Mardi 28 avril 2009

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Audition de M. Jean-Luc Hees, candidat proposé à la nomination à la présidence de la société Radio France

En application du dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution, de la loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, et de l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Luc Hees, candidat proposé à la nomination à la présidence de la société Radio France.

Après avoir présenté le nouveau processus de désignation des présidents des sociétés nationales de programme, M. Jacques Legendre, président, a souhaité que M. Jean-Luc Hees, candidat proposé par le Président de la République pour assurer la présidence du groupe Radio France, présente dans un premier temps son projet général pour la société radiophonique.

Soulignant que Radio France est un service public qui appartient à tous les Français, M. Jean-Luc Hees a estimé tout d'abord parfaitement légitime que le candidat à sa présidence doive se présenter devant les représentants de la Nation. Il s'est par conséquent abstenu de délivrer tout commentaire aux médias avant d'être auditionné par les commissions des affaires culturelles des deux assemblées. Il a tenu en outre à souligner qu'il ne connaissait pas personnellement le chef de l'Etat et que, en tant que journaliste indépendant soucieux de l'éthique, il n'avait jamais révélé publiquement ses opinions politiques lesquelles n'ont pas été prises en considération pour sa nomination. Le choix de l'exécutif est lié à la volonté de nommer un journaliste ayant une expérience de la radio à la tête de Radio France.

M. Jean-Luc Hees a ensuite fait part de sa conception de la radio de service public. En tant qu'institution républicaine, elle doit délivrer une information complète, sérieuse, pluraliste et de qualité. La spécificité du service public réside dans un attachement à ces valeurs qui représentent au demeurant un atout compétitif pour le groupe Radio France.

Il a enfin souhaité développer quatre points relatifs aux antennes de Radio France, aux relations sociales, à la réhabilitation de la Maison de Radio France et aux nouvelles technologies :

- avec douze millions d'auditeurs, sept chaînes et quatre formations musicales, Radio France est le premier groupe radiophonique français. L'audience de France Inter ayant baissé de 11,8 à 10,2 points d'audience depuis 2003, la programmation doit probablement être renouvelée de manière progressive, afin de respecter les habitudes de ses « auditeurs fusionnels ». France Info et France Bleu sont des modèles respectifs de radio d'information et de radio ancrée dans la vie locale, France Bleu devant disposer d'une meilleure couverture afin de satisfaire les publics des zones peu urbanisées. L'exigence intellectuelle de France Culture en fait un exemple parfait de la spécificité du service public. France Musique dispose d'un atout unique avec les formations musicales de Radio France, qui doivent être encore davantage exposées. Enfin, le Mouv répond bien au souci de répondre à l'érosion de l'audience jeune du groupe, mais ne doit pas devenir un ghetto jeune : elle doit s'adresser à tous les publics avec des contenus innovants dans les domaines culturels et politiques. FIP, enfin, doit constituer une priorité, sa diffusion devant être étendue notamment grâce aux nouvelles technologies ;

- avec 4 500 salariés, la masse salariale de Radio France représente 60 % du budget de l'entreprise. La dissolution de l'association des employeurs de l'audiovisuel public, liée au retrait de France Télévisions devenue entreprise unique depuis la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, impose de renégocier les conventions collectives de l'audiovisuel public qui datent de 1984. La nouvelle convention devra constituer un cadre adapté aux nouveaux métiers apparus depuis une vingtaine d'années ;

- la réhabilitation de la Maison de Radio France constitue un enjeu important tant pour les personnels que pour les finances de l'Etat. Les travaux, dont le coût estimé à 420 millions d'euros dépasse les prévisions du contrat d'objectifs et de moyens négocié avec l'Etat, seront l'un des sujets de préoccupation majeurs du prochain président ;

- la diffusion numérique est entrée dans les moeurs et la radio numérique terrestre sera à moyen terme le principal mode de diffusion des programmes radiophoniques, de même qu'Internet, sur lequel un tiers des Européens écoutent déjà la radio. M. Jean-Luc Hees s'est félicité, à cet égard, que le groupe Radio France se soit en partie adapté à cette évolution en mettant à disposition des internautes près de 80 millions de podcasts par an. Néanmoins, les modèles se transforment rapidement, comme le montre l'expérience du système Pandora aux Etats-Unis d'Amérique, et Radio France devra être attentive à l'originalité et à la pertinence de sa diffusion sur Internet.

