouvait être envisagé ainsi qu'une modulation de la fiscalité applicable.

M. Daniel Marsin a relevé que le remplacement de l'octroi de mer par la TVA pouvait être une idée séduisante, mais que la TVA ne pourrait, comme lui, constituer un outil de la politique de développement économique. Tout en récusant l'idée de l'impact inflationniste de l'octroi de mer, aucune étude n'ayant permis d'étayer cette thèse, il s'est interrogé sur la possibilité de placer l'intégralité de l'octroi de mer sous le régime de la déclaration afin de réduire la tentation, pour les distributeurs, d'inclure l'impôt dans l'assiette utilisée pour le calcul de leur marge.

Du fait du jeu des anticipations et des rattrapages qui joue un grand rôle en matière économique, M. Jérôme Fournel a exprimé son scepticisme sur la possibilité de « leurrer » les acteurs économiques en modifiant les modalités d'application de l'octroi de mer pour le rendre invisible et l'extraire de la chaîne de formation des prix. En outre, il a estimé qu'il fallait prendre garde à ne pas compliquer à l'excès les circuits de perception de l'impôt.

Audition de Mme Claire Bazy-Malaurie, rapporteur général, président de chambre à la Cour des comptes

Puis la mission a procédé à l'audition de Mme Claire Bazy-Malaurie, rapporteur général, président de chambre à la Cour des comptes.

Après avoir rappelé que la mission commune d'information souhaitait s'intéresser à la situation budgétaire, comptable et financière des collectivités territoriales ultramarines, M. Serge Larcher, président, a indiqué que, outre l'audition des présidents des chambres régionales des comptes programmée lors des déplacements de la mission, cette dernière avait jugé utile d'entendre la Cour des comptes afin d'obtenir un éclairage global sur la situation des collectivités territoriales des quatre départements d'outre-mer.

Après avoir indiqué qu'elle serait le porte-voix des présidents des deux chambres régionales des comptes des départements d'outre-mer (Guadeloupe-Guyane-Martinique et Réunion), la Cour des comptes n'exerçant aucune compétence directe sur les collectivités territoriales d'outre-mer, Mme Claire Bazy-Malaurie, rapporteur général, président de chambre à la Cour des comptes, a relevé que la Cour des comptes évoquait régulièrement l'outre-mer dans le cadre de son rapport public, mais aussi lors des travaux menés en commun avec les chambres régionales des comptes de ces départements, à la manière de l'évaluation lancée cette année sur la situation des collectivités territoriales ultramarines.

S'agissant des difficultés rencontrées outre-mer, elle a relevé certains éléments communs aux départements français d'Amérique (DFA) et à La Réunion, comme des charges de fonctionnement par habitant plus élevées qu'en métropole, notamment les charges de personnel, du fait des régimes spécifiques de rémunération et de politiques locales de recrutement plus ambitieuses. Elle a souligné par ailleurs la faiblesse relative de l'autofinancement et du niveau d'emprunt par habitant, cette dernière caractéristique étant liée à la double réticence des banques à prêter aux collectivités territoriales en difficulté et des collectivités elles-mêmes à recourir à l'emprunt.

Mme Claire Bazy-Malaurie a ensuite évoqué plus précisément les situations locales. S'agissant des DFA, elle a salué l'amélioration progressive de la situation, malgré quelques difficultés persistantes, notant en particulier la situation difficile des quatre grandes agglomérations de ces départements (Fort-de-France, Pointe-à-Pitre, Basse-Terre, Cayenne). Elle a souligné la situation financière saine de la région Martinique, l'amélioration de la situation de la région Guadeloupe, et relevé que la région Guyane faisait aujourd'hui l'objet d'une procédure de vigilance.

S'agissant de La Réunion, elle a souligné la vulnérabilité de la situation des vingt-quatre communes, du fait notamment de l'absence d'autofinancement : tous les programmes d'investissement connaissent ainsi aujourd'hui des difficultés.

Plus globalement, elle a fait part de son inquiétude quant à l'évolution de la situation des collectivités territoriales ultramarines sous l'emprise de la crise économique, avec une augmentation, comme en métropole, des dépenses d'aide sociale et une diminution des recettes fiscales (notamment la taxe professionnelle et l'octroi de mer). Elle a également observé que le protocole de sortie de crise conduirait en Guadeloupe à de moindres recettes et à des charges supplémentaires pour les collectivités territoriales.

S'agissant du contrôle budgétaire, Mme Claire Bazy-Malaurie a salué l'amélioration de la situation dans les DFA, notant que les saisines des chambres régionales des comptes connaissaient une nette décrue depuis 2003, la juridiction de Guadeloupe-Guyane-Martinique demeurant cependant la première juridiction française pour le nombre de saisines (20 % du nombre de saisines). S'agissant des travaux d'audits, elle a souligné la récurrence de certaines observations formulées par la chambre, telles que le défaut de fiabilité ou de transparence des comptes, mais aussi le manquement des collectivités à leurs obligations sociales ou fiscales, ou encore les retards dans la production des comptes, des amendes étant régulièrement prononcées.

S'agissant de La Réunion, elle a relevé un nombre de saisines comparable à la métropole et un taux satisfaisant de suivi des observations de la chambre.

Après avoir salué la bonne coopération des chambres avec les services de l'Etat dans les départements d'outre-mer, Mme Claire Bazy-Malaurie a noté que les relations étaient parfois crispées avec les élus locaux, les chambres n'ayant pas le pouvoir de demander à l'Etat d'intervenir en soutien pour rétablir l'équilibre financier des collectivités territoriales rencontrant des difficultés.

S'agissant des solutions recherchées pour améliorer la situation financière des collectivités territoriales ultramarines, elle a évoqué l'audit en cours, par les chambres régionales des comptes, du dispositif mis en place entre l'Etat et l'Agence française de développement (AFD) afin d'enclencher des mécanismes plus vertueux de redressement financier. Elle a indiqué que les présidents des deux chambres régionales soulignaient par ailleurs les besoins importants en matière d'encadrement et de soutien à la formation à la maîtrise de la gestion, d'importantes marges de progrès existant en effet en matière d'application des règles budgétaires et comptables.

Mme Claire Bazy-Malaurie s'est également inquiétée de la capacité des collectivités ultramarines à faire face à des investissements importants, notamment en matière d'environnement et de déchets.

