Mardi 14 avril 2009

- Présidence de Mme Raymonde Le Texier, présidente -

Audition de Mme Patricia Loncle, enseignant-chercheur à l'Ecole des hautes études en santé publique

La mission a procédé à l'audition de Mme Patricia Loncle, enseignant-chercheur à l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), spécialiste des politiques de jeunesse en Europe et de la territorialisation des politiques sociales.

Après un propos introductif de Mme Raymonde Le Texier, présidente, Mme Patricia Loncle a exposé le résultat de ses travaux sur les inégalités territoriales dans la décentralisation du Fonds d'aide aux jeunes (FAJ).

A titre liminaire, elle a présenté quelques caractéristiques des politiques en faveur de la jeunesse : mises en oeuvre à tous les niveaux décisionnels, celles-ci sont peu lisibles, peu cohérentes et peu dotées financièrement. On assiste, par conséquent, à une « familialisation » de la prise en charge des jeunes, en réponse aux besoins d'une génération en butte à la précarisation.

Créé de façon expérimentale en 1989 dans le sillage du Revenu minimum d'insertion (RMI), puis rendu obligatoire en 1992 sur l'ensemble du territoire, le FAJ s'adresse aux jeunes de 18 à 25 ans éprouvant de graves difficultés et disposant de très peu de ressources financières. Il permet l'attribution de trois formes d'aide :

- un secours temporaire pour faire face à des besoins minimaux et urgents ;

- une aide financière à la réalisation d'un projet d'insertion ;

- des actions d'accompagnement dans le cadre d'une démarche d'insertion sociale ou professionnelle.

Depuis le 1er janvier 2005, le FAJ, décentralisé, relève de la responsabilité des présidents de conseils généraux. Le département finance le fonds, fixe les modalités de son fonctionnement et de l'attribution des aides. Les demandes, effectuées auprès des services sociaux du département ou de la commune, des missions locales et des permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), sont traitées par des commissions locales d'attribution.

Mme Patricia Loncle a ensuite exposé le résultat d'une enquête de terrain, menée auprès de six départements, hétérogènes du point de vue de leurs caractéristiques démographiques et politiques. Quinze entretiens semi-directifs ont été menés par département, avec les responsables du FAJ, des missions locales, des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, et des opérateurs des politiques de jeunesse. L'enquête a révélé une appropriation différenciée du dispositif selon les départements. Ces disparités révèlent des degrés d'investissement hétérogènes dans les politiques en faveur des jeunes. Les points suivants sont notamment remarquables :

- la dotation du FAJ n'est pas proportionnelle au nombre de jeunes résidants dans un département donné ;

- l'ampleur des modifications apportées par les départements aux règlements intérieurs des FAJ est un bon indicateur de la place accordée à ce dispositif : les conseils généraux ayant procédé à des modifications importantes sont ceux qui considèrent le FAJ comme un outil de promotion de leur action et comme un instrument de renforcement des politiques en faveur des jeunes ;

- l'articulation du FAJ avec les autres instruments existants est variable : dans deux départements étudiés, il est conçu comme un outil isolé car l'insertion des jeunes ne représente pas un enjeu politique local ; dans deux autres départements, il sert de support à la construction d'une véritable compétence en matière de politique de la jeunesse ; enfin, dans les deux derniers départements étudiés, il est considéré comme un instrument de renforcement de la politique départementale en faveur de la jeunesse. Dans cette dernière configuration, un élu est chargé du suivi du dossier, les services ont été réorganisés et des efforts de décloisonnement ont été réalisés ;

- enfin, il existe plusieurs degrés de coopération entre collectivités : si les relations avec la région et l'Etat sont généralement réduites, les liens avec les communes sont plus fréquents, pouvant aller jusqu'à un co-pilotage du dispositif. Les missions locales, dont le rôle est inscrit dans les processus de décision et de gestion du FAJ, constituent le pivot du dispositif.

Dressant un bilan de cette enquête, Mme Patricia Loncle a montré qu'elle révélait l'existence d'un clivage sur la « philosophie » du dispositif, se traduisant par de fortes inégalités d'accès à l'aide sur le terrain.

Le FAJ a eu dès l'origine une double orientation sociale et professionnelle. La décentralisation a accentué cette ambiguïté. Les critères d'attribution du FAJ reposent soit sur l'inscription dans un parcours d'insertion professionnelle, soit sur la situation sociale du jeune, soit sur le degré de soutien familial. Une importance variable est accordée à chacun de ces critères. A cet égard, il existe trois groupes de départements :

- ceux où le FAJ est considéré comme une aide à la subsistance ;

- ceux où le FAJ est conçu comme une aide à l'insertion professionnelle ;

- enfin, ceux où le FAJ s'inscrit dans une conception globale de l'insertion.

Alors que, en application de la loi, les justificatifs de revenu des parents ne sont plus demandés, Mme Patricia Loncle a révélé, en pratique, que la situation des parents du demandeur était toujours un critère pris en considération.

Elle a ajouté que la question de la prise en compte des étudiants cristallisait les divergences entre départements : ceux qui sont les plus enclins à aider les étudiants sont aussi ceux qui font de la situation sociale du demandeur un critère fondamental pour l'attribution des aides du FAJ. Par ailleurs, si certains départements privilégient des aides individuelles, d'autres mettent l'accent sur les actions collectives : dans deux départements, la part des aides collectives dépasse 60 % du budget du FAJ. Le financement d'actions en faveur du logement représente la plus grande partie du budget consacré aux projets collectifs.