Après avoir regretté que les modalités de nomination des présidents de sociétés nationales de programme ne laissent que peu d'options aux groupes d'opposition, et déploré que la procédure de révocation n'ait pas été davantage encadrée, M. Serge Lagauche a demandé à M. Jean-Luc Hees s'il éprouvait de l'appréhension au sujet du sort qui lui serait réservé par les commissions des affaires culturelles.

M. Jean-Luc Hees a fait part de l'angoisse bien naturelle qu'il éprouvait, liée à la procédure de nomination, mais s'est aussi déclaré honoré de défendre son projet devant les représentants de la Nation.

Après avoir à son tour également regretté que le mode de désignation des présidents des sociétés de l'audiovisuel public ne soit pas équilibré par un encadrement de la révocation, M. Ivan Renar a souhaité savoir si M. Jean-Luc Hees, artisan d'une « insolence tranquille » lorsqu'il dirigeait France Inter, pensait que l'impertinence était utile à notre démocratie. Celui-ci a répondu qu'il défendait surtout un principe de liberté contre les pressions venues de l'extérieur et que la qualité des émissions de divertissement relevait davantage d'un mélange d'humour et d'intelligence que de l'impertinence. Le service public doit s'attacher à fixer des limites claires à la liberté d'expression qui sont celles de la diffamation, du mensonge et de l'injure.

M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel, rappelant que le contrat d'objectifs et de moyens de Radio France venait à échéance en 2009, a souhaité connaître les inflexions que le candidat envisageait de proposer, s'il estimait que le niveau du financement était pertinent et quels seraient les choix à effectuer au cas où des économies seraient demandées. Il a ensuite insisté sur la nécessaire extension du réseau de France Bleu et sur l'importance de ses antennes locales. Enfin, il a souhaité connaître l'avis du candidat sur l'intérêt de faire jouer les orchestres de Radio France sur l'ensemble du territoire.

Soulignant la qualité exceptionnelle des orchestres de Radio France, M. Jean-Luc Hees s'est déclaré très favorable à l'organisation de concerts en province et plus largement à la démocratisation du public de la musique classique, en imaginant que, les mercredis après-midi, un public scolaire puisse venir en masse assister aux répétitions des orchestres à Radio France. Il a ensuite refusé de s'exprimer sur le contrat d'objectifs et de moyens du groupe en indiquant qu'il n'avait pas connaissance des négociations afférentes. Enfin, il a reconnu que la nécessaire amélioration de la couverture de France Bleu se heurterait probablement aux impératifs budgétaires qui lui seraient fixés.

Remarquant que France Bleu est à Radio France ce que France 3 est à France Télévisions, Mme Catherine Morin-Desailly a demandé au candidat s'il jugeait que la part des programmes locaux dans la grille de France Bleu était suffisante, s'il avait une idée pour définir un indicateur spécifique permettant de mesurer la qualité du service public rendu par les programmes de Radio France, et si la perte du monopole de la mobilité pour la radio mettait en question l'existence de ce média à moyen ou long terme.

S'agissant de France Bleu, M. Jean-Luc Hees a considéré que les initiatives régionales devaient probablement être davantage libérées et que les parts d'audience, en stagnation depuis une dizaine d'années, pouvaient être augmentées. Il a ensuite considéré que la meilleure évaluation était selon lui « l'oreille qualitative » des patrons d'antenne et que des outils plus objectifs lui sembleraient peu efficaces. La convergence médiatique est enfin une opportunité qui, loin de menacer la radio, va au contraire lui donner les moyens d'enrichir et d'améliorer sa programmation.

Notant que le prochain président de Radio France arriverait dans un contexte spécifique marqué par la crise et par un décalage croissant entre la société et le monde politique, M. Yves Dauge a souhaité connaître les voies qui permettraient aux médias, notamment radiophoniques, d'apporter certaines réponses à ces difficultés. Il a également demandé au candidat si les groupes Radio France et France Télévisions pouvaient définir des visions et stratégies communes et si des synergies étaient susceptibles d'être dégagées. Enfin, signalant que 61 % des Français ne connaissaient pas la date des élections européennes, il a demandé si les médias pouvaient avoir un rôle pédagogique sur la question de l'Europe.