Elle a enfin souligné qu'une des difficultés en matière de contrôle était liée au fait que la Cour des comptes était compétente pour contrôler l'administration centrale et les établissements nationaux tandis que les chambres régionales des comptes exerçaient leur compétence sur les collectivités territoriales. Afin de réaliser les contrôles nécessaires, des montages administratifs complexes doivent donc être mis en oeuvre, à l'image de l'enquête lancée sur la situation des collectivités territoriales pour laquelle les chambres régionales des comptes s'appuient sur la Cour des comptes. Les compétences séparées de la Cour et des chambres constituent ainsi aujourd'hui un carcan, une solution étant la mise à disposition croisée, sujet qui pourrait être évoqué dans le cadre du projet de réforme de la Cour.

En réponse à une question de M. Serge Larcher, président, Mme Claire Bazy-Malaurie a souligné la diversité des situations des conseils généraux des départements d'outre-mer, ceux-ci étant par ailleurs confrontés, comme ceux de métropole, à l'augmentation des transferts de solidarité et à une diminution des ressources fiscales.

M. Serge Larcher, président, a regretté que la compensation des différents transferts de compétences réalisés par l'Etat ne soit pas toujours assurée, conduisant les collectivités à recourir à l'emprunt. Il a également rappelé le rôle de « buvard social » des communes, résultant de la forte proportion d'emplois publics.

M. Daniel Marsin a souligné que la comparaison de la situation des collectivités territoriales ultramarines avec celles de la métropole devait être nuancée, relevant qu'elles n'étaient pas soumises aux mêmes contraintes du fait de taux de chômage différents. Il a relevé que ces contraintes variaient d'un département à l'autre, la quasi-totalité des agents publics territoriaux bénéficiant de la surrémunération en Guadeloupe, contre une minorité à la Réunion.

Mme Claire Bazy-Malaurie a confirmé que les collectivités territoriales ultramarines n'avaient souvent pas les moyens de faire face à certaines obligations, comme en matière d'environnement, et a rappelé que le protocole de sortie de crise en Martinique comprenait l'application de la surrémunération aux agents publics, ce qui devrait aggraver la situation des collectivités territoriales de ce département.

M. Jean-Etienne Antoinette a souligné à son tour le poids des obligations qui pèseraient à l'avenir sur les collectivités territoriales ultramarines en matière de déchets ou d'assainissement. Il a également souligné les difficultés auxquelles se trouvaient confrontées des collectivités guyanaises, dans l'incapacité de réaliser certains investissements comme la construction de groupes scolaires supplémentaires, du fait des frais de fonctionnement induits, et qui risquaient ainsi de se voir infliger des pénalités.

Audition de MM. Edward Jossa, directeur général des collectivités locales, et Frédéric Iannucci, chef du service des collectivités locales à la direction générale des finances publiques

La mission a enfin procédé à l'audition de MM. Edward Jossa, directeur général des collectivités locales et Frédéric Iannucci, chef du service des collectivités locales à la direction générale des finances publiques.

M. Serge Larcher, président, a rappelé que la mission commune d'information avait notamment souhaité s'intéresser à la situation budgétaire et financière des collectivités territoriales des DOM et qu'il lui avait paru utile, dans ce cadre, d'entendre conjointement des représentants de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

M. Edward Jossa a tout d'abord rappelé que le secrétariat d'Etat à l'outre-mer était pilote sur la question des finances des collectivités territoriales ultramarines, la DGCL n'intervenant qu'en second. Il a dressé un tableau des principales difficultés budgétaires rencontrées par les collectivités territoriales des DOM : faiblesse de la fiscalité directe locale perçue sur les ménages, corrigée par l'octroi de mer et les taxes sur les carburants ; moindre capacité de modulation des taux qu'en métropole ; dépenses par habitant plus élevées que dans l'hexagone. Il a parallèlement souligné l'importance des besoins résultant notamment du dynamisme démographique des DOM et a évoqué le haut niveau des dépenses de personnel. Enfin, il s'est inquiété de la situation de l'emploi dans les DOM, qui implique d'importantes dépenses sociales pour les collectivités territoriales, tout en observant que le niveau de compensation par l'Etat des dépenses de RMI était en proportion similaire à celui observé en métropole.

M. Edward Jossa a constaté que les collectivités disposaient dès lors de marges insuffisantes à consacrer à l'investissement et que deux d'entre elles devaient en particulier être surveillées : la Guyane, en raison de son dynamisme démographique et du retard qu'elle connaissait en matière d'investissement public, et Mayotte, dont la départementalisation constituait un sujet de préoccupation. Il a dressé un bilan positif de l'application du dispositif Cocarde de soutien aux collectivités en situation financière difficile et jugé que les efforts devaient prioritairement porter sur la mobilisation de la ressource fiscale locale.

Sur la question des spécificités des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales des DOM, il a rappelé, concernant les communes, que plusieurs évolutions de la dotation forfaitaire avaient bénéficié aux DOM : réévaluations en 1993 et en 2000, introduction d'une part superficiaire plafonnée en 2005 et dispositif spécifique pour les communes situées dans des parcs naturels en 2006. Il a également observé que, en matière de dotations de péréquation, l'outre-mer bénéficiait de quotes-parts égales au rapport, majoré de 33 %, entre leur population et celle de la métropole, ce qui leur était très favorable. Concernant les départements, il a indiqué qu'ils bénéficiaient d'un ratio égal à deux fois leur rapport démographique avec la métropole, majoré de 10 %, et que ce ratio était porté au triple du rapport démographique avec l'hexagone pour les dotations aux régions.

M. Serge Larcher, président, a confirmé la nécessité d'accroître les ressources fiscales mais a jugé qu'un traitement spécifique de l'outre-mer en matière de dotations de l'Etat se justifiait, en particulier en raison de l'obligation de rémunérer davantage les fonctionnaires territoriaux et des risques naturels majeurs auxquels l'outre-mer était soumis. Il a reconnu l'importance des effectifs de fonctionnaires et estimé que l'Etat pourrait soutenir les collectivités territoriales en proposant des exonérations de cotisations sociales, en contrepartie de l'engagement des communes de limiter les recrutements. Il s'est par ailleurs fait l'écho des présidents de conseils généraux des DOM, qui déplorent la sous-compensation des transferts de compétence ainsi que les retards de versement de ces compensations. Enfin, il est convenu que la Guyane faisait face à une situation difficile, notamment en matière d'équipements scolaires, en raison de son accroissement démographique.

En réponse à M. Jean-Etienne Antoinette, qui s'était étonné de la contradiction apparente entre la diminution de la DGF par habitant de Guyane, dont avait fait état le directeur de l'Institution d'émission des DOM, et les déclarations de M. Edward Jossa, ce dernier a rappelé que l'augmentation de DGF de Guyane qu'il avait évoquée s'entendait en valeur absolue.