Mme Patricia Loncle a ajouté que tous les départements prenaient en compte la question de la mobilité des jeunes à travers le FAJ, mais selon des modalités là encore divergentes : soit par des aides ciblées sur les déplacements en vue d'une démarche précise d'insertion professionnelle, soit par des aides plus générales au transport, indépendamment d'un objectif précis. Deux départements traitent cette question par le biais d'aides collectives, pouvant consister en des réductions tarifaires pour l'utilisation des transports en commun.

En conclusion, Mme Patricia Loncle a regretté les disparités observables dans la mobilisation du FAJ, dans un contexte de précarisation grandissante des parcours juvéniles. Dans les départements prenant le moins en compte la dimension sociale du FAJ, une diminution des enveloppes financières et un durcissement des critères d'attribution sont observés. Dans l'un des départements étudiés, seulement 59 % des crédits du FAJ ont été dépensés en 2007. De façon générale, la décentralisation a accentué l'hétérogénéité du dispositif, créant des inégalités d'accès dommageables, alors que le FAJ constitue, pour les professionnels travaillant auprès des jeunes en grande difficulté, un support essentiel et unique de la stabilisation des parcours d'insertion.

Un débat s'est ensuite instauré.

Après que Mme Raymonde Le Texier, présidente, eut remarqué l'intérêt d'étudier le devenir des outils décentralisés, M. Christian Demuynck, rapporteur, a formulé les questions suivantes :

- quel serait le modèle idéal de gestion du FAJ ?

- les politiques en faveur des jeunes doivent-elles être ciblées ou s'intégrer au sein de politiques sociales globales ?

- les politiques en faveur de la jeunesse sont-elles un maillon faible des politiques sociales en France, par comparaison avec d'autres pays européens ?

- le modèle danois, évoqué lors de précédentes auditions, est-il transposable ?

- faut-il articuler les politiques en faveur de la jeunesse autour de la notion d'autonomie ?

Par ailleurs, le rapporteur a regretté l'absence de statistiques nationales, relatives à l'utilisation du FAJ.

En réponse, Mme Patricia Loncle, jugeant illusoire tout retour à un modèle centralisé, a toutefois regretté l'absence de capacités d'information et de régulation au niveau central. L'Etat devrait, selon elle, analyser les inégalités engendrées par la territorialisation des politiques, pour parvenir à un modèle de décentralisation régulée. Elle a justifié l'absence de statistiques nationales par ce défaut d'information à l'échelon central.

Elle a ensuite appelé à mener des politiques globales différenciées en fonction de la situation des jeunes. Estimant insuffisante la réflexion sur les politiques de jeunesse, elle a salué la concertation engagée, pour pallier cette lacune, par M. Martin Hirsch, Haut-commissaire à la jeunesse, ainsi que la création de la mission sénatoriale d'information sur la politique en faveur des jeunes.

Puis elle a considéré que cette politique constituait effectivement un maillon faible des politiques sociales sous la Cinquième République, remarquant toutefois que tel n'avait pas été le cas entre 1958 et 1966, sous l'impulsion de M. Maurice Herzog, alors Haut-Commissaire, puis Secrétaire d'Etat à la jeunesse et aux sports. Dans d'autres pays européens, comme le Danemark, la Suède ou la Finlande, il existe des ministères possédant sinon un budget conséquent, du moins une légitimité suffisante pour peser sur les décisions gouvernementales.

S'agissant du modèle nordique, Mme Patricia Loncle a observé qu'il dénotait une conception positive de la jeunesse et mettait l'accent sur l'égalité des chances. Elle a jugé cette attitude valorisante et a approuvé l'aide financière accordée dans ce cadre à tout jeune, sur le fondement de la notion d'autonomie.

Mme Bernadette Dupont a ensuite demandé si les inégalités territoriales d'accès au FAJ n'étaient pas imputables aux caractéristiques des départements étudiés, notamment leur richesse, l'âge de leur population et l'articulation de leur politique avec celles menées au niveau régional.

Observant que la région était compétente en matière de vie étudiante et d'insertion professionnelle, Mme Christiane Demontès s'est demandé s'il n'aurait pas été plus judicieux de lui confier aussi la compétence « jeunesse ». Elle a évoqué la possibilité que les disparités entre départements puissent s'expliquer par des liens différenciés avec les missions locales.

Mme Patricia Loncle a précisé que dans les deux départements où l'attribution des aides du FAJ répondait aux critères les plus stricts, l'un était en effet relativement plus pauvre et avait une forte proportion de personnes âgées, ce qui était susceptible d'expliquer la divergence observée dans les priorités des politiques sociales. Dans l'autre département, qui était relativement plus riche, plus urbain et plus jeune, les conditions de mise en oeuvre du FAJ résultaient en revanche d'un choix de politique publique. Indiquant que l'échelon départemental avait été choisi pour l'exercice de la compétence relative au FAJ car l'Etat fonctionnait à ce niveau depuis la création du Fonds en 1992, elle a ajouté que les difficultés découlaient de l'absence d'institutionnalisation des liens entre conseil général et conseil régional. S'agissant des liens des collectivités avec la mission locale, elle a déclaré que l'enquête réalisée ne permettait pas de déceler de failles, en raison d'un biais de méthode, les personnes interrogées ayant été peu enclines à critiquer le fonctionnement du dispositif sur leur territoire.