Estimant que la radio de service public doit avoir une mission démocratique, M. Jean-Luc Hees a insisté sur le fait que Radio France devait accompagner les Français, non seulement à travers sa programmation, mais aussi par la mise en place de services dans les régions, grâce au maillage local de France Bleu. Si le démantèlement de l'Office de radiodiffusion télévision française (ORTF) et la différenciation des activités de télévisions et de radio ont eu un impact bénéfique à la fois pour France Télévisions et Radio France, la définition de partenariats ponctuels, comme par exemple pour les Victoires de la Musique, est une voie de développement extrêmement pertinente pour les deux groupes. Dans la mesure où la question de l'intérêt du public pour les questions européennes est un « serpent de mer médiatique », il a estimé qu'une approche novatrice passant par une médiatisation des personnalités des autres pays européens serait plus pertinente.

M. Jack Ralite a souligné qu'une des fonctions essentielles de la presse, de la radio et la télévision consistait à structurer un espace public pluraliste et dynamique au sein duquel les citoyens devaient pouvoir se reconnaître afin de débattre dans des conditions d'égalité. S'il a salué les compétences de M. Jean-Luc Hees, fruits d'une longue et brillante expérience de la radio en tant que journaliste, il a déploré une procédure de nomination pour laquelle le rôle du Parlement se résume à « adouber » le candidat sélectionné par l'exécutif. Enfin, il a encouragé la future direction de Radio France à observer, dans la perspective de prochaines négociations collectives, les principes posés par les lois dites « Auroux » de 1982 en matière de relations sociales et de représentativité des personnels au sein des organes dirigeants.

M. Jean-Luc Hees a déclaré faire sienne la philosophie de M. Jacques Rigaud, ancien président-directeur général d'une station de radio, selon laquelle « une belle radio est celle d'un honnête homme » : il s'est ainsi engagé à développer un service public de la radio susceptible de délivrer à des citoyens curieux et avides de sens une information complète et diversifiée.

M. Jean-Jacques Lozach a dénoncé l'aspect surréaliste et artificiel de la procédure de nomination. Il a ensuite interrogé le candidat sur les enseignements qu'il retenait de son parcours de journaliste effectué pour une grande part aux Etats-Unis, notamment en matière de traitement de l'information. Enfin, il a rappelé que les élus locaux demeuraient profondément attachés au maillage déconcentré de Radio France : il a dès lors souhaité savoir si le candidat était disposé à ce que la future direction fasse du renforcement et de la consolidation de la dimension locale de Radio France une priorité des négociations du prochain contrat d'objectifs et de moyens liant la station à l'Etat.

Convaincu qu'une radio locale doit s'efforcer de rester au plus près des préoccupations spécifiques de son audience, M. Jean-Luc Hees a estimé que France Bleu devait s'employer à renforcer le lien de proximité de ses antennes locales avec leurs publics, en prenant mieux en compte leurs attentes, le cas échéant en repensant les horaires de diffusion de certaines émissions ou en réexaminant leur programmation musicale.

Il a ensuite indiqué que son expérience de journaliste aux Etats-Unis lui avait permis de constater que les défauts propres à la culture américaine du « mass media » étaient contrebalancés par l'engagement éthique exceptionnel des journalistes américains, bien que celui-ci ait été profondément remis en cause à l'occasion de la couverture médiatique de l'intervention américaine en Irak.

M. Jean-Pierre Bel a regretté que le caractère artificiel et biaisé de la procédure de nomination par l'exécutif ne permette pas au candidat de défendre efficacement son projet. Il a ensuite souhaité savoir si les entretiens du candidat avec le Président de la République avaient également porté sur la présidence de France Inter et l'identité de son futur titulaire.

Réaffirmant son attachement au respect de la confidentialité de ses entrevues avec le chef de l'État, M. Jean-Luc Hees a répondu qu'il n'avait jamais été question ni de contenus ni de personnes.