M. Jean-Etienne Antoinette a également déploré la différence de traitement entre les intercommunalités de métropole et celles des DOM en matière de dotation globale d'équipement et rappelé que l'accroissement démographique en Guyane appelait, pour les collectivités territoriales, des mécanismes de solidarité nationale. Enfin, il a souligné que les communes ne recevaient aucune compensation de l'obligation légale qui leur était faite de majorer les rémunérations des fonctionnaires.

M. Edward Jossa a affirmé que les dotations de l'Etat avaient été calibrées pour répondre à l'ensemble de ces impératifs. Il a relevé que le taux d'augmentation de la DGF en Guyane était cette année très important, en lien avec le taux d'accroissement démographique. Enfin, il a observé que l'importance des effectifs de fonctionnaires était la preuve que les majorations de rémunérations ne constituaient pas, pour les collectivités territoriales, un obstacle au recrutement.

M. Serge Larcher, président, a fait état des difficultés financières des collectivités territoriales des DOM qui rendaient plus difficiles qu'en métropole la nécessité d'assumer la sous-compensation par l'Etat des transferts de compétence.

M. Daniel Marsin a jugé qu'un des objectifs de la mission commune d'information devait être de fournir des éléments objectifs de mesure de la situation des DOM, qui serviraient par la suite dans le cadre des Etats généraux, et pris pour exemple l'action efficace du gouvernement en matière de clarification des modalités de fixation des prix des carburants. Il est par ailleurs convenu que l'idée, parfois avancée trop rapidement, de supprimer l'octroi de mer, serait « une folie ».

M. Frédéric Iannucci a souligné que la DGFiP partageait les éclairages apportés par la Cour des comptes et par la DGCL. Il a jugé, en matière de recettes fiscales, que les marges de manoeuvre étaient faibles sur les taux, déjà élevés, mais qu'elles étaient en revanche importantes sur les bases, dont la détermination restait lacunaire.

M. Jean-Etienne Antoinette s'est ému du fait que l'Agence française de développement et Dexia appliquent des taux d'intérêt plus élevés aux communes des DOM qu'à celles de métropole. Il a par ailleurs estimé que les services fiscaux avaient une part de responsabilité en matière d'identification des bases fiscales, rappelant que l'Etat avait été condamné à indemniser la Guyane pour des retards de mise à jour des matrices cadastrales.

Enfin, M. Frédéric Iannucci a relevé que les communes des DOM ne souffraient pas, globalement, d'un problème de surendettement mais d'une faible capacité de remboursement, ce que M. Edward Jossa a confirmé, ajoutant que les taux d'intérêt supportés par les communes avaient également beaucoup augmenté en métropole.

Jeudi 9 avril 2009

- Présidence de Monsieur Serge Larcher, président -

Audition de M. Pierre Pluton, président de l'Association métropolitaine des élus originaires des départements d'outre-mer (AMEDOM)

La mission a procédé à l'audition de M. Pierre Pluton, président de l'Association métropolitaine des élus originaires des départements d'outre-mer (AMEDOM).

À titre liminaire, M. Pierre Pluton a indiqué que l'AMEDOM, qu'il préside depuis novembre 2008, travaille étroitement avec les associations d'élus comme l'Association des maires de France (AMF) et avec la Délégation interministérielle pour l'égalité des chances des Français de l'outre-mer, et développe des partenariats avec l'Association des communes et collectivités d'outre-mer (ACCDOM).

Répondant aux questions du rapporteur, M. Eric Doligé, il a précisé qu'une rupture de générations s'était produite dans les années 90, constatée à l'occasion des violences urbaines, entre les jeunes ultra-marins qui exprimaient leur malaise profond et un besoin identitaire et leurs parents qui, eux, se sentaient Français à part entière.

Il a pointé les atouts qui jouaient en faveur de l'insertion des ultra-marins, tels que leur capacité d'adaptation géographique et leur conscience professionnelle, ainsi que leur présence en nombre dans les services publics (la santé, la poste et les télécommunications). Il a cependant déploré que ceux-ci soient encore trop souvent cantonnés aux métiers subalternes et confrontés à des difficultés dans leur évolution de carrière. Ce sentiment de discrimination est également ressenti dans l'accès au logement ou lors des contrôles policiers. Même les congés bonifiés peuvent se transformer en facteur de discrimination car les communes importantes hésitent à employer les ultra-marins eu égard aux problèmes d'absence et de remplacement que le bénéfice de ces congés entraîne. M. Pierre Pluton a estimé qu'il faudra du temps pour trouver des solutions et a tenu à saluer, à cet égard, le travail réalisé par M. Patrick Karam à la tête de la Délégation interministérielle pour l'égalité des chances des Français de l'outre-mer.

S'agissant de la sous-représentation des ultra-marins dans la vie nationale, il a constaté que le problème était commun à tous les partis politiques, et a affirmé lutter pour que ces derniers prennent en compte les associations d'ultra-marins, susceptibles de leur apporter leur expérience, notamment en matière d'insertion sociale, la difficulté essentielle étant de sensibiliser ces associations elles-mêmes à la vie politique.

Concernant les Etats généraux, il a confirmé que l'AMEDOM apporterait sa contribution aux thèmes de la citoyenneté et de la gouvernance, précisant que s'agissant des ultra-marins « primo-arrivants » il fallait distinguer deux groupes : ceux dont l'objectif est de retourner vivre outre-mer et ceux qui expriment la volonté de s'installer définitivement en métropole et d'y fonder des racines tout en conservant des liens affectifs avec leur département d'origine.

M. Pierre Pluton a considéré qu'après une certaine durée de séjour en métropole, il fallait faire un choix et savoir « poser ses valises », reprochant à certains maires de laisser croire aux ultra-marins qu'ils pourraient revenir s'installer outre-mer. Cette ambiguïté soulève beaucoup de problèmes, comme ceux du lieu d'inscription sur les listes électorales ou des demandes de logement social, et plus généralement de la participation à la vie communale.

Abordant la question de la continuité territoriale, il a reconnu que c'était une préoccupation forte des ultra-marins, qui allait au-delà de la simple question des transports et du prix du billet d'avion, car elle concerne aussi l'emploi, trop d'ultra-marins se voyant encore refuser des postes au vu de leur curriculum vitae et les entreprises préférant recruter des métropolitains par l'intermédiaire de cabinets privés, le problème de l'insuffisance d'offre de logements dans les DOM et, plus largement, celui de l'ensemble des dispositifs sociaux existant en métropole dont le régime diffère de ceux applicables dans les départements d'outre-mer.

Quant à la diversité, M. Pierre Pluton s'est dit tout à fait opposé à un comptage ethnique, compte tenu notamment des principes républicains, de l'Union européenne et des mariages mixtes.