M. Jean-Claude Etienne a noté que, si la région était compétente en matière d'insertion professionnelle, le département était, lui, susceptible d'avoir un discours intergénérationnel en raison de sa compétence en matière de politique tant en faveur des jeunes qu'en direction des personnes âgées. Regrettant la méconnaissance par les jeunes des dispositifs les concernant, s'agissant notamment du FAJ, il s'est interrogé sur la manière de rendre ces politiques plus visibles.

Mme Raymonde Le Texier, présidente, s'est demandée quelles étaient les conditions de réussite des politiques et pourquoi, sur certains territoires, elles semblaient fonctionner comme des « usines à gaz ». Pour éviter les dérives inégalitaires, elle a mentionné la possibilité d'élaborer de véritables cahiers des charges lors du transfert d'une compétence. Enfin, elle s'est interrogée sur le coût global du FAJ et sur le modèle danois d'autonomisation des jeunes, qui semblait favoriser l'égalité des chances, à condition de ne pas avoir d'effet démobilisateur.

Invoquant le principe d'équité, Mme Françoise Laborde a souligné que, pour l'attribution des aides, le critère de résidence était interprété de façon différenciée. Dans certains départements, les étudiants peuvent bénéficier des aides du FAJ, tandis que dans d'autres, c'est la résidence parentale qui est prise en compte. Mme Bernadette Dupont a remarqué que des difficultés analogues existaient pour l'inscription des jeunes sur les listes électorales.

Puis Mme Patricia Loncle a jugé que la décentralisation du FAJ au niveau départemental démontrait la volonté d'inscrire cet instrument dans le cadre des politiques sociales plutôt que d'insertion professionnelle. Elle a ajouté que la réussite du fonds dépendait de la qualité des partenariats locaux. Enfin, approuvant l'idée d'une aide financière à l'intention de l'ensemble des jeunes, elle a estimé qu'un dispositif de ce type constituerait une stimulation mobilisatrice.

Audition de Mme Aurélie Cometti, chargée de mission scientifique et technique à l'Agence pour l'éducation par le sport

La mission a ensuite procédé à l'audition de Mme Aurélie Cometti, chargée de mission scientifique et technique à l'Agence pour l'éducation par le sport.

Mme Aurélie Cometti, chargée de mission scientifique et technique à l'Agence pour l'éducation par le sport, a tout d'abord présenté l'agence, laquelle oeuvre depuis 1997 pour le développement de l'éducation par le sport, en lien étroit avec l'Etat, les collectivités territoriales, le secteur associatif et des partenaires privés. Un travail quotidien est mené en association avec les clubs et les collectivités afin que le sport devienne un outil d'intégration sociale et professionnelle. Des appels à projet sont également lancés, et en partie financés, sur des thèmes tels que le sport et la santé, ou le sport et l'insertion professionnelle. En outre, des conférences et des débats sur l'insertion par le sport sont organisés : en 2009, un colloque a eu lieu sur la pratique sportive féminine dans les quartiers sensibles. Enfin, l'agence publie un guide qui recense les meilleures pratiques en matière d'insertion par le sport. En effet, cette action en faveur de l'insertion n'est réelle que lorsque l'activité sportive est encadrée de manière bien précise.

Un débat s'est ensuite engagé.

A la question de M. Christian Demuynck, rapporteur, qui souhaitait savoir si l'agence tend plutôt à promouvoir l'insertion professionnelle dans le monde sportif ou de manière plus globale en s'appuyant sur les valeurs positives du sport, Mme Aurélie Cometti a répondu que l'objectif visé par l'agence est l'insertion dans le monde professionnel, quel que soit le secteur concerné, dans la mesure où l'implication dans une association sportive permet de renforcer les compétences générales de la personne. Toutefois, elle a reconnu que le secteur sportif recrute également de nombreux pratiquants et que 5 000 à 10 000 personnes deviennent ainsi salariées dans le milieu associatif sportif chaque année.

M. Christian Demuynck, rapporteur, lui a ensuite demandé si, selon elle :

- il était souhaitable de rendre le sport obligatoire à l'université, comme le préconise le rapport de MM. Stéphane Diagana et Gérard Auneau sur le développement du sport à l'université ;

- la pratique d'un sport devait être davantage valorisée, comme c'est le cas dans les pays anglo-saxons ;

- le nombre de jeunes ayant réussi leur insertion professionnelle par le sport faisait l'objet d'une estimation ;

- et si la pratique sportive permettait d'améliorer les résultats scolaires.

Si Mme Aurélie Cometti a reconnu les valeurs intrinsèques de la pratique sportive, elle a souligné que ni sa valorisation ni sa médiatisation ne permettait de promouvoir l'insertion professionnelle par le sport. C'est en partant du travail associatif que les pratiques sportives seront le mieux valorisées dans le monde professionnel. A cet égard, elle a préconisé un rapprochement des clubs sportifs et des établissements scolaires, citant des exemples où les échanges institutionnels permettent de renforcer l'intégration à la fois sociale et scolaire de jeunes en difficulté.

Mme Françoise Laborde a, pour sa part, insisté sur la source de motivation que constitue pour un jeune la pratique sportive.

Mme Béatrice Descamps a souhaité connaître les moyens que l'agence met à disposition des associations et les critères d'allocation retenus.

Après s'être déclaré convaincu que le sport concourt à l'homéostasie sociétale, M. Jean-Claude Etienne a souhaité savoir si l'accompagnement des jeunes filles vers la pratique sportive permet de valoriser la place de la femme dans la société.