Mme Françoise Laborde s'est interrogée sur la marge de liberté dont disposerait la future direction de Radio France par rapport à un cahier des charges qui semble lui être imposé par avance. Elle a sollicité des précisions sur l'idée forte que le candidat souhaiterait imprimer à la gestion de la station.

M. Jean-Luc Hees a reconnu que si sa formation de journaliste ne le destinait pas a priori à assumer des fonctions de gestionnaire, son expérience à la tête de rédactions aux effectifs croissants lui avait permis de consolider ses compétences managériales. Il a souligné qu'il connaissait particulièrement bien l'entreprise pour y avoir longuement travaillé, et qu'il avait toujours entretenu des relations constructives avec l'ensemble de ses personnels, dont il a salué la vaste gamme de talents.

M. Yannick Bodin a regretté que la procédure de nomination prévue par la récente loi organique sur la nomination des présidents de l'audiovisuel public conduise les parlementaires non pas à se prononcer sur les compétences des candidats mais à se déterminer par rapport à un choix dont l'exécutif conserve au final la pleine maîtrise. Il a ensuite interrogé le candidat sur le point fort de Radio France sur lequel il pourrait compter et le point faible avec lequel il devrait composer.

M. Jean-Luc Hees a rappelé que sa démarche de candidature s'inscrivait dans une volonté de convaincre les pouvoirs publics sur le long terme, et que, à ce titre, il demeurerait en permanence comptable non seulement auprès d'organismes tels que la direction du développement des médias et le Conseil supérieur de l'audiovisuel mais également auprès des représentants de la nation, notamment quant à l'utilisation que l'entreprise fera des financements publics qui lui sont consentis.

Il a estimé que l'atout principal de Radio France résidait dans les compétences et la qualité de l'engagement éthique de ses personnels. Il a rappelé que, à la différence de la télévision publique, le service public de la radio devait produire 100 % de ses contenus en diffusion directe.

S'agissant des difficultés les plus importantes que l'entreprise devra surmonter, il a estimé que le chantier de réhabilitation constituait un défi coûteux mais majeur.

M. Jacques Legendre, président, a souhaité savoir dans quelle mesure Radio France était susceptible de coopérer avec le pôle audiovisuel extérieur de la France, notamment Radio France Internationale (RFI), en soutien à sa politique francophone. Il a également interrogé le candidat sur les perspectives de promotion des langues régionales dans le cadre de la programmation des antennes locales de France Bleu. Enfin, il a rappelé que la commission des affaires culturelles s'emploierait à exercer un contrôle étroit et régulier de la gestion des entreprises de l'audiovisuel public.

M. Jean-Luc Hees a indiqué que la coopération et des synergies entre tous les organismes audiovisuels publics devront être développées, notamment entre Radio France et RFI. A ce titre, il a relevé que, déjà actuellement, un certain nombre de journalistes de RFI en poste à l'étranger permettaient d'assurer les correspondances de Radio France. En matière de soutien à la politique francophone de la France, il a souligné que France Inter diffusait une émission spécifiquement consacrée à la littérature francophone.

Se prononçant par un vote au scrutin secret, la commission a donné un avis favorable par 20 voix « pour » sur 39 votants (19 votes blancs), à la nomination de M. Jean-Luc Hees à la présidence de Radio France.

Mercredi 29 avril 2009

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Sauvegarde et diffusion du patrimoine littéraire mondial - Audition du Professeur Saad Khoury

La commission a tout d'abord procédé à l'audition du Professeur Saad Khoury, sur son expérience en matière de sauvegarde et de diffusion du patrimoine littéraire mondial.

En introduction, M. Jacques Legendre, président, a souligné que cette audition répondait à deux préoccupations de la commission : les relations culturelles extérieures de la France et les actions à mener pour donner le goût de la lecture aux jeunes.

Le Professeur Saad Khoury a tout d'abord indiqué que cette initiative était un projet initié voici il y a deux ans par des Français d'origine libanaise qui avaient souhaité manifester leur attachement à la France et à la langue française et exprimer à notre pays leur gratitude de les avoir accueillis.