A M. Eric Doligé, rapporteur, M. Pierre Pluton a indiqué que beaucoup de jeunes ultra-marins allaient s'installer au Royaume-Uni, aux Etats-Unis d'Amérique, voire dans les pays nordiques qui offraient de meilleures perspectives de carrière. L'AMEDOM agit cependant pour rapprocher les écoles ultra-marines et métropolitaines et pour fédérer les associations antillaises qui se multiplient mais sont insuffisamment regroupées.

M. Simon Sutour a fait part de son expérience d'élu du Gard, évoquant l'inauguration très consensuelle, il y a quelques mois, d'un kiosque Aimé Césaire, par le président Serge Larcher, et lui a demandé si la lutte contre les discriminations passait par une politique de quotas.

M. Jean-Pierre Bel l'a interrogé sur l'opportunité de mesures législatives pour introduire davantage de diversité.

M. Pierre Pluton a indiqué qu'il valait mieux convaincre, et c'est principalement le travail des associations, plutôt que de légiférer, et que les échéances régionales seraient un test pour mesurer l'engagement des partis politiques.

En conclusion, revenant sur la question des relations entre ultra-marins de la métropole et leurs départements d'origine, M. Serge Larcher, président a déclaré que les votes par procuration devaient être mieux contrôlés par l'Etat ; qu'il fallait faciliter la nomination des enseignants antillais dans leur département d'origine où on comptait de nombreux postes vacants et, enfin, se saisir du problème des jeunes de la troisième ou quatrième génération, en perte de repères, qui ne se sentaient ni Antillais ni métropolitains, afin de les aider à se réinsérer dans la République.

Audition de M. Guy Dupont, président de la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM)

La mission a ensuite entendu M. Guy Dupont, président de la Fédération des entreprises des départements d'outre-mer (FEDOM).

Après avoir rappelé que la FEDOM rassemblait et représentait les organisations patronales des départements et collectivités d'outre-mer, M. Serge Larcher, président, a demandé, au-delà des modifications d'ores et déjà introduites dans le cadre du projet de loi pour le développement économique des outre-mer, à connaître les questions encore prioritaires pour les entreprises situées dans les départements d'outre-mer.

M. Guy Dupont, président de la FEDOM, a regretté que le projet de loi pour le développement économique des outre-mer soit examiné par le Parlement avant la tenue des Etats généraux, expliquant que cette situation résultait du fait que le Président de la République avait, lors de la campagne présidentielle, annoncé la discussion d'un texte économique en faveur de l'outre-mer. Il a estimé que ce texte arrivait cependant à un moment où l'outre-mer se trouvait dans la tourmente de la crise et qu'il convenait de s'adapter à cette nouvelle situation.

Il a jugé que le projet de loi pour le développement économique des outre-mer n'avait pas réglé l'ensemble des questions économiques et sociales se posant dans les départements ultramarins mais innovait en créant les dispositifs des zones franches globales d'activité et répondait également à une logique de rationalisation de la dépense outre-mer en finançant la mise en place de ces zones franches par les économies réalisées sur certains dispositifs en vigueur. Il a estimé que si le projet de loi mettait en place plusieurs dispositifs fiscaux favorables aux entreprises - évoquant notamment l'exonération totale ou partielle de l'impôt sur les sociétés, de la taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés bâties -, ces avantages ne présentaient qu'un intérêt limité dans un contexte de crise économique.

M. Guy Dupont a indiqué que l'objectif de rationalisation de la dépense publique avait conduit le Gouvernement à limiter de façon drastique les dispositifs de défiscalisation outre-mer, d'une part, par l'introduction d'un plafonnement global des niches fiscales dans le cadre de la loi de finances pour 2009 et, d'autre part, par des restrictions apportées aux mesures de défiscalisation applicables aux loueurs de véhicules automobiles ou de bateaux de plaisance, tout en imposant dans le même temps un cadre plus contraignant en matière d'agrément fiscal. Il a néanmoins reconnu que de nouvelles incitations fiscales avaient été créées, citant en particulier celles concernant l'installation des câbles sous-marins.

Il a ajouté que la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable pour les biens autres que les biens d'investissement, également motivée par ce souci de rationalisation de la dépense, aurait pour effet de réduire les subventions dont profitent actuellement les entreprises d'outre-mer. Reconnaissant qu'une évolution de ce régime était sans doute nécessaire, il a regretté qu'elle se fasse de manière relativement désordonnée.

Il a mis en exergue le fait que le nouveau régime applicable en matière d'exonérations de charges patronales outre-mer était moins favorable que le système antérieur, bien qu'au cours de l'examen du projet de loi pour le développement économique des outre-mer des niveaux d'exonération de charges plus conformes aux besoins des entreprises d'outre-mer aient été fixés.

Il a insisté sur le fait que, malgré les annonces du Gouvernement, les nouveaux dispositifs de financement du logement outre-mer se traduiraient en pratique par un recul significatif des investissements locatifs au cours des années 2010 à 2012.

M. Guy Dupont a estimé que le projet de loi n'avait pas abordé deux questions essentielles pour le développement des départements d'outre-mer :

- d'une part, l'intégration régionale, jugeant indispensable de prévoir des dispositifs facilitant le commerce des entreprises des départements d'outre-mer dans leur environnement régional ;

- d'autre part, la formation des ultramarins, alors que le taux d'illettrisme dans les départements d'outre-mer est très important et qu'il convient de faire évoluer l'appareil de formation professionnelle afin qu'il réponde davantage aux contraintes économiques nouvelles et favorise davantage la mobilité.

Il a indiqué que certains sujets avaient par ailleurs été insuffisamment traités dans le cadre du projet de loi, évoquant en particulier :

- la nécessité de mieux adapter l'appareil productif des départements d'outre-mer aux nouvelles contraintes issues de la crise économique et sociale actuelle ;

- l'importance d'une action renforcée en faveur du tourisme, ce secteur connaissant d'importantes difficultés dans les quatre départements d'outre-mer ;

- l'intérêt de promouvoir davantage l'essor des nouvelles technologies de l'information et de la communication, la réduction du coût des transmissions étant de nature à favoriser la productivité des entreprises et l'écoulement des produits des départements d'outre-mer ;

- la nécessité de réfléchir à des dispositifs permettant de libérer du foncier pour permettre une véritable politique de logement social d'outre-mer, les nouvelles modalités de financement prévues par le projet de loi ne pouvant être mises en oeuvre à défaut de mesures fortes en ce domaine.