Enfin, Mme Christiane Demontès a insisté sur l'importance du lien entre les associations sportives et les établissements scolaires et estimé qu'il devait être renforcé dans le cadre des contrats éducatifs locaux.

En réponse, Mme Aurélie Cometti a d'abord précisé l'action de l'agence sur plusieurs points :

- l'agence distribue certaines subventions (des enveloppes de 2 000 euros), après des appels à candidature et en partenariat avec les directions régionales et départementales de la jeunesse et des sports, à des associations travaillant sur des thèmes précis, tels que, par exemple, la mixité entre sportifs valides et handicapés ;

- elle organise également des échanges entre les associations et met au point des outils d'évaluation des actions engagées ;

- elle met enfin en relation les acteurs sportifs et éducatifs locaux, afin de favoriser des synergies entre les institutions et les associations.

Mme Aurélie Cometti a ensuite indiqué que la pratique sportive des filles est un enjeu important d'intégration, dans la mesure où celles-ci ont tendance à rapidement participer à la vie de l'association lorsqu'elles pratiquent une activité et où le sport est un espace d'expression et de reconnaissance majeur. Afin de renforcer l'activité sportive des filles, leur mode de vie doit être bien analysé : le nombre de pratiquantes augmente ainsi avec le nombre d'éducateurs de sexe féminin et avec la part qu'occupe l'activité de loisirs dans le club sportif.

Audition de Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville

La mission a enfin procédé à l'audition de Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, a introduit son discours en faisant part de sa conviction qu'il est de la responsabilité de chacun de prendre pleinement conscience que la jeunesse est l'avenir de notre pays. Elle est le moteur, mais aussi la condition du changement social et se situe à ce titre au coeur du projet républicain. La question de la mise en oeuvre d'une politique de la jeunesse est d'autant plus importante que celle-ci est inquiète quant à son devenir. Elle est aujourd'hui fragilisée et vulnérable face à la crise économique et sociale qui la frappe de plein fouet, comme le montre l'aggravation dramatique du chômage des jeunes.

La secrétaire d'Etat a ensuite indiqué que le gouvernement est fortement mobilisé pour atténuer le plus possible les effets de cette crise et que le président de la République présenterait de nouvelles mesures en faveur de l'emploi des jeunes le 20 avril prochain.

Définissant ensuite la jeunesse comme une classe d'âge homogène, qui a en commun des goûts, des habitudes, un langage et une même volonté de se projeter dans le monde, elle a néanmoins insisté sur la difficulté de délimiter les frontières de la jeunesse. L'allongement des études, l'entrée tardive dans la vie active, les difficultés pour trouver un logement entraînent notamment le fait que les enfants restent plus longtemps chez leurs parents qu'il y a 15 ou 20 ans. Une caractéristique frappante de cette jeunesse est aussi la grande précarité dont elle souffre : les jeunes sont plus souvent qu'avant en contrat à durée déterminée ou en intérim, sont de plus en plus touchés par le chômage et sont en première ligne dès que l'activité économique ralentit. Leurs conditions de vie sont en général beaucoup plus difficiles que celles des générations précédentes, notamment s'agissant de l'accès au logement. Nombre de jeunes travailleurs sont ainsi dans l'impossibilité de payer leur loyer, malgré les efforts du gouvernement, notamment sur le plan de la caution. Un jeune sur cinq vit aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté.

En dépit d'une situation générale difficile de la jeunesse, Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, a considéré que l'hétérogénéité des situations rendait nécessaire une approche ciblée, notamment en direction des quartiers. En effet, la jeunesse n'est pas un groupe uniforme. Elle est marquée par de fortes disparités sociales qui reflètent les déséquilibres et les inégalités de notre société. Il n'y a donc pas « une jeunesse » à proprement parler, mais il y a ceux qui sont privilégiés et ceux qui ne le sont pas. Au premier rang de ces derniers, il y a, a-t-elle souligné, les jeunes des quartiers et des banlieues en difficulté. Le chômage, par exemple, se concentre dans ces quartiers et dans certaines zones rurales ; il touche d'abord les jeunes, qu'ils soient diplômés ou non, avec un taux approchant les 30 %. Depuis un an, dans les zones urbaines sensibles (ZUS), le nombre de jeunes inscrits au chômage a ainsi progressé de plus de 50 % et a doublé pour les diplômés Bac+3 ou plus.

Elle a pourtant affirmé sa conviction selon laquelle les jeunes sont des acteurs dont notre économie ne peut se passer et les quartiers populaires regorgent de potentiels et de forces vives qui constituent le vivier des compétences et des élites de la France de demain. Rappelant la déclaration du président de la République selon laquelle "un pays qui recrute ses élites dans 10 % de la population, c'est tout simplement un pays qui se prive de 90 % de son intelligence », Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, a souhaité que l'on sorte d'une logique d'assistanat et que l'on donne aux jeunes des outils pour les aider à prendre leur place dans la société, à s'émanciper et à construire leur avenir. L'éducation, la formation et le travail sont les étapes nécessaires de cette réussite. Un jeune doit soit étudier, soit travailler : c'est le fondement de son travail gouvernemental qu'elle a autrefois qualifié de « plan anti-glandouille ». Grâce aux actions menées, en janvier 2009, près de 420 000 jeunes sont ainsi en contrat d'apprentissage et 180 000 en contrat de professionnalisation, les taux d'insertion dans l'emploi après un contrat en alternance étant plutôt satisfaisants.