Ce projet « Romans de toujours », géré par l'Association pour la sauvegarde et la diffusion du patrimoine littéraire mondial, a pour objectif de faire aimer la lecture et la culture, de soutenir la langue française et de développer l'identité française et européenne. Il s'agit de mettre sous forme de bandes dessinées (BD) de grande qualité des oeuvres romanesques et classiques de la littérature européenne et mondiale. Ces BD sont réalisées avec la collaboration de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, les sciences et l'éducation (UNESCO), de l'Organisation internationale de la francophonie (OIT), des éditions Glénat ainsi qu'avec des associations de professeurs de français, de langues vivantes, d'histoire et de géographie. Une cinquantaine de titres ont pour l'instant été choisis, vingt-six sont en cours de publication et seize ont déjà été publiés.

Une BD de la collection « Romans de toujours » est composée, d'une part, de l'oeuvre avec un scénario très proche du texte original et, d'autre part, d'annexes culturelles qui évoquent l'auteur, son oeuvre et son contexte politique, économique et social ainsi qu'un lexique en six langues et des textes choisis. Cette BD contient également, sous forme d'un CD-rom, un livre numérique constitué du texte intégral de l'oeuvre originale mais aussi un livre audio permettant d'écouter l'oeuvre lue par un comédien.

Le Professeur Saad Khoury a observé que des études réalisées aux Etats-Unis montrent que les BD font aimer la lecture aux enfants, augmentent le nombre de lecteurs et le temps de lecture, et améliorent le vocabulaire. Les lectures « légères » conduisent à des lectures plus sérieuses.

Partant du constat de l'insuffisance du sentiment d'appartenance européenne des habitants de l'Union, le Professeur Saad Khoury a souligné que le projet « Romans de toujours » souhaite favoriser le développement de l'identité européenne. Le comité de rédaction, présidé par M. Amin Maalouf, préconise à cet effet de renforcer le multilinguisme et la connaissance mutuelle des cultures européennes ; les BD de la collection sont pour cela un instrument efficace. Elles sont représentatives de la littérature et de la culture européennes et accessibles au plus grand nombre. La langue européenne étant la traduction, cette collection peut être facilement traduite. D'ores et déjà, neuf pays de l'Union européenne sont représentés dans « Romans de toujours » : la France, le Royaume-Uni, la Grèce, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, la Pologne, le Portugal et la Suède.

Le Professeur Saad Khoury a indiqué qu'il s'agit donc de publier les BD progressivement dans les différentes langues et dans les différents pays de l'Union à un prix modéré compatible avec la diffusion la plus large. Ce projet peut être réalisé sans subvention directe en répartissant la charge de travail et les frais sur les différents acteurs, sachant qu'un soutien initial de l'Union européenne est nécessaire. Le soutien des instances européennes est souhaité pour la traduction des BD, la recherche des éditeurs dans les différents pays et la garantie concernant le risque éditeur. Cette stratégie a été un succès aux Etats-Unis.

Mme Catherine Dumas a salué l'intérêt d'une initiative qui permet aux jeunes d'accéder à la lecture sur de nouveaux supports tels que la BD ou le lecteur MP3 qui correspondent à leur mode de communication et peuvent susciter l'envie de lire. Elle a demandé si des partenariats avaient été conclus avec le ministère de l'éducation nationale pour cette opération. Elle a également souhaité savoir si les éléments figurant dans les « bulles » des bandes dessinées respectaient les textes originaux.

Le Professeur Saad Khoury lui a répondu que l'association travaille en liaison avec les ministères de l'éducation nationale et de la culture, sans que leur appui soit toujours efficace. Il est plus utile d'agir par l'intermédiaire des associations de professeurs. Quant aux scénaristes, ils s'efforcent d'utiliser le texte original de l'auteur lorsque cela est possible, ce qui n'est pas toujours le cas.

M. Jacques Legendre président, a estimé que cette initiative pourrait également contribuer à favoriser la connaissance des littératures étrangères par les jeunes Européens. Il a rappelé que dans le cadre de ses fonctions au Conseil de l'Europe, il avait présenté l'an dernier un rapport préconisant une meilleure connaissance par les jeunes Européens des littératures des pays de l'Union européenne. Le ministre de l'éducation vient d'indiquer que des modifications pourraient être apportées aux programmes scolaires à cet effet.