M. Guy Dupont a indiqué que les entrepreneurs des départements d'outre-mer étaient particulièrement soucieux d'avoir une visibilité à moyen et long termes des dispositifs applicables aux entreprises, regrettant que les règles énoncées par la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, censées s'appliquer pendant plusieurs années, aient été remises en cause si rapidement. Il a ajouté que, à défaut d'une stabilité des dispositifs juridiques, les entreprises n'investiraient pas et adopteraient une attitude attentiste, les récents événements sociaux outre-mer ayant par ailleurs fortement ébranlé la confiance des entrepreneurs.

Il a estimé que ceux-ci souhaitaient voir se restaurer l'image des départements outre-mer, considérablement ternie au cours des derniers mois, une image positive de ces territoires étant, selon lui, une condition essentielle pour attirer les investissements et assurer l'essor du tourisme outre-mer.

Jugeant que les départements d'outre-mer devaient être des lieux de projets et non des sujets de difficultés, il a souhaité qu'à chacun des départements d'outre-mer puisse être attaché dans l'opinion publique un projet, évoquant à titre d'exemple les activités spatiales pour la Guyane et les énergies renouvelables pour La Réunion. Il a jugé que les départements d'outre-mer étaient particulièrement bien placés pour adapter certains savoir-faire mondiaux aux contraintes particulières des petites économies tropicales, en particulier dans le domaine des énergies photovoltaïques ou éoliennes.

Abordant la question du coût de la vie et de la formation des prix dans les départements d'outre-mer, M. Guy Dupont a expliqué l'existence de facteurs de renchérissement des produits disponibles outre-mer. Au nombre des facteurs naturels de renchérissement de ces produits, il a cité : la distance, la nécessité d'un volume de stockage plus important des produits, l'existence d'une chaîne logistique plus longue et la présence d'un nombre d'intermédiaires plus élevé.

S'agissant des productions locales, il a précisé que le problème se posait différemment car il convenait de ne pas réduire leur avantage comparatif par rapport aux produits d'importation. Il a souligné que se posait un problème d'échelle de production dans la mesure où l'exiguïté du marché induisait un retour sur investissement limité pour les entrepreneurs, auquel s'ajoutait un problème d'approvisionnement, en particulier pour les produits semi-finis. Il a également regretté une certaine désaffection des consommateurs pour les produits locaux en raison d'effets de mode conduisant à favoriser l'achat de produits importés.

Il a jugé que la difficulté essentielle provenait du fait que les départements d'outre-mer n'avaient jamais fait un choix clair entre un système de production locale et un système d'importation, estimant que si ces territoires ne devaient être que des lieux de consommation, il y aurait en conséquence une prévalence encore plus considérable des produits importés sur leur marché intérieur.

Dans ce contexte, il a souligné l'intérêt de la disposition du projet de loi pour le développement économique des outre-mer instituant une aide aux intrants et aux extrants mais a soulevé deux difficultés : d'une part, le fait que ce dispositif aurait pour effet de renforcer les liens entre l'Europe et les départements d'outre-mer au détriment de l'insertion régionale ; d'autre part, l'effet négatif de certaines clauses des accords de partenariat économique liant la Communauté européenne aux pays ACP.

M. Guy Dupont a relevé l'intérêt d'identifier un certain nombre de filières économiques qui constitueraient des axes prioritaires du développement dans chaque département d'outre-mer et a estimé que la politique de l'Etat en leur faveur se heurtait à la très grande disparité de leurs situations, regrettant toutefois que les pouvoirs publics aient jusqu'ici essentiellement fait porter leur action sur des mesures purement conjoncturelles alors qu'il importait de traiter avant tout les problèmes structurels.

Il a relevé un défaut d'évaluation concrète de la situation de l'outre-mer en matière économique et sociale, expliquant que, aujourd'hui, les seules évaluations sur lesquelles se fondait la politique en faveur de l'outre-mer, et dont la pertinence pouvait être parfois discutée, émanaient du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Il a insisté sur la nécessité de disposer de bases de données propres à chaque département d'outre-mer, soulignant l'intérêt de la démarche entreprise dans le cadre du projet de Comptes économiques rapides de l'outre-mer (CEROM). Il a jugé que l'existence d'évaluations indiscutables était un préalable à la définition de préconisations acceptées par l'ensemble des acteurs économiques. Il lui a semblé indispensable de parvenir à une modélisation de la situation économique et sociale de chaque territoire et a souhaité que les secteurs prioritaires définis par le projet de loi pour le développement en faveur de l'outre-mer puissent être constitués en filières.

M. Guy Dupont a souligné que la relation entre la France métropolitaine et l'outre-mer était en train d'évoluer, les citoyens de métropole ayant tendance à estimer que les départements d'outre-mer induisaient un coût trop élevé pour les finances publiques, tandis que les résidents d'outre-mer ressentaient une impression de rejet de la part des métropolitains. Il a souhaité que les Etats généraux soient l'occasion de redéfinir cette relation entre la métropole et les départements d'outre-mer tout en identifiant des projets de développement pour chacun des départements d'outre-mer.

M. Eric Doligé, rapporteur, a rappelé que le programme de travail de la mission d'information prévoyait d'aborder la question de l'intégration régionale des départements d'outre-mer et a souhaité que la FEDOM puisse lui adresser des propositions concrètes en la matière. Il a indiqué que l'évaluation des politiques publiques était également au centre de sa réflexion et que les départements d'outre-mer avaient effectivement à jouer un rôle de premier ordre pour adapter certains savoir-faire aux caractéristiques particulières de leur marché.

Audition de M. François-Xavier Bieuville, directeur général de l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer

Puis la mission a procédé à l'audition de M. François-Xavier Bieuville, directeur général de l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer.

M. Serge Larcher, président, a rappelé dans un premier temps que l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer (ANT) avait pour objet de veiller à l'insertion professionnelle des personnes, en particulier les jeunes, résidant habituellement outre-mer. À ce titre, elle a pour mission principale de favoriser l'accès à l'emploi et la formation professionnelle en mobilité hors de la région d'origine.

M. Eric Doligé, rapporteur, a posé la question des modalités de fonctionnement et du bilan des actions de l'ANT et a souhaité connaître les modalités d'insertion de l'agence dans la réforme des dispositifs de continuité territoriale votée dans le projet de loi de développement économique des outre-mer (LODEOM).