Elle a ensuite dessiné les grandes lignes de la dynamique « espoir banlieues » qui est au coeur de son action gouvernementale.

La politique de la ville, qui est par essence interministérielle, partenariale et contractuelle, en est l'un des axes majeurs. Elle se décline de la manière suivante :

- chaque ministre doit rendre des comptes tous les trimestres sur l'avancement de ses programmes triennaux en faveur des quartiers dans le cadre du comité interministériel des villes ;

- parce qu'on ne peut laisser l'entière responsabilité des « quartiers chocs » à l'Etat, alors que les quartiers « chics » seraient l'apanage des élus, les réformes de la péréquation et de la géographie prioritaire sont en cours. Il s'agit de donner davantage aux zones qui en ont réellement besoin ;

- la nouvelle génération des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) sera élaborée dans cette perspective, avec des dispositifs qui devront être conçus en partenariat avec tous les services de l'Etat et les collectivités territoriales autour des zones urbaines sensibles (ZUS) rénovées ;

- la rénovation urbaine a été placée au coeur du plan de relance, en tant qu'instrument efficace de dynamisation économique des quartiers et de création d'emploi à travers les clauses d'insertion qui bénéficient aux publics les plus en difficulté vivant à proximité des chantiers de rénovation.

La dynamique « espoir banlieues » se développe aussi dans le domaine de l'emploi :

- des guichets uniques d'accompagnement et des prêts à taux zéro en faveur de la création d'entreprise ont été créés ;

- le contrat d'autonomie propose un accompagnement renforcé et personnalisé des jeunes des quartiers prioritaires vers l'emploi, la formation ou la création d'entreprise : 6 507 jeunes ont à ce jour signé un contrat et l'objectif de 45 000 contrats d'ici à fin 2011 devrait être tenu ;

- dans le cadre de l'engagement national des entreprises pour l'emploi des jeunes, 86 entreprises et fédérations professionnelles se sont déjà engagées à recruter des jeunes de moins de 26 ans issus des quartiers prioritaires. En 2008, 11 500 jeunes ont déjà signé un contrat à durée indéterminée ou un contrat à durée déterminée (CDD) et 3 600 jeunes ont décroché un stage ou un contrat d'alternance. Les entreprises signataires prévoient d'ores et déjà la création de plus de 40 000 emplois durables d'ici à 2010 ;

- plus spécifiquement en direction des jeunes des quartiers, ont été décidées la création de 380 000 contrats aidés, la mise en place du revenu de solidarité active, la généralisation du contrat civique pour les jeunes de 18 à 25 ans et l'extension du contrat de transition professionnelle. Une réflexion complémentaire doit porter sur la pertinence d'un contrat aidé unique afin d'éviter l'empilement des mesures. Ce contrat constituerait une réponse simple fondée sur le critère des territoires en difficulté et des situations individuelles de chômage ;

- une action spécifique est menée en direction des jeunes femmes, qui sont souvent victimes de comportements archaïques intolérables, lesquels traduisent l'affaiblissement du projet républicain. Un appel à projets a été lancé, doté de 30 millions d'euros, auprès des associations et des maires pour favoriser les modes de gardes d'enfants innovants et l'emploi des femmes des quartiers populaires ;

- dans le cadre du plan de relance, un partenariat a été développé avec Mmes Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la famille, et Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, pour orienter les jeunes des quartiers vers les métiers de services à la personne.

Enfin, Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, a développé l'un des piliers centraux de la dynamique « espoir banlieues », à savoir l'éducation :

- pour l'année scolaire 2007-2008, le programme de réussite éducative qui mobilise une enveloppe de 90 millions d'euros sur les crédits de la politique de la ville, a permis d'aider individuellement plus de 130 000 enfants et jeunes des quartiers populaires. Des actions de soutien scolaire pendant les vacances ont été mises en place dans 200 lycées généraux, technologiques et professionnels depuis août 2008. Les internats d'excellence ont déjà accueilli 1 250 jeunes issus des quartiers populaires qui bénéficient d'un accompagnement éducatif renforcé ;

- afin d'atteindre l'objectif fixé par le président de la République de 30 % d'élèves boursiers en classes préparatoires et d'accroître les chances de réussite scolaire des collégiens et lycéens issus de milieux modestes, sera prochainement lancé un plan national sur les internats d'excellence. L'objectif est d'accueillir 2 500 jeunes à la rentrée 2009 et 4 000 à celle de 2011 ;

- les 100 premières « Cordées de la réussite » ont été lancées avec Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en 2008, et 20 nouvelles cordées seront labellisées en 2009. Elles permettent d'accompagner les lycéens des quartiers prioritaires à l'enseignement supérieur d'excellence (grande école, université ou classe préparatoire aux grandes écoles) par des actions de tutorat ;

- afin d'accompagner l'entrée dans le monde professionnel, un travail doit être mené sur une meilleure orientation des élèves, et ce dès le plus jeune âge. Des banques de stages ont déjà été mises en place dans 14 académies pour aider les élèves à trouver un stage. Elles seront généralisées à la rentrée 2009-2010 ;

- le contrat de professionnalisation, l'apprentissage et la formation en alternance sont des solutions à développer. Le président de la République s'est engagé à développer l'alternance, qui est l'une des clés de l'insertion professionnelle, en doublant d'ici à 2010 le nombre de jeunes en formation en alternance ;