Mme Françoise Laborde, saluant la qualité de ce nouvel outil, a estimé qu'il pourrait être mis à la disposition des enseignants chargés des heures de soutien scolaire.

M. Ambroise Dupont a fait part de son intérêt pour cette démarche éducative qui devrait connaître un grand succès auprès des jeunes enfants et favoriser la lecture par un accès ludique. Il a souhaité savoir comment le Sénat pourrait soutenir l'association.

Mme Marie-Christine Blandin s'est félicitée de cette présentation en commission d'une initiative de terrain très séduisante, tout en souhaitant la publication de titres reflétant mieux la diversité culturelle de la littérature, citant à cet égard l'exemple de M. Amin Malouf.

M. Jack Ralite a suggéré au Professeur Saad Khoury de se rapprocher de l'association ATD Quart-Monde qui développe des actions dans le domaine culturel.

M. Claude Domeizel a, à son tour, approuvé ce projet porteur d'espoir pour la jeunesse.

Mme Catherine Dumas a indiqué qu'elle organisait à Paris une opération d'échanges de livres, chaque participant offrant un ouvrage repartant avec un autre, et a souhaité acquérir des titres de la collection pour en assurer la diffusion.

En réponse aux intervenants, le Professeur Saad Khoury a apporté les précisions suivantes :

- vingt-six titres seulement ont été publiés sur cinquante prévus, et il est bien entendu prévu d'élargir le champ des ouvrages à des genres littéraires illustrant la diversité culturelle ;

- l'aide recherchée ne consiste en aucun cas en une demande de subvention ; le Sénat pourrait aider l'association dans ses démarches auprès des institutions communautaires afin de faire connaître le projet aux responsables européens.

En conclusion, M. Jacques Legendre, président, a invité les membres de la commission appartenant à la commission des affaires européennes à soutenir ce projet auprès de cette dernière, afin de le présenter dans les meilleures conditions aux autorités de Bruxelles.

Audition de M. Marin Karmitz, délégué général du Conseil de la création artistique

La commission a procédé, ensuite, à l'audition de M. Marin Karmitz, délégué général du Conseil de la création artistique.

M. Marin Karmitz a rappelé que l'ensemble des secteurs de la culture et de la création subissaient, depuis la fin des années 1990, de considérables bouleversements liés, notamment, à la mondialisation des échanges et à la révolution numérique. Ce phénomène, qui concerne tous les pays, a des conséquences préjudiciables en termes de pluralisme et de diversité. Tel est le cas, en particulier, dans les secteurs des arts plastiques ou de la musique. Dans le domaine de l'édition, la « loi Lang » sur le prix unique du livre a permis, en France, le maintien de petits éditeurs indépendants, alors qu'ils ont le plus souvent disparu à l'étranger. Le domaine du spectacle vivant reste le moins exposé, en particulier le théâtre, en raison de l'obstacle de la langue. En revanche, les spectacles de musique, de danse ou de cirque s'exportent bien.

Relevant, dans ce contexte, un mécontentement assez généralisé, bien que difficile à cerner, des artistes et des créateurs, il a indiqué que la mission du Conseil de la création artistique était de servir de « boîte à idées » pour définir une politique culturelle prenant en compte ces grandes évolutions.

A l'issue de cette intervention, un large débat s'est engagé.

Mme Marie-Christine Blandin a confirmé que le mécontentement du milieu artistique était perceptible sur le terrain. Puis elle a demandé des précisions sur le rôle du Conseil de la création artistique, relayant les interrogations qui ont pu être exprimées sur le coût de cette nouvelle structure.

Mlle Sophie Joissains s'est interrogée sur les modes de diffusion des contenus cinématographiques. Elle a indiqué que l'intérêt d'une « boîte à idées » serait notamment de trouver des moyens ingénieux permettant d'assurer la diffusion des oeuvres auprès du public le plus large, citant plusieurs initiatives prises en ce sens dans la ville d'Aix-en-Provence dont elle est l'élue.

M. Yannick Bodin s'est demandé si la mise en place du Conseil de la création artistique était venue pallier une défaillance du ministère de la culture. Puis il a souhaité connaître l'articulation entre les deux structures et la plus-value que pourrait apporter le conseil.