M. François-Xavier Bieuville, directeur général de l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, a tout d'abord décrit les missions de l'agence : en raison des réalités locales, notamment de l'importance du nombre de personnes sans qualification - 17 % en métropole contre 40 % outre-mer -, la principale de ses missions est de veiller à l'insertion professionnelle des travailleurs d'outre-mer. Il a ajouté que l'agence devait également leur permettre d'accéder à une spécialisation de leurs qualifications professionnelles et devait compenser les handicaps structurels des départements d'outre-mer, par exemple en termes d'isolement géographique. Il a résumé ces missions, en indiquant que l'agence était « un assembleur de parcours » : elle identifie les centres de formation pertinents, oriente les candidats, prépare et finance leur mobilité et leur assure un accompagnement et un suivi pédagogique.

Il a ensuite présenté le budget de l'ANT : 36 millions d'euros en 2008, provenant de l'Etat, des collectivités territoriales et de l'Union européenne, via le fonds social européen. Cent vingt-six agents travaillent à l'agence dans quinze implantations, dont une par DOM. Il a également précisé que, en 2008, 4 742 mesures de formation avait été prises pour 3 790 stagiaires, dont 88 % de moins de 30 ans. Ces stagiaires ont des niveaux de formation très divers concernant tous les secteurs économiques, avec une prédominance pour le secteur tertiaire. Il a conclu cette présentation en mettant en avant la marge de progression des résultats de l'agence en matière de taux d'insertion des stagiaires dans l'emploi, actuellement de seulement 37 %.

M. François-Xavier Bieuville a ensuite présenté les perspectives de l'ANT pour les années à venir, définies dans la nouvelle convention d'objectifs et de moyens signée avec l'Etat pour la période 2009-2011, qui garantit ses moyens financiers à hauteur de 35 millions d'euros par an. Il a relevé que la logique de fonctionnement devait être inversée et que l'agence devait passer d'une politique de la demande ou du guichet à une politique de l'offre. De plus, l'ANT doit individualiser plus fortement les parcours des stagiaires pour améliorer leur accession à un emploi durable. Il en a déduit que l'agence devait adapter ses structures à cette nouvelle production d'offres : il a ainsi engagé une réflexion, en concertation avec les organisations syndicales, sur les lieux d'implantation, sur le rôle des délégués régionaux et sur les métiers mêmes de l'insertion professionnelle. Dans ce cadre, il est nécessaire de renouveler et de renforcer les partenariats, notamment avec les conseils régionaux compétents en matière de formation professionnelle depuis la décentralisation.

Concernant la stratégie de l'Etat, il a expliqué que la réforme des dispositifs de continuité territoriale en cours de discussion au Parlement allait transformer l'ANT en agence de la mobilité, puisqu'elle sera l'acteur unique pour la gestion des crédits du futur fonds qui englobera l'ensemble des mesures actuelles liées à la continuité territoriale, y compris les passeports mobilité pour les étudiants, les élèves et les stagiaires en formation professionnelle. Selon M. François-Xavier Bieuville, l'agence sera une sorte de holding avec des groupements d'intérêt public locaux dans les DOM qui permettront, d'une part, de nouer des partenariats plus intenses et, d'autre part, l'ouverture d'un guichet unique pour la mobilité. Il a indiqué que les statuts de l'ANT devraient être réformés pour permettre une action plus large en faveur de la mobilité.

Il a cependant précisé que l'ANT restait un acteur de la formation professionnelle dans les DOM, la LODEOM tendant d'ailleurs à fusionner plusieurs dispositifs, dont le projet initiative jeunes, pour apporter de la souplesse et permettre une individualisation des mesures mises en oeuvre.

M. Eric Doligé, rapporteur, a mis en rapport les besoins très importants de la population des DOM en matière d'éducation et de formation et la faiblesse des moyens de l'ANT. Il s'est interrogé sur les voies pour améliorer cette situation et a évoqué la piste du renforcement des partenariats, notamment avec les collectivités territoriales. Il a enfin rappelé que les débats sur la LODEOM au Sénat avaient montré l'importance des questions liées à la mobilité pour les habitants des DOM.

M. François-Xavier Bieuville a confirmé que l'Etat ne pouvait pas avancer seul de manière suffisante. Pour illustrer son propos, il a cité deux exemples de partenariat réalisés avec différents acteurs sur le terrain : le premier, à La Réunion, où a été créé un comité de pilotage de la mobilité avec les collectivités locales, Pôle emploi, l'Etat et l'ANT ; le second, en Nouvelle-Calédonie où des études sectorielles menées en concertation ont permis d'identifier les métiers sous tension et d'orienter les formations vers les secteurs où les besoins de main-d'oeuvre sont les plus criants. Pour M. François-Xavier Bieuville, cela confirme la nécessité d'inverser la logique en faveur d'une politique de l'offre.

Audition de M. Patrick Karam, Délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer

Puis la mission a procédé à l'audition de M. Patrick Karam, Délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer.

M. Patrick Karam a souligné combien la situation des ultramarins résidant dans l'hexagone est contrastée : si la migration antillaise s'est stabilisée, après une forte expansion dans les années 1960 soutenue par le Bureau pour le développement des migrations dans les départements (BUMIDOM), celle des Réunionnais s'accélère car le marché local de l'emploi ne peut absorber la croissance démographique et les mariages mixtes sont de plus en plus fréquents ; par ailleurs, le nombre de Mahorais atteint 50 000 à 70 000 selon les estimations tandis que celui des Guyanais reste peu élevé. Au total, on estime le nombre d'ultramarins résidant dans l'hexagone entre 900 000 et 1 100 000, dont 60 % installés en région parisienne, avec des communautés également importantes à Bordeaux, Montpellier ou Marseille et plus généralement dans les villes universitaires.

À la tête de la délégation depuis 2007, M. Patrick Karam a ainsi lancé un grand nombre de chantiers afin de répondre aux besoins prioritaires des ultramarins et, en premier lieu, à ceux des étudiants. Constatant que 25 000 étudiants viennent chaque année se former dans l'hexagone, dont 10 000 sont boursiers, sans qu'aucun dispositif d'accueil ait été mis en place, il a entrepris, avec Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, la création d'un véritable « statut de l'étudiant ultramarin », avec un guichet unique d'information, des étudiants référents, une priorité d'accès au quota de 25 % des logements CROUS réservés jusque-là aux étudiants étrangers... La question du refus du cautionnement outre-mer a également été réglée après des actions menées auprès de Mme Christine Boutin et des syndicats d'agents immobiliers en juillet 2008. Une convention rappelle désormais que le refus de cautionnement est passible de sanctions pénales et professionnelles pouvant aller jusqu'à l'exclusion. S'agissant des discriminations liées aux origines, une convention a également été conclue avec SOS-Racisme et un test de discrimination est en cours pour surveiller les cas de refus illégaux. La même méthode a été utilisée pour lutter contre la discrimination bancaire (refus de prêts lorsque la caution vient d'outre-mer), qui a été abordée dans le cadre de la loi d'orientation pour le développement économique des outre-mer (LODEOM).