- dans la politique de lutte contre le décrochage scolaire et parce qu'il est insupportable que 150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans aucune qualification ni diplôme, des voies de « deuxième chance » ont été développées. En 2008, les centres « Défense deuxième chance » de l'EPIDe - l'Etablissement public d'insertion de la Défense - dont la secrétaire d'Etat a la tutelle, avec les ministres de la défense et de l'emploi, ont accueilli plus de 2 000 jeunes volontaires, âgés de 18 à 22 ans sans qualification ni emploi et en risque de marginalisation, dont 30 % issus des quartiers prioritaires.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, s'est engagée à ce que le taux de 50 % soit atteint d'ici à 2011. Les écoles de la deuxième chance ont, quant à elles, accueilli plus de 4 700 jeunes sans diplôme ni qualification dans 43 sites-écoles situés dans 25 départements. Plus de 50 % de ces jeunes proviennent des quartiers populaires. En 2009, l'objectif de 6 000 élèves a été fixé, qui sera atteint grâce à la création de 20 à 25 sites-écoles supplémentaires répartis dans 40 départements et 18 régions. En 2009, une commission sera mise en place pour examiner comment les dispositifs de deuxième chance peuvent être davantage articulés aux bassins d'emploi ;

- au début de l'année 2009, dans chacun des 215 quartiers prioritaires une instance locale de lutte contre le décrochage scolaire a été créée, pilotée par le préfet et l'inspection d'académie, avec la participation des délégués du préfet. Ces conventions permettent la mise en place d'un tutorat ou parrainage social pour accompagner individuellement chaque jeune décrocheur ;

- des actions de sensibilisation sont également menées : portail Internet et journée nationale sur la prévention et la lutte contre le décrochage scolaire. Un bilan d'étape du dispositif local de prévention du décrochage et d'accompagnement des jeunes décrocheurs doit paraître en juillet 2009 ;

- dans le même esprit, 5 000 postes de médiateurs de réussite scolaire ont été créés au mois de mars 2009 dans les collèges et lycées en partenariat avec l'éducation nationale dans le cadre des contrats aidés. Leur rôle est de lutter contre les premiers signes d'absentéisme dès la classe de sixième en tissant du lien avec les familles et les établissements scolaires pour anticiper le décrochage.

Un débat s'est ensuite engagé.

Après avoir souligné que les élus locaux sont bien conscients des problématiques d'insertion dans les quartiers défavorisés, M. Christian Demuynck, rapporteur, a interrogé la secrétaire d'Etat sur les points suivants :

- l'intérêt de pérenniser, voire de renforcer, les contrats urbains de cohésion sociale qui contiennent plusieurs dispositifs spécifiquement dédiés aux jeunes des quartiers ayant démontré leur efficacité, comme « Ville, vie, vacances » ou les ateliers « Santé ville » ;

- les modalités de mise en oeuvre du contrat d'autonomie, lequel n'a pour l'instant connu qu'un succès relatif : alors qu'un objectif de 4 500 contrats en un an avait été fixé, seuls 3 500 ont été signés ;

- l'opportunité du financement d'une seconde vague d'emplois jeunes, qui pourraient être proposés dans les collectivités territoriales avec une formation obligatoire en parallèle ;

- le choix à opérer entre des mesures contraignantes de « discrimination positive » (fixation de quotas) ou des mesures plus incitatives (charte, diffusion des bonnes pratiques,...) pour favoriser l'embauche des jeunes les plus en difficulté ;

- l'idée de supprimer les stages pour les jeunes en recherche d'emploi ;

- et enfin, la question de l'allocation d'autonomie.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, a répondu à ces questions de la manière suivante :

- les CUCS seront renouvelés, mais dans le cadre d'une nouvelle contractualisation associant davantage les habitants des quartiers concernés ainsi que les services de l'éducation nationale. En outre, la durée des nouveaux contrats sera de 5 ans. Plus largement, une révision de la géographie prioritaire est en cours afin que les territoires qui bénéficient le plus des dotations complémentaires soient ceux qui en ont le plus besoin ;

- si la politique des contrats d'autonomie a démarré assez lentement, le rythme de leur signature est aujourd'hui satisfaisant et l'objectif de 45 000 contrats en 2011 est maintenu. Ce contrat répond à des besoins précis, notamment pour les 80 000 jeunes qui échappent au maillage social ;

- les contrats aidés peuvent être une solution pour sortir un certain nombre de personnes des statistiques du chômage mais posent des problèmes à moyen terme de sortie du système. L'augmentation du nombre d'emplois aidés doit donc aller de pair avec l'acquisition de compétences exploitables dans le secteur marchand ;

- la discrimination positive comporte des risques, tout discours qui tend à privilégier des catégories de population selon des critères ethniques menaçant dangereusement le projet républicain. Le vrai débat réside dans la réduction des inégalités sociales qui sont encore criantes et non dans la promotion de la diversité pour la diversité, qui est un leurre. Le véritable défi de notre société est de permettre la promotion des enfants d'ouvriers dans les entreprises ainsi qu'en politique, ce qui entraînera automatiquement une plus grande diversité dans la société. C'est la raison pour laquelle il apparaît préférable de soutenir plutôt, dans le monde de l'entreprise, les mesures incitatives qui permettent d'accompagner un changement des mentalités (Tour de France en faveur de la Charte de la diversité), ou des mesures plus contraignantes qui ne sont pas fondées sur une approche ethnique, comme le label « diversité » qui permet de mesurer les progrès de l'entreprise en faveur de toutes les formes de diversité (sexe, âge, handicap). Sur la question de la mesure de la diversité, le critère ZUS semble suffisant ;