M. Michel Thiollière a indiqué que toutes les idées nouvelles étaient les bienvenues dans un domaine comme celui de la création culturelle. Puis il a souligné les difficultés rencontrées par de jeunes créateurs, notamment dans le secteur des arts plastiques et du spectacle vivant, pour parvenir à atteindre un certain degré de visibilité. Relevant que nombre d'entre eux ont le sentiment que le système est « fossilisé », il a indiqué que cela posait également la question du nombre insuffisant de lieux permettant de faire émerger de jeunes créateurs.

M. Jacques Legendre, président, a rappelé son intervention, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2009, pour soutenir l'opération financière d'achat par l'Etat de la salle Pleyel. Alors que ces débats ont posé la question de l'opportunité de la construction, en parallèle, d'une nouvelle salle philharmonique à proximité de la Cité de la musique, il a souhaité connaître l'avis de l'intervenant sur ce projet. Il a regretté, enfin, qu'aucun membre de la commission des affaires culturelles n'ait été invité à l'occasion de l'installation du Conseil.

M. Serge Lagauche s'est demandé si le ministère de la culture avait toujours une utilité, du fait de l'intervention croissante des collectivités territoriales dans le domaine culturel. Il a jugé indispensable, toutefois, de mieux définir ses missions plutôt que de cantonner son action à la réponse aux besoins immédiats.

M. David Assouline a centré son propos sur les questions liées à la rémunération des créateurs, actuellement en débat dans le cadre du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet. Il a ainsi considéré que le mode de rémunération de la création en France devait être profondément modifié.

S'interrogeant sur le rôle de l'Etat en matière de lutte contre le téléchargement illégal, il a proposé la mise en place de plates-formes de téléchargement dans tous les domaines de la création, dans le cadre d'une mission de service public qui incombe à l'Etat, en recensant l'offre gratuite ou peu coûteuse actuellement disponible, afin de légaliser une pratique, en plein essor, devenue incontournable.

Il a jugé indispensable une refondation du ministère de la culture, aujourd'hui caractérisé par des rigidités excessives, surtout dans le contexte d'un monde en profonde mutation.

M. Jacques Legendre, président, a relevé que, lors du vote du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, un amendement présenté par M. Jack Ralite avait introduit une disposition sur la mise en place d'une plate-forme publique de téléchargement.

M. Yves Dauge s'est interrogé sur la dérive qui s'est produite dans le champ de la commande publique et a évoqué son affaiblissement. Il a plaidé en conséquence pour une véritable remise à niveau de la commande publique.

Préconisant la mise en oeuvre d'une politique publique ambitieuse, il a considéré que l'Etat, en relation étroite avec les régions, devait rester au centre des actions. Il a ainsi cité les opérations de prêts d'oeuvres d'art.

Face à une opinion dans son ensemble réticente à toute démarche novatrice dans le domaine de l'architecture, il a encouragé les acteurs publics à conserver une approche volontariste et ambitieuse en la matière.

S'appuyant sur l'expérience mise en oeuvre dans la ville de Créteil, M. Serge Lagauche a fait remarquer que toute politique publique en matière d'architecture nécessitait un soutien financier des collectivités territoriales.

Mme Catherine Morin-Desailly a souligné l'intérêt du Conseil pour la création artistique et l'utilité de son rôle de « boîte à idées », dès lors que ses missions sont bien articulées avec celles du ministère de la culture. Elle a demandé des précisions sur la méthodologie de travail du Conseil et sur sa « feuille de route », s'interrogeant notamment sur les contacts que le conseil entendait nouer avec l'Europe ou des institutions comme l'Observatoire des politiques culturelles.

Mme Bernadette Bourzai s'est interrogée sur la position de l'intervenant à l'égard des salles de cinéma de proximité et d'art et d'essai, ainsi que sur les conséquences de la numérisation sur ce réseau. Elle a insisté, en outre, sur l'intérêt de développer des « lieux d'itinérance », citant plusieurs initiatives mises en place par la région Limousin. Enfin, elle a voulu savoir si le Parlement pourrait assurer un contrôle sur les crédits dont disposera le Conseil de la création artistique.