Mais M. Patrick Karam a mentionné la persistance de discriminations à l'emploi, notamment lorsque les offres d'emploi comportent une rubrique relative au pays d'origine avec une liste dans laquelle figurent souvent indûment les départements d'outre-mer. Une mission est en cours avec SOS-Racisme mais se heurte à de nombreuses difficultés, étant noté que les entreprises recrutent souvent directement auprès de cabinets spécialisés.

Dans ce contexte, il a salué l'action de la Fédération des entreprises des départements d'outre-mer (FEDOM) qui s'est engagée, par convention, à niveau de compétences égal, à donner la priorité à celui qui connaît l'environnement local, ce qui avantage les ultramarins ; et a annoncé qu'avec les groupements d'entrepreneurs sera organisée une Journée pour l'égalité des chances et réalisé un site Internet rassemblant prochainement l'ensemble des offres d'emploi en outre-mer.

Au total, M. Patrick Karam a revendiqué la paternité de quelque 180 mesures mises en oeuvre depuis 2007 pour améliorer la vie quotidienne des ultramarins.

Au delà, M. Patrick Karam a considéré que la politique en faveur de la diversité conduite en métropole devait bénéficier également aux Français d'outre-mer, relevant qu'ils ont peu accès aux fonds de la politique de la ville par exemple. C'est notamment le cas à Marseille, pour la communauté mahoraise, qui enregistre des taux d'échec scolaire très importants, alors qu'ils pourraient bénéficier du travail des associations en matière d'alphabétisation.

Concernant la loi Taubira, il a rappelé qu'une difficulté s'est posée lors du décret d'application relatif à la date nationale de commémoration fixée au 10 mai, alors que, dans chaque DOM, la commémoration des victimes de l'esclavage bénéficiait déjà d'une date particulière. Avec l'appui de la Délégation, une circulaire du Premier Ministre a clarifié le sens et la pertinence de chaque cérémonie. A Paris, au Jardin du Luxembourg, si le thème de la commémoration du 10 mai 2008 était : « La République qui libère », le 10 mai 2009 sera placé sous l'égide de : « La République qui promeut ».

Il a ensuite appelé l'attention sur la lutte contre la trépanocytose, maladie rare qui touche beaucoup d'ultra-marins et qui pose un vrai problème de santé publique. Face au constat des moyens très inférieurs à ceux accordés à la lutte contre la mucoviscidose, Mme Roselyne Bachelot a été saisie d'une demande de remise à niveau des crédits de recherche sur cette maladie.

A propos de la proximité territoriale, il a insisté sur les avancées réalisées avec les compagnies aériennes pour baisser les prix et libérer des places pendant les congés scolaires d'été (140 000 places), ou obtenir de meilleurs tarifs pour les voyages liés aux deuils et en faveur des ultra-marins les plus défavorisés.

Un des chantiers majeurs de la délégation reste néanmoins la visibilité, en particulier dans les médias, et sera un des thèmes des Etats généraux dans l'hexagone qui s'ouvriront le 14 avril en métropole pour s'achever le 9 juin 2009.

M. Patrick Karam a précisé qu'il avait d'ores et déjà organisé trois réunions préparatoires avec des élus et des personnalités de la société civile. Outre les huit thèmes annoncés par le Gouvernement, ont été ajoutés ceux de la culture, de l'égalité des chances, du sport et d'autres sujets tels que l'éloignement ou le rôle de l'Internet, chaque commission étant dotée de deux rapporteurs.

Enfin, s'agissant de l'articulation du travail de la Délégation avec celui du Commissaire à la diversité et à l'égalité des chances, il a estimé que le maintien de deux guichets n'étaient pas une bonne idée et que, sa tâche étant pratiquement achevée, il mettrait un terme à ses fonctions d'ici à quelques mois, tout en soulignant le rôle d'apaisement qu'il avait pu jouer dans certaines circonstances, par exemple en organisant un débat avec les békés au plus fort de la crise antillaise ou lors des tensions liées à l'annonce de la fermeture d'une discothèque en région parisienne.

Audition du colonel Jean-Michel Luccitti, chef d'état-major du commandement du service militaire adapté

Enfin, la mission a procédé à l'audition du colonel Jean-Michel Luccitti, chef d'état-major du commandement du service militaire adapté.

Accueillant le colonel Jean-Michel Luccitti, chef d'état-major du commandement du service militaire adapté, M. Serge Larcher, président, a souhaité qu'il présente le fonctionnement actuel de ce dispositif et ses perspectives d'avenir.

Le colonel Jean-Michel Luccitti, chef d'état-major du commandement du service militaire adapté, a rappelé que le service militaire adapté (SMA) avait été créé à l'initiative de Michel Debré en 1961 aux Antilles et en Guyane, à la suite de troubles sociaux, avant d'être étendu à la quasi-totalité des collectivités d'outre-mer. Il a précisé qu'il s'agissait à l'époque de conjuguer les obligations du service national avec un besoin en formation professionnelle et en développement économique des collectivités d'outre-mer. Il a indiqué que, lors de la suspension de la conscription en 1996, le dispositif du SMA avait été maintenu. Il a exposé que la mission première du SMA était aujourd'hui d'assurer, dans un environnement à caractère militaire, une formation professionnelle à de jeunes ultramarins volontaires en difficulté. Il a précisé que le SMA contribuait également, par le biais de chantiers d'application, au développement économique des départements et collectivités d'outre-mer, ainsi que, en tant qu'unité à caractère militaire, à la protection civile, notamment lors des catastrophes naturelles.

Il a indiqué que le budget du SMA était de 124 millions d'euros en 2009, provenant de dotations de l'Etat, de subventions de l'Union européenne et des collectivités d'outre-mer.

Le colonel Jean-Michel Luccitti, chef d'état-major du commandement du service militaire adapté, a ensuite indiqué que le SMA concernait actuellement 2 900 jeunes ultramarins volontaires, répartis dans les sept unités situées à la Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à la Réunion, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, auxquelles s'ajoute une unité en métropole située à Périgueux.

Il a précisé que le SMA disposait d'environ 700 personnels d'encadrement, en majorité des militaires détachés par le ministère de la défense, ainsi que d'un état-major.