- les stages sont un excellent moyen d'apprendre le code de l'entreprise mais il existe des abus et leur encadrement doit être mieux adapté ;

- la mise en place d'un contrat d'autonomie ne doit pas entraîner un renforcement de l'assistanat et exigerait la définition d'une contrepartie directe : par exemple, lorsque les conseils généraux payaient les études de certains jeunes, ces derniers s'engageaient ensuite à travailler pour ces conseils généraux pendant un certain temps.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, a ensuite insisté sur deux dispositions qui lui semblent particulièrement pertinentes dans la mesure où elles symbolisent la présence de l'Etat dans les quartiers populaires :

- le programme des « cadets de la République », qui permet à des jeunes non-bacheliers de se préparer pendant un an au concours de gardien de la paix, relève d'un idéal républicain émancipateur ;

- la mise en place des délégués de l'Etat dans les quartiers marque l'engagement de l'Etat d'adapter la politique de la ville aux besoins du terrain.

Prenant acte du diagnostic sans concession établi par la secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville et de l'inefficacité de l'ensemble des dispositifs d'insertion professionnelle destinés aux jeunes, M. Jean-Claude Etienne a relevé que les mesures envisagées étaient destinées à une population sur laquelle pesait déjà un certain déterminisme social et scolaire et il s'est interrogé sur l'absence de prise en compte du rôle de l'école primaire alors que « l'imprimatur » culturel dès le plus jeune âge s'avère déterminant.

Evoquant l'introduction de la donne informatique associée à une nouvelle impulsion éducative et socio-culturelle conduite par le ministre de l'éducation nationale en faveur de l'enseignement primaire, il a souhaité savoir si une telle entreprise n'était pas l'occasion d'envisager une nouvelle approche éducative à destination des jeunes enfants des quartiers les plus en difficulté. Il a ainsi considéré que le secrétariat d'Etat chargé de la politique de la ville pourrait participer à cette impulsion qui est de nature à révéler le potentiel de ces populations.

M. Martial Bourquin s'est interrogé sur le découpage géographique des quartiers sensibles. Tout en notant que les quartiers faisant l'objet d'une convention de rénovation urbaine ont bénéficié de financements importants, il a souligné que les quartiers qui ne relevaient pas de ces zones prioritaires connaissaient actuellement une situation délicate, car ils n'étaient notamment pas éligibles aux crédits destinés à la rénovation de l'habitat. Il a attiré l'attention de la secrétaire d'Etat sur les conséquences collatérales de certaines décisions.

Après avoir rappelé qu'avant la crise économique actuelle, déjà deux contrats de travail sur trois étaient précaires et qu'on assistait depuis plusieurs mois à une réduction massive du nombre d'intérimaires, il a considéré que la lutte contre toute forme de précarité devait être prioritaire.

Relevant que les salariés intérimaires disposaient de droits extrêmement réduits au terme de leur contrat, même si celui-ci était d'une relativement longue durée, il a souhaité que le contrat de transition professionnelle (CTP) puisse leur être proposé.

Il a souligné que la situation de l'emploi s'était fortement dégradée dans les quartiers sensibles depuis la crise économique et il a appelé de ses voeux un plan d'urgence en faveur de ces quartiers, prenant exemple sur celui en faveur des banques mis en place par le Gouvernement.

Mme Christiane Demontès a fait remarquer que l'école était parfois le dernier service public présent dans les quartiers populaires.

Après avoir constaté que les évaluations nationales réalisées en CM2 montraient une forte corrélation entre le lieu de vie et les résultats scolaires, elle s'est interrogée sur le devenir de l'école publique dans ces quartiers.

Elle a déploré que la suppression de la carte scolaire tende à exclure davantage les enfants en grande difficulté scolaire ou sociale. Elle s'est interrogée également sur la place à accorder aux parents pour qu'ils se sentent habilités à s'occuper de l'éducation de leurs enfants.

Enfin, Mme Christiane Demontès a estimé que la discrimination à l'emploi des jeunes issus des quartiers défavorisés était plus forte pour les diplômés que pour ceux sans qualification. Elle a attiré l'attention sur la nécessité de mettre en oeuvre des mesures fortes permettant une insertion professionnelle rapide afin que ces jeunes contribuent à valoriser la réussite scolaire au sein de leur quartier.

Après avoir qualifié de saupoudrage, et même d'abandon pour quelques quartiers, les trente années passées de politique de la ville, Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, a appelé à une mobilisation de tous les acteurs, non seulement au niveau de l'Etat mais aussi du monde de l'entreprise. L'embauche des jeunes des quartiers populaires, quelle que soit leur origine, doit demeurer une priorité pour les deux prochaines années.

Elle a soutenu les différents propos sur le rôle essentiel joué par l'école, tout en estimant que la politique de la ville ne devait pas être instrumentalisée. A titre d'exemple, elle a cité la mise en place dans les zones d'éducation prioritaire du soutien scolaire généralisé, afin qu'il bénéficie aux enfants en difficulté qui ne peuvent avoir accès aux formules payantes de remise à niveau.