Après avoir souligné le poids des groupes de pression dans le domaine de la création, M. Jack Ralite a estimé que le Conseil de la création artistique devrait servir de levier d'action, et non pas devenir un ministère « parallèle », chargé de définir une politique culturelle d'ensemble.

En réponse à ces intervenants, M. Marin Karmitz a apporté les précisions suivantes :

- composé d'une équipe de cinq personnes, le Conseil de la création artistique dispose d'une enveloppe de 200 000 euros en frais de fonctionnement ; des crédits d'investissements pourront lui être attribués pour la mise en oeuvre de projets concrets, sous le contrôle des ministères concernés, dans la limite de 10 millions d'euros ;

- la création du Conseil a été accueillie positivement par l'ensemble des représentants des différents secteurs de la création, à la seule exception du SYNDEAC (Syndicat national des directeurs d'entreprises artistiques et culturelles) ;

- le développement des dispositifs d'éducation au cinéma est une priorité ; une idée consisterait à mettre en place, en lien avec les syndicats d'enseignants, un site de vidéo à la demande (VOD) dédié à l'éducation nationale, ce qui serait peu coûteux ;

- le ministère de la culture est pris dans une gestion quotidienne très lourde, sur des sujets complexes ; le Conseil peut apporter un regard extérieur, dans un cadre informel et plus près du terrain ;

- l'existence de « goulots d'étranglement » par rapport aux lieux de diffusion constitue, dans tous les domaines, un problème central pour faire émerger de jeunes créateurs ; il est essentiel d'améliorer l'utilisation des structures existantes et d'assurer leur mise en réseau ;

- le nombre de salles de concert, d'opéra ou de danse est insuffisant et la Cité de la musique accomplit déjà un travail considérable pour accueillir des orchestres ;

- la question de l'utilité du ministère de la culture est souvent posée, alors que son rôle est important et que l'on peut être fier de son action ; il s'agit, toutefois, de mieux définir ses missions ainsi que le projet culturel qu'il porte ;

- le réseau Internet se situe au centre de la réflexion du Conseil de la création artistique, notamment dans un contexte de démocratisation de l'accès à la culture. Plusieurs propositions traduisent cette préoccupation, comme l'aide à la traduction et à la numérisation d'ouvrages dans le domaine des sciences sociales et humaines, afin de favoriser la promotion de certains éléments de la culture française sur Internet, ou l'utilisation d'Internet comme un catalogue pour diffuser auprès d'un large public à travers le monde les expositions organisées par les musées français ;

- le jugement critique de l'opinion publique à l'encontre de l'art contemporain est notamment lié au problème de l'éducation artistique à l'école. L'action conduite par la mairie de Lille en faveur de la promotion des pratiques artistiques afin de mieux faire accepter l'art contemporain par les populations est particulièrement exemplaire ;

- le service de vidéo à la demande (VOD) lancé par la société de production et de distribution cinématographique MK2 ne fonctionne que sur les micro-ordinateurs, les fournisseurs d'accès à Internet via le boîtier Internet bloquant l'accès à ce service sur les écrans de télévision ;

- le Conseil procède à des auditions afin de confronter les différents points de vue ; il n'a pas encore eu de contact avec l'Observatoire des politiques culturelles mais envisage d'en établir ; s'agissant de ses relations avec l'Europe, une mission d'étude sur les troupes théâtrales vient d'être lancée dans plusieurs pays ; par ailleurs, l'idée d'un « théâtre de l'Europe », ouvert sur les pays de la Méditerranée, serait également à approfondir ;

- l'intervention publique en faveur des salles de cinéma de proximité ou d'art et d'essai doit tenir compte de l'existence de salles privées, afin de parvenir à une gestion cohérente de l'offre sur le territoire ;

- les techniques de numérisation mises en place sont très coûteuses, alors que l'on aurait pu opter pour d'autres équipements moins lourds et moins coûteux ;

- l'existence de contrepouvoirs est primordiale, face au poids des groupes de pression notamment ; le Conseil, qui n'a que deux mois d'existence, est là pour agir et non pour se limiter à des déclarations d'intention.