Il a rappelé que le SMA s'adressait à de jeunes ultramarins, garçons ou filles, âgés de dix-huit à vingt-six ans, souvent sans diplôme ou en situation d'échec scolaire et n'ayant que peu de chances de trouver un emploi. Il a précisé que, si l'engagement à servir dans le SMA était fondé sur le volontariat, il existait une procédure de sélection afin de vérifier que le candidat répondait aux critères fixés mais aussi aux conditions d'aptitude physique requises et qu'il n'avait pas eu de démêlés trop lourds avec la justice. Il a indiqué que, sur les 2 900 candidats retenus en 2008, dont un quart de jeunes filles, plus de 40 % pouvaient être considérés comme illettrés et 75 % n'avaient aucun diplôme.

Il a rappelé que l'objectif du SMA n'était pas d'offrir un diplôme mais de permettre à un jeune en difficulté de recevoir une formation de base, dans un environnement militaire, afin de lui permettre ensuite d'obtenir un diplôme ou de trouver un emploi, ce dispositif constituant en quelque sorte le « chaînon manquant » entre la formation initiale et la vie professionnelle.

Il a précisé que les volontaires du SMA étaient placés pendant un an sous statut militaire, qu'ils portaient l'uniforme, vivaient en caserne et participaient aux entraînements, ce qui permettait à la fois de valoriser ces jeunes et de leur apprendre les règles du savoir-vivre, de la camaraderie, du respect des autres et de l'autorité, mais aussi de leur offrir de passer le permis de conduire et de bénéficier d'une formation de base leur permettant ensuite d'obtenir un diplôme ou de trouver un emploi. Il a souligné que l'offre de formation, assurée par des militaires ou des enseignants détachés de l'éducation nationale, était différente selon les territoires, mais que, au total, trente-sept métiers étaient proposés dans des secteurs de forte demande de main-d'oeuvre tels que le bâtiment, la restauration, la sécurité, la pêche ou le tourisme.

Il a indiqué que le taux d'insertion des jeunes à l'issue du SMA était en 2008 de 79 %, dont deux tiers ayant obtenu un emploi et un tiers poursuivant une formation professionnelle.

Le colonel Jean-Michel Luccitti, chef d'état-major du commandement du service militaire adapté, a ensuite évoqué les perspectives d'avenir du SMA qui s'articulent autour de deux grands chantiers :

- la réduction du format des implantations, actuellement au nombre de 28, réparties selon un schéma hérité de la période de la conscription, notamment à La Réunion, en Guyane et en Polynésie française, ce qui devrait permettre de rationaliser la carte des implantations et de réduire les coûts de fonctionnement et de soutien. Il a souligné que les sept unités seraient maintenues et que le secrétaire d'Etat à l'outre-mer avait même annoncé l'ouverture prochaine d'une unité du SMA à Wallis-et-Futuna et d'une autre à Saint-Martin ;

pour répondre à un souhait du Président de la République, le doublement du nombre de places offertes, en passant de 2 900 actuellement à 6 000 à l'horizon 2012. Il a indiqué que pour faire face à cet objectif, il avait été décidé de réduire la durée du service militaire adapté, qui passerait de douze à huit mois.

M. Eric Doligé, rapporteur, s'est demandé si la réduction de la durée du SMA serait à elle seule suffisante pour couvrir le coût du doublement des effectifs dans les trois prochaines années et si elle permettrait d'obtenir les mêmes résultats en termes d'insertion des jeunes. Il a également souhaité avoir des précisions sur les relations entre le SMA et l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer.

Le colonel Jean-Michel Luccitti, chef d'état-major du commandement du service militaire adapté, a indiqué que la réduction de la durée du service militaire adapté de douze à huit mois avait été retenue alors que l'objectif envisagé initialement par le Gouvernement était de passer de 3 000 à 4 000 postes offerts. Il a admis qu'elle ne serait pas à elle seule suffisante pour répondre à l'engagement présidentiel de doubler le nombre de postes en trois ans et qu'il faudrait revoir les partenariats et les cycles de formation. En tout état de cause, il a souligné qu'il ne serait pas possible de passer au dessous de huit mois sans faire peser un risque sérieux sur la qualité de la formation.

Le colonel Jean-Michel Luccitti, chef d'état-major du commandement du service militaire adapté, a espéré que la réduction de la durée du SMA de douze à huit mois ne se traduise pas par une dégradation de la qualité de la formation, tout en soulignant que ses caractéristiques essentielles seraient préservées, en particulier les « classes », le permis de conduire et la remise à niveau scolaire. Il a précisé que la formation professionnelle représentait actuellement un volume de 1 300 heures, alors que le minimum requis est de 800 heures.

S'interrogeant sur les capacités du marché de l'emploi à absorber un nombre aussi important de jeunes sortant du SMA, il a également indiqué que l'état-major envisageait d'inciter les jeunes, à la sortie, à suivre une formation professionnelle plutôt qu'à rechercher immédiatement un emploi, alors qu'actuellement environ deux-tiers d'entre eux exercent un emploi et un tiers seulement suivent une formation professionnelle, ce qui supposait de nouer des partenariats plus étroits avec les différents organismes de formation professionnelle, dont l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer qui jouait un rôle important pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes ultramarins en métropole.

M. Michel Bécot ayant souhaité avoir des précisions sur le recrutement, le colonel Jean-Michel Luccitti, chef d'état-major du commandement du service militaire adapté, a expliqué qu'il existait au sein de chaque unité du SMA dans les collectivités d'outre-mer un centre de recrutement qui travaillait en étroite liaison avec les missions locales, les pôles pour l'emploi ou encore les rectorats. Il a également mentionné la sensibilisation des jeunes en difficulté, lors de la journée d'appel de préparation à la défense, et les campagnes d'information et de communication du ministère de la défense.

Estimant que le SMA était un instrument ayant démontré son efficacité et s'interrogeant sur les risques résultant, pour la qualité de la formation offerte, d'une réduction de sa durée de douze à huit mois, M. Serge Larcher, président, a souhaité savoir si cette réduction s'expliquait par un problème d'encadrement ou bien uniquement par un souci d'économie budgétaire. Il s'est également interrogé sur le taux d'acceptation des candidatures.

Le colonel Jean-Michel Luccitti, chef d'état-major du commandement du service militaire adapté, a répondu que le doublement du nombre de places ne posait pas de difficultés en matière d'encadrement, puisque le ministère de la défense et le ministère de l'éducation nationale mettaient à disposition des personnels, mais qu'il soulevait un réel problème budgétaire et que, pour cette raison, le secrétariat d'Etat à l'outre-mer avait décidé de réduire la durée de la formation de douze à huit mois. Il a indiqué que, en moyenne, le pourcentage était de deux candidats pour une place, mais que la qualité du recrutement était variable selon les collectivités d'outre-mer, avec un recrutement de bonne qualité en Guadeloupe et à Mayotte mais de moindre qualité en Guyane.