Elle a reconnu que des réticences de nature idéologique tendaient à freiner le développement de certaines initiatives, ainsi qu'elles sont apparues lors de la mise en place d'un projet expérimental permettant d'utiliser les infrastructures scolaires pour proposer des cours d'alphabétisation à destination des mères de famille des quartiers sensibles. Elle a considéré que l'apprentissage de la langue et la maîtrise des fondamentaux contribuaient à la transmission des valeurs de la République au sein de la famille et à la restauration de l'autorité parentale.

Elle s'est prononcée en faveur d'une adéquation entre territoires et intervention des politiques publiques, précisant ainsi que la reconduction du contrat urbain de cohésion sociale pour une année avait pour objectif d'en consolider son efficacité et sa pertinence, notamment en termes de géographie territoriale.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, a souligné l'ancienneté du débat sur la permanence du phénomène de la précarité, le taux de chômage dans les quartiers populaires étant depuis toujours supérieur au pourcentage national.

Elle s'est félicitée de la création de l'Agence nationale de rénovation urbaine, à l'initiative du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui tend à donner de la visibilité à la politique de la ville dans les quartiers les plus en difficulté.

Elle n'a formulé aucune objection à l'extension aux salariés intérimaires du contrat de transition professionnelle sous certaines conditions.

Elle s'est déclarée également favorable à la mise en place d'une politique qui permette dès le plus jeune âge de construire des parcours scolaires sécurisés, sur la base de dispositifs publics contractuels.

Elle a fait remarquer que les 150 000 jeunes sortant du système scolaire sans qualification sont majoritairement issus des quartiers difficiles et qu'une partie d'entre eux basculait dans la délinquance. A ce titre, elle s'est déclarée très attachée aux dispositifs de type « deuxième chance », qui offrent sur la base d'une formation qualifiante la possibilité de construire un véritable projet personnel.

Elle a fait observer que la dynamique « espoir banlieues » traduisait une volonté au plus haut niveau de l'Etat en faveur de ces quartiers, tout en relevant son insuffisance compte tenu des difficultés économiques. Elle a indiqué que dans le cadre du plan de relance, la proposition que l'ANRU devienne un outil de relance économique dans les banlieues a été retenue, contribuant ainsi à la politique de l'emploi dans les banlieues. Les 100 000 contrats aidés doivent également bénéficier aux jeunes des quartiers populaires.

Abordant les problématiques liées à la mise en oeuvre de politiques globales, elle a regretté leur inadaptation aux spécificités territoriales ou sociales, et elle a notamment plaidé pour l'instauration d'un critère « zone urbaine sensible » dans les politiques conduites en faveur des jeunes.

Elle a précisé que le secrétariat d'Etat chargé de la politique de la ville avait participé à l'élaboration du « plan d'urgence pour les jeunes » qui doit être présenté prochainement par le président de la République.

Rappelant son attachement à une culture de l'évaluation, elle a indiqué qu'à l'occasion du conseil interministériel à la ville qui se tient tous les trimestres, sous la responsabilité du Premier ministre, était établi un bilan des programmes en faveur des quartiers, qui fait l'objet d'une notation. Elle a ainsi crédité le dernier bilan d'une note de onze sur vingt, qui reflète l'existence de résultats concrets sur le terrain mais qui nécessitent d'être amplifiés. Le rapport de l'observatoire national des zones urbaines sensibles confirme cette tendance et montre que les écarts tendent à se réduire, notamment sur le plan scolaire.

Elle a confirmé son attachement aux programmes de réussite éducative et à leur reconduction au regard de leurs résultats positifs.

Elle a estimé que la suppression de la carte scolaire conduisait à « assigner à résidence » certaines catégories de la population. Elle a rappelé qu'il existait une palette d'outils mis à la disposition des maires pour organiser volontairement la mixité sociale.

Enfin, elle a attiré l'attention sur le fait que la jeunesse de notre pays se situe majoritairement dans les quartiers populaires, les politiques mises en place devant ainsi s'appliquer en priorité dans les zones urbaines sensibles.

Après avoir évoqué les problèmes de discrimination intrafamiliale liée à la culture patriarcale dans les quartiers populaires, Mme Virginie Klès a souhaité que la secrétaire d'Etat donne des précisions sur la politique en faveur des centres deuxième chance, notamment sur la signature du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec l'EPIDe, et sur l'opportunité d'étendre la compétence de ces centres aux jeunes de 14 à 18 ans.

Ayant souligné l'ambiguïté du terme « quartier », M. Jacques Legendre s'est inquiété que la refonte de la géographie prioritaire laisse de côté des quartiers populaires de villes moyennes confrontés à des difficultés sociales majeures.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, a répondu à ces questions de la manière suivante :

- la révision de la géographie prioritaire devrait permettre que les quartiers les plus en difficulté, dont les caractéristiques auront été précisément étudiées, bénéficient d'un soutien, qu'ils soient dans des villes moyennes ou grandes ;

- le développement des centres « Défense deuxième chance » est une priorité du Gouvernement, comme le prouve la publication du décret du 24 février 2009 qui permet le financement desdits centres par la taxe d'apprentissage et la mise en place d'une dotation de 26 millions d'euros en faveur de l'EPIDe dans les crédits de la politique de la ville. Toutefois, le déploiement de ces centres doit être harmonieux : ils doivent ainsi être placés à proximité des bassins d'emplois et se consacrer à un public âgé de plus de 18 ans, l'école de la « première chance » devant rester la priorité pour les moins de 16 ans. Une commission de labellisation des écoles sera au demeurant mise en place très prochainement afin de garantir la qualité de la formation conformément à la charte du réseau des E2